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vendredi, 04 septembre 2009

Palante et l'individualisme

Sensibilite_palante055.jpgOn  doit à Stéphane Beau, la réédition chez 1001nuits (octobre 2007) de deux petits essais de Georges Palante,  La sensibilité individualiste et Anarchisme et individualisme. Georges Palante, tous les lecteurs de Louis Guilloux le savent, fut le philosophe qui lui inspira le personnage de Cripure du Sang Noir. La rencontre des deux hommes date d’octobre 1916 : Louis Guilloux, alors pion dans le lycée de Sant-Brieuc, lisait la Fin du voyage de Romain Rolland quand le professeur de philosophie, Georges Palante, s’approche et demande au jeune homme s’il consentirait à lui prêter le volume.

Le lendemain, Guilloux porta lui-même le livre chez le professeur. L’amitié naquit.

« Je considère Palante comme mon premier maître ». « Je ne puis imaginer ma personnalité distincte de la sienne » : Dans ses Souvenirs sur Georges Palante et dans L’Herbe d’oubli, Louis Guilloux a souvent rendu compte de sa dette : lui et Palante avaient des «vues communes sur la vie sociale». Dans un dialogue intérieur plein de sérénité, il avoue à celui qui fut le modèle de Cripure : « Ce personnage, ce n’était pas lui, mais nous, lui et moi », ajoutant à l’adresse de son ami suicidé : « tes ennemis ont toujours été les miens ».  

Ceux qui se sentent également floués par le socialisme délétère des années quatre-vingts, l'écologie bavarde et électoraliste ainsi que le libéralisme planétaire qu’il aura contribué à mettre sur le trône depuis le début du vingt-et-unième siècle, ceux que ne satisfont ni l’égalitarisme aussi démagogique que nauséeux de la « gauche » ni l’affairisme marchand et revanchard de la « droite », et qui se demandent de quelle façon, tirer leur individu du naufrage collectif verront une planche de salut dans la philosophie individualiste prônée par Palante.

Cet individualisme, le philosophe en dessine les contours dans une résistance de chaque instant aux idéologies dominantes, un vif besoin d’indépendance, un amour pour la culture et la paix, un pragmatisme lucide devant la nature humaine et la société des hommes. Il n’est à confondre ni avec l’égoïsme primaire, ni avec la défense de ses seuls intérêts, ni avec l’anarchisme utopique, ni avec le volontarisme syndical.

C’est avant tout, affirme Palante qui cite abondamment Amiel, Constant et Stendhal, une sensibilité qui affirme l’unicité du moi et se déjoue de toutes les utopies susceptibles de le corrompre. Ces deux textes courts et lisibles de tous, pour la modique somme de 3 euros, constituent donc une introduction accessible à tout lecteur désireux de pénétrer l’œuvre et la pensée de ce philosophe injustement mis à l’index durant tout le vingtième siècle. Merci à Stéphane Beau,  dont le site le Grognard est en lien ici, pour cette ré-édition dont la rentrée 2009 doit garder le souvenir.

 

Liens à suivre : Georges Palante, un précurseur oublié de la sociologie de l'individu, par Stéphane Beau

 

Commentaires

Merci pour ce sympathique compte rendu !

Même si je ne sais pas si ceux qui veulent "tirer leur individu du naufrage collectif" pourront trouver "une planche de salut" dans la philosophie palantienne : n'oublions pas que le garçon a fini par se mettre une balle de la tête, ce qui sent plus la boite en sapin que la planche de salut... mais en tout cas, lire Palante est sans conteste une invitation permanente à la lucidité et à la vigileance contre les préjugés, les mensonges sociaux, les embrigadements et autres violences plus ou moins symboliques...

Bonne continuation

Stéphane

Écrit par : stephane | vendredi, 04 septembre 2009

Je ne connaissais ni Palante, ni Beau!

Solko vous êtes un "affreux jojo"! Vous me donnez des envies de grignoter vos biscuits et quand je veux les acheter dans mon épicerie municipale j'trouve rien et j'ai pas les moyens pour aller ailleurs.Bouh!

Au moins j'ai les yeux qui s'ouvrent.

Merci Solko

Écrit par : La Zélie | vendredi, 04 septembre 2009

@ Zélie :
Il faut que vous expliquiez à votre épicier municipal que le monde existe, que le monde est âgé et que le monde est grand...

Écrit par : solko | vendredi, 04 septembre 2009

@ Stéphane : Suicidé, oui. Avec le revolver que lui avait offert Louis Guilloux ...Mais sait-on pourquoi véritablement ? L'histoire du duel évité ? Une lassitude morale généralisée (on dirait à présent une dépression ?)
L'individualisme qu'il prône demeure alors - non pas une planche de salut - mais une issue de secours...
Bien à vous

Écrit par : solko | vendredi, 04 septembre 2009

"Le monde est âgé et le monde est grand", oui Solko, c'est très justement dit.
Et l'on remercie Stéphane Beau de la passion qu'il met à faire connaître bien des textes importants de Georges Palante.
Je découvre Palante "lecteur" avec "Chroniques complètes" (parues dans la Revue Philosophique de la France et de l'étranger entre 1895 et 1913) et réunies dans l'édition de décembre 2008, dont Stéphane Beau a écrit la préface, les notes & la postface. Je ne connais pas le Palante "auteur". Je me procurerai ces deux petits essais.

@ Stéphane : on n'oublie pas "Le Coffret" qu'on ne saurait tarder à se procurer !

Écrit par : Michèle | samedi, 05 septembre 2009

@Solko : Les raisons du suicide de Palante sont complexes (comme c'est toujours le cas d'ailleurs). La maladie qui le rongeait, qui éformait son corps et qui l'empêchait de plus en plus de se déplacer a dû compter aussi pour beaucoup dans son geste final. L'histoire du duel manqué avec Jules de Gaultier aussi, mais cela se passait en 1922, soit 3 ans plus tôt... Accumulation de ras-le-bol et de souffrances en fait...

@Michèle : Le Coffret est enfin disponible, en effet ! Merci pour votre chaleureux soutien.

Écrit par : stephane | samedi, 05 septembre 2009

"Une Affaire d'honneur - une félonie"

Ce texte inédit, extrait du Journal de Palante, placé à la toute fin des Chroniques complètes Tome II, raconte ce duel manqué.
En lisant ces Chroniques, je découvre à quel point le Cripure du Sang noir de Guilloux a à voir avec Georges Palante.

Palante suicidé avec le révolver que lui avait offert Guilloux : N'eût-ce été Solko qui écrivit cela, je ne l'eusse point cru. Le subjonctif, parce que j'en suis encore tout ébaubie.

Écrit par : Michèle | samedi, 05 septembre 2009

@ Zélie
Chère Zélie, les épiceries municipales, c'est parfois un problème . J'ai dit un jour mon incrédulité à apprendre le pilonnage d'un livre de Béraud, disparu donc corps et biens. Je l'eusse volontiers récupéré même en miettes...

Écrit par : Michèle | samedi, 05 septembre 2009

@ Michèle : Je tiens cette information de la seule biographie de L. Guilloux que je connaisse, celle de Yves Loisel (Coop Breizh, 1998)
Quant aux développements plus personnels de Guilloux sur sa relation avec Palante, on les trouve dans "L'Herbe d'Oubli" (Gallimard, 1984), une sorte d'autobiographie posthume. Un texte splendide, également.

Écrit par : solko | samedi, 05 septembre 2009

@Solko
Oui j'ai vu ça dans votre billet. Je lirai L'Herbe d'oubli, et puis Souvenirs sur Georges Palante, publiés en 31.

Je dois vous dire que grâce au lien que vous aviez indiqué pour trouver "Pétrus Sambardier", je commence à acquérir les livres de Béraud. Pour l'instant j'ai la trilogie autobiographique et Lazare. Je les ai à peu près tous repérés. Même Le plan sentimental de la ville de Paris. J'espère que mon ami Guytan ne passera pas avant moi :-)

Écrit par : Michèle | samedi, 05 septembre 2009

@ Michèle : Hormis rarebook.com, on trouve toujours des Béraud (ou autres épuisés) sur Ebay. En ce moment, il y a un "quinze jours avec la mort" à 10 euros...

Écrit par : solko | samedi, 05 septembre 2009

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