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dimanche, 26 mai 2019

Les Incandescentes, d'Elisabeth Bart

Nous (sur)vivons dans un empire hostile au Verbe, celui du Management. Ce dernier a construit son emprise sur les êtres au moyen d’une parole qui a renoncé au sacré, à la vérité, à l’amour ; c’est beaucoup. Cet empire qui nous parait tout-puissant n’existe cependant que dans l’horizontalité du spectacle vain et des idéologies mortifères qu’il produit. Une incandescence de la parole littéraire, capable de ranimer la vie spirituelle comateuse de nos contemporains, peut-elle subsister encore ? C’est la question que pose Elisabeth Bart au fil d'un livre audacieux et intelligent, à travers la confrontation de trois auteurs féminins du XXe siècle, la française Simone Weil, l’espagnole Maria Zambrano, l’italienne Cristina Campo.

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La couverture qui, sous le titre Les Incandescentes, aligne leurs trois noms pourrait laisser présager un simple ouvrage universitaire. Un coup d’œil à la table des matières nous renseigne cependant sur la cohérence du propos critique plus original et plus ambitieux de son auteur : après une brève introduction présentant les trois écrivaines, chaque titre de chapitre propose en effet un regard spécifique sur ce qui justifie leur rapprochement : il n’est pas anodin que s’y rencontrent les mots « écrire », « exil », « voix », « parole », « poésie », « mystique », « liturgie ». L’essai, en effet, tout en se promenant sur un mode gracquien au cœur de ces trois œuvres, vise surtout à y cueillir et à définir le propre de la parole mystique qui les réunit toutes, et qui constitue l’incandescence dont il est question dans le titre : quelles sont les stations de ce cheminement et en quoi cette incandescence se propose-t-elle comme une salutaire renaissance de la parole ?

Trois femmes philosophes ayant partagé durant le même siècle un même goût pour un même type d’écriture : Elisabeth Bart commence par définir l’unité de ton entre ces trois œuvres. On y perçoit les mêmes inquiétudes, le même engagement, et le même souci d’une recherche de la vérité qui se veut aussi don de soi : « Attends ton livre là où il t’a donné rendez-vous. Ne le trahis pas. Un livre est comme l’Époux. Il ne dit pas l’heure de son arrivée », écrit Cristina Campo. Elle exige, cette écriture, une « sévère purification intérieure » qui tient, comme le souligne Simone Weil du surnaturel : chercher à dire la vérité de l’être, en effet, ne demeure possible que par l’extraction de soi-même hors du mensonge de l’existence quotidienne et du péché de l’être immanent. La première caractéristique de leur « incandescence » tient donc d'une grâce par laquelle l’écrit se suffira à lui-même, détenteur qu’il est d’un véritable secret, dont il tire la légitimité de sa valeur littéraire.

Elisabeth Bart explore alors un deuxième motif propre au surgissement de l’incandescence : la nécessité de l’exil, au sens où Baudelaire l’exprima dans son poème Le cygne qu'elle cite en annexe. Qu’il se manifeste par un profond désaccord ou par une véritable mort sociale, cet exil révèle une faille, une perte, un manque irrémédiable que l'individu esseulé déplore autour de lui. Dans tous les cas, l'exil se définit tel un seuil par lequel la conscience doit passer pour accéder à une forme de vérité supérieure, qu’elle prenne la forme de « l’extase » chez Maria Zambrano, de la « sprezzatura » chez Cristina Campo, de « la beauté du monde » chez Simone Weil. Alors ce sentiment d’exil devient la pierre angulaire d’une forme de résistance voire de dissidence, qui est aussi commune aux trois femmes : c’est ainsi qu’elles s’assimilent à la figure impolluée et féconde d’Antigone, dont la parole précède la différenciation entre philosophie et poésie, et qui incarne la solitude absolue en laquelle doit naitre toute conscience – et par là tout écrit.

Au-delà de ces caractéristiques (quête de la vérité, rencontre du surnaturel, passage par le filtre de l’exil, résistance à la forme organique du pouvoir en place) une incandescence de la parole commune à ces trois femmes existe-t-elle ? S’appuyant sur la figure de Saint Jean de la Croix, présent à des degrés divers dans les trois œuvres, Elisabeth Bart analyse brillamment les rapports que chacune d’entre elles établit entre philosophie et poésie, l’une en tant que discours de connaissance, l’autre en tant que discours d’amour : elle détermine en chaque oeuvre la part de désolation et de consolation, d’orgueil ou d’humilité, de fausseté ou de vérité, de savoir et beauté que chacune apporte. Elle démontre que la réconciliation entre philosophie et poésie n’est finalement possible, pour nos trois auteurs, qu’à travers le Christ, Verbe fait chair avant que la parole ne se dissociât en ces deux pôles historiquement contradictoires que sont précisément la philosophie et la poésie.  En « l’aile pourpre de la parole », qui est à la fois réconciliation et charité, nos trois incandescentes découvrent une source vive et fondent un moyen efficace de conjurer la mainmise de la Technique mortifère et du Management tout puissant sur l’homme post-moderne.

Le culte de la technique a pour conséquence la perte du sacré, celui du management l’éradication de la Tradition ainsi que le règne de la standardisation des êtres par l’instrumentalisation de leur parole à des fins de propagande ou de divertissment : la philosophie faite musique et poésie étant le corollaire du Verbe fait Chair, la liturgie chrétienne seule demeure capable de racheter les égarés que nous sommes, à condition de revenir à sa forme traditionnelle, comme Cristina Campo l’a très bien senti au moment même où Vatican II engageait sa réforme. Car la liturgie moderne issue du concile n’est nullement parvenue, face à l’empire du Management, à freiner la désaffection des églises, pour n’être peut-être, comme le fit remarquer Benoit XVI, qu’une « simple fabrication, produit banal de l’instant ». Après ce constat, l'essai se clôt sur le positionnement finalement très contemporain de ces trois Incandescentes, et sur l'intérêt renouvelé de leur lecture aujourd'hui.

C’est ainsi un livre riche, exigeant, un livre rare que nous offre Elisabeth Bart à travers le parti-pris de son parcours critique. Face à la parole pauvrement idéologique qui sévit partout, la Parole mystique et liturgique a-t-elle encore le pouvoir de nous tirer hors d’un monde immanent de plus en plus appauvri, jusqu’à la compréhension de l’Éternel qui le transcende ? Telle apparaît la question soulèvée. Le lecteur seul sait pour lui-même, « dans le secret », quelle réponse il découvre et peut lui apporter.

 

Elisabeth Bart, Les Incandescentes, mai 2019, Ed. Pierre-Guillaume de Roux 

jeudi, 25 mai 2017

Interroger l'Islam

C’est sans aucun doute, pour aider les Français à comprendre ce qui leur arrive en ce moment le livre le plus abouti, le plus éclairant. Incrédules devant les attentats islamiques en chaînes et le discours dominant des médias leur suggérant de ne pas « faire d’amalgame » entre cet islamisme radical et un autre Islam qui serait vertueux, ces derniers trouveront réponses à leur questionnement. En trois parties (Au sujet de Dieu, Au sujet de la révélation, Au sujet de l’homme), son auteur s’attaque frontalement et logiquement au problème, qui est la théologie même prônée par le Coran. Avec brio, et à partir de relevés minutieux soulignant soit les paradoxes internes au texte du Coran, soit ses contradictions avec le texte évangélique, il démontre le dessein profondément antichristique de cette théologie pervertie qui, de fait, n’a qu’un but : éradiquer le message évangélique par tous les moyens.

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La première partie démontre que rien n’unit le Dieu trinitaire chrétien au Dieu unitaire coranique. Allah, écrit par exemple Guy Pagès, « révèle seulement sa volonté, mais pas son être » (I A 17). Il est un être qui domine, et non un Père qui aime (I A 24). Comment affirmer qu’Allah est Akbar (le plus grand) s’il est unique ?  (I A 28). Comment Allah pourrait-il enlever la haine du cœur humain puisque c’est lui-même qui l’y met ((I A 31) ?  Puisque Allah est absolument inconnaissable, comment le musulman peut-il être sûr de lui plaire (I A 24) ? Comment peut-il dire que Dieu est ou n’est pas Trinité ? (I A 25) L’Islam refuse l’Incarnation de Dieu le Fils au motif, finalement, que Dieu ne pourrait Se manifester, et ce nécessairement, en dehors de Lui-Même. Mais alors, qu’est-ce que le Coran ?  (I G4) » …

Guy Pagès égrène ainsi quelque 1501 questions à poser à l’Islam. Il évoque le révisionnisme a posteriori que le Coran fait subir à l’Évangile, tant dans les propos qu’il tient sur Myriam (prétendument Marie) ou Isa (prétendument Jésus), dont la Passion et la crucifixion sont carrément niées par le texte coranique dans un mouvement étrangement satanique. Il soulève les questions centrales de la vraie nature de Mahomet, de la prétendue supériorité des hommes sur les femmes et des musulmans eux-mêmes sur les autres hommes, sur la nature de l’Oumma, pour enfin conclure sur la filiation probable de l’Islam avec les sectes judéo-nazaréennes qui, très tôt, nièrent la crucifixion et la résurrection du Christ, ainsi que la révélation de l’Esprit Saint qui lui est corollaire.

À la fin de cette étude riche et documentée, Guy Pagès souligne les inquiétantes collusions d’intérêts qui existent de fait entre cette théologie de la soumission et l’esprit matérialiste et anticatholique des Lumières : « L’islam a de quoi plaire à l’esprit scientiste pour qui la simple connaissance scientifique suffit à l’explication de toutes choses : le dieu horloger étant absent ou seulement agissant par l’intermédiaire de ses lois, mais non de façon surnaturelle, l’homme se suffit à lui-même. Et si telle est la vraie science, une religion ne sera-t-elle pas cependant nécessaire pour garder la masse inculte dans la soumission ?». (3-Z-37)

Guy Pagès résume en une phrase la stratégie dangereuse adoptée par nos élites au pouvoir, en en rappelant discrètement l’inspiration maçonnique par la référence au « dieu horloger » : affirmer comme ces dernières le font que toutes les religions se valent au nom d’un principe de laïcité mal défini, c’est prendre le risque d’une dangereuse collaboration avec l’Ennemi, et c’est du même coup présumer de ses propres forces.

Une alliance tacite entre les dieux unitaires et indéterminés d'inspiration terrestre contre l’alliance proposée par Dieu Lui-même dans la révélation judéo-chrétienne dont le Christ constitue l’aboutissement, voilà ce qui semble se passer souterrainement dans ce monde post-moderne ; aux crises économiques, culturelles et sociétales qui secouent nos sociétés s’en rajoute ainsi subrepticement une, de nature profondément théologique. À la compréhension de cette dernière, le livre de Guy Pagès apporte une pierre décisive. Aussi, quelle que soit sa foi (ou sa non foi), la lecture de cet ouvrage ne pourra qu’être bénéfique.

Interroger l'Islam par l'Abbé Guy Pagès,

Editions Dominique Martin Morin - 24 €

20:30 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : islam, allah, jésus christ, abbé pages, interroger l'islam | | |

jeudi, 27 avril 2017

Actualité d'Anatole

Excellent résumé du fanatisme républicain révolutionnaire. La peine de mort, c'est mal, on l'abolira une fois qu'on aura tué tous nos ennemis. On dirait du Estrosi ou du BHL en ce moment : la démocratie, c'est génial, on l'instaurera complètement en Europe lorsqu'on aura réduit au silence les souverainistes qui ne pensent pas comme nous.

« - Les républicains, reprit Évariste, sont humains et sensibles. Il n'y a que les despotes qui soutiennent que la peine de mort est un attribut nécessaire de l'autorité. Le peuple souverain l'abolira un jour. Robespierre l'a combattue, et avec lui tous les patriotes ; la loi qui la supprime ne saurait être trop tôt promulguée. Mais elle ne devra être appliquée que lorsque le dernier ennemi de la République aura péri sous le glaive de la loi. »

Propos tenus par Évariste Gamelin, héros du roman Les Dieux ont soif (1912) de Anatole France. Pour mémoire, l'action se déroule durant la Terreur.

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17:13 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, terreur, anatole france, les dieux ont soif | | |

dimanche, 08 janvier 2017

Décadence, une réfutation d'Onfray

Dans le 2e volet de sa Brève Encyclopédie du monde, Michel Onfray considère la décadence de la civilisation judéo chrétienne comme un fait historique incontestable. Au départ de notre civilisation, souligne-t-il, « il y eut un guerrier accompagné d’un prêtre », mais aujourd’hui, « les guerriers sont sans prêtres » (et les prêtres sans guerriers, rajouterais-je). Constatant que, dans la confusion des valeurs qu’elle entretient, la république de France actuelle génère plus de vocations de djihadistes musulmans que de prêtres catholiques, je ne serais pas loin de partager son analyse. Je ne suis pas loin de penser comme lui non plus que « le catholi­cisme post-Vatican II a laïcisé la religion catholique », et que sous son influence «le sacré, la transcendance, le mystère ont souvent disparu au profit d’une morale de ­boy-scout qui tient lieu de règle du jeu contractuelle, un genre de contrat social catholique ». C’est d‘ailleurs la raison pour laquelle je me suis moi-même détourné de l’église contemporaine et de ses niaiseries simplificatrices pendant pas mal d’années. Mais lorsqu’il prédit la fin du christianisme pour autant, je demeure plus sceptique. Et je voudrais dire ici plusieurs erreurs de raisonnements assez importante qu’il commet.

La première, sans doute, est de penser les choses de la Providence à l’échelle de sa seule existence. La société, ainsi, se borne à ce que je vois, sais, constate d’elle.  À sa décharge, tous ceux qui affichent profession de penser dans le monde contemporain agissent de même et bornent leur pensée à l’immanence. Il n’empêche que c’est là son premier aveuglement.  

La seconde est de confondre le Christ avec, précisément, cette église de Vatican II contemporaine. Onfray, comme tous les athées, est victime de cette pensée historicisante qui, depuis Renan, n’est plus capable de penser le Christ autrement que dans une perspective historique. Pour eux, l’Église se serait développée comme une institution humaine, un état, de façon totalement organique et seulement moléculaire. Raisonnement de scientiste, qui ignore délibérément et en toute mauvaise foi un fait théologique : l’essor du christianisme n’a été rendu possible que par la volonté surnaturelle du Père et le sacrifice définitif du Fils. C’est ignorer l’extraordinaire (pour ne pas dire miraculeuse) puissance de régénérescence qu’ont de concert et l’amour du Christ et l’amour pour le Christ, et que seule la Résurrection peut expliquer. Certes, Onfray ne croit ni à la Résurrection, ni au Saint Esprit, ni à la transcendance : il balaie d’un revers de main tout cela, assurant qu’il est loin « le temps où la religion catholique rassemblait des fidèles qui croyaient dur comme fer à l’Imma­culée Conception, à la transsubstantiation, à l’infaillibilité papale, au Paraclet de la Pentecôte, à l’Assomption de Marie, à la résurrection de la chair ». On a envie de lui rétorquer qu’assurer n’est pas prouver et qu’il ne connait guère ce qui se passe dans l’âme et le cœur de bien des fidèles. (Mais pour lui, toute théologie se bornant à de l’Histoire et à du récit, il paraît normal qu’il l’ignore). Et qu’il ne connaît pas davantage l’action des sacrements durant les siècles et encore aujourd’hui, de même que ce que le texte biblique lui-même enseigne, à savoir l’envoi du Paraclet.

La thèse du déclin professée par Onfray postule qu’il y eut un temps durant lequel le monde était vraiment chrétien et qu’aujourd’hui, il ne le serait plus. Son schéma, comme il l’avoue lui-même, est « vitaliste ». Il suppose qu’à la manière d’un volcan ou des plaques tectoniques qui disposent d’une vie propre, il y aurait une vie des civilisations. Chrétien ? Certes, les princes déclaraient l’être par leurs baptêmes. Mais le monde, lui, a-t-il jamais vécu en Christ ? Assurément non. Même aux heures de la chrétienté la plus triomphante, l’Ennemi était-là. Siméon qui reçut dans ses bras « la consolation d’Israël » le savait déjà, qui prédit à Marie que son enfant serait « un signe sur lequel on discutera »[1] ! Onfray discute encore. Il ne sera pas le dernier. Opposer à Augustin ou Thomas d’Aquin, comme il le fait, le De natura rerum de Lucrèce, ce n’est jamais qu’opposer une philosophie de la nature à une théologie de la foi, comme les païens le faisaient déjà du temps d‘Augustin ou de Thomas d‘Aquin ; le texte de Lucrèce n’est en rien, comme il l’avance, « une arme de destruction massive de la foi ­­catho­lique » : pas plus qu’une philosophie de la nature n’est une arme de destruction d’une théologie de  la foi, les choses ne se situant tout simplement pas sur le même plan ne peuvent aussi puérilement s’opposer.

Et je voudrais conclure sur la troisième erreur que fait Onfray : c’est de croire qu’il serait possible de lutter contre l’Islam et son faux prophète avec une philosophie, qu’elle soit héritée des stoïciens ou des épicuriens de l’Antiquité, des libéraux des Lumières ou des anarchistes du XIXe. Seule une bonne théologie peut lutter contre une mauvaise. Or il y a dans l’acte théologique du Christ qui s’est sacrifié pour les hommes de tous les temps, et pour toutes les nations, et pour toutes les générations, un Esprit dont la dimension surnaturelle et transcendante est totalement ignorée par le raisonnement schématique et donc spécieux d’Onfray, comme elle l’est d‘ailleurs par les musulmans qu’il prétend combattre et par leur Coran qui n’est qu’un amas de blasphèmes à l’égard des Trois Personnes de la Divinité. Or, tous les individus qui le veulent, quelle que soit leur origine, trouveront toujours dans l’adoration de la Croix de quoi revenir à la source même du christianisme. Car le Christ s’est sacrifié une bonne fois pour toutes. Là réside l’action de la transcendance, du Paraclet ou du Saint-Esprit, qui fait que le christianisme ne peut se penser seulement dans le champ clos de la linéarité des chiffres et des lettres, qu’il ne peut non plus, au sens où le philosophe de l’athéisme le prétend, connaître le déclin. La présence réelle du Christ, voilà ce qu’Onfray ne dit pas, parce que peut-être il ne la connait pas. Onfray a raison : Oui il se peut bien que la domination d‘un certain homme blanc, capitaliste et protestant, républicain et franc-maçon, occidental et matérialiste, doive un jour céder le pas à d‘autres formes de domination ; mais Onfray a tort : car à son successeur finira de toute façon par s’imposer, comme elle s’est imposée à l’homme blanc, la prééminence du sacrifice du Christ sur les sacrifices de vierges ou de simples moutons et la souveraineté de la charité sur toute forme de Loi. Car le Christ est mort et ressuscité pour une multitude d’hommes de tous les temps.

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[1] Luc, 2, 34

mardi, 13 octobre 2015

Neque ex voluntate carnis neque ex voluntate viri

Dans son explication de l’oraison de quiétude, Thérèse d’Avila préconise « de ne pas se préoccuper de l’entendement, qui n’est qu’un importun à la recherche de grandes pensées ».  La phrase d’abord me fit rire, car s’y résument bien la malice et la présomption humaine à l’œuvre dans beaucoup de travaux de l’esprit, puis je me demandai quelles grandes pensées l’entendement de mes contemporains, plus préoccupés de réaliser de grands meurtres ou de grands profits que de grandes oraisons, pouvait bien encore générer. Et moi-même ? Qu’ai-je de grand dans l’entendement, tout pollué qu’il est malgré le grand soin que je prends à les éviter, par les préjugés ou les certitudes de l’époque, tout alourdi qu’il se trouve par des contradictions insurmontables, des paradoxes infranchissables ? Et puis, parvenu au bord du second millénaire, quel grand mystère l’entendement humain, sur un plan individuel ou collectif, croit-il encore être à même de percer ? 7 milliards à brasser du vent sur une planète au bord de l’asphyxie, à survivre dans des fables existentielles dignes de piètres héros de polars ou de bandes dessinées…

Il n’empêche que cet importun, comme le souligne facétieusement Thérèse, dès lors qu’on tente de lui échapper un bref instant, fait grand cas de cette volonté d’en finir, en effet, s’agite en tous sens, et, faute de grandes pensées, engendre un grand trouble.

La patronne du Carmel Réformé conseille tout autant de laisser la mémoire s’agiter dans son coin sans davantage la suivre à la trace: dans l’oraison de quiétude, seule la volonté doit demeurer vive à la conscience, telle une étincelle, la volonté indéfectible de s’unir à Dieu. Voilà diront beaucoup de contradicteurs en souriant un projet bien désuet ! Dieu ?

J’ai à ce propos recueilli cet après-midi dans le prologue de l’Evangile selon Jean une remarque capitale à propos de ceux qui croient en Son nom, et « qui non ex sanguinibus neque ex voluntate carnis neque ex voluntate viri, sed ex Deo nati sunt » (« qui ne sont nés ni du sang, ni d’un vouloir charnel, ni d’un vouloir humain, mais de Dieu lui-même »). Car sauf le respect que je dois à mes deux parents, je ne suis jamais tout à fait parvenu à croire que je n’étais né que d’eux-mêmes, de leur choix, de leur volonté, de leur esprit, de leur matière ou de leur décision, ce qui a toujours laissé pénétrer dans l’antichambre de mon intelligence une certaine lueur d’espoir quant à la nature véritable de mon être spirituel ; une faille, somme toute, dans l’orgueil de l’espèce qui se veut seule pourvoyeuse de ses gènes.  Cela dit en toute véritable humilité : car on ne peut être humble que devant le Très-Grand, puisque ailleurs, paraît-il, nous sommes malgré nos distinctions tous égaux.

La nécessité de cette lueur d’espoir, de cette faille, de cette fêlure, donc, me fait tenir ce despotique droit à l’enfant revendiqué de plus en plus par tout un chacun dépendant de la loi commune (droit de procréer,  même combat que le droit de vote ? ) pour une ignominie qui masque son véritable visage contre les gens à naître. C’est le triomphe de la voluntate carnis etde la voluntate viri en lieu et place de celle de Dieu, ou même de l’amour. Et j’y lis un des derniers soupiraux qui se referme sur la conscience humaine de ces petits à naître, jusqu’à les emprisonner dans cet humain forever jusqu’à clore le couvercle dans une malédiction satanique et sans borne. Mais revenons à Thérèse.

J’ai commencé depuis un bon moment la lecture de sa « Vie écrite par elle-même ». J’y avance à grand peine, car Thérèse, ce n’est ni Leiris ni Rousseau. Sa matière est exclusivement intérieure et l’on ne cesse, du coup, de s’en échapper pour peu que l’esprit ne s’accroche à chaque mot. Ainsi cette phrase, relevée parmi d’autres, à propos de la conscience des conséquences du péché que la sainte rencontra tandis qu’elle atteignait un troisième degré dans l’oraison : « Quand donc, ô mon Dieu, les puissances de mon âme seront-elles unies entre elles pour célébrer toutes ensemble vos grandeurs ? quand donc mon âme cessera-t-elle d’être ainsi partagée sans pouvoir être maîtresse d’elle-même ? »

Ce désir d’unité ainsi soufflé à l’oreille, on reste rêveur, songeur, on pose le livre, on devient facilement méditatif soi-même, à contempler ses propres écartèlements… La plume de Thérèse pousse sans ménagement son lecteur au recueillement, comme un chant venu du dedans, mais sans les boursouflements fumeux du lyrisme romantique ni les à-coups secs du raisonneur empreint de sa logique.

En ce sens, elle est parfaitement désorientante, surtout pour l’époque dont le credo totalitaire dans la machinerie du corps se méfie des volutes de l’esprit et se garde bien d’évoquer les plus subtils encore chatoiements de l’âme. Qu’on puisse consacrer sa vie à « trouver un amour de Dieu dégagé de tout intérêt personnel » est quelque chose qui échappe aussi bien aux sophismes des incrédules qu’aux objurgations des fanatiques. Pourtant, lorsqu’elle dépeint « le peu d’estime que mérite une comédie aussi mal jouée que celle de la vie présente », ne parle-t-elle pas pleinement de notre monde ? La prose de Thérèse est telle une oasis qu’on ressent dans l’intimité vive de soi, et tout en même temps une caresse perdue ou oubliée surgie d’un temps lointain et presque incompréhensible. Elle relate les degrés d’une oraison comme projetée du dehors et du dedans sur un même écran : d’où le charme opérant et toujours difficile de cette lecture. 

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Les remparts d'Avila

jeudi, 14 mai 2015

Szalona

Les éditions du Bug se proposent de traduire et de publier un roman de l’écrivain polonais Józef Kraszewski, Szalona, La Folle.

Dans la conduite de ce projet à moyen terme, nous avons ouvert une page sur le site de financement participatif Ulule, 

Merci, lecteurs, d’avoir la curiosité de nous rendre visite et, selon votre bon plaisir, de nous soutenir.

 

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08:53 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bug, kraszewski, szalona | | |

samedi, 18 avril 2015

Poésie d'exil

Je suis triste, étouffant les soupirs de mon âme,

Pleine d'émotion,

A l'aspect du soleil qui plonge, tout en flamme,

 

Dans son immersion

Au sein de la mer bleue, éteignant sa lumière,

 

Son éclat et son feu ... .

Les rayons du bel astre éclairent ma prière.

 

Et je souffre, mon Dieu I

Pareil aux blonds épis qui dorent la campagne.

 

Et sont vides et creux,

Je relève le front, bien qu'ayant pour compagne

 

De mes jours, en tous lieux,

Attachée à mon sein, une douleur amère . . .

 

Sans en faire l’aveu,

Je tremble de frayeur, éloigné de ma mère,

 

Et je souffre, mon Dieu !

Je porte mon chagrin sur la vague écumante

 

Qui soupire, ou mugit,

Couvrant le vaste abîme, et ma terreur augmente,

 

Attristant mon esprit . . .

J'aperçois, dans son vol, une blanche cigogne

 

Qui nage dans le bleu ;

Je songe alors, pensif, à ma chère Pologne,

 

Et je souffre, mon Dieu I

Loin de ma mère en pleurs, des miens, de ma patrie.

 

J'erre, pauvre exilé.

Et je cueille des fleurs sur la tombe chérie

 

De mon ange envolé . . .

Ma cendre n'aura pas d'asile au cimetière.

 

Pas de larmes d'adieu ;

Par le vent balayée elle sera sur terre . . .

 

 

Et j'en souffre, grand Dieu !

Oh ! je sais, que malgré mon bon ange qui prie,

 

L'arrêt du sort fatal

Me condamne à passer le reste de ma vie,

 

Sans voir le sol natal.

Et mon nom à périr, sans qu'il laisse de trace

 

En ce trouble milieu,

Où d'autres habitants prendront bientôt ma place

 

 

Et j'en souffre, mon Dieu ! 

 

JULES SLOWAÇKl 

 

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13:50 Publié dans Des Auteurs, Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, romantisme, exil, jules slowaÇkl, littérature, pologne, mélancolie | | |

jeudi, 26 mars 2015

Les justes proportions

Louis XIV définissait la France comme un pays de taille idéale ( 4 jours par 5 pour la transmission de l’information). Il jugeait ce faisant en véritable homme d'État. Le monde, aujourd'hui, se découvre encore plus petit que ne l'était la France d'alors, si on le mesure à l'aune de la vitesse des transferts des messages : 1 Centième de seconde pour un courrier électronique d'un coin de la planète à un autre. Un village global, en somme, cette pauvre boule ! Pas de quoi se retourner sans se cogner un bout d'épaule ou de coude en un de ses recoins : Les concepteurs du web avaient donc visé juste.

Or, si le monde est dorénavant un réduit plus minuscule que la France des logiciens de Port-Royal, je comprends pourquoi je m'y sens tellement à l'étroit, et comme rabougri, rétréci, mal à l'aise parmi des milliers de rabougris, rétrécis... - Je parle du monde, bien sûr, pas de la France. qui, dès qu'on ouvre un livre, est restée de la taille qui fut sienne par la grâce de messieurs Racine et de la Fontaine, entre autres diseurs de contes et de tragédies, divins géomètres de nos réelles proportions.,,,

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Gulliver de Swift

06:24 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, louis xiv, gulliver, racine, la fontaine | | |

mardi, 10 mars 2015

La Queue, on en parle...

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La Queue, on en parle ICI & ICI , ICI & ICI

20:52 Publié dans Des Auteurs, Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : la queue, littérature, bug, thévenet | | |