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dimanche, 17 juin 2012

Sable savant sur la falaise

1. La réduction du lyrisme à la vitesse ayant brûlé sur le sol toute trace, même infime de l'humide, le silence est tel et demeure si sec qu'on ne boit plus rien. Personne.

2.  Rien ! Au creux des ornières, le long des rigoles, la rétraction des secondes est si perceptible qu'un nouvel arrivant renoncerait à graver l'empreinte même de ses pas : de rocheux socles en ronceux nids, la tyrannie du sec si légitimée que la parole implore en la silhouette de la moindre rugosité. Implore. Seul, l'entrelacs violet du piment bruit de l'assaut de violentes files; fourmis dont les pattes brunes se bousculent en traçant dans le foncé de la poudre des alphabets divagants. 

3. Angles, plis, coins, fentes, aspérités : Plus rien n’est prononcé. De trop cuire, le sol s’est cisaillé. Toute parole s’est restreinte à la volonté du siècle dur. Tout récit, à n’être plus raconté.
Dans le gris de la rocaille, partout régnant, la disparition des temps humides apparaît telle une cérémonie accomplie, par le mutisme de ceux qui les a bus.

4. Sable, ici, Si savant…

Que l’ennui s’est mué en un coma qui se cabre dans la fibre de chaque fossile : Des phares, fidèlement, n’avaient-ils pas veillé sur ces lieux, traçant, féconds, de géométriques figures dans la candeur inépuisable de leur nuit, du rebond de leur fil, à l’horizon, trapèzes ?

5. Ce qu’affronte la falaise ! Tout, tout ce qu’endure son brusque précipice !

L’enquête, à bien mener, coûterait trop d’aveux… Et c’est donc un passé toujours indéchiffrable qui s’astreint sur son front rétracté à l’évaporation : Tant s’effrayait, naguère, en leur rotondité, de leur haute lueur, l’enclos de leur vieux bâtiment ! Le vif de leur effort, c’est l’ivoire de leur tour qui, seul, l’a bien connu.

6. Si la signification des figures qu’ils lancèrent inépuisablement jusqu’à nous sur la lande fut jadis défénestrée par paresse, la falaise a malgré tout appris à survivre au-dessus des décombres dans le voltige mousseux des lueurs ineffaçables :

Charpente ainsi d’un hautain précipice,
Sa torride et sa savante malice
Tancent d’un clin d’œil sec de sédiment
Plaines, prés, champs, puis, là-bas, l’océan.

7. La science de ce sable, ici partout savant, n’aura produit, finalement, en plein cœur de la précarité des saisons, que le coma stagnant des fossiles : Troncs rugueux et tannés devant de béants orifices, crinières excédées des racines au bout des souches déculottées, là où l’humus avait garanti l’inscription solide de la trace et la respiration pleine de charmes de l’enfant. 

8. Parole ôtée à son humide auteur,
Trace d’un simple fil,
D’un art patent, lettres abandonnées,
Epitaphe cuisant d’un vers éteint,
La lumineuse trace des absents pèse
Trop sur ce vers que j’étends …

9 L’aridité d’un lit tari à l’or
Découvre au ciel en bans luisant alors
Ternes parmi l’éclat des galets ronds
Quelques rides lisibles de limon
Souple et perlant écueil pur acrobate
Verbe dont l’ordre est l’éclat qui l’extrait
Vif et naïf de la poussière mate
Du relief de sa courbe où tout se tait

« Mon geste il tue majestueux »
Déclare étagé sur le sol
L’ascèse au trait volumineux
D’un alphabet humide et seul...

 


Solko

(première piublication, septembre 2008)

 

00:01 | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : sable savant sur la falaise, solko, littérature | | |

Commentaires

L'alphabet humide et seul me parle dans l'oreille...

:-)

Écrit par : frasby | dimanche, 21 septembre 2008

Tout est affaire de s'écouter (verbe qui fonctionne en réfléchi comme en réciproque...). Nous voilà donc d'accord une fois de plus

Écrit par : solko | dimanche, 21 septembre 2008

Mais oui absolument d'accord !
...s'écouter et ouïr ...
qui se conjugue à la première personne du présent de l'indicatif :
j'ois !


PS : S'ouïr : Est ce que cela se dit ?

Écrit par : frasby | lundi, 22 septembre 2008

Je ne sais pas.
Mais j'ois me met en joie. Joie, que je trouve ce matin est très joli.
Bonne journée

Écrit par : solko | lundi, 22 septembre 2008

DANSE DU CALISSON

Autoportrait à l'oreille
Point tranchée
Tout le mérite du pas
De la reconnaissance
Le vent des caresses souffle
Sur la braise en micron
Qui resplendit au travers
Des encres frigides
Et des mots inutiles
D'un swing insouciant

Écrit par : gmc | lundi, 22 septembre 2008

@ GMC
Insouciant, bien qu'averti :
Le mot a fait sortir du bois
Le sage dont l'ouie est sûr.
Nous ne parlerons d'autre réponse
Que celle de l'accueil bienveillant
Là où l'alphabet s'incline
Devant le blanc sidérant.

Écrit par : solko | lundi, 22 septembre 2008

Paysage Japonais : le sable, la brume et l'eau de la montagne...

Écrit par : Sophie K. | dimanche, 23 octobre 2011

Je suis très impressionnée par ce texte.
Je le lis et le relis depuis hier...

Écrit par : Michèle | dimanche, 23 octobre 2011

Merci Michèle
J'ai passé pas mal de jours avec lui, à l'époque, le pensant un peu comme une sorte d'art poétique dans un début de siècle où tout s'emballait. C'est un poeu comme cela que je le retrouve, d'ailleurs, comme s'il n'avait pas vieilli.
Je me souviens avoir eu une foi immense en la littérature.

Écrit par : solko | dimanche, 23 octobre 2011

Vous avez su, parfaitement, cerné que la dilatation de la parole s'accompagne d'une contraction de l'espace qu'elle accapare , au point qu'elle n'est plus qu'une masse inertielle en perte d'énergie et sans force errant dans l'infini du néant.....Il ne reste plus qu'un silence enfermé dans un trou noir, impuissant à être méditation, ressourcement....La parole frelatée pourrit jusqu'à nos essentiels et intimes silences...disparition des résonances...

Écrit par : patrick verroust | dimanche, 17 juin 2012

Merci de votre commentaire et de votre lecture, Patrick.

Écrit par : solko | dimanche, 17 juin 2012

Quelle belle idée de faire renaître ce texte, retour des profondeurs après un temps de silence (non d'oubli), après un temps où ouïr mettait en joie, on a dû croire à l'origine, que de multiples possibilités d'écoute pouvaient aussi relier nos "essentielles et intimes silences" sans y mêler le moindre doute, ainsi intuitivement, l'écoute pouvait nous éclairer et ne pas laisser au silence cette impression négative d'isolement, d'indifférence ; quand enfin nous cessions d'écrire, de parler...
C'est, au contraire, il semble, lorsque vient ce désir de ne plus remplir l'espace que pourrait apparaître le don d'approcher au plus près le vivant et nous pouvons alors imaginer comment les hommes pourraient communiquer entre eux en se laissant porter par l'espace en admettant qu'ils consentent à écouter plus qu'ils ne parlent... Ce ne serait pas sans vertige de voir surgir alors des possibilités qui sans doute nous dépassent. Il y a là, je crois, comme dans ce commentaire, une sorte de paradoxe. Comment communiquer cela exactement, sans abuser de la parole ?
On dirait que l'oreille s'est encore un peu atrophiée tandis que l'encre n'a cessé de couler (sur ?) nos ponts, nos collines, nos vallées. Mais votre texte offre un beau grain qui veille à ne pas laisser gagner le désert, même si le désert est avancé et qu'on sait bien qu'un jour il nous laissera sans voix.
En attendant, ce texte est là, "présent" à tous les sens du terme, le mot, le son et le silence réveillant au delà du sens des entretiens magiques ou peut-être cette part très ancienne presque oubliée qu'un "autre", écrivant des silences et tâchant de "fixer des vertiges" dans sa nuit, appelait "Alchimie du verbe"...
Merci infiniment, Solko.

Écrit par : Louis | mercredi, 20 juin 2012

La parole est d'argent et le Louis est d'or

Écrit par : solko | mercredi, 20 juin 2012

Le louis dort. Bon anniversaire, Solko.

Écrit par : Louis | mercredi, 20 juin 2012

Les commentaires sont fermés.