dimanche, 08 décembre 2013
Lumières et Illuminations
Trois millions de visiteurs pour 120 artistes représentés et 80 événements répartis dans toute la ville : tels sont les chiffres officiels de cette quinzième version de la Fête des Lumières dont la municipalité de Gérard Collomb peut se prévaloir.
Les Illuminations, elles, ont plus de cent cinquante ans. Cent soixante et un, très exactement, puisqu’on date leur naissance du premier cortège à la lumière des flambeaux des Lyonnais, dédié à la mère du Christ, en 1852.
La seconde fête, en terme chronologique, est bien sûr celle des Lumières. Comme s’il lui fallait galoper un peu pour récupérer son retard, elle s’étale sur quatre jours, du 6 au 9, et enserre la première. Celle-ci ne dure qu’une soirée. L’une se veut, à en croire Georges Képédékian, le premier adjoint à la culture, « une dédicace à la Lumière, avec la ville mise à la disposition des artistes pour stimuler tout leur imaginaire et leur savoir-faire » ; l’autre demeure une dédicace à Marie, sous la protection de laquelle le ville est placée depuis 1643, comme en témoigne l’inscription lumineuse « Merci Marie » qui domine la ville.
L’une n’a pas remplacé l’autre. Les deux, en réalité, cohabitent.
Les Lumières, c’est l’irruption massive de la technologie et de la couleur un peu partout, parfois subtile, le plus souvent grossière, ignorante du lieu sur lequel elle se dépose. Les Illuminations, ce sont les lumignons alignés au tomber du soir sur les rebords des fenêtres dans des pots de verre. De colline en colline, ils se répondent tout en se mirant dans les fleuves. Ils éclairent la nuit dans le tremblement et la persistance des siècles, et ce malgré le déluge électrique éphémère sur les façades de pierre.
Les Lumières, ce sont ces cortèges silencieux, au coude à coude dans un centre ville où les rues sont transformées en voies d’entrée ou de sortie d’un événement à l’autre, sous la garde de CRS bleus, bras croisés. Les Illuminations, ce sont les processions jusqu’à Fourvière par les jardins du Rosaire, jusqu’à la basilique, dont celle présidée par le primat des Gaules à 18h30
Les Lumières, c’est un spectacle qui renouvelle ses fictions chaque année, parfois avec bonheur, souvent avec une lancinante monotonie, condamné par le logiciel à tourner en boucles répétitives de quart d’heure en quart d’heure. Les Illuminations, c’est une sollicitation pour l’imaginaire, devant la flammèche qui vacille dans le froid jusqu’au matin, à la pensée de tous ceux qui les allumèrent ici-même, et ne sont plus.
Les Lumières, malgré les chiffres municipaux, se bornent aux vivants, parce qu’elles ne s’adressent qu’à eux, consommateurs ou touristes. Les Illuminations contiennent tous les morts et surgissent de leur ferveur dans la profondeur du souvenir collectif. . Les Illuminations n’oublient pas les morts, à travers la bénédiction de la mère de Dieu.
Les Lumières, ce sont les parcours par les rues, les avenues. Les Illuminations, les haltes par les chapelles et les travées des églises
C’est pourquoi une fête n’est pas à l’origine de l’autre, comme veut le faire entendre une certaine propagande municipale (« Les Illuminations à l’origine des Lumières», comme si l'une appartenait au passé, l'autre au présent/futur ! ) Les deux ne sont même pas concomitantes tant, bien qu’elles fassent mine de partager le même, lieu, leurs espace-temps respectifs demeurent différents, ce qu'elles soulignent et proclament, tout comme le regard qu'on peut poser sur elles, restent antinomiques.
Il faut donc, pour comprendre leur étrange cohabitation, saisir le point de rencontre, le lieu où elles sont peut-être capables de se toucher, de se frôler: le grain de la pierre exposé à travers les joutes colorées qui tournoient sur elle. La permanence, face au volatile. Et, sous l’enchantement parfois réel du volatile, garder en soi la solide conscience du permanent. Tout un art, finalement,. Celui de rester visible, illuminé malgré la lumière.
14:33 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : lyon, illuminations, marie, fête des lumières, 9décembre |
Commentaires
Vous dites "une fête n’est pas à l’origine de l’autre", c'est provocateur ? J'approuve le point de vue que vous tirez de cette phrase introductive, mais la fête des Lumières s'est bien construite par-dessus ce 8 décembre ! Ensuite, la municipalité s'est accaparé la fête qui appartenait à la population. C'est du vol ! Et si l'on dit que ce sont désormais deux fêtes différentes, alors la fête de lumières a supplanté les illuminations. C'est un coup d’État !
Ce qui est sûr, c'est qu'il y a un désintéressement progressif des lyonnais pour le 8 décembre. Aujourd'hui, seuls les quais et les grandes avenues ont des bougies aux fenêtres. Il y a plusieurs raisons, dont la migration de certaines populations vers les banlieues, mais la Ville y est tout de même pour beaucoup, car elle s'est appropriée la fête des lumières ; ainsi le lyonnais n'était plus obligé de participer pour permettre à la Fête des Lumières de vivre. On m'a dit qu'il y a quelques années encore, des lumignons étaient distribués dans les bureaux des services de la ville de lyon, pour qu'ils les mettent aux fenêtres en partant... Aujourd'hui c'est fini.
Néanmoins qu'on ne se leurre pas : si les Illuminations disparaissent, le Fête des Lumières n'y survivra pas très longtemps.
Écrit par : Benoit | dimanche, 08 décembre 2013
Pouah ! Quelle horreur que ces superstitions du peuple !
Voilà assurément un peuple qui n'est pas le peuple !
La dérive commerciale, le temps aidant, a permis de substituer, à l'époque d'Henri Chabert, La Lumière aux petites lumières.
D'où ce glissement progressif d'une fête religieuse vers une fête maçonnique, en phase plus que parfaite avec une fête commerciale.
Écrit par : tamet de Bayle | dimanche, 08 décembre 2013
Écrit par : j.J. Nuel | dimanche, 08 décembre 2013
Écrit par : Michèle | dimanche, 08 décembre 2013
Écrit par : solko | dimanche, 08 décembre 2013
Écrit par : solko | dimanche, 08 décembre 2013
Écrit par : khal torabully | lundi, 09 décembre 2013
Écrit par : solko | lundi, 09 décembre 2013
Quoi de plus féérique pourtant que leurs petites flammes palpitantes, comparé à la froideur brutale des lasers et néons?
Écrit par : Sarah S. | lundi, 09 décembre 2013
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