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mardi, 04 janvier 2011

Retour des champs

Songe à un texte. Un texte qui serait le texte. En serais-tu l’auteur, le lecteur ? Qu’importe. Ce serait le texte. Autorité indiscutable de l’article défini et de l’instituteur en blouse grise, qui nous en fit comprendre la loi et retenir les vertus tandis qu’il faisait les cent pas entre nos tables, sur le carreau d’alors, et parfois s’appuyait contre un radiateur  : Le texte, donc

En son rythme trônerait un arôme, celui de la fin des conflits. Il dirait, ce texte, le repos de l’instant dans l’instant même, au soir. S’y trouverait surligné ce qui, au centre du désir des hommes et des femmes, s’affirme souverain dans leur chair, un retour à l’assouvissement le plus antique, le plus préhistorique même. Hic et nunc.

Nous marchions jadis dans ce qui reste de nos champs autour de leur ville, souviens t-en…  Telle était la survivante signature de notre destin : marcher parmi ces herbes battant nos genoux.  Gagner ces quatre murs de pisé, et puis non loin ce toit de tuiles,  non loin malgré la boue. Le ciel, d’un gris inavouable.

Cela fait si longtemps que nous dormons sous des toits.

Il paraît – mais c’est encore un aveu scientifique, faut-il s’y fier ?- que notre patrimoine génétique dépend à 4% de Neandertal. Quatre pour cent, c’est pas bézef mais c’est déjà, nom d’un chien,  ça ! Pour des espèces réputées incompatibles…

 Ainsi nous ne serions pas uniquement sapiens. Quelle chance, hein, crois-tu pas ?

Me demande encore, trottant sur cette sente, et ce ciel ouvert comme un livre à quoi ressemblerait le siècle si Neandertal avait pour de bon survécu… race de Caïn, race d’Abel…  L’histoire trop grasse de ces fratries conflictuelles : Et moi qui, fils unique, me croyant si solitaire, m’en suis prétendument banni…  

Me demande bien en ce soir  attiédi  si Neandertal avait su cohabiter…  Neandertal en col blanc, ça s’imagine, des choses pareilles ? Cadre chez IBM ?  Animateur sur TV Monde ? Conseiller en communication ?

Mais d’où me subsiste depuis toujours,  l’affirmation de ce grand geste de sauvagerie primitive, lequel me fit à part égale haïr les distributeurs  automatiques, les  présentatrices météo et les  crédits à la consommation ? Et ce dégoût face à l’euro ! Un si profond dégoût…

 

TRAVAUXDES CHAMPSCARRAND.jpg

 

Illustration : retour des champs, Louis Carrand

 

 

C’est le retour des champs. Sur le tableau de Louis Carrand, trois silhouettes obliques, à peine esquissées. Cet oblique murmure la hâte. Le frais qui commenc eà pincer. Là-haut, dans le gris inavouable, frémit l’orage.

L’orage néandertalien, cela, non, lui, ça n’a pas changé.

Vite, sur le sentier entre les blés.

 

Vite… Mais en attendant bien-aimée, comme ils le disaient en leur cantique, presse-toi contre mon épaule et goute un  peu cette force de poésie qui, là, demeure. En ta salive et en ta chair, je feindrai d’épuiser mon temps. Et peut-être même,  pour quelques secondes, irai-je au bout de ma feinte.

 

Qui sait de quel aveuglement,  un heureux renard est capable ?

 

09:09 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, poésie, peinture, louis carrand | | |

Commentaires

Ce texte, Le Texte n'est pas un text(e)icule mais il est pénétrant. Hic et Nunc. En escrime, on applaudirait la jolie feinte pour une belle fente.Un heureux renard est capable de courser lapine dressée.
Avec l'euro , ce fut la mise à néant der thaler , de bon argent, pourtant, une mark déposée, si on peux dire . Ce fut, aussi, la fin de la bohème.Maintenant, si le beau est mien , il est urgent de foutre...le bohémien, dehors.

Écrit par : patrick verroust | lundi, 03 janvier 2011

@ Patrick : Ah superbe et chapeau bas !
Vos "billevesées amusées" égayent, et ne troublent pas.

Écrit par : solko | mercredi, 05 janvier 2011

Un critique d'art (J.J. Lerrant), disait de Louis Carrand qu'à force de gratter ses tableaux, de les poncer jusqu’à révéler l’enduit de fond, et de les ré- empâter – comme s’il balançait entre deux tentations : accumuler les strates ou passer à travers - , il obtenait des paysages d’usure, transfigurés par ces récurages et ces reprises et suspendus entre la naissance des formes et leur abolition, l’être et le non-être. Il ajoutait qu'une lumière veillait dans de telles palettes géologiques. Qui semblait venir du dedans.

Comme le peintre, vous fusionnez les contraires, mettez ensemble des choses qui pourraient paraître antinomiques et nous entrons avec vous dans cette feinte du temps.

Écrit par : Michèle | lundi, 03 janvier 2011

Vous pratiquez l'art du calembour collectif et à distance.

Écrit par : solko | mercredi, 05 janvier 2011

Il y a quelque chose de parfois cocasse avec les commentaires faits en simultané (le second ne pouvant donc tenir compte du premier), c'est qu'ils arrivent sous un éclairage imprévu :)
En lisant ce qu'écrit Patrick Verroust, je souris de l'orientation que cela peut donner à ce que j'ai écrit. C'est le jeu :)

Écrit par : Michèle | lundi, 03 janvier 2011

Michèle:

Ils sont très bien vos commentaires, des gloses fort bien réfléchies. Je ne voudrais pas venir troubler avec mes billevesées amusées, mi sérieuses, mi burlesques, la qualité d'échanges que vous apportez ici.Je n'ai votre connaissance de Louis Carrand, je n'ai, délibérément,
pas commenté la toile présentée par Solko. Les trois personnages me semblent plus effacés qu'esquissés, ils sont de la terre, en pâte humaine, à peine pétris, de la poussière, vivante un instant. Ils sont obliques dans le sens de la pente, de la descente inexorable, désirée, peut être (songez aux suicides soudains des paysans). La femme mène le train, le troisième homme est emporté dans le mouvement. La sente ne semble pas mener aux maisons. Sont ce des vagabonds ou des charbonniers qui sont allés glaner? Les champs sont en ordre, les journaliers vont allés se réfugier dans quelque cabane en foret, se nourrir d'un mauvais brouet. Tout l'art de Carrand consiste à suggérer sans dire. Il use d'un impressionnisme à fleur de terre. Il connait la délicatesse du travail de la soie, il essaie sur ses toiles d'en reproduire la texture pour obtenir les mêmes les sensations visuelles fugaces et troublantes.

Écrit par : patrick verroust | mardi, 04 janvier 2011

Voilà. De la chair et des couleurs, et ce dès le 3 janvier. Solko, tu es prompt, je te soupçonne de posséder 5% de Néanderthal (heureux) en sus de tes 95% plus que sapiens-sapiens.

Écrit par : Sophie K. | mardi, 04 janvier 2011

Haha : Neandertal sans accent (et maintenant sans hache). Scusi

Écrit par : Sophie K. | mardi, 04 janvier 2011

@ Patrick Verroust : ma connaissance de Louis Carrand vient de là :

http://lesruesdelyon.hautetfort.com/

J'aime bien votre récit du Retour des champs :)

Écrit par : Michèle | mardi, 04 janvier 2011

Michèle:

Merci,

Le texte de Solko maniait l'ironie, la gravité, un érotisme discret , nous avons de commentaire en commentaire un voyage amusant, cultivé et réflexif.

Écrit par : patrick verroust | mercredi, 05 janvier 2011

C'est un manière discrète de reprendre (ou de continuer) sur le plan individuel la cohabitation fructueuse entre les deux espèces.

Écrit par : solko | mercredi, 05 janvier 2011

Les commentaires sont fermés.