lundi, 01 octobre 2012
Le préjudice d'anxiété
Les rescapés français du Concordia font valoir leurs traumatismes pour obtenir de la justice réparation à ce qu’ils appellent le préjudice d’angoisse. Ils ne sont plus, disent-ils, les mêmes qu’avant la catastrophe. Traumatisés par le vide, le sol quin se dérobe, l'obscurité et la couleur orange, celle des étuis dans lesquels ils ont vu les passagers morts emportés à la morgue. Soit.
Les constructions Mécaniques de Normandie (CMN) ont dû indemniser à hauteur de 8000 euros d’anciens salariés exposés à l’amiante, mais pas malade, pour un préjudice d’anxiété. La cour d’appel de Caen cite dans son arrêt de nombreux témoignages attestant d’une détresse en attente de « l’annonce de la maladie » ou à l’annonce du « décès d’anciens collègues » Soit.
Dix-huit enseignants du lycée Adolphe Chérioux de Vitry sur Seine, témoins d’une agression au gaz et à l’arme blanche sur un élève, ont obtenu de leur côté réparation : le ministère de l’Education Nationale a dû verser 500 euros à chacun d’entre eux, toujours au nom de ce préjudice d’anxiété et du stress qu'il occasionne Soit
Les avocats en droit civil vont avoir du boulot si ce genre de plaintes se multiplie, la justice médicinale gagnant peu à peu la société. Car en temps de crise, les motifs d’angoisse ou d’anxiété ne manquent pas, ni sur le plan social, ni sur le plan familial. On peut en effet imaginer les procès les plus farfelus, les situations les plus extravagantes. Un patron portant plainte contre un employé sous le motif qu’il craint chaque jour qu’il tombe malade, et ce dernier le déboutant parce qu’il craint d’être licencié. En class actions, les citoyens pourraient porter une plainte collective contre l’Etat et ses dirigeants successifs en raison de l’angoisse générée par les dettes accumulées depuis quarante ans. On pourrait tous porter plainte contre X pour l'angoisse suscité par la fin du monde. Et chacun contre ses parents, qui nous l'ont refilé ce monde, les inconscients, rien moins qu'une boule de poison.
Pendant ce temps, loin de ces faiblesses psychologiques de plus en plus chroniques au sein d’une population narcissique et vieillissante, des gens vivent et meurent dans la misère ou sous les bombes. On pourrait aussi porter plainte contre eux, dont les images quotidiennes sur nos écrans plats nous dérobent notre insouciance, au motif qu’ils sont sans s’en douter intolérablement anxiogènes. La paix, la tranquillité d’esprit, c’est un droit aussi, non mais…
Eugène Grasset, L'anxiété
06:25 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : stress, amiante, concordia, préjudice d'anxiété, angoisse, adolphe chérioux |
Commentaires
Ce qui est embêtant pour les anxieux, c'est que les anxiolytiques sont susceptibles, donc, de rendre déments. Alors vu comme ça, il faudrait absolument porter plainte pour anxiété contre les labos d'anxiolytiques... Non ?
Écrit par : Sophie K. | lundi, 01 octobre 2012
Reste plus qu'à trouver l'avocat.
Écrit par : solko | lundi, 01 octobre 2012
C'est qu'il n'y a qu'un seul remède à la vie.
Écrit par : Marie-Hélène | jeudi, 04 octobre 2012
bien vu. Il y a des mots pour les maux et parfois des § pour cela dans le code pénal.
Partir une semaine en croisière pour finir en cauchemar, c'est un préjudice. Risquer sa santé parce qu'on travaille avec de l'amiante pour 8000€ d'indemnisation, c'est une escroquerie ! Se faire débarquer 2 fois par an par Pôle-Emploi pour dégager les statistiques est une arnaque… etc… (j'ajoute à votre liste dans l'autre sens). Ces situations sont anxiogènes et cela conduit à des comportements mentaux déficients qui marquent à vie.
Écrit par : FOurs | samedi, 06 octobre 2012
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