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dimanche, 09 novembre 2008

Lui, l'Antique

Avec ses gradins découverts depuis peu, vides et courbés contre le flanc de la colline, gradins si hauts pour des jambes d'enfants qu'elles pendent et se balancent,

Avec cette résonance, jeu d'échos de tous ceux qui le connurent en culottes courtes, lui aussi, et jouèrent avec le son, la magie du son,

Le mur de scène évaporé, lui aussi, comme l'amphithéâtre de Condate, comme si à travers ce mur de scène évaporé, au loin par-dessus la plaine, on cherchait du regard par-delà cette fuite de l'horizon vers les Alpes -

Et l'on on a beau chercher - or, il y a en ce temps-là bien moins de pollution qu'à présent - on a beau cligner des yeux, et placer sa main en visière contre son front, cette fuite de l'horizon, cette fuite là-bas, un peu dodelinée entre plaine et bleu du ciel, Rome est si proche pourtant, que le vieux forum où l'on se trouve lui ressemble, lui ressemble, n'est-ce-pas ? on a beau chercher, on ne le voit jamais, on ne la voit jamais la Capitale du monde, là où tout se tient, ni quand on est enfant, ni quand on est grand, parce que, parce que,

TheatreAntique.jpg

Vit-on jamais Rome de Lugdunum ? Paris de Lyon ? Vit-on jamais ?

Et c'est ainsi que la province, conquise et calfeutrée à jamais dans les bras de plus puissant qu'elle, demeure à jamais femme ou à jamais enfant, c'est ainsi,

On ne peut, de ses frêles doigts de chair qui déjà ont compris qu'ils mourront, que  toucher la pierre et d'une paume aplatie contre elle, la chaleur somptueuse et ferme de la pierre quand on est petit garçon et que dans le théâtre, dans la pierre du théâtre on ne comprend pas comment peut se mirer là l'Arc du cercle de tout l'Univers, cette chaleur, s'en saisir et l'absorber,

Moi, l'Enfant,

esku86eq.jpg

J'imaginai là, du règne d'Auguste jusqu'à celui d'Hadrien, tous ces gradins soudainement rugissant de la clameur et des cris de 10 000 spectateurs amassés, et tout aussitôt silencieux, pénétrés de toute leur attention et de leur surprise devant la grimace comique, le masque tragique,

Quoi ? - Quoi donc se dit, - Quoi donc se joue là, sur la scène ?

- quidcur ? - ubi sunt ? - ubi sunt ?

Qu'il est dur de commencer à comprendre, à pressentir,

Qu'en reste-t-il ? Qu'en reste-t-il ?

Sa muette réponse.

Lui. L'Antique.

Mais

Voilà que

La lumineuse trace des absents pèse trop sur ce vers que j'étends.

 

00:15 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : lyon, odéon, théâtre romain, fourvière, archéologie | | |

Commentaires

Sur la deuxième photo: les gradins comme des palmes.
Pour nous quand on lit ce billet:la vie quand on est enfant, quand on a seize ans, dont on imagine toujours un coeur, un centre,une capitale,ailleurs, sans jamais les trouver.
Et cette inquiétude de conquêtes aussi: "Carthago delenda est"mais Carthago pourquoi, au nom de quoi,lumineuse et inquiétante trace des absents....Et le sentiment déjà de ne pas être là dans les gradins, absence dans l'absence, sans doute en train de bercer un enfant en entendant la clameur très au loin

Écrit par : Sophie L.L | dimanche, 09 novembre 2008

@ Sophie : c'était un monument, ce monument-là ! Qui posait la question du théâtre ( mais qui donc étaient ces Romains si nombreux à venir au théâtre ?) et puis celle de leur disparition (où sont-ils passés ? ) et puis celle de la province (ça marche encore, ailleurs, dans une capitale là-bas ?). Je dis "c'était', mais je devrais dire : "c'est". C'est encore un monument, même s'il a perdu une partie de ses gradins, le mur de scène...

Écrit par : solko | dimanche, 09 novembre 2008

L'expression alors avait besoin d'espace. Les êtres avaient sans nul doute, une autre dimension. Pour en avoir fait une fois l'expérience au théâtre antique d'Arles (seule fois où j'ai joué en plein air) l'ouverture du lieu oblige l'interprète à se dépasser. Nous avons depuis mis l'Art en boîte, son dernier avatar passant par le biais de l'écran qui envahit tout, même la scène. Jusqu'au port du cothurne qui était symbolique ... Il n'est pas rare qu'en costume de ville, actuel quelque soit la date à laquelle le texte a été écrit du reste, les comédiens soient pieds nus ... Cela aussi est lourd de signification ! Nous sommes démunis ... des bourgeois de Calais, en quelque sorte. Mais j'arrête là, car on va me traiter de panthéiste.

Écrit par : simone. | dimanche, 09 novembre 2008

@ simone : en tous cas le théâtre antique est un lieu où j'ai vu travailler beaucoup de gens, un lieu où j'ai moi-même travaillé, un lieu fascinant. Je vous entends souvent parler des bourgeois de Calais, en ce moment...

Écrit par : solko | dimanche, 09 novembre 2008

Ah ! ah ! ... oui, ils faut croire qu'ils m'obsèdent. Cela ne doit pas être tout à fait par hasard. On se sent un peu dans la même situation qu'eux en ce moment, non ?

Écrit par : simone. | dimanche, 09 novembre 2008

@ Simone : cela doit avoir une signification moins évidente pour vous pour vous obséder aiinsi : faites en un billet, voire un texte plus long ...

Écrit par : solko | dimanche, 09 novembre 2008

Ce lieu me reappelle des soirées merveilleuses lorsque j'avais 12 ans et qu'on m'emmenait -après de longue supplications- voir Intermezzo de Giraudoux ou Antigone de Sophocle. Je me souviens, pour la dernière pièce, d'une pluie diluvienne et de cinquante spectateurs (pas plus) et des acteurs couchés dans la flotte, sur la mosaïque centrale, en train de réciter le texte de Sophocle, insensibles à la pluie, comme d'ailleurs nous nous l'étions. C'est vrai que ce sont des moments extraordinaires, communion totale entre public et acteur, et cela dans des conditions épouvantables... Cela aurait-il encore lieu aujourd'hui ?...

Écrit par : Porky | dimanche, 09 novembre 2008

@ Porky : Alors je salue au passage la mémoire de maître Joannes Ambre, qui fut le créateur du festival de théâtre que vous évoquez et qui m'a laissé moi aussi beaucoup de beaux souvenirs.

Écrit par : solko | dimanche, 09 novembre 2008

Oui, les actuelles Nuits de Fourvière font beaucoup moins ressortir la magie du lieu que ne le faisaient les mises en scènes plus "artisanales" de festival du père Ambre. J'ai moi aussi des souvenirs attachés à cet endroit, tout Lyonnais, je crois. Merci bien.

Écrit par : M.Rivière | dimanche, 09 novembre 2008

Merci à Porky pour ces 12 ans sous la pluie, c'est comme si on y était, la pluie me coule dans le cou.

Écrit par : Sophie L.L | dimanche, 09 novembre 2008

FRANTIQUE

De Lugdunum
On voit Rome sans souci
Comme autant de ruines
Jonchant le sol
De tous les colisées
Pour tous les gladiateurs

Vit-on à Lugdunum
Rien ne le prouve
Alors pourquoi pas
Appeler cela une vie
Un mot en vaut un autre
Et vie vaut bien rêve

Écrit par : gmc | mardi, 11 novembre 2008

@ GMC
Oui, vie vaut rêve,
Le rêve de ces pierres,
De ces tuiles, de ces traces,
De ces gradins démonétisés.

Écrit par : solko | mardi, 11 novembre 2008

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