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dimanche, 01 juillet 2012

Rupture d’anévrisme à Meudon.

Et donc, c’était quel jour, 1er juillet 1961 ? Un samedi, tu me dis ? M’en souviens plus, moi, j’avais six ans. « L’été fait fondre les trottoirs. Les agents ont pris des ombrelles. A rayures. Ivoires et oranges » note Vialatte dans sa Chronique de La Montagne du 11 juillet 1961. Alexandre Vialatte, y’a pas mieux pour savoir le temps qu’il faisait dans les années cinquante/soixante. Dans la suivante, celle du 18 juillet 1961 : « Le soleil tape dur sur le vignoble d’Imbersheim », qu’il écrit. Et dans la précédente, du 4 juillet ; « Le soleil dessèche les paulownias. Les enfants sautent dans les piscines en faisant des ronds sur l’eau » ; et puis « l’oiseau se tait ; Le soleil tombe d’aplomb », datait-il du 27 juin. 

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Caniculaire à en suer tout son talent donc, ce fumier de samedi de 1961 ! Penser à tous nos contemporains de maintenant, grandis dans l’idiotie du thermostat. Eux, dès que ça chipote à percer du côté des nuages : au pied, soleil, j’ai mes congés payés et j’ai fait la queue au péage, faut pas faire chier le juilletiste, soleil, sinon doléances tu verras ça, doléances à l’état-providence.

Et à la télé, ça passait quoi en ces jours de 1961 ? Les premiers commentaires d’un mec qu’est mort y’a quelques jours, et puis aussi Age tendre et tête de bois, du si stupide Albert Raisner depuis le mois de mai. Rien que de la trépidation déjà, quoi.  Télé 7 jours à 0,60 NF avec son cahier central de deux pages sur la vie des bêtes…

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C’était donc un samedi de 61. Et nous voici un dimanche de 2012. Au 25ter route des Gardes, un samedi caniculaire, la veille du suicide d’Hemingway (comme quoi je m’en doutais, les écrivains et le soleil ont jamais fait bon ménage). Un écrivain, ça meurt seul : L’année de Rocco et ses frères et puis aussi de Marienbad. Louis Ferdinand Céline, se jouait sans la frime Rupture d’anévrisme à Meudon.

Un dimanche de cinquante ans et plus un peu plus tard, quoi faire d’autre alors, quoi faire sinon se replonger le nez dans du Céline, que l’embarras du choix, du Voyage à Rigodon… « Ils achèteront plus tard mes livres, prophétisait-il, beaucoup plus tard, quand je serai mort, pour étudier ce que furent les premiers séismes de la fin » (Féerie II)… Un écrivain, ça meurt raide seul, comme ça s'est trainé parmi les hommes, et c’est ren que comme ça qu'il faut aller le lire.

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Céline route des Gardes à Meudon

 

 

02:26 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : alexandre vialatte, celine, route des gardes, meudon, littérature | | |

Commentaires

Le roman que je suis en train de lire, - il me reste quelques pages et je voudrais les étirer infiniment -, raconte un 9 juillet 1961 (Le lever du jour, la matinée, l'après-midi, le soir, la nuit, le lendemain matin). Ça s'appelle "En vieillissant les hommes pleurent" et c'est magnifique. L'auteur est Jean-Luc Seigle, je ne sais pas qui est Jean-Luc Seigle, mais chapeau.

Écrit par : Michèle | dimanche, 01 juillet 2012

Je ne suis ni historienne ni férue d'histoire, et malgré de nombreuses lectures, mon ignorance de tous les faits des deux guerres mondiales est incommensurable.
Je crois cependant que ce qu'écrit J.-L. Seigle, dans la dernière partie du roman, appendice sur ce qui advient 50 ans après cette journée du 9 juillet 1961, intitulé "L'Imaginot", n'est pas connu du grand public parce que non écrit dans l'histoire officielle. L'auteur y livre l'histoire de la Ligne Maginot et de ses forts, en exacte opposition avec le mythe de défaite qui s'y rattache...

Écrit par : Michèle | dimanche, 01 juillet 2012

Dans cette dernière partie, le personnage, professeur de Lettres Modernes à l'université depuis quarante ans, traite, à la demande de ses élèves, un cours sur la question suivante : "Pourquoi le personnage militaire n'est-il plus un héros de la littérature française, ni le monde militaire un univers, alors que L'Iliade, le texte fondateur, est un texte sur la guerre, sachant que la guerre et l'armée ont produit de grands romans français avant 1945 ?" La vraie question étant de savoir si cette absence est liée à la défaite de 1940.

Rappelant que peu de romans sont écrits sur les défaites (L'Iliade est le chant de la victoire des Grecs sur les Troyens), le professeur dit :
« Citons au moins un livre, qui n’est pas un roman, mais un recueil de nouvelles autour de la guerre de 1870, « Sueur de sang » de Léon Bloy. A mettre au niveau des plus grands textes de la littérature française, mais que les lecteurs et les critiques de son temps n’ont pas vraiment apprécié et que ceux d’aujourd’hui, à part quelques universitaires, ne connaissent pas vraiment. » (p.223-224)

Écrit par : Michèle | dimanche, 01 juillet 2012

Bloy dépeint dans Sueur de Sang une première guerre apocalyptique qui s'abat sur des hommes qui ne sont plus vraiment à la hauteur de leur mission divine. Impossible de lire la guerre dans sa dimension historique chez Bloy, tant cet écrivain merveilleux est hanté par l'Absolu et le secret de Mélanie, y compris dans des fictions qui paraissent s'en éloigner.
Je crois que ce qui a tué l'héroisme dans la guerre c'est la technique, les gaz, le combat déséquilibré avec la machine. Il faut lire "les enfants humiliés" de Bernanos, et puis aussi les pamphlets de Béraud, en mettant de côtés les préjugés des gauchos au sujet de ces deux écrivains, eux aussi grandioses.

Et puis aussi ce très bel article que ce blog :
http://lantidote.hautetfort.com/archive/2012/06/23/lisez-tous-les-noms-monsieur-le-maire.html

Écrit par : solko | dimanche, 01 juillet 2012

Merci du lien vers le blogue de Frédéric Chambe, de belles découvertes...

Écrit par : Michèle | dimanche, 01 juillet 2012

dans l'hindouisme, l'archer arjuna est face à l'armée de tous les guerriers de krishna qu'il va exterminer, seul le conducteur de son char est à ses côtés (mais ce conducteur n'est autre que krishna en personne...).
l'illiade n'a rien d'historique, sauf à voir en l'histoire l'art de la fiction, n'est-ce-pas?^^

Écrit par : gmc | dimanche, 01 juillet 2012

@ GMC ; D'accord, ni la Gita ni l'Iliade ne sont des documents historiques (dommage - non là je m'égare).
Mais ce qui est historique, c'est que pendant longtemps, les combats armes contre armes ont permis l'épreuve et la fabrique des héros, rendant la guerre populaire. Mais depuis que la guerre est devenue trop une affaire de technique, puis de technologie,jusqu'à la dissuasion nucléaire, les vaillants sont retournés aux vestiaires si j'ose dire...

Écrit par : solko | dimanche, 01 juillet 2012

à chacun ses armes et ses exploits, les poètes survivent aux guerriers (tout en s'en foutant éperdument, par ailleurs^^)

Écrit par : gmc | lundi, 02 juillet 2012

La fréquentation de Ferdinand m'exalte depuis tant d'années qu'il ne me reste qu'à recommander aux lecteurs érudits et honnêtes de Solko le magnifique, le blog Le Petit Célinien / http://www.lepetitcelinien.com/

Tout ce que l'on veut savoir sur Céline sans jamais avoir osé le demander s'y trouve.

Écrit par : Danny | dimanche, 01 juillet 2012

Oui, il faut se perdre et se reperdre dans ses messages anciens

Écrit par : solko | dimanche, 01 juillet 2012

Bien envie d'essayer de lire le Voyage à nouveau... La première fois, j'avais laissé tomber la lecture, mais j'étais trop jeune je pense.

Écrit par : Jérémie S. | lundi, 02 juillet 2012

Il y a dans Céline un homme qui s'est mis en marche derrière son clairon. J'ai le sentiment que ses dons exceptionnels de vociférateur, auxquels il était incapable de résister, l'entraînaient inflexiblement vers les thèmes à haute teneur de risque, les thèmes paniques, obsidionaux, frénétiques, parmi lesquels l'antisémitisme, électivement, était fait pour l'aspirer. Les drames que peuvent faire naître chez un artiste les exigences d'un instrument qu'il a reçu en don, exigences qui sont - parfois à demi monstrueuses - avant tout celle de son "plein emploi", a dû se jouer ici dans toute son ampleur. Quiconque a reçu en cadeau, pour son malheur, la flûte du preneur de rats, on l'empêchera difficilement de mener les enfants à la rivière.

en lisant en écrivant, Julien Gracq (José Corti, 1980)

Écrit par : Michèle | samedi, 07 juillet 2012

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