mardi, 09 février 2010
Les bibliothèques ivres
Il y a des bibliothèques ivres. Comme les hommes, qui ne marchent plus droit. Leurs rayons
Craquent, peu à peu. Ce qu’elles doivent soutenir, elles le laissent aller. Ce qu’elles doivent
Contenir, elles le laissent couler. Elles oublient, à leur façon.
Des livres droits, obliques, et puis couchés.
On ne sait du rayon, ou de la haute pile, qui se souvient de l’autre.
Compagnons.
Tout livre vient d’un temps multiple.
Or, sur les rayons des bibliothèques ivres,
De l’écrit cette dimension s’étend, vertigineuse.
Une paroi, sans hauteur ni fond.
Le désordre des bibliothèques ivres, tel le pas des poivrots :
Assurément, il conduit quelque part son chaland
Et reflète autre chose que sa destination :
Les bibliothèques ivres sont de sacrées contorsionnistes.
Cahiers, carnets, feuillets épars, statuettes :
Tout loge dans le ventre immobile des bibliothèques ivres,
Et même des flacons, et même des miroirs :
La plus humble facture y parait devenir
Indicateur des marées.
06:19 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature |
Commentaires
Nostradamus Uber Alles !
http://www.cnn.com/video/#/video/world/2010/02/07/shubert.lyon.google.cnn
Écrit par : Gallien | mardi, 09 février 2010
Lire ou conduire, il faut choisir.
Écrit par : Pascal A. | mardi, 09 février 2010
in libro veritas, alors ?
Écrit par : nauher | mardi, 09 février 2010
A lire aussi de Marcel Moreau (oui, encore lui, on n'en parlera jamais trop) : L'Ivre Livre. Un auteur du verbe et des mots.
Premier paragrapahe de la première page :
"Tordue parce que je n'ai de ma vie qu'une mémoire informe, dépourvue d'animation réelle. J'envie ceux qui peuvent, pour les coordonner en destinée, rassembler, dater, fixer les menus faits de leur existence. Ave précision, ils se souviennent de tout, de l'ancienne tétée, de leurs débuts de marcheur, du giron maternel ou avunculaire, de la marque de leurs jouets, de leur masturbation I,II,III,IV,V, etc., de leur premier amour, des frasques scolaires, des coïts parentaux, de l'odeur des institutrices, de je ne sais quoi encore. Je ne puis, pour ma part, concevoir d'autre biographie de moi que celle qui s'obsède au verbe et zigzague avec lui, tous deux siamoisement soudés, transcendant l'amnésie, ne récupérant du passé que ses remous, que ses remugles, cela au hasard d'une dynamique créatrice qui se veut connaissance de soi. Un tel récit ne peut donc se confondre qu'avec l'itinéraire le plus convulsif, où l'embardée vers ce qui fut protège encore la propulsion dans ce qui est."
Il dit aussi, ailleurs, au sujet de ce livre :
" Ce n'est pas assez que l'écriture soit un chant, encore faut-il qu'elle nous intoxique, qu'elle nous drogue, qu'elle provoque chez le lecteur ces somptueuses titubations sans lesquelles il n'est point d'extrême découverte. Mon but est d'inonder de vin le langage de France, d'écrire un livre qui se boive, qui se danse plus qu'il ne se lise".
Pardonnez ces extraits mais je trouvais qu'ils étaient en rapport avec le sujet, sans porter d'ombre à votre beau poème.
Écrit par : Ambre | mardi, 09 février 2010
@ Gallien : Quel a propos ! Merci de rappelet ici - et à cette occasion - ce qui devrait faire plus débat, la googolisation générale de la part-dieu.
@ Pascal : C'est fait.
@ Bien sûr. La Dive bouteille et les Dive Bibliothèque vont de concert.
@ AMbre : Avoir un auteur à défendre, c'est merveilleux, au contraire. Inonder de vin le langage de France, c'est franchement un programme, pour les régionales à venir, qui les surpasse tous.
Écrit par : solko | mardi, 09 février 2010
Vous donnez envie d'y tituber, Solko.
Écrit par : tanguy | mardi, 09 février 2010
Vous avez le don des titres... Et tellement qu'on aimerait presque voir rouler l'oeil d'un berger dans vos bibliothèques ivres.
J'aime beaucoup ce billet. Nul ne contestera ce bel instant de grâce.
je dirai même (et sans niofralgere) que c'est du "Grand Solko" pur lu, pur crû. Merci vraiment.
Écrit par : Frasby | mardi, 09 février 2010
Merci. Ces bibliothèques ivres sont plus que généreuses et il est bon d'être saisi par leurs marées, hautes et basses.
Écrit par : Marie-Hélène | mardi, 09 février 2010
Du grand Solko, pur lu, pur crû, oui Frasby.
Un texte qu'il est bon de relire et relire.
Écrit par : Michèle | jeudi, 09 septembre 2010
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