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mardi, 11 novembre 2008

La guerre a pour elle l'antiquité

La guerre a pour elle l'Antiquité ...

Citation de La Bruyère ( Les Caractères) qu'on trouve dans le chapitre "Du souverain ou de la république":  J'ai toujours beaucoup aimé cette citation lapidaire, car je n'ai jamais vraiment compris ce qu'elle signifiait, en réalité :  Est-ce une reconnaissance admirative de l'autorité de l'Art militaire sur tous les autres, comme on dirait : « Socrate a pour lui l'Antiquité... »  Est-ce un constat désolé ? Une sorte de maxime ironique et critique, comme le roué moraliste en a produit tant et tant...  Ou bien les deux à la fois, dans un effet de polysémie fort efficace ? Difficile à dire. Nous sommes si éloignés de la rigueur souveraine des classiques et de leur morale, celle du Grand Siècle. J'ai toujours pensé qu'il était fort facile pour les générations contemporaines de la dissuasion nucléaire d'être contre la guerre ou anti-guerre, mais que celles d'avant, à fortiori celles de l'Ancien Régime, que rien de technique ni de technologique  ne protégeait des caprices ni des foudres de Mars, ne pouvaient adopter une telle posture sans être carrément irresponsable ou puérile. Il y a dans la morale raisonnée et toujours distanciée de La Bruyère une façon de soulever ce type de questions, de mettre en tension l'éthique et le pragmatique, de solliciter l'intelligence tout en la mettant en échec, qui me séduit vraiment.

 

00:48 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : la bruyère, commémoration, 11 novembre | | |

Commentaires

Le 16è était pour certains auteurs anti-guerre, la peur des nouvelles armes, l'artillerie. Aujourd'hui, les frontières sont moins intéressantes, l'important c'est le consommateur.

On se fait la guerre pour obtenir des consommateurs, on complote etc Etre désintéressé du consommateur est jugé "irresponsable ou puérile".

Écrit par : Léopold | mardi, 11 novembre 2008

@ Léopold : La guerre, autrement dit, a cessé d'être d'abord militaire pour devenir exclusivement économique. C'est ça ?

Écrit par : solko | mardi, 11 novembre 2008

J'y vois aussi pour ma part, dans cette maxime, le pragmatisme grec sensible dans l'Ilyade. La guerre antique n'accordait aucune place à la fiction de l'honneur née au moyen âge. Je pense par exemple à l'épisode du massacre d'un camp troyen endormi par Ulysse pour piller des "cavales"... On peut aussi penser à l'interventionnisme divin présenté comme absolument "anodin"...

Dans le Maître de Ballantrae que je viens de finir le héros éponyme définit la guerre comme "l'ultima ratio", en référence à je ne sais quel auteur antique.

Voilà ce que m'inspire cette maxime classique particulièrement elliptique...

Écrit par : Tang | mardi, 11 novembre 2008

L'avantage de ce type de "maxime", c'est qu'elle peut être interprétée de toutes les façons possibles et imaginables. On dirait du La Rochefoucauld. C'est très Grand siècle également cette façon de présenter les choses et de laisser le lecteur libre de son interprétation.

Écrit par : Porky | mardi, 11 novembre 2008

ou: la guerre a pour elle le bénéfice de l'âge, dans l'histoire de l'humanité?
(PS sur la pointe des pieds: ce n'est pas dans le chapitre "De l'homme", mais dans "Du souverain ou de la république":"la guerre a pour elle l'antiquité; elle a été dans tous les siècles: on l'a toujours vue remplir le monde de veuves et d'orphelins, épuiser les familles d'héritiers et faire périr les frères à une même bataille...De tout temps..."etc)

Écrit par : Sophie L.L | mardi, 11 novembre 2008

@ Tang : "Ultima ratio" qui fait aussi froid dans le dos. Ce qui saisit dans la formule de La Bruyère, c'est qu'au contraire de ce qu'elle est dans nos consciences modernes, la guerre est pensée comme un fait normal, un fait de société, comme on dirait aujourd'hui.

Écrit par : solko | mardi, 11 novembre 2008

@ Porky : La maxime a pour elle le Grand Siècle ...

Écrit par : solko | mardi, 11 novembre 2008

@ Sophie : J'aurais dû aller vérifier ! Voilà ce que c'est qu'être sûr de ses classiques, ça patine à un moment. Oui, la maxime sert d'introduction à un jeune homme dont La Bruyère avait été précepteur, le jeune "Soyecour". J'aurais pu la copier entièrement, mais l'ambiguîté de sens demeure jusqu'au bout. Je corrige de ce pas...

Écrit par : solko | mardi, 11 novembre 2008

Oui, exclusivement économique, comme l'expliquent des philosophes comme Cioran ou Nietzsche, on fait la guerre par peur du néant, la peur du néant est toujours aussi omniprésente, la guerre l'est un peu moins.

Il faudrait faire une étude lexicologique de la langue économique : profit, perte, stratégie, conseil, réunion, développement, déploiement, frontière mais aussi licenciement, bourse etc dont il faudrait trouver des équivalences.

Écrit par : Léopold | mercredi, 12 novembre 2008

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