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dimanche, 14 avril 2013

Arracher les jours

 Je viens d’arracher un dimanche d’écriture au monde. Ça n’a l’air de rien, mais ce n’est pas évident : le boulot au lycée, brouhaha continuel et vain d’un présent désenchanté dans lequel sont englués élèves et professeurs ; le spectacle blasé de l’échec programmé de Hollande et de ses clowns, qui ont tous l’air d’exister il y a vingt ans en arrière de cela ; l’écoute désenclavée des colères de la rue de toutes natures, qui toutes ont leur légitimité, et qui, quoi qu’il arrive, n’aboutiront pas, parce que le pouvoir n’appartient plus à la rue, depuis un certain vote pour Maastricht.

Long travail, depuis début février, aux deux-tiers accomplis. Demeure un tiers. A peu près.

Impression de livrer un combat solitaire pour quelques-uns qui me liront. Impression de planer, déconnecté de ce qu’ils nomment le Réel, avec un personnage familier en train de prendre corps, ou un autre, figure, à l’esprit, plutôt que dans le bus ou le magasin, sur le trottoir, des inconnus, des étrangers. Et merci.

Quand ce roman sera achevé, ne pas penser encore à la quête d’éditeurs, trop décourageant ! Comme le sont ces piles d’invendus dans les centres de distribution d’objets culturels indéterminés, ce désamour patent de tout une peuple pour sa littérature, dont je suis le témoin attristé dans les écoles, depuis bientôt vingt ans. Trop long métier.

Parfois, ce n’est qu’une phrase d’écrivain piochée dans un livre au hasard qui relance la machine, met fin au découragement, au désœuvrement, comme le disait joliment Balzac. Car il faut éviter le suicide de son talent.(1) Ce n’est pas un vain mot que de dire que lorsqu’on s’attèle à l’écriture, on a pour frères tous ceux qui ont écrit, poussé la charrue devant, et creusé le sillon.

Quand vraiment ça peine, ça tire, ça coince, je contemple tel ou tel de leur visage. Sur le web, des photos des uns, des autres. J’ai devant moi dans mon bureau cette photo de Béraud à sa table de travail, par Blanc & Demilly, acquise en salle des ventes, l’an passé.

béraud,écriture,roman,littérature

Ce billet que je conclus n’est qu’une lucarne entrouverte. Pour m’aider à m’y remettre au prochain jour arraché, au prochain vol... 

 (1) Balzac, La cousine Bette

21:29 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : béraud, écriture, roman, littérature | | |

Commentaires

Le seul bonheur : celui de faire. Surtout dans un monde où le "dire" l'a emporté sur l'acte... :)

Écrit par : Sophie K. | lundi, 15 avril 2013

Un monde où "Les relations entre les éléments sont plus importants que les éléments eux-mêmes" (principe des servomécanismes de la cybernétique)
Dans un tel monde, le dire n'est même plus le dire, c'est du simple "communiquer" : raison majeure de l'impuissance délibérée de la parole politique, qui ne sert plus qu'à enfumer ses partisans de plus en plus vides.
Dès lors, écrire, même des trucs qui ne seront peut-être jamais édités (communiqués) c'est garder vivant - et donc heureux - le statut de la parole

Écrit par : solko | mardi, 16 avril 2013

Oui, j'aurais dû écrire "où le RIEN dire l'a emporté sur l'acte", en fait...

Écrit par : Sophie K. | mardi, 16 avril 2013

Cette écriture dans la solitude - voyez comme je ne crains ni les poncifs ni les traditions sémantiques - est un accouchement. Il est plus aisé, disons moins douloureux si le père de ce que l'on se propose de mettre au monde est bien identifié, bien assumé.
Là où l'on trempe sa plume. Dans notre histoire et ses corollaires, telle l'imagination...

Écrit par : Bertrand | lundi, 15 avril 2013

Je ne recule pas devant cette métaphore moi non plus. Seule différence : le bébé ne sort pas tout formé, on dirait plutôt qu'il se forme en sortant même s'il a aussi besoin de soins post-natals, voire d'un apprentissage de la rencontre avec le lecteur
Quant au père bien identifié, si c'est du sujet dont vous parlez, je suis d'accord aussi.

Un roman de père inconnu, ou plutôt de parents 2 ou 3, à l'époque de la déconstruction générale, ce serait peut-être à tenter, au point où l'humanité se trouve...

Écrit par : solko | mardi, 16 avril 2013

Père inconnu. Le texte du "Silence des chrysanthèmes", écrit à 56 ans est né en grande partie de là. Comme quoi... Vous savez, puisque vous écrivez avec un certain bonheur, le nombre de choses qu'on affronte par l'écriture. Qu'on tente de reconstruire aussi. Ou de construire, tout simplement.
Il n'y a pas de saison pour cela. Ni de schéma.
On m'a fait la remarque suivante aussi : quatre fictions écrites se terminent par la mort du personnage central. Inquiétant ce non renouvellement de la peur de la mort.Sans doute l'idée qu'une fiction ne peut survivre au plaisir qu'on a pris à l'écrire. Mais j'en sais rien, en fait.
Complètement d'accord avec cette allégorie aussi du bébé qui naîtrait comme avant terme. Que l'écriture peaufine.

Écrit par : Bertrand | mardi, 16 avril 2013

Père inconnu : on ne se remet pas de ça. J'en sais quelque chose moi aussi. C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas la saloperie de ceux qui, ayant eu père, mère, et tout le toutim, soutiennent le mariage gay juste pour avoir l'air de se positionner "au bon endroit", c'est à dire à dire dans celui d'une pseudo tolérance au "désir" et au "droit" des homos, et surtout des lesbiennes.

Écrit par : solko | mardi, 16 avril 2013

PS -je précise que je parle de la "filiation pour tous", qui est le véritable projet du "mariage pour tous" de Mr Hollande et son franc parler...

Écrit par : solko | mardi, 16 avril 2013

Je confesse sans ambages que je ramène ma vision du monde à mon individu.
Ceci pour dire que du mariage, homo ou hétéro, je m'en bas l’œil, mais, qu'avec du recul, en regardant depuis le point présent de mon parcours, je me vois mal avec un père en jupons ou une mère avec la barbe.
Mais c'est sans doute une vision faussée par l'adulte se projetant enfant, surtout dans les années 60 !

Quant au franc-parler de ce monsieur, un homme qui ne dit rien peut-il parler franchement ?

Écrit par : Bertrand | mardi, 16 avril 2013

Vous savez bien qu'il n'y a pas de visions faussées, il n'y a que des visions subjectives, c'est à dire dignes vraiment d’intérêt. Pour le reste, c'est, comme disait la Saucisse de Giono, "la marche du monde", qui écrase tout.
Mieux vaut en effet se tenir sur la rive pour regarder le convoi des fous passer.

Écrit par : solko | mardi, 16 avril 2013

Oui, je voulais dire plus précisément " faussée par l’exécrable objectivité du présent".

Écrit par : Bertrand | mardi, 16 avril 2013

le monde vous a offert un dimanche d'écriture, plutôt.

Écrit par : gmc | mercredi, 17 avril 2013

Ah ah ! Tout dépend ce qu'on appelle "le monde", GMC, vous le savez bien !

Écrit par : solko | mercredi, 17 avril 2013

"Dans un tel monde, le dire n'est même plus le dire, c'est du simple "communiquer" : raison majeure de l'impuissance délibérée de la parole politique, qui ne sert plus qu'à enfumer ses partisans de plus en plus vides." et le faire c'est pour montrer sa pomme !

Écrit par : FOurs | lundi, 22 avril 2013

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