lundi, 03 janvier 2011
Maire de Lyon
Edouard Herriot, lorsque j’étais petit, c’était à la fois quelque chose et puis rien. Quelque chose : maire de Lyon durant cinquante deux ans ! Monolithique, dans sa génération, le bonhomme ! Rien : un homme du passé immédiat, mort alors que je n’avais que deux ans, et remplacé par un homme plus que médiocre qui abîma à jamais Lyon avec son bétonnisme aigu, le dénommé Pradel. Herriot déjà, ça n’était plus qu’une rue, la rue de l’Hôtel de Ville, débaptisée en rue Edouard Herriot. A present, lorsque je demande à des élèves s’ils savent qelque chose de ce type, ils me disent tous : rien. Rien... Le leçon de Sénèque : Comme les gloires passent, n'est-ce pas ? Pauvre Edouard...
Et puis une tombe grotesquement stalinienne, à l’entrée du cimetière de Loyasse. Grotesque, c'est même peu dire. C'est par là qu'à dix-sept ans, lorsque j'allais me saouler avec des potes en un lieu éloigné des familles, nous faisions le mur ... Il faut, se dit-on en voyant son gigantisme peu chrétien, savoir choisir son camp. Amusante, la gerbe de l'actuel maire de Lyon, à chaque Toussaint. Glissons.
Devant la nullité de son successeur, évidemment, cet Edouard ressemblait encore à quelque chose dans les années 60 : comment oublier pourtant qu’il avait signé l’arrêt de mort du dernier pont de pierre de la ville, un ouvrage de treize arches séculaire, le pont de la Guillotière, ainsi que celui de l’hôpital de la Charité et toutes ses cours intérieures, pour les remplacer par un hôtel des Postes, et un autre des Impots, comme pour rivaliser de laideur : Quelle ineptie ! Herriot malgré sa gloriole politique ne fut-il pas à ce titre guère plus qu’un moderniste opportuniste, sans grande vue ni grande culture, encensée par une bourgeoisie locale en mal de baron du cru ?
Albert Thibaudet, lorsqu’il évoque d’Herriot, en parle comme d’un girondin, mais c’est parce qu’il confond girondin et provincial. En réalité, nul ne fut plus centralisateur et jacobin que cet Herriot, dans sa manière autocratique de gérer sa capitale des Gaules comme si elle devait sans cesse rivaliser avec Paris. Il ne s’y trompe d’ailleurs pas, Thibaudet, qui écrit, dans la République de professeurs :
« Le maire de Lyon est le premier de Lyon – mais après le préfet, et son gouvernement facile, ressemble plus à celui d’un président de la République qu’à celui d’un chef de gouvernement. »
Ou encore :
« Paris est la capitale de la France, mais Lyon est la capitale de la province. Les politiques savent à quel point le Cartel des gauches de 1924 était une formation lyonnaise »
Herriot eut pour successeur un imbécile. Personne ne parla mieux de Louis Pradel que Pierre Mérindol. Je cite : « C’est un modeste expert en assurance automobile qui n’a jamais connu d’autres lauriers que ceux des concours de circonstances » Ou encore : « Le drame de Lyon – car il est bien vrai que la ville est défiguré – c’est que le maire ait été aussi mal entouré » (1)
L’inconsistance du successeur de Pradel, un Collomb, déjà (mais Francisque) n’est plus à souligner. Avec lui, le Grand Orient assoit un peu plus son autorité sur l’Hôtel de Ville, représenté par des guignols du nom de Soustelle, Ambre, Bullukian, Combes, Béraudier. Je cite toujours Mérindol, un homme fin et intelligent à la plume lucide : « La pauvreté de la solution Collomb – même si elle est une construction d’origine maçonnique –est le reflet de la pauvreté du personnel politique à Lyon. »
Sans doute est-ce à partir de Michel Noir et des années quatre-vingts qu’on commença a oublier Herriot et son autre temps. Le portrait qu’en dresse Pétrus Sambardier le rendrait presque sympathique :
« Généralement, le président, vers midi et demie, se rend à pied de l’Hôtel de Ville au cours d’Herbouville. Il remonte, pensif, à petits pas, l’allée de platanes du quai Saint-Clair. Les solliciteurs malins connaissent cette promenade et retardent souvent l’heure de déjeuner du président. M. Herriot est accueillant. Il s’assied volontiers sur un banc du quai pour écouter, sans impatience, le garçon « de platte » (2) racontant son dernier exploit de sauveteur ou la vieille femme exposant ses misères » (3)
Il y quand même, dans le ton du journaliste, un air d’hagiographie et l’on n’est pas loin du Joinville exaltant son saint Louis. En contrepoint, voici un portrait d’Henri Béraud, réalisé en novembre 1913, et publié dans le numéro 2 de la revue l’Ours :
« C’est en matière administrative surtout que le bon garçonnisme de M.Herriot lui crée des difficultés. On ne fait pas avec des sourires la besogne d’un comptable. Les poignées de mains et les gros compliments dont les plus acerbes prolos s’accommodent, font quelquefois la fortune politique d’un habile homme. Mais quand, par ces moyens, on est parvenu à ses fins, quand on a pris place au centre des affaires, il faut abandonner ces accessoires de parlottes électorales, comme les avocats laissent robes et toques au vestiaire du Palais. En affaires, il faut se montrer homme d’affaires. M. Herriot y parvient-il ? Non. (…) Les rapides succès de M. Herriot ont fait de lui un séducteur des foules… »
16:24 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : politique, lyon, littérature, edouard herriot, thibaudet, collomb, pétrus sambardier |
Commentaires
Oh, une année qui commence bien, avec Albert!
Écrit par : Sophie | dimanche, 02 janvier 2011
"Plus qu'hier et bien moins que demain, donc tout va bien"
Écrit par : solko | lundi, 03 janvier 2011
Comme quoi , on peut être clément sot, maire de Lyon et ne pas avoir une âme de tigre . Herriot n'a pas eu sa période fauve.
Écrit par : patrick verroust | dimanche, 02 janvier 2011
Excellent. Vous pétillez. On vous en redemande.
Écrit par : solko | lundi, 03 janvier 2011
Le drame de Lyon est de n'avoir eu que des édiles au charisme d'escargot (de Bourgogne), Herriot ne fut toutefois pas celui qui géra le plus mal la ville mais fut le premier atteint parmi les maires lyonnais du "syndrome du baron local" : cette autocratie teinté de mégalomanie ou la gestion idiote du bourgeois parvenu. Un bon cas d'étude pour les psychologues.
Écrit par : Upsilon | lundi, 03 janvier 2011
On a envie de rajouter "hélas", trois fois hélas, en songeant à ce qui aurait pu être, aujourd'hui encore, suivez mon regard...
Écrit par : solko | lundi, 03 janvier 2011
Préfiguration des temps actuels, tous ces maires... Mais aussi redite des temps anciens. Voilà les fiers "premiers du village" dont parlait Napoléon B. ; décidément, dans la tête de beaucoup, "élu" veut dire "maître", là où les Grecs avaient envisagé la délégation, c'est à dire avant tout le service à rendre à la population.
Écrit par : Sophie K. | lundi, 03 janvier 2011
Entre les Grecs anciens et nous il y a un problème de nombre. Vrai problème, ça. Des barons socialistes à l'allure de mandarins parvenus, il y en a à la tête de chaque région (Paris compris, Delanoe étant le maire de la plus grosse ville de province, je crois ? ).
Ont-ils vraiment envie du pouvoir et de jouer à nouveau les têtes de turcs au gouvernement ? A croire que non...
C'est un feuilleton non palpitant avec lequel on tente de nous faire palpiter....
Écrit par : solko | lundi, 03 janvier 2011
Oui, problème de nombre. Qui s'ajoute à celui du chiffre. :0)
(Delanoë est bien le maire du plus grand musée de province, oui.)
Et tout cela est effectivement aussi palpitant que la quatorzième rediffusion d'un match de beach-volley.
Écrit par : Sophie K. | lundi, 03 janvier 2011
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