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jeudi, 21 avril 2011

Laïcité : où conduit l'égalitarisme ?

Où conduit l’égalitarisme ? En matière d’enseignement, à ne à plus considérer la valeur personnelle de chaque individu, mais la nécessité politique de décerner à chaque membre du troupeau dès sa majorité un vague diplôme.

L’égalitarisme confond l’égalité des droits et celle des devoirs avec celle des  valeurs, en dressant une analogie de principe entre elles. Bien sûr qu’un élève a les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’un autre. Mais comment nier le fait que son effort, son travail, son niveau diffèrent de ceux d’un autre : c’est d’ailleurs ce que le système et son besoin de notes demande aux professeurs d’évaluer, tout en leur expliquant  depuis bientôt trente ans qu’il ne faut pas faire de discriminations entre bons et mauvais au nom de l’éthique républicaine et de je ne sais quelle morale éducative.

Lorsque Claude Allègre, alors ministre de l’Education Nationale, déclara que le français était une langue comme les autres, il avait bien sûr raison en tant que linguiste. Pourtant, chargée d’affects comme elle l’est pour les Français, leur langue maternelle n’est pas une langue comme les autres et la pensée abstraite qui veut faire d’elle l’équivalent d’une autre se trompe, de la même manière que lorsqu’elle postule une égalité de valeur entre l’effort et le travail de divers élèves. Toutes les littératures, tous les mouvements culturels  se valent-ils ? Oui dans l’absolu. Non dans les faits. De la même façon que l’italien, l’arabe, le russe ou l’hindi ne sont pas des langues comme les autres pour des Italiens, des Arabes, des Russes ou des Hindis, le français non plus n’en est évidemment pas une. De la même manière, notre mère n’est pas, quoi qu’on en dise, une femme comme les autres. Personne ne pense sans affects. Le croire est un leurre.

Appliqué à la laïcité, voilà ce que donne ce dogme de l’égalitarisme: en France, le christianisme devrait être une religion comme les autres ! Quelle tartufferie ! Raisonnement de sociologue rompu à la bien-pensance de l’égalitarisme démagogique, raisonnement se croyant objectif alors qu’il n’est qu’analogique. Pur sophisme. Car à moins de gommer quinze siècles de culture et d’histoire, force est de constater qu’en France, le christianisme ne peut être « une religion comme les autres »,  le christianisme n’ayant pas produit sur cette terre les mêmes effets ni les mêmes mœurs, les mêmes langages ni les mêmes significations que d’autres religions. La réciproque est vraie en d’autres terres. Le nier est une folie.

 

La laïcité postule fort justement que tous les hommes ont une liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire, et qu’en terme de droit ils sont égaux, et que le fait politique et le fait religieux sont indépendants l’un de l’autre. Il ne vient à l’esprit de personne de contester cela. Mais là encore, égalité de droits ne présuppose pas égalité de valeurs, ni égalité d’histoire.  Or, à moins d’un révisionnisme gigantesque – en cours, certes, mais pas encore achevé -, on ne parviendra pas à faire avaler aux gens que l’influence chrétienne est anodine dans ce pays, que l’histoire et la culture ne l’ont pas chargé d’une valeur identitaire spécifique, et qu’elle doit céder le pas à d’autres. 

Que cherchent au fond les tenants de l’égalitarisme en laïcité ? Et de quoi ont-ils peur ?

 

Je crois pouvoir dire que ce qu’ils redoutent est rien moins que la guerre civile. « « C’est pour protéger la paix civile », combien de fois ne l’ai-je pas entendu, que l’égalitarisme a peu à peu supplanté ce qu’on appelle désormais l’élitisme à l’école, et qui n’était ni plus ni moins que la reconnaissance des différentes valeurs. Or à quoi a-t-on abouti ? A niveler par le bas, et à installer cet à-peu-près et cette violence larvée qui règnent  dans les classes, surtout comme on le dit d’un pudique euphémisme, dans les « classes difficiles ».  A générer surtout de l’inculture. Une effroyable amnésie collective dont les adultes sont les premiers responsables et qu’ils font payer le plus souvent, parents compris, à leurs mômes.

 

Cela se comprend très bien : lorsqu’on ôte aux gens la valeur, c’est-à-dire la signification des choses, on les rend, c’est bien normal, violents. Introduire l’égalitarisme en laïcité, c’est nier les valeurs diverses qu’ont – ou n’ont pas – les religions diverses aux yeux des croyants comme des non-croyants. Parler du passé chrétien de la France, comme du passé musulman d’une autre nation, n’est en rien scandaleux. Au contraire ! C’est ramener de la diachronie, rappeler certaines évidences lorsqu’au tamis de  la pensée analogique et du consumérisme, on souhaite abolir les différences, niveler les croyances et mettre les comportements singuliers au pas du même dogme : celui de l’amnésie.  

09:03 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : politique, religion, laïcité, égalitarisme | | |

Commentaires

Voilà ce qui s'appelle de nos jours défendre les discriminations !

Écrit par : Pascal | jeudi, 21 avril 2011

Ben oui, je suis d'accord. Ce mélange entre l'égalité des droits et une égalité globaliste sous-entendant que nous sommes tous identiques me dérange aussi profondément. Côté religieux, si j'ai choisi l'agnosticisme, c'est après avoir étudié pas mal de religions, y compris des religions disparues, et les avoir comparées, avoir cherché leurs sens, leurs effets sociaux, leurs interactions, leurs influences réciproques. Et bien que je sois agnostique, je revendique mon héritage chrétien, protestant réformiste précisément, parce que même en ne mélangeant pas politique et religion, le bain chrétien reste un mouvement de pensée politique qui ne s'accorde pas avec d'autres conceptions. Chaque religion a sa valeur, parce que chaque religion a une histoire précise, celle d'une civilisation. Si toutes les civilisations sont respectables, aucune n'est effectivement comparable aux autres.
Enfin, pour être caricaturale, faire adopter la religion d'un peuple itinérant à un peuple citoyen n'aurait aucun sens. Ou alors, revenons aux dieux assimilés et pluralistes de la Rome Antique, et rendons nos dévotions à tous et à chacun (et là, on n'est pas rendus)...

Écrit par : Sophie K. | jeudi, 21 avril 2011

" y compris des religions disparues"
Cette incise me plait (m'intrigue) beaucoup !

Écrit par : solko | jeudi, 21 avril 2011

L'apathéiste que je suis, vous lis,religieusement. Quoique j'ai maintenant tendance à penser qu'il y a de moins en moins de discriminations dans l'école publique. Tous dans le même sac et direction, pôle emploi. Les vraies sélections , les cooptations des élites se font ailleurs et par d'autres voies.

Écrit par : patrick verroust | jeudi, 21 avril 2011

Jean-Michel Aphatie ?

Écrit par : Solko | jeudi, 21 avril 2011

Solko : Ah, bah, on en discutera un jour devant une dive bouteille ! :oD

Écrit par : Sophie K. | jeudi, 21 avril 2011

Le problème est que l'égalitarisme est un mensonge. Il n'y a jamais eu d'égalité dans le système scolaire, précisément parce qu'une culture ne se transmet pas seulement par l'école et que si l'école n'est pas relayée par le milieu, son enseignement ne prend pas. Par ailleurs, tout en étant un lieu de transmission de la culture française, l'école devrait être un espace de compréhension de la diversité des cultures. Ce n'est pas l'égalitarisme qui crée des dégâts, c'est son ersatz, sans effort ni imagination pour transmettre différemment aux enfants. Quant aux notes et à l'évaluation, ce serait bien qu'elles reflètent en effet l'effort fourni et non l'isomorphisme des cerveaux avec un modèle préconçu. En l'état, le gâchis est total. On tire en effet vers le bas le niveau sans pour autant aider les moins bien lotis à se hisser hors de leur misère culturelle.

Écrit par : Zoë Lucider | samedi, 23 avril 2011

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