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dimanche, 26 mai 2019

Les Incandescentes, d'Elisabeth Bart

Nous (sur)vivons dans un empire hostile au Verbe, celui du Management. Ce dernier a construit son emprise sur les êtres au moyen d’une parole qui a renoncé au sacré, à la vérité, à l’amour ; c’est beaucoup. Cet empire qui nous parait tout-puissant n’existe cependant que dans l’horizontalité du spectacle vain et des idéologies mortifères qu’il produit. Une incandescence de la parole littéraire, capable de ranimer la vie spirituelle comateuse de nos contemporains, peut-elle subsister encore ? C’est la question que pose Elisabeth Bart au fil d'un livre audacieux et intelligent, à travers la confrontation de trois auteurs féminins du XXe siècle, la française Simone Weil, l’espagnole Maria Zambrano, l’italienne Cristina Campo.

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La couverture qui, sous le titre Les Incandescentes, aligne leurs trois noms pourrait laisser présager un simple ouvrage universitaire. Un coup d’œil à la table des matières nous renseigne cependant sur la cohérence du propos critique plus original et plus ambitieux de son auteur : après une brève introduction présentant les trois écrivaines, chaque titre de chapitre propose en effet un regard spécifique sur ce qui justifie leur rapprochement : il n’est pas anodin que s’y rencontrent les mots « écrire », « exil », « voix », « parole », « poésie », « mystique », « liturgie ». L’essai, en effet, tout en se promenant sur un mode gracquien au cœur de ces trois œuvres, vise surtout à y cueillir et à définir le propre de la parole mystique qui les réunit toutes, et qui constitue l’incandescence dont il est question dans le titre : quelles sont les stations de ce cheminement et en quoi cette incandescence se propose-t-elle comme une salutaire renaissance de la parole ?

Trois femmes philosophes ayant partagé durant le même siècle un même goût pour un même type d’écriture : Elisabeth Bart commence par définir l’unité de ton entre ces trois œuvres. On y perçoit les mêmes inquiétudes, le même engagement, et le même souci d’une recherche de la vérité qui se veut aussi don de soi : « Attends ton livre là où il t’a donné rendez-vous. Ne le trahis pas. Un livre est comme l’Époux. Il ne dit pas l’heure de son arrivée », écrit Cristina Campo. Elle exige, cette écriture, une « sévère purification intérieure » qui tient, comme le souligne Simone Weil du surnaturel : chercher à dire la vérité de l’être, en effet, ne demeure possible que par l’extraction de soi-même hors du mensonge de l’existence quotidienne et du péché de l’être immanent. La première caractéristique de leur « incandescence » tient donc d'une grâce par laquelle l’écrit se suffira à lui-même, détenteur qu’il est d’un véritable secret, dont il tire la légitimité de sa valeur littéraire.

Elisabeth Bart explore alors un deuxième motif propre au surgissement de l’incandescence : la nécessité de l’exil, au sens où Baudelaire l’exprima dans son poème Le cygne qu'elle cite en annexe. Qu’il se manifeste par un profond désaccord ou par une véritable mort sociale, cet exil révèle une faille, une perte, un manque irrémédiable que l'individu esseulé déplore autour de lui. Dans tous les cas, l'exil se définit tel un seuil par lequel la conscience doit passer pour accéder à une forme de vérité supérieure, qu’elle prenne la forme de « l’extase » chez Maria Zambrano, de la « sprezzatura » chez Cristina Campo, de « la beauté du monde » chez Simone Weil. Alors ce sentiment d’exil devient la pierre angulaire d’une forme de résistance voire de dissidence, qui est aussi commune aux trois femmes : c’est ainsi qu’elles s’assimilent à la figure impolluée et féconde d’Antigone, dont la parole précède la différenciation entre philosophie et poésie, et qui incarne la solitude absolue en laquelle doit naitre toute conscience – et par là tout écrit.

Au-delà de ces caractéristiques (quête de la vérité, rencontre du surnaturel, passage par le filtre de l’exil, résistance à la forme organique du pouvoir en place) une incandescence de la parole commune à ces trois femmes existe-t-elle ? S’appuyant sur la figure de Saint Jean de la Croix, présent à des degrés divers dans les trois œuvres, Elisabeth Bart analyse brillamment les rapports que chacune d’entre elles établit entre philosophie et poésie, l’une en tant que discours de connaissance, l’autre en tant que discours d’amour : elle détermine en chaque oeuvre la part de désolation et de consolation, d’orgueil ou d’humilité, de fausseté ou de vérité, de savoir et beauté que chacune apporte. Elle démontre que la réconciliation entre philosophie et poésie n’est finalement possible, pour nos trois auteurs, qu’à travers le Christ, Verbe fait chair avant que la parole ne se dissociât en ces deux pôles historiquement contradictoires que sont précisément la philosophie et la poésie.  En « l’aile pourpre de la parole », qui est à la fois réconciliation et charité, nos trois incandescentes découvrent une source vive et fondent un moyen efficace de conjurer la mainmise de la Technique mortifère et du Management tout puissant sur l’homme post-moderne.

Le culte de la technique a pour conséquence la perte du sacré, celui du management l’éradication de la Tradition ainsi que le règne de la standardisation des êtres par l’instrumentalisation de leur parole à des fins de propagande ou de divertissment : la philosophie faite musique et poésie étant le corollaire du Verbe fait Chair, la liturgie chrétienne seule demeure capable de racheter les égarés que nous sommes, à condition de revenir à sa forme traditionnelle, comme Cristina Campo l’a très bien senti au moment même où Vatican II engageait sa réforme. Car la liturgie moderne issue du concile n’est nullement parvenue, face à l’empire du Management, à freiner la désaffection des églises, pour n’être peut-être, comme le fit remarquer Benoit XVI, qu’une « simple fabrication, produit banal de l’instant ». Après ce constat, l'essai se clôt sur le positionnement finalement très contemporain de ces trois Incandescentes, et sur l'intérêt renouvelé de leur lecture aujourd'hui.

C’est ainsi un livre riche, exigeant, un livre rare que nous offre Elisabeth Bart à travers le parti-pris de son parcours critique. Face à la parole pauvrement idéologique qui sévit partout, la Parole mystique et liturgique a-t-elle encore le pouvoir de nous tirer hors d’un monde immanent de plus en plus appauvri, jusqu’à la compréhension de l’Éternel qui le transcende ? Telle apparaît la question soulèvée. Le lecteur seul sait pour lui-même, « dans le secret », quelle réponse il découvre et peut lui apporter.

 

Elisabeth Bart, Les Incandescentes, mai 2019, Ed. Pierre-Guillaume de Roux 

dimanche, 03 mars 2019

Yarilo

J’ai eu la chance de lire Yarilo alors qu’il n’était qu’un manuscrit. Je dis la chance, car Laurence Guillon est un grand écrivain dans cette époque maudite, qui en recèle si peu. Un grand écrivain français...
Je ne m’étendrais pas sur l’intrigue, qui nous transporte dans la cour Yvan le Terrible, dans une Russie médiévale au réalisme onirique terriblement efficace. Je ne m’étendrais par non plus sur les personnages du roman, qui se rencontrent, s’aiment et s’affrontent dans un contexte à la fois tyrannique et amoureux, politique et guerrier, historique et religieux. Personnages dont la densité poétique, l’épaisseur dramatique et le pouvoir émotionnel qu’ils manifestent prennent à rebours la culture du narcissisme et le pseudo intellectualisme qui ont décimé la production littéraire française depuis quarante ans, avec ces producteurs d'autofiction ou de romans à thèse sur la société post-moderne commandités par le marketing éditorial hexagonal. Laurence Guillon, exilée bien loin de ces rives, est d’une toute autre trempe.
Car à mon sens, ce n’est ni l’intrigue ni les personnages qui font « le grand roman » – même s’il en faut évidemment ; non, un grand roman, c’est avant tout un rapport fusionnel entre une voix et un univers : Si Yarilo en est un, c’est que la voix qui nous plonge dans l’univers de cette Sainte Russie médiévale et dans l’âme de ces personnages, si éloignés de nous en apparence, est passée par la France et s’est nourrie de sa tradition littéraire. Yarilo est un très grand roman français parce que s’il nous offre à la fois une confrontation avec le péché, une quête spirituelle toujours exigeante et une forme de récit historique, il le fait dans un phrasé à la fois si généreux et si maîtrisé que la lointaine aventure devient aussi accessible qu’un souvenir d’enfance ; dès les premières lignes, nous nous sentons, comme le boïar Féodor Stépanovitch Kolytchov soudain personnellement concernés, et nous le restons jusqu’à la dernière.
Écoutons pour finir ce qu’en dit la romancière elle-même :
 
"L’itinéraire initiatique d’un « ange déchu » entraîné par les circonstances, un certain opportunisme et une affection éblouie pour un souverain dangereux et fascinant, dans le péché et le crime, et qui cherche peu à peu à se dégager de l’égrégore maléfique auquel il est soumis, grâce à sa famille et au métropolite martyr Philippe, qui pourrait être le saint patron des victimes de répressions politiques. Enfin la Russie, l’âme russe. Cette âme russe si difficile à comprendre qui est peut-être simplement archaïque, mystique et magique comme l’était notre âme à tous, notre âme profonde. Un artiste anglais égaré auprès de la première ambassade qu’ouvrit son pays à Moscou, et pris en affection par le monarque et son favori, en devient l’observateur bienveillant, dérouté, effaré et peu à peu absorbé sans retour. C’est un roman historique atypique, peut-être plutôt un conte. L’itinéraire initiatique du héros est aussi le mien, je l’ai fait pour mon propre compte, mais aussi pour mon lecteur, car un livre est toujours un partage et un don."
Laurence Guillon

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Laurence Guillon, Yarilo, Ed. du Net, 546 pages, 31 euros
Pour se procurer le livre, c'est ICI
 
 

02:12 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : yarilo, laurence guillon, russie, littérature, yvan le terrible | | |

lundi, 23 octobre 2017

Ecrire, l'attente...

Il est périlleux, pour un écrivain, de se déclarer véritablement libre.  Cela revient à s’affranchir de toute idéologie dominante, et d‘autres, plus pernicieuses, parce que plus en accord avec un secret système de références auquel on ne pense pas de prime abord.  

Pour les modernes comme James Joyce ou Claude Simon, cela revint à déconstruire les grandes formes narratives dont ils étaient les héritiers, à se mettre à l’abri du verbe figé par d‘autres, en quelque sorte, dans ce travail d‘éloignement du sens commun. Mais lorsqu’avec le diktat littéraire du structuralisme, leur effort original fut élevé au rang de l’idéologie, l’entreprise révéla qu’elle n’était qu’un cul de sac dans lesquels les imitateurs d‘Ulysse ou de la Route des Flandres vinrent abdiquer toute liberté.

La construction de la culture de masse, par ailleurs -  à ne pas confondre avec la démocratisation de la culture - a promu un nombre incalculable de faux auteur(e)s adeptes du marketing, dont certains finissent chroniqueurs chez Ruquier afin de boucler leurs fins de mois ou d’assouvir une soif de notoriété aussi maladive que celle des politicards.

Entre ces deux extrêmes, le salut demeure peut-être dans le silence et dans l’attente : il n’est pas anodin de dire que le dernier bon roman que j’ai lu n’était encre publié par personne…

littérature

Sans rapport, Keats sur son lit de mort 

19:04 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature | | |

samedi, 02 septembre 2017

Un 2 septembre en 5 infinitifs

Rentrer : Le verbe, déjà, sonne bizarrement. Son préfixe le place sous l’égide de la répétition, de la reproduction. On réemprunte des sentiers battus, qui qu’on soit, de l’école à l’entreprise, on porte des habits éculés. La rentrée signe notre adhésion enthousiaste ou contrainte au système : une forme de soumission. C’est un « moment » de ce calendrier fixé par d‘autres sur nos vies, avec ses stéréotypes et ses clichés incontournables. La « vacance » n’était qu’une illusion. Et c’est ainsi qu’Allah est grand. 

Lapider : « Et c’est ainsi qu’Allah est grand » : la clausule de Vialatte est particulièrement ironique de nos jours. Je me demande ce que le Chroniqueur de La Montagne dirait de ce pèlerinage des musulmans qui confesse tout de ce qu’est leur foi, au fond. Lapider Satan… véritablement ? Quelle folle théologie le conseillerait ? Cela revient à lancer un gamin de trois ans contre une brigade de CRS… Il s’agit, plus prosaïquement, de lapider symboliquement ce qu’ils appellent Satan, c’est à dire nous, nous les Chrétiens, ainsi que et les Juifs. Symboliquement, en attendant…

Inculper :  A propos d‘Israël, parait que Sara Netanyahou vient d‘être inculpée pour corruption par le procureur général Avichaï Mandelbli. Une affaire de détournement, rien de très différent sous le soleil de Césarée. La famille Netanyahou allègue la même ligne de défense que celle de la famille Fillon : la persécution. Rien, décidément, qui ne se répète, ici ou là, encore. Et n’empire. C’est comme une spirale d‘incessants retours, ce monde, sur la même question jamais résolue.  Un Satan qui se mord incessamment la queue et par lequel, bien que semblant vivants, nous sommes morts.

Prier : La plupart des Français ont cessé de prier quand ils ont eu le droit de vote, les congés payés et la sécurité sociale. Que leur restait-il à demander à Dieu ? Les pauvres ! Dans une prison dorée, dont les murs s’effritent peu à peu devant leurs cerveaux ahuris, ils sont alors tombés.  Hier, nous n’étions qu’une vingtaine au grand maximum entre vingt heures et minuit à l’exposition du Saint Sacrement : pourtant, quand il s’agit de #prayfor, les messages se multiplient comme la chtouille. Les Français aiment « prier pour », mais sans complément. C’est pourtant dangereux, ils devraient l’avoir compris d‘attentat en d’attentat, de ne pas savoir qui on prie… Devant le Saint Sacrement, au moins sait-on qui on doit prier…

Écrire : on a tort de critiquer Moix ou Angot : ils ont compris à la perfection ce que doit être un écrivain aujourd’hui : un individu métissé, autant dans sa pensée que dans ses pratiques culturelles. Aussi se font-ils « chroniqueurs », comme les hommes politiques ou les anciens footballeurs, chacun dans sa bulle médiatique. Ce qui leur permet – car leurs bouquins ne sont pas aussi lus qu’on le croit –, d‘arrondir largement leurs fins de mois et de faire une rentrée, eux aussi, quelque part, eux aussi. Pas de quoi se déchainer en masse sur twitter…

jeudi, 17 août 2017

Serguiev Possad 1 : Savva le Magnifique

Il fait une température idéale lorsque, après avoir perdu un peu de temps pour acheter le billet idoine devant les guichets automatiques, je grimpe dans un wagon du train parvenu enfin à quai, gare de Iaroslav (Ярославский вокзал). De l’autre côté du couloir central, un vieil homme affable s’installe et dépose sur la banquette qui lui fait face son accordéon. Pas mal de places de libres, encore, d‘autant que les rangées sont larges et qu'on y tient largement à six. Quelques minutes plus tard, un bonhomme d'une quarantaine s’installe à mes côtés et engage la conversation en russe. Je lui réponds en anglais. L’« electrichka » démarre lourdement et l’accordéoniste entame un air sur son instrument.

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Pendant ce temps, l’inconnu m’explique qu’il est aussi musicien, batteur, plus exactement, et me fait écouter ce que ça donne sur un smartphone qui a l’air d‘avoir vécu autant que son propriétaire. La porte du compartiment s’ouvre tout soudain, et une femme chargée de sacs emplis de livres de cuisine commence à faire l’article. Le vieux qui a fait le tour des voyageurs avec sa casquette en profite pour mettre les voiles dans un autre wagon, et l’inconnu me sourit d‘un air goguenard, l’air de dire « ça roule ! ». Ça roule, en effet, et déjà nous avons laissé la banlieue de Moscou pour un ciel plus limpide. Je vais à Serguiev, da ! Lui continue jusqu’au bout, à Iaroslav. À chaque arrêt, un va-et-vient important de voyageurs munis de sacs. La ligne dessert scrupuleusement toute la banlieue nord de Moscou, puis les premiers villages dans lesquels les Russes possèdent leurs datchas. Et entre chaque gare, tandis que le train fonce, des vendeurs à la sauvette qui proposent des livres, des peignes, de la colle extra-forte, des sous-vêtements. Les plus pros ont même des petits micros portatifs.

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Mon batteur se lève brusquement et disparaît à l’autre bout du compartiment : quelques minutes plus tard, un contrôleur qui biffe d‘un trait de bic bleu nonchalant mon aller-retour à 352 roubles. Il a coincé mon Kerouac russe plus loin ou bien est-il descendu de lui-même pour attendre le prochain train ? Je l'aperçois un peu plus tard sur le quai à la gare suivante, tandis que le convoi redémarre. Enfin, Serguiev Possad ! A la capitale, les passages souterrains sont légions et la foule bien disciplinée, ici une petite troupe de voyageurs commence à traverser la voie au plus pressé...

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Aux abords de la petite gare, des femmes âgées proposent de leur acheter des bouquets de fleurs. Non loin de ce petit kiosque, je tombe nez à nez avec Savva Ivanovitch Mamontov, l'ancien directeur de cette ligne Moscou Iaroslav. Mamontov fut surtout un mécène, propriétaire de la maison d’Abramtsevo et animateur du cercle d‘artistes qui domina la vie culturelle moscovite des années 1880-1890 : ami de Repine qui réalisa son portrait et de Rimski-Korsakov, de Stanislavski et de Mussorgsky, fondateur de l’Opéra privé russe qui lança Chaliapine.  Il fut à ce titre l’un de ceux qui introduisirent la mise en scène dans l’Opéra, renouvelant toute la dramaturgie du vingtième siècle naissant. Pour parfaire sa légende, « Savva le Magnifique », comme le surnommèrent ses amis artistes dans un clin d'oeil à Laurent de Médicis, finit diffamé et ruiné en 1918, suite à des soupçons de détournement de fonds au sein de la compagnie férroviaire. Comme quoi les liaisons entre l'art et l'industrie finissent souvent quelque peu dangereuses. La statue garde cependant fière allure :

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Le grand artiste d'opéra russe Chaliapine déclara au sujet de son ami mécène en 1933 à Londres : « Je voudrais me souvenir de mon ami et professeur, Savva Ivanovich Mamontov qui a consacré toute sa vie, sa connaissance et son capital au service de l'art désintéressé ». L'art désinteressé : un rêve, un mythe, presque, un siècle plus tard, une grâce aux parfums irréels, le don de soi à la beauté, alors que triomphent dans toutes les capitales le marketing et les marchés financiers. Stanislavski, dans Ma Vie dans l’art, raconte : « Les spectacles étaient répétés, préparés, au sens des décors et des costumes, en deux semaines. Dans cet intervalle de temps, le travail continuait nuit et jour et la maison [de Mamontov] était transformée en un immense atelier. Les jeunes et les enfants, les parents et les amis affluaient chez lui de toutes parts et participaient au travail commun. Certains mélangeaient les couleurs, d’autres enduisaient la toile d’une couche préparatoire, aidant les peintres qui peignaient les décors, d’autres encore s’occupaient des meubles et des éléments fabriqués. (…) Chez les femmes on coupait et on cousait les costumes, sous le contrôle des peintres eux-mêmes que l’on ne cessait d’appeler à l’aide pour des explications. (…) Tout ce travail se déroulait au milieu du fracas et des coups de marteau des travaux de menuiserie qui venaient du grand bureau-atelier du propriétaire des lieux. On y construisait les tréteaux et la scène. (…) Au milieu de ce bruit et du vacarme, il [Mamontov] écrivait la pièce, pendant qu’en haut, l’on répétait les premiers actes. » 

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Mamontov, par Repine.

Mais bon ! Malgré toute la religiosité qui entoure cet immense personnage de la culture russe, suis-je  venu en pèlerinage à Serguiev Possad, l’un des cœurs les plus palpitants de l’orthodoxie russe, seulement pour lui rendre hommage ?   Un peu plus loin, la vue sur La Laure de la Trinité Saint Serge surgit, à couper le souffle : une cathédrale à cinq dômes, plusieurs églises, un palais, un clocher à 88 mètres et des académies religieuses parsemées autour …

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A suivre ...

 

samedi, 08 juillet 2017

Le prix à payer

Joseph Fadelle a écrit un grand livre. Bien plus qu’un témoignage, car il ne se contente pas de conter son point de vue : il relate le contexte véritablement kafkaïen dans lequel il est pris, et le « chemin » dont il se saisit pour s’en échapper. Bien plus qu’un simple récit. J’ai songé plusieurs fois au Si c’est un homme de Primo Levi qui, dans un tout autre contexte narre une histoire qui n’est pas simplement autobiographique, mais touche à une forme d‘universel. L’Islam, m’objectera-t-on, ce n’est pas un camp de concentration.  Ce que vit Fadelle, pourtant, ce qu’il dit, c’est qu’il y a des points communs : l’enfermement, la peur, la torture et le risque de mort. Le Prix à payer est un grand livre, où s’affirment plusieurs vérités.

Tout d‘abord, celle, essentielle, que le propre du chrétien n’est pas, contrairement au musulman, de pratiquer une religion. Le propre du chrétien, ce qui vient en premier dans sa conversion, c’est sa rencontre avec le Christ. Du rêve que fait le narrateur au début à sa guérison miraculeuse, le fil conducteur de l’intrigue est bien ce lien d‘amour surnaturel que le Christ tisse peu à peu avec lui : Le héros est chrétien avant même d‘être baptisé, marqué par le Christ dans ce désir tenu et clandestin de le devenir ; ce qui fait dire à plusieurs de ses rencontres qu’il est plus chrétien qu’eux.

Ensuite, comme le souligne le titre, qu’il y a « un prix à payer ». Tous les chrétiens les savent : rencontrer le Christ, c’est aussi rencontrer le péché, et « nul ne devient chrétien sur un tapis de roses ». Or le grand Péché de ce personnage narrateur, c’est l’Islam, l’Islam qu’il lui faut, au risque de sa vie, fuir, lâcher, expurger : « J’ai aussi l’impression de participer à l’effondrement de l’Islam, même si je sais par ma triste expérience, que le poids de la société islamique est un frein puissant à la conversion. »  Cela ne se fait pas sans souffrance, ni persévérance intérieure. L’aventure de Mohammed Moussaoui devenu Joseph Fadelle tient intrinsèquement de la quête du Graal en ce sens que la recherche et de l’obtention du baptême constituent un suspens un suspens à part entière ; un conte du Graal qui se jouerait dans l’Irak de Saddam Hussein sur le point de sombrer dans le chaos

Corollaire de la quête, le récit fait de l’exode un fil pleinement conducteur. Joseph et Marie, avec dans le rôle de leurs persécuteurs leur propre famille – dans une ligne très christique là encore –, fuient l’Islam et sa folie, sa violence, son fanatisme, sans savoir où ils peuvent se réfugier, « J’espère, sans trop y croire, que nous ne serons pas obligés de fuir en Occident, où la langue serait un grand obstacle à notre intégration. » C’est pourtant en France qu’au terme de sa pérégrination, et d‘un long « abaissement », la petite famille trouvera finalement refuge. Là il découvre le grégorien en latin, qu’il prend pour du français et appelle « la langue de Dieu »

Derrière les enjeux dramatiques et théologiques qu’il aborde, « Le prix à payer » est aussi un grand livre politique : il claironne à notre surdité chronique ce message essentiel que nous avons tous besoin d‘entendre, que la vulgarisation et la banalisation de l’Islam sont un danger pour les libertés fondamentales, devant lequel tous les gouvernants occidentaux se voilent la face pour mieux se coucher à plat ventre: « Ici ou en Irak, la vie nous sera toujours impossible, à nous chrétiens convertis, tant que les gouvernements de ces pays reconnaitront la loi islamique, la charia, comme source unique du droit, tant qu’ils n’autoriseront pas cette liberté fondamentale de pouvoir changer de religion et quitter l’Islam »

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lundi, 03 juillet 2017

De Vialatte à Macron

Est-ce entrer dans une « théorie du complot » que de constater que la lente apostasie de la France et sa déchristianisation consécutive furent concomitantes à toute une série de lois qu’une succession de gouvernements à forte inspiration maçonnique ont promulguées au fil des décennies ? 
Est-ce devenir vivement paranoïaque que de remarquer que toutes correspondent à une forme d’atteinte à l’un des Dix Commandements ? De l’avortement au divorce par consentement mutuel (crime, adultère), du mariage gay au travail du dimanche (luxure, idolâtrie) de l’encouragement au crédit au culte du développement personnel, en passant par tout ce qui se prépare avec la PMA, GPA, et autre euthanasie, le moins que l’on puisse dire est que la société française est devenue violemment, quoi qu’elle en pense, anti chrétienne, sous la pression de gouvernements successifs qui, légalisant en faveur de prétendues libertés, n’ont visé qu'à dresser leurs lois contre celle des Dix Commandements et, par ce détour, à éradiquer le véritable christianisme du pays. 
On peut certes résister en tant que chrétien mais la jungle de l'ultralibéralisme et celle de l'Islam sera le prix à payer de tant d'aveuglement collectif dans cette république ridicule et profondément suicidaire, qui vient d'élire son dernier clown et dont les élites vont feindre pendant 5 ans de s'en mordre les doigts...

"Et c'est ainsi qu'Allah est grand", concluait Vialatte à chaque chronique de la Montagne. Il ne saurait mieux dire dorénavant, hélas, en un premier degré confondu.

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17:02 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, politique, vialatte, littérature, christianisme | | |

samedi, 01 juillet 2017

L'inclinaison

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Non loin de là
L'au-delà
S'y glisser pour renaître
Par la fenêtre 
De chaque nuit

02:44 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature | | |

vendredi, 23 juin 2017

Domine, quo vadis ?

Cette petite église, reconstruite par le pape Clément VIII, est vraiment loin d‘être la plus belle de Rome et ne présente pas un grand intérêt architectural ; elle est cependant riche d’un intérêt surnaturel et d‘un intérêt littéraire.  La formule qu’on découvre sur le fronton [« Haeic Petrus a Xsto petiit », qui en latin classique se lit « Hic, Petrus a Christo petiit », – Ici, Pierre a demandé au Christ] rappelle l’apparition du Christ à son apôtre en fuite sur la via Appia et la question que ce dernier lui pose  : « Domine, quo vadis ? » ce qui signifie « Seigneur, où vas-tu ? »

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On sait que saint Pierre avait été incarcéré à Jérusalem, puis libéré de ses chaînes par un ange, et qu’il était alors parti pour Rome. Là, voilà qu’à la suite du grand incendie qui a détruit la plus grande partie de la ville, Néron en rend coupables les chrétiens pour détourner les soupçons qui pesaient sur lui d’avoir voulu faire de la place pour sa Domus Aurea, sa Maison Dorée. Pierre est, parmi les apôtres, celui qui,  a cru pouvoir marcher sur l’eau comme Jésus, qui l’a renié trois fois après avoir affirmé que jamais il ne ferait une chose pareille, qui a peur. C’est le genre de faiblesse que saint Paul ne lui pardonnait pas. Et voilà qu’apprenant un début de persécution des chrétiens, effrayé par le sort qui risque de l’attendre, il veut fuir Rome. Ses chevilles sont encore blessées des chaînes de Jérusalem, des bandes pansent ses plaies. Dans sa fuite, il en perd une là où a été construite l’église Santi Nereo ed Achilleo, et continue sa route vers la via Appia qui pourra le jeter dans l’anonymat de la campagne, et peut-être jusqu’à la côte des Pouilles où un bateau l’emmènera vers la Grèce ou la Palestine. Mais ici même où nous sommes aujourd’hui, saint Pierre voit devant lui Jésus en personne, portant sa croix. Stupéfait, il lui demande « Seigneur, où vas-tu ? » en s’arrêtant tout net dans sa course. Il est alors pris de honte et de remords devant sa conduite, et repart vers Rome. On connaît la suite, et son martyre représenté par tant de peintres, dont Le Caravage. De part et d’autre, à gauche Pierre, à droite Jésus, les deux protagonistes de la rencontre censée avoir eu lieu ici...

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L’Église ne fait pas un dogme de cette apparition, même si elle semble considérer comme historique ces  empreintes reproduites sur la photo ci-dessous, qui auraient été laissées par Jésus dans une pierre qui a été scellée dans le sol de la nef.

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 Dans le bas de l’église, à gauche, on peut voir, sur un piédestal, un buste de l’écrivain polonais Henryk Sienkiewicz : « Voilà sept ans, lors de mon dernier séjour à Rome [en 1894], j’ai visité la ville et les environs avec Tacite à la main. Je peux dire clairement que l’idée même était déjà mûre en moi. Il n’y avait qu’à trouver un point de départ. La chapelle Domine quo vadis ?, la basilique Saint Pierre, les collines Albanes, les Trois Fontaines ont effectué ce travail. Voilà la genèse de Quo Vadis »...

 Ailleurs, il ajoute quelques détails : « Le célèbre peintre polonais Siemiradzki qui, à l’époque, vivait à Rome, […] m’a fait voir la chapelle Domine quo vadis ? C’est alors que me vint à l’esprit l’idée d’écrire un roman sur cette époque et j’ai pu la réaliser grâce à la connaissance de l’origine de l’église ».

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