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mercredi, 14 juillet 2010

Cache toi, salope

Chambard 28.jpg

Jour de fête pour une République sans garden-party : particulièrement d’actualité, cette première page de Steinlen pour le n° 28 du Chambard socialiste, du 23 juin 1884, dans l'arôme de décomposion qui se prolonge comme irrémédiablement, de septennat en quiquennat ! Sous le regard rempli de reproches de deux ouvriers, Marianne, éhontée, cache sa tête avec son manteau et se réfugie vers le bourgeois ventru qui l’a corrompue. Une illustration pour  fêter pour la République.

Théophile Alexandre Steinlen aura été, avec Forain, Couturier, Rouveyre, Caran d’Ache, Willette, une figure complexe de ce Paris montmartrois, qui ne se concevrait même plus à présent. Il était né à Lausanne en 1859 ; comme Van Gogh, il aurait d’abord souhaité être pasteur, et avait commencé des études à cet effet. Et finalement, il s’était installé là, sur la colline romantique comme on disait, en 1881, avec en tête la volonté de ne compter qu'avec soi-même et de se tenir ferme et droit sur le chemin des artistes pauvres. Du moins est-ce ce qu'il écrivait alors.

C’est lui qui pour Salis réalisa cette fameuse affiche du Chat Noir, celle dont les touristes lobotomisés achètent la reproduction dans les mauvaises échoppes de Saint-Michel ou de Chatelet,  en cartes postales, cravates, tasses, posters, et autres produits dérivés. Peut-être même que certains se la font tatouer sur le ...

Steinlen collabora évidemment avec la revue du Chat Noir, rencontrant Forain, Bruant, Lautrec, Vallotton, Capiello, Verlaine… Ses meilleurs dessins revinrent à des revues contestataires, La Revue illustrée, La Caricature, Le Gil Blas illustré (où il réalisa plus de 700 illustrations), L’Assiette au beurre, La Feuille de Zo d’Axa et dès décembre 93 et pour 32 numéros, ce fameux Le Chambard socialiste, où il signait PP (Petit Pierre).

Il n’était, dirent ceux qui le connurent, pas du tout un humoriste. Mais plutôt un gars à l’humeur en dents de scies, tantôt euphorique et tantôt neurasthénique : un bipolaire, dirait un psy d’aujourd’hui ?


Il habitait dans un grand pavillon construit entre la rue Caulaincourt et la rue Lamarck. Renoir siégeait non loin. Il a gardé la réputation d’aimer secourir les déchus. Les errants, les clochards, les chats et chiens abandonnés. Tous ceux qui vagabondaient. De son vivant, on l'avait même surnommé « l'homme aux 100 000 chats ». En voici d’ailleurs un de sa griffe, si on me permet ce jeu de mots facile. Quand il le pouvait, Steinlen se retirait tout seul en son jardin, à Jouy-la-Fontaine, entre Pontoise et Conflans-Ste-Honorine. Il aimait s'y rendre, même en hiver. Sarcler, biner, replanter des bordures, loin des crayons et des pinceaux. Plus de fil à la pattes d'aucune sorte...  Steinlen fumait beaucoup, roulant lui-même ses cigarettes. Il eut très tôt le cheveu rare. Un matin de 1923, on le trouva assis sur son lit, parfaitement immobile, aux côtés du livre qu’il était en train de lire, et dont l’article que j’ai sous les yeux ne donne pas le nom.

le-cha10.jpg

10:20 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : steinlen, politique, quatorze juillet, république, le chambard, montmartre | | |

Commentaires

O é-t-entendu d'meme?
Pèle-même et gaboria

Amitiés

Écrit par : Angélica | mercredi, 14 juillet 2010

Merci Solko pour ce billet joliment illustré, beau rappel de ce que n'a jamais cessé d'être "la Gueuse", compromise dans tous les scandales, pots de vins, corruptions et "affaires" en tous genres. Ça confirme qu'on n'oublie pas d'où on sort, le ruisseau laisse des traces ! Et pourtant, elle aurait pu avoir un bel avenir, cette petite fille sevrée trop tôt, entre des mains propres qui ne l'eussent point nourri au sang du peuple ! Au moins Steinlen avait-il le don, en son temps, pour croquer le tuteur infâme de Marianne, drapée de respectabilité, qu'a toujours été le bourgeois. Lui, et quelques autres de ses talentueux confrères illustrateurs de "Gil Blas", des "Corbeaux" ou de la "Baïonnette".
Bruant l'avait par la voix ce talent:
"... Rapport que tous ces dégoutants
I's passent leur vie, i's passent leur temps
A s'empiffrer des bons boulots,
Ah ! les salauds! "
Et Céline par la plume tiens, tant qu'on y est ! Quand on voit où en est rendue Marianne aujourd'hui, et à qui elle réserve ses charmes, rien n'est plus vrai que ce qu'il écrivait dans Mea Culpa en 1937:
"Le moindre obstrué trou du cul se voit Jupiter dans la glace. Voilà le grand miracle moderne. Une fatuité gigantesque, cosmique. L'envie tient la planète en rage, en tétanos, en surfusion. Le contraire de ce qu'on voulait arrive forcément. Tout créateur au premier mot se trouve à présent écrasé de haines, concassé, vaporisé. Le monde entier tourne critique, donc effroyablement médiocre. Critique collective, torve, larbine, bouchée, esclave absolue."
Bien à vous.

Écrit par : Agaric | mercredi, 14 juillet 2010

Merci Solko pour ce billet joliment illustré, beau rappel de ce que n'a jamais cessé d'être "la Gueuse", compromise dans tous les scandales, pots de vins, corruptions et "affaires" en tous genres. Ça confirme qu'on n'oublie pas d'où on sort, le ruisseau laisse des traces ! Et pourtant, elle aurait pu avoir un bel avenir, cette petite fille sevrée trop tôt, entre des mains propres qui ne l'eussent point nourri au sang du peuple ! Au moins Steinlen avait-il le don, en son temps, pour croquer le tuteur infâme de Marianne, drapée de respectabilité, qu'a toujours été le bourgeois. Lui, et quelques autres de ses talentueux confrères illustrateurs de "Gil Blas", des "Corbeaux" ou de la "Baïonnette".
Bruant l'avait par la voix ce talent:
"... Rapport que tous ces dégoutants
I's passent leur vie, i's passent leur temps
A s'empiffrer des bons boulots,
Ah ! les salauds! "
Et Céline par la plume tiens, tant qu'on y est ! Quand on voit où en est rendue Marianne aujourd'hui, et à qui elle réserve ses charmes, rien n'est plus vrai que ce qu'il écrivait dans Mea Culpa en 1937:
"Le moindre obstrué trou du cul se voit Jupiter dans la glace. Voilà le grand miracle moderne. Une fatuité gigantesque, cosmique. L'envie tient la planète en rage, en tétanos, en surfusion. Le contraire de ce qu'on voulait arrive forcément. Tout créateur au premier mot se trouve à présent écrasé de haines, concassé, vaporisé. Le monde entier tourne critique, donc effroyablement médiocre. Critique collective, torve, larbine, bouchée, esclave absolue."
Bien à vous.

Écrit par : Agaric | mercredi, 14 juillet 2010

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