dimanche, 01 novembre 2009
Les polémiques de Solko
· 01 Mais où sont les polémistes d'antan ?
· 03 L'argent du divertissement
· 04. Je ne me ferai pas vacciner
· 06 L'opinion qui n'existe pas
· 07 Vesoul forever, « ensemble et autrement »
· 13 La croisière des philosophes
· 14 La gauche épidermique de Carla
· 16 Du PSG, des ch'tis et de la conscience morale
· 17 La démocratie du spectacle
· 18 Il ne faut pas désespérer Billancourt
· 19 Edvige, Gustav, Cristina, Eloi, Ike, Ignace et moi
· 20 Assises du Roman
· 21 Entre les murs de la fiction
· 25 La fabrique du héros électoral
· 26. Un cordon ombilical dans chaque oreille
· 28 Une question qui fait sens
· 33. Sur la disparition du franc
· 35 .Ecole : la servitude au programme
01:33 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : polémiques, solko |
samedi, 31 octobre 2009
Petition pour l'Hôtel-Dieu
Une pétition est en ligne pour placer le maire de Lyon Gérard Collomb et son équipe municipale en face de leurs responsabilités dans l'affaire du devenir de l'Hôtel-Dieu. Elle est organisée par un collectif de médecins, de professeurs, d'infirmier(e)s et de responsables d’associations de santé et vient tout juste de recueillir les 1000 signatures. Ci-dessous le texte du collectif. Pour rejoindre les signataires, c'est juste à côté (bandeau déroulant sur la droite).
Pour la création d’un Centre de promotion de la santé à l’Hôtel-Dieu :
Nous proposons à l’équipe municipale et à la commission de réflexion ad hoc un projet ambitieux - mais peu coûteux - pour l’unique hôpital public du centre ville, l’Hôtel-Dieu :
Un Centre multidisciplinaire de promotion de la santé, qui aurait pour missions de renforcer le lien social, la prise en compte des plus fragiles de nos concitoyens, notamment par l’éducation pour la santé, les médiations culturelles, le droit des usagers, etc…
Ce Centre regrouperait aussi les expertises en santé publique aujourd’hui dispersées dans l’agglomération, constituant de facto la base logistique des programmes de prévention.
A côté de ce pôle de compétences axé sur la promotion de la santé, nous proposons que soit installée au sein de l’hôpital une Maison médicale de garde, pour répondre à la fois aux urgences de première ligne et aux besoins de santé des plus déshérités : l’Hôtel-Dieu, dont la facilité d’accès est exceptionnelle, renouerait ainsi avec sa vocation originelle d’accueil et de soins des plus fragiles.
Ci-dessus : Jacques Germain SOUFFLOT, qui vous remercie de votre attention.
Lire ICI un article de Lyon Libé sur le sujet (28/09)
Lire également, sur ce blog :
L'hôtel Dieu dans les flammes du pognon
Lieu planétaire et Espace universel
13:33 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : gérard collomb, hôtel-dieu, politique, actualité, société, histoire, soufflot, promotion de la santé |
vendredi, 30 octobre 2009
Rébus
En suivant du regard la piste de Michon dans les Onze, on arrive au fameux décret Lyon n’est plus.
Farce d’un pince sans rire, pour le coup …
Non pas la Route des Flandres, mais celle du Limousin : non pas le bouclier d'Achille, mais celui de Michelet.
A suivre des yeux (et du reste), évidemment...
10:29 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pierre michon, les onze, littérature, prix de l'académie française |
jeudi, 22 octobre 2009
Collomb, Perben, l'Hôtel-Dieu & moi...
« La méthode suivie par Gérard Collomb est grotesque. Un gigantesque hôtel et vaguement, une activité à caractère culturel. Que l'Hôtel-Dieu devienne, à titre principal, un hôtel avec des galeries marchandes, c'est impensable ! Collomb n'a pas le droit de le faire ! On ne peut pas nier l'Histoire de la ville à ce point-là. Je suis tout à fait décidé à empêcher que ce projet aboutisse tel qu'il est aujourd'hui envisagé. »
Cette phrase est tirée du blog de Dominique Perben, « candidat malheureux » à la mairie de Lyon. Ancien ministre, Dominique Perben est on le sait membre de l’UMP. Parti pour lequel je n’ai aucune sympathie, pas davantage d’ailleurs que je n’en ai pour le PS. Simplement je voudrais dire à Mrs Perben et Collomb que même si, sur ce dossier, il se trouve que je suis en désaccord total avec Collomb et que j’aurais pu écrire mot pour mot ce qu’a écrit Perben, je ne brigue aucun mandat, aucune responsabilité, aucune carte dans aucun de leurs partis ; j’affirme aux deux que politiser l’avenir de l’Hôtel Dieu est une imposture et une sacrée forfaiture au regard de l’Histoire. Le passé de nos monuments, leur avenir, ne sont pas des enjeux à politiser. Il serait grotesque de penser qu’il y a une posture à priori de gauche qui consisterait à soutenir le projet de Collomb, et une posture de droite qui consisterait à s’y opposer.
Je pense à tous ceux qui depuis des siècles sont nés, sont morts, ont souffert, ont accouché dans ce lieu, à tous ceux qui y ont travaillé également, à tous ceux qui l'ont payé, enfin. Je m'emplis de cette mémoire. L’Hôtel Dieu appartient à l’histoire de cette ville et à l’histoire du monde.
Il appartient au peuple des donateurs puis à celui des contribuables sans lequel il n’aurait jamais existé.
Le céder au privé relève du vol. Gérard Collomb est un voleur.
Tous les gens sensés devraient refuser la politisation du dossier, s’opposer à tout projet, de quelque bord qu'il soit, visant à soustraire à la chose publique ce qui lui appartient.
La pétition est encore en ligne, et il ne manque que quelques signatures pour que nous atteignions le chiffre symbolique de 1000.
C’est évidemment très insuffisant.
Il en manque 9000 pour que nous soyons à 10.000
Et 99 000 pour atteindre le chiffre honorable de 100 000.
POUR SIGNER, VOIR LE BANDEAU DEROULANT A GAUCHE ET SUIVRE LES INSTRUCTIONS
23:40 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gérard collomb, politique, ps, ump, dominique perben, hôtel-dieu, lyon, patrimoine, soufflot |
lundi, 19 octobre 2009
Le député tatami
Le vote Douillet est certes un épiphénomène, somme toute anecdotique au regard de « l’Histoire ». Sarkozy et ses sbires y ont déjà trouvé une occasion de le tirer du mauvais pas où l’avaient jeté et son fils à papa de président de fils, et son neveu de président de ministre. La vie dorée pour l’un, la mauvaise vie pour l’autre, deux éléments que les citoyens de base en temps de crise ont heureusement encore un peu de mal à pardonner même s’ils ont l’oubli bien facile.
Et certes, il y a eu des gens pour voter UMP derrière le vote Douillet, et venir au secours de l’autorité, comme ils disent.
D’autres, pourtant, et c’est avec ces autres qu’on fait une majorité de nos jours, ont voté non pas pour l’UMP, mais pour Douillet lui-même qui avait fait de la députation, publiquement, un challenge personnel. Ceux-là m’interrogent. M’interrogent vraiment.
De quel type de représentation le croient-ils capables ? Que signifie faire de la politique un challenge personnel ? Sans doute ces curieux électeurs auront-ils trop entendu dire à la télé que ce sportif-là représentait jadis la France aux J.O… Et sans doute la confusion entre un type de représentation symbolique et ce qu’est réellement la représentation politique a-t-elle jouée dans certains cerveaux un peu inexpérimentés.
De même, à force de jouer avec le vote, par minitel, puis par téléphone, par portable, par SMS, pour tout et n’importe quoi, on aura fini peut-être par transmettre à toute une frange d’une génération une vision du vote fort curieuse, vote pour qui te plait, vote pour le plus fort, vote pour qui te séduit…
La démocratie va mal. La société démocratique aussi.
La politique spectacle n’est plus une vue de l’esprit. C’est désormais un fait. Voilà ce que signifie le vote Douillet.
La dérision qui a gagné tous les esprits et souffle dans tous les étages de la société risque bien de nous réserver certaines gueules de bois, le PS comme l'UMP jouant sur ce terrain les mêmes cartes, celles qui consistent à tirer du bénéfice en et de toutes choses, au nom d'un pragmatisme cynique contre lequel il faudra bien qu'un jour la population se révolte pour de bon.
Au train où vont les choses, il se peut même, voyez-vous, qu’on regrette un jour le très bling bling et hautement caricatural Sarkozy dont on dira : c’était encore, lui, un homme politique, tout comme j’ai entendu des gens regretter Chirac et lui trouver rétrospectivement (ce qui ne manque pas de sel) une hauteur d’esprit et une certaine suite dans les idées…
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David Douillet élu judoka député dans les Yvelines.
Et bientôt, lequel président ? Zidane ? Arthur ? Mimie Mathy ?
Voilà qui sent si bon la France qui gagne
Vu et voté à la télé...
23:04 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : politique, david douillet, sarkozy, palais bourbon, n'importe quoi |
lundi, 12 octobre 2009
Theatrum Mundi
A lire aujourd’hui, sur Theatrum Mundi, une fort belle mise en forme de la façon dont l’époque contemporaine a dissocié les mots et les images. La sacralisation de l'une, l'opprobre jeté sur l'autre participant de façon complémentaire à la réduction de l'individu à un "citoyen" consentant. Con, s'entend...
09:44 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : theatrum mundi, littérature |
jeudi, 08 octobre 2009
Lieu planétaire et espace universel
La question qui préoccupe à l’heure actuelle pas mal de Lyonnais est le devenir de l’Hôtel-Dieu. Ce qui est le plus stupéfiant, quand on y réfléchit avec un peu de recul, c’est que la ville elle-même, son site, est classé par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité, et que l’on puisse malgré tout juridiquement transformer l’un de ses bâtiments les plus somptueux et les plus significatifs en un quelconque hôtel pour milliardaires… Beaucoup de naïfs pensaient cependant que ce label était une sorte de protection : ils ont désormais la preuve par l’exemple que non.
Et pourtant, Dieu sait si on nous aura endormi, durant ces années dernières, avec la "politique patrimoniale", menée de fait à l'unisson avec celle de la "protection de l'environnement".
Ces événements m’ont ramené à une réflexion sur le territoire, que j’avais menée l’an dernier avec le romancier Philippe Nauer sur l’existence (ou la non existence) de ce « lieu planétaire » qui, petit à petit, s’est substitué dans le discours des gouvernants et des idéologues de service, à la notion d’universalité comme à celle de territoire particulier.
Voici l’article que j’avais alors écrit pour CONDUCTEUR-PASSAGER, une revue en ligne dirigée par Philippe Nauer.
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Si j’en crois les poètes, ce qui caractérise le lieu, c’est le rapport privilégié qui s’est tissé, grâce au langage, entre l’infini de l’espace et les contours limités que j’en perçois autour de moi. Le lieu, c’est l’espace dont, par le verbe, j’ai fait un logis à un moment ou à un autre de mon histoire: toutes les pistes de ma mémoire recréent ainsi pour moi des lieux dont la réalité me fut un jour un bien aussi précieux qu’obsédant : un corridor, l’entrée d’un magasin, le coin d’une rue, le bord d’une rivière ; tels sont les lieux proustiens, instance de la mémoire conçue par la parole, susceptibles de devenir de véritables pays : « Balbec, Venise, Florence, dans l’intérieur desquels avait fini par s’accumuler le désir que m’avaient inspiré les lieux qu’ils désignaient »[1]. Le poète Yves Bonnefoy a souvent usé de jolis mots, de mots soigneux, pour désigner cela : le mot demeure. Le mot château. Le mot terrasse. Car n’est-ce pas ce que nous demandons à l’espace, dès lors que nous le nommons nôtre, un beau matin : qu’en devenant un lieu, il parvienne à offrir à notre effroi face à l’inconnu, face à l’innommable, face à l’indicible, cette demeure où vivre, ce château comme refuge, cette terrasse comme consolation ?
Pourtant ce lieu premier, celui que Bonnefoy appelle le lieu natal, ne s’est jamais contenté de n’être qu’un lieu identitaire et clos sur lui-même. Si j’en crois la poésie, des aèdes de la Grèce antique à Hölderlin, parce qu’il était relié à d’autres par des paysages, le lieu a toujours exigé également de tendre sa route à l’universel. Et donc, sur le sol du lieu natal, parce que quelques paroles l’avaient, là, rassuré, l’être humain faisait son premier pas vers l’appréhension à la fois désireuse et peureuse de ce qui l’entourait, et ce, jusqu’aux limites de ce qu’il percevait. Vivre en une demeure véritable a donc toujours été une expérience d’abord sensuelle, puis intellectuelle : celle qu’en un lieu (locus) un individu fait de l’univers tout entier, du plus proche au plus lointain, du plus concret au plus abstrait , de ce qu’il peut voir, entendre et goûter, à ce qu’il peut réfléchir. L’expérience du lieu est ainsi à la fois particulière et universelle : voilà pourquoi le pays a toujours été un espace avant tout littéraire, dont la littérature a toujours été plus apte que la peinture, la photographie ou le cinéma à rendre compte. « Rien n’est plus difficile que de prendre conscience d’un pays, de son ciel et de ses horizons, affirme Bernanos : il y faut énormément de littérature»[2]
L’espace, au contraire du lieu, se présente à moi sous un jour géographique, scientifique, administratif, juridique, pictural, climatique – tout ce qu’on voudra, tout, sauf littéraire. L’espace n’est pas nommé. J’ai pourtant bien besoin d’espace, certes : ne parle-t-on pas d’espace vital ? Mais à condition que cet espace soit circoncis dans un lieu défini. Que cet espace soit un périmètre dans mon lieu. Sorti de cet espace dans lequel voluptueusement je m’étire, l’espace ne reste qu’un concept, une simple abstraction pour mathématicien-philosophe, physicien-astronome ou intermittent de l’aventure. Certes, lorsqu’il était peuplé de dieux, l’espace ouvrait encore aux hommes quelques portes sur l’Univers. L’espace était alors un lieu foisonnant de chimères, tout en alcôves et en recoins mythologiques, un véritable lieu, oui, dans lequel se jouaient les scènes les plus cruelles et les plus tendres. Mais depuis que la science nous a démontré que l’espace était vide de dieux, depuis que la technique en a parachevé sa clinique exploration, nous avons compris à quel point ce cosmos vide est tout le contraire d’un séjour, d’une demeure, d’une terrasse, d’un pays. Cet infini a-t-il d’ailleurs jamais été, comme le doux foyer ou la tendre patrie, hanté par les mânes, ni vraiment raconté par les poètes ?
« La conquête de l’espace par l’homme a-t-elle augmenté ou diminué sa dimension ? »[3] s’interroge Hannah Arendt. Elle aura, en tous cas, singulièrement remodelé les lieux qu’à grand peine, nous nous étions aménagés sur Terre. Désormais, le concept récent de mondialisation nous assigne en effet comme séjour un lieu redimensionné en village global, sectorisé en zones d’influences, géré par des spécialistes en tous genres, livré à une économie que nul ne maîtrise, médiatisé à outrance et exclusivement limité à la croûte de cette seule planète. Mais sur cette boule endiablée, qui donc possède encore un lieu où naître, un lieu où durer, et un lieu où mourir ? De maternités en crématoires, sommes-nous même encore désirables, le temps d’une existence entière, en un quelconque de ces points à d’autres reliés, une quelconque de ces places, à d’autres confondues, de ces endroits concurrents qui forment à notre insu l’espace planétaire et la représentation qu’on nous en livre ? Le grand lieu de l’aventure a disparu de la Terre qui meurt de nos extravagances, que balaient nos satellites et parcourent nos réseaux. Le lieu du séjour, le pays, qu’en reste-t-il, en chaque recoin du monde ? Il ne peut devenir, lorsqu’il survit avec ses particularités culturelles propres, que ce qu’une périphrase de la novlangue contemporaine appelle dorénavant un « lieu patrimonial »
Depuis 1978, date de la première réunion du Comité du Patrimoine Mondial, 878 « biens » ont été inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco. [4] Il serait fastidieux d’énumérer ici la mosaïque de ces « biens », tantôt culturels (sites ou villes), naturels (parcs ou réserves protégés) qui, désormais, sont saupoudrés sur les cinq continents. On se contentera simplement de rappeler les perspectives : il s’agit de transformer un certain nombre de lieux autonomes en espaces significatifs de la variété culturelle, dans une stratégie globale de représentation de « notre monde », c'est-à-dire de notre planète. Chaque territoire classé se retrouve réglementé comme jamais, et, selon la logique de la double pensée qui permet de fondre en une seule deux thèses normalement incompatibles, protégé et pillé à la fois : Cette conception du lieu patrimonial n’est pas sans rappeler celle du lieu de mémoire ou bien du lieu de commémoration. On lui doit d’avoir induit au sein de l’espace local une représentation nouvelle, celle d’espace planétaire.
C’est ainsi que nos lieux concrets, intimes et privés, aux mètres carrés de plus en plus uniformes et de plus en plus onéreux, se sont retrouvés agglomérés ou imbriqués, au fil du temps et selon les cas, à des territoires plus vastes et à des espaces plus abstraits, que leur subliminale appartenance à « l’humanité » investissait d’une autorité quelque peu irrationnelle. Devant une telle autorité, l’individu lambda n’a pu que respectueusement s’incliner : En ces enclos nous existons, devenus chez nous plus passants, plus touristes, qu’habitants. L’esprit saturé d’images issues d’autres lieux, nous n’habitons d’ailleurs qu’à moitié celui où nous vivons, comme nous ne nous aventurons plus guère dans ceux qu’épisodiquement, nous visitons, l’appareil numérique au poignet. Comme si la conquête de l’espace- non pas celle des fusées, mais celle de chacun d’entre nous - avait bel et bien assigné à cette humanité un logis commun, celui de la planète, et qu’entre le sédentaire et le nomade, une nouvelle espèce de terrien délocalisé jusqu’à l’insignifiance soit apparue. Que la dimension de cette Terre soit assimilable à celle d’un lieu vaste ou à celle d’un espace restreint, quelle importance, puisque en-dehors de ce lieu planétaire surpeuplé, n’existe plus, dorénavant, le moindre espace à vocation universelle et que partout est entretenue la confusion entre le sentiment de l’universel et la conscience du planétaire ?
C’est ainsi que le lieu natal, point d’origine à partir duquel chaque homme lançait, jadis, sa pensée à l’assaut de l’univers, s’est réduit à n’être qu’un espace commercialisé et rendu de plus en plus abstrait – un non-lieu, se plaisent à dire certains. Serions-nous, au sens propre, délogés ? Comment, dès lors, ne pas entendre avec beaucoup d’amitié, mais non sans une certaine mélancolie, ce qui soupire encore en cette strophe d’Yves Bonnefoy :
« Comment faire pour que vieillir, ce soit renaître,
Pour que la maison s’ouvre, de l’intérieur,
Pour que ce ne soit pas que la mort qui pousse
Dehors celui qui demandait un lieu natal ?[5]
[1] Proust, Du côté de chez Swann, « Noms de pays : le nom. »
[2] Bernanos, La France contre les robots
[3] Hannah Arendt, « La conquête de l’espace et la dimension de l’homme », in La Crise de la culture
[4] La liste du centre du patrimoine mondial de l’Unesco comprend 878 biens, dont 679 biens culturels, 174 naturels et 25 mixtes, répartis dans 145 états. Depuis novembre 2007, 185 Etats-parties ont ratifié la convention du Patrimoine mondial
20:10 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : philippe nauer, politique patrimoniale, conducteur passager, hôtel-dieu de lyon, dôme de soufflot, littérature, actualité, socialisme, politique |
mercredi, 07 octobre 2009
Solennelle autant que désirée
Plusieurs choses arrêtent le regard :
Tout d’abord ce mur d’affiches que battent la pluie, le vent
La taille des étages, sur des boutiques basses.
Toutes ces boutiques qui, malgré matin qui luit, sont fermées.
C’est sans doute dimanche.
L’œil s’attarde aussi sur
Ce pavé dont j’aime toujours autant qu’il soit mouillé de pluie
Et ces rails de tramways et ces fils électriques
Qui profilent un itinéraire.
Un œil plus attentif se pose sur la carriole
Non loin de la porte-cochère et close.
C’est dimanche, oui, jour de repos, en ce pays encore.
L’étroitesse de la rue obscure qui attire l'attention
Au moins autant que la fuite vers la lumière, par la droite de l’immeuble
Un quai, là-bas, ou bien un boulevard.
Nos villes sont toutes faites de ces contrastes entre nuit et jour,
Saleté et luminosité,
De ces ouvertures atteintes par nos seuls regards
Mais jamais par nos pas.
Qu’est-ce donc encore que je recueille avec tant d'avidité
tranquille dans ce cliché ?
(Dont peut-être quelques lyonnais judicieux
Pourraient encore identifier l’endroit où il fut pris)
Le noir et blanc, bien sûr…
Cette précieuse poésie d’un réel passé et, bien que reproduit,
Transfiguré.
Supériorité indubitable du noir et blanc.
Et puis surtout, surtout,
Cette absence, si flagrante qu’on ne la remarque pas au premier abord,
Mais qui s'impose peu à peu au regard,
A l'âme,
Solennelle autant que désirée,
De tout bipède humain.
06:13 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, écriture, poésie, lyon, photographie, noir et blanc |
mardi, 29 septembre 2009
Le prix du désir
Sans étiquettes ni code-barres, l’objet n’est plus signe que de lui-même, sous la haute verrière de la salle des ventes. Signe de lui-même et des tourments de son existence. Bois, cuir, porcelaine, étain, faïence, l’objet a retrouvé sa matière en même temps que sa race. Et sa pudeur est bouleversante sur le comptoir du commissaire priseur qui le palpe, le soupèse et l’exhibe.
L’objet n’a pour lui plus que sa naissance, sa patine, son cachet, son pedigree. Fils d’un artisan ou d’un amateur du dimanche, pauvre ou héroïque survivant, sur la banque de l’infortune. Les pros s’approchent, portable à la main, l’œil pimenté. Ils tâtent sa solitude ou lorgnent de côté, la moue aux lèvres, une poignée de mains à droite, un éclat de rire à gauche, un signe discret en faveur de l’objet, puis s’en retournent par la travée d’un pas qui traîne jusqu’à à leur place. Auprès du pape du lieu, chacun nourrit son histoire très intime, entretient un négoce particulier, comme auprès de l’instit jadis : Ne l’appelle-t-on pas Maître également ?
Une tisanière accidentée début XIXème part à cinq euros, un porte flacon en chagrin rouge du XVIIIème à 130, une tête de Saint-Denis du XVIème à 240... Cela monte et redescend selon un rythme fort élaboré qui laisse à chacun le temps de souffler. Parfois de ronfler. Saine oasis dans l'univers libéral qui nous consume : j’y retrouve mille attentions émanant de maisonnées disparues. L’objet ne se prostitue jamais complètement comme le ferait un être humain. Il respire quelques secondes, le temps qu’il lui faut pour convaincre. Sa valeur, la sienne, qu’il connaît éphémère, dans la conscience de son unicité. On l’achète souvent dans le seul souci de le revendre : mais l’objet n’est pas dupe.
Quelques secondes à peine, de pure renaissance : Dans les galeries, les kiosques, les supermarchés, les aventures de la marchandise en rayons n’auront jamais ce parfum de luxe qui rôde somptueusement sur les contours infiniment désirés de l’objet mis à l’encan.
09:18 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : enchères, écriture, objets, marchandises |