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samedi, 02 février 2013

Le jeunot

Des fois, tu détestes tellement les parois lépreuses de cette société dans laquelle un égalitarisme sorti de ses gonds a laminé toute l’originalité du monde, le talent, le génie, pour le livrer au sentiment sordide et revanchard des copies, tu te dis qu’il serait mieux d’en finir, et vite, vite.

Sauter, comme le fit un étudiant l’autre jour, du toit d’un centre commercial hip hop dans lequel des millions d’imbéciles viendront au fil du temps consommer de la merde solitaire en plein air. Se foutre sous les essieux d’un TGV lancé sur ses rails, pas davantage qu’une chiure de mouche sur un pare-brise, en somme, tu te dis.

Ce président, t’as plus envie de voir sa gueule de sale con d’arriviste se farcir comme une outre du malheur du monde pour grimper de trois points dans les sondages. Ces pauvres de plus en plus nombreux, tu supportes plus leurs doigts qui se tendent sur la place, et ces faux débats, tous ces mensonges alignés en vertu sur tous les quotidiens. Leur couper l’herbe sous le pied, si tu pouvais. Tu supportes plus la morale qu’ils te font en se gavant comme des porcs.

Ils ont tué l’aventure. Ils ont pillé la vérité. Ils ont piétiné la liberté. Ils ont vieilli la jeunesse. Outrageusement. Passer le cou dans l’anse du câble, quitter ce monde où seuls triomphent les trompeurs, qu’est-ce qui te retient ?

C’est plus l’utilité qui te retient, les cimetières en sont remplis comme on dit, hein ! Non plus l’envie, même ça, ils ont fini par le fracasser contre les parois de la routine, quel tournis, quel tournis !  Parfois tu te sens si inconscient du bonheur que tu dors, tu dors, jusqu’à retrouver l’alcôve où il s’est tapi ton bonheur, recroquevillé sous les coups.

Ce qui te retient, c’est un reste d’amour et d’amitié pour quelques-uns qui te sont chers, très peu dans cette humanité faisandée. Un demeurant de chrétienté, aussi. Un goût sauvage pour ce qui n’existe qu’en toi. Christ au secours, tu dis. Marie, ma bien-aimée, tu souris.

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Juan Gris, par Modigliani

Tu continueras donc à survivre en te faisant étroit comme une sole en plein cœur de leurs mots décharnés, de leurs actes criminels. De plus en plus âgé, tu resteras à ta façon le jeunot parmi les vieux, comme quand tu te sentais vieux jadis, des siècles sur le dos parmi ceux qui se disaient du même âge que ta pomme, les jeunots.

18:59 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (4) | | |

Commentaires

Se mettre à l'abri, ne plus écouter et ne plus regarder le Spectacle, plonger dans la pensée et les créations (les tiennes et celles d'autrui), contempler, rire et aimer. (Et voir ou revoir "Le Rebelle" de King Vidor!)
C'est une bonne médication qui marche et requinque. (Autrefois, on se retirait "au désert", mais l'ermitage peut être intérieur...)

Écrit par : Sophie K. | dimanche, 03 février 2013

La vie est fichée en nous comme une balle qui un jour explosera. Pour éviter de mesurer, jour, après jour,l'ampleur des dégâts, il reste la distraction, les uns s'abiment dans les jeux de pouvoir, font président, d'autres, brulent la chandelle par les deux bouts,sacrifient à DéesseQ, d'autres se font poètes "pauvres fous qui veillent". Les vitupérations sont une forme de rébellion, contre l'état du monde, contre notre propre dégénérescence, nos inavouables lâchetés, nos impossibilités d' assouvir nos soifs de vivre...Se suicider, dans un ultime ennui, un dérisoire pied de nez, un défi inutile...Que nenni! La vie est là, bien accrochée...Il faut avoir approché la mort pour avoir compris le besoin de la fuir et retrouver des espaces de jubilations dans la vie qu'on a et dont on ne peut changer.

Écrit par : patrick verroust | dimanche, 03 février 2013

Un beau texte, violent, brutal...

Écrit par : Jérémie S. | dimanche, 03 février 2013

Après pas mal d'années , je dirais à ce jeunot: bouges, marches, cours...changes de point de vue, tournes toi de l'autre coté. Et puis tout ça contre ta peau!

Écrit par : Basset-Chercot Maxence | mardi, 05 février 2013

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