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dimanche, 14 juin 2009

Caniculaire

On annonce 33°. Lyon reprend ses habits de chaleur et sera aujourd’hui à nouveau la ville la plus chaude de France avec Grenoble (34°). C’est alors que dans l’immense espace d’une cuvette sèche et polluée, l’air enflammé se réverbère sans complaisance, figeant semble-t-il le déroulement des heures dans une attente du soir. Les fleuves et leur fraicheur filent entre les quais, rances et sans profondeur, comme vaincus, comme absents. Dans le silence des rues, on a soudain l’impression que la pierre des immeubles se dresse contre le ciel afin de protéger la chair des hommes de la trop brûlante malédiction solaire. L’ombre et la verdure même paraissent capituler. Toute la ville prend un air d’acier et, comme suspendue entre le ciel et le trottoir, toute vie attend l’orage. Il se lèvera. Il se lève toujours.

 

 

C’est d’abord une fraicheur vive et soudaine, prélude au tintamarre des gouttes de pluie ; le souffle alpin, tournoyant dans les rues pentues, balayant la pierre italienne de bourrasques, comme pour la laver du mal d’être habitée. Et la luisance soudain révélée de l’asphalte : dans l’humidité translucide de sa pierre, la ville, l’instant de quelques éclairs, retentit alors d'une histoire dont elle se montre riche autant que jalouse. Dans la noirceur extrême de l’orage, les puissants jets de Lug éclairent le sanctuaire de Marie, tandis que le reste de la ville, sur un tapis obscur, suspend son souffle.

Sur chaque boulevard, dans chaque rue, des gouttes drues comme des colonnes dressent une muraille infranchissable et joyeuse : je reçois à pleine gorge la violente chute du salut. Jusqu’à ce que, toutes pierres et toute chair fécondées par le ciel, l’aveuglant jet du couchant s’éclipse avec la dernière foudre, comme avalé par l’effondrement lointain de sinistres fondations : elle redevient grise et hautaine comme la nuit électrifiée, cette cité dans la nuit, armée.

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21:43 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : lyon, canicule, météorologie, actualité, orages | | |

Commentaires

Sublime !
C'est ça !

Écrit par : Frasby | dimanche, 14 juin 2009

Magnifique texte, merci Solko

Écrit par : Nénette | dimanche, 14 juin 2009

Que j'aime ce billet. Merci à vous.
J'ai le souvenir d'une nuit étouffante à Lyon suivie d'un journée de plomb à Grenoble où nous avions trouvé un semblant de fraîcheur à La Bastille.

Écrit par : Ambre | dimanche, 14 juin 2009

Un temps à éventail!

Écrit par : Sophie L.L | dimanche, 14 juin 2009

Je découvre le blog par ce texte qui ne parle pas que de météo. Il dit l'alchimie entre nous et les éléments, c'est tout simplement magnifique.

Écrit par : Myel | dimanche, 14 juin 2009

Merci Frasby. Je prends votre compliment pour un super compliment, venant d'une habitante & habituée de la ville et, certains jours, de son climat.

Merci aussi Nenette, à qui je pourrais dire la même chose (ah, le gang des lyonnais (lyonnaises)...)

Écrit par : solko | dimanche, 14 juin 2009

@ Ambre : Eh oui. Lyon qui était jadis une ville du Nord connue pour ses brouillards est redevenue en partie une ville du Sud, retrouvant ses amitiés italiennes au passage. Le problème nouveau qui croise celui de la canicule est celui de la pétrochimie (couloir de Feyzin), legs de la faillite de la soierie, couloirs qui est vraiment détestable et sordide, d'autant plus que ce fut souvent la seule vision que les gens de passage sur l'autoroute pradelienne eurent de Lyon.
Bien à vous.

Écrit par : solko | dimanche, 14 juin 2009

@ Sophie : Il en faut des mégas, cette fois-ci. Ou bien un éventail pantagruélique, pour éventer toute la ville en attendant l'orage.

Écrit par : solko | dimanche, 14 juin 2009

@ Myel : Merci de votre passage et de votre commentaire.

Écrit par : solko | dimanche, 14 juin 2009

J'ai lu ce texte ce matin. Je le relis quelques heures plus tard.

Une langue précise et puissante s'y fait souffle et musique et cisèle les contours d'images qu'elle nous colle dans la mémoire. Il n'y a qu'à écouter et nous voilà pris dans la ville caniculaire, puis dans l'orage.

"On annonce 33°" : On est avec ce début dans une sorte d'immobilité, un présent de "suspens, comme au point mort" qui continue avec "Lyon reprend ses habits de chaleur". Puis un temps centrifuge nous précipite en avant, le futur dans lequel on n'est pas encore : "et sera à nouveau aujourd'hui la ville la plus chaude..."

Vient alors une phrase majestueusement ternaire :
"C'est alors que dans l'immense espace d'une cuvette sèche et polluée, l'air enflammé se réverbère sans complaisance, figeant semble-t-il le déroulement des heures dans une attente du soir."
Trois éléments comme trois dimensions.

Puis trois parties plus une :
"Les fleuves et leur fraîcheur filent entre les quais, rances et sans profondeurs, comme vaincus, comme absents."
On ajoute un élément et l'équilibre est perdu. Les parties sont de plus en plus courtes, on suffoque.
Il y a eu ce f de la fraîcheur des fleuves qui filent ; et puis il y a le r de rances et de profondeurs, ça râcle, renâcle ; et le c de comme et de vaincus, ça cogne sec.

C'est avec bonheur qu'on accueille l'orage :
"Dans la noirceur extrême de l'orage, les puissants jets de Lug éclairent le sanctuaire de Marie, tandis que le reste de la ville, sur un tapis obscur, suspend son souffle."

On est ici avec Lucifer, le "porteur de lumière", le "dieu de la connaissance" pour les latins, le "phosphoros" pour les grecs .

Nous parlions il y a peu, d'élections, d'Europe libérale et libertaire.
Pour Bakounine (Dieu et l'Etat), Lucifer est le sauveur du monde car il libère Adam en imprimant sur son front le sceau de l'humanité et de la liberté, en le faisant désobéir.
Pour Anatole France (La Révolte des Anges), la rébellion luciférienne reste le modèle de la révolution sociale.

Où les orages à Lyon nous mènent-ils.

Écrit par : Michèle | dimanche, 14 juin 2009

Grandiose.

Écrit par : la Mère Castor | dimanche, 14 juin 2009

""J'ai lu ce texte ce matin. Je le relis quelques heures plus tard.""

Merci à vous Michèle, j'ai fait comme vous.

Merci à vous solko

Écrit par : La Zélie | dimanche, 14 juin 2009

Merci Solko ! Ici on attend toujours dans l'accablement. J'envisage d'invoquer l'orage par votre texte en prenant des airs de Pythie si cela ne change pas.

Écrit par : Zabou | dimanche, 14 juin 2009

Je relis aussi ce beau texte.
Est-ce possible? Je viens de mettre un pull. Douce fraîcheur bretonne.
J'envoie à tous(tes) les "accablé(es)" qui espèrent une "muraille" de "gouttes drues" un petit vent d'ouest salvateur, en attendant l'orage.
Oui, je sais, l'écran fait barrage.

Écrit par : Ambre | dimanche, 14 juin 2009

@ Michèle : "Pour Anatole France (La Révolte des Anges), la rébellion luciférienne reste le modèle de la révolution sociale."
Je n'ai pas lu "la Révolte des Anges."
Mais je découvre depuis peu Anatole France et ses articles publiés dans "La Vie Littéraire". Un sacré témoin de la vie intellectuelle de son temps.
Merci de ce commentaire in situ, car je suppose qu'à Tarbes, aussi, la canicule décoiffe.

Écrit par : solko | lundi, 15 juin 2009

@ Zélie : Merci
@ Mère Castor : Merci également et bienvenue par ici.
@ Ambre : Un pull ? C'est vrai que vus de loin, comme l' ait dit un jour (je crois) Obélix, "ils sont fous ces Bretons".

Écrit par : solko | lundi, 15 juin 2009

Zabou en Pythie récitant du Solko, je veux voir ça

Écrit par : solko | lundi, 15 juin 2009

Bon, vous ne verrez pas ça : il pleut depuis ce matin ! (Ouf pour moi ;-))

Écrit par : Zabou | lundi, 15 juin 2009

Très beau billet en effet et torride ainsi qu'on m'en avait prévenu...

PS: Hum désolé pour le différend occasionné chez moi par un billet, non par le différend mais par la réaction méprisante de l'intervenant... J'y réponds.

Écrit par : tanguy | lundi, 15 juin 2009

@ Zabou : Partie remise !!!
@ Tanguy : Je crois que vous êtes mis à contribution (voir ci-dessus)

Écrit par : solko | mardi, 16 juin 2009

Tanguy, Qu'as-tu fait de ta jeunesse? Et de Béraud ?

Nous attendons cherâmi un compte-rendu exhâuustiff de la chôose.

Une énumération par exemple de tout ce qu'il se passe dans le reportage-poème

Ou des dessins ( suggestifs ou suggérés, qu'oncomprennetoutquoi)

Bref une interro écrite, dessinée, chantée, parlée. A votre bon coeur !
Bonne nuit Tanguy.

Écrit par : Michèle | mardi, 16 juin 2009

Dessus et dessous, Solko.

Écrit par : Michèle | mardi, 16 juin 2009

Dessus et dessous? La canicule frappe les esprits en effet!

@Michèle:
Bonjour vous! Et merci!
Ah la la... Si vous saviez tout ce que je dois écrire comme comptes rendus de lecture! Conrad et ses souvenirs s'ajoutent depuis peu... Pour l'heure je n'ai pas mis au point de modus operandi pour des billets citant mes lectures...


@Solko: Ah je viens de voir ce dessus qui semblait m'échapper...

Écrit par : tanguy | mardi, 16 juin 2009

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