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mardi, 11 novembre 2008

Paroles de poilus

« En fait, le poilu n’avait qu’un espoir : la fin de la catastrophe  où il avait été jeté. Aucun des grands mots creux : Défense de la civilisation ou guerre du droit n’avait en lui la moindre résonance. Il détestait beaucoup moins les Allemands que les gendarmes dont certains à Verdun furent plantés à des crocs de bouchers, et aucun des grands chefs, sinon le Pétain de 1917, ne fut populaire chez les poilus" (Galtier-Boissière, Mémoires d'un Parisien, tome 1)

 

« Pendant ces années de guerre il y eut plus de distance d’un homme de troupe à un capitaine que du serf au seigneur d’autrefois. J’ai vu des hommes garnir de planches un abri creux, parce que le commandant s’était blessé les coudes ; ces hommes dormaient par terre et sans aucun abri. Je signale ces petites choses parce que tous ceux qui écrivent sur la guerre sont des officiers qui ont profité de ces travaux d’esclave sans seulement y faire attention. »    (Alain, Mars ou la Guerre Jugée)

 

«Ceux qui viendront ici, et qui verront le grand geste uniforme que tracent sur la terre les croix, lorsque le soleil roulant dans le ciel fait bouger les ombres, s’arrêtent et comprennent la grandeur du sacrifice. C’est cela que veulent nos morts. C’est cela que nous voulons, nous qui demain, serons peut-être des morts. »     ( Paul Lintier, Le Tube 1233- « souvenir d'un chef de pièce »)

 

« Vais-je donc abreuver mes lecteurs de récits de guerre à la manière de Tolstoï, de Zola ou de Maupassant ? Mon orgue de barbarie ne moud pas de ces airs-là. D’autres s’en chargent et les amateurs trouveront dans les proses de nos épiques boulevardiers de quoi se satisfaire. Pour moi, je pense que  la guerre n’est pas un sujet de littérature (Henri Béraud, L'Ours - n° 11)


 

17:32 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : galtier-boissière, henri béraud, paul lintier, guerre de quatorze | | |

Commentaires

Henri Béraud un petit peu Dada sur les bords ?

Écrit par : frasby | mardi, 11 novembre 2008

@ Frasby : Un peu, oui. Avant quatorze, Béraud était incontestablement dans l'avant-garde. En tous cas à Lyon. Après guerre, dans les années 20, il le rest epar moment, avec l'équipe de Galtier Boissière.. Par la suite...

Écrit par : solko | mardi, 11 novembre 2008

C'est une vraie question de candide puisque pour moi Béraud est né au XXIe siècle Ap . Solko ;-) (ou pendant Solko)...
Cela dit ses paroles du billet plus en haut, sont d'une grande modernité , et cela me donne très envie de cotoyer de plus près les oeuvres du bonhomme ... Merci à vous de nous inviter à le découvrir.

Écrit par : frasby | mardi, 11 novembre 2008

@ Frasby : Le problème, c'est que les oeuvres de Béraud sont hyper difficiles à trouver. Parfois, chez un bouquiniste des quais. Ou bien chez Diogène, au 1er étage. Ou enfin chez Honoré (le libraire desTerreaux), qui vous parlera de Béraud comme personne (il en est spécialiste). Trois repères essentiels pour ce qu'on appelle, avec déraison, la littérature lyonnaise, que je vous conseille .

Écrit par : solko | mardi, 11 novembre 2008

sur la différence entre hommes et soldats, il est bon de le rappeller.Cette illusoire égalité dans la tranchée favorisa le nazisme, qui jouait sur celà.

Écrit par : romain blachier | mardi, 11 novembre 2008

@ Romain : Le nazisme ? J'avoue que je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

Écrit par : solko | mardi, 11 novembre 2008

Extra, cette petite liste de libraires... Je connaissais Diogène lorsque je vivais à St jean. Diogène est connu de nom à Lyon comme le loup blanc même par ceux qui n'ont jamais posé les pieds dans sa boutique-une figure sans doute déjà- (est ce cette vieille belle boutique de ST JEAN, je ne me trompe pas vraiment ? est ce celle-ci, qui "sent" le parchemin, où l'on découvre plein de livres marrons aux pages jaunes (non pas le bottin mais beaucoup de "bibles"!)et dont le monsieur n'est pas du tout gêné de voir ses client(e !)s à genoux des journées entières ? un endroit où je ne suis pas retournée depuis la mort de Jean François Bossu (est ce toujours à la même adresse?) Honoré sur les quais ? c'est à dire Saint Antoine ? Peut être que je l'ai connu sans le connaître monsieur Honoré ? quel est l'endroit exactement? Est ce que je ne vous en demande pas trop ?
Merci à vous pour le repérage .

Écrit par : frasby | mercredi, 12 novembre 2008

@ Frasby : La librairie Diogène se trouve rue Saint-Jean, à l'entrée (n° 29, je crois). 3 niveaux ( sous-sol, rdc, 1er étage) Jean Honoré tient la Librairie des Terreaux ( rue d'Algérie, au niveau de l'entrée du vilain parking) Meilleur spécialiste sur le régionalisme. Trés fin connaisseur de Béraud, justement. A côté d'A plus d'un titre, (ex L'imaginaire), se tourve aussi la grande fenêtre je crois, mais c'est beaucoup moins bon que Diogène et Honoré.

Écrit par : solko | mercredi, 12 novembre 2008

«Ceux qui viendront ici, et qui verront le grand geste uniforme que tracent sur la terre les croix, lorsque le soleil roulant dans le ciel fait bouger les ombres, s’arrêtent et comprennent la grandeur du sacrifice. C’est cela que veulent nos morts. C’est cela que nous voulons, nous qui demain, serons peut-être des morts. » ( Paul Lintier, Ma Pièce)

Petit rectificatif amical, ces "paroles" ne sont pas extraites de "Ma Pièce" mais du "Tube 1233"

Écrit par : D. Rhéty | mercredi, 12 novembre 2008

@ D.Rhéty : Je confonds alors ce passage avec celui où Lintier parle de mourir à vingt ans ( - ça n'aura pas été long ) ?

Écrit par : solko | mercredi, 12 novembre 2008

Diogène j'y ai passé de belles heures... Mais il me semble à une époque qui n'était pas sur 3 niveaux ou bien comme toujours, ça m'aura échappé... Pour Honoré, j'irai dès demain repérer.
Merci pour ces précisions .

Écrit par : frasby | mercredi, 12 novembre 2008

"Pourquoi ? Pourquoi ? La mort n'a cessé de tomber là-bas depuis que le brouillard s'est levé . Et nous allons à elle .
L'angoisse m'étrangle . Je raisonne pourtant . Je comprends clairement que l'heure est venue de faire le sacrifice de ma vie . Nous irons, nous irons tous, mais nous ne redescendrons pas de ces côtes . Voilà !
Ce bouillonnement d'animalité et de pensée, qui est ma vie, tout à l'heure va cesser . Mon corps sanglant sera étendu sur le champ . Je le vois . Sur les perspectives de l'avenir, qui toujours sont pleines de soleil, un grand rideau tombe . C'est fini ! Ce n'aura pas été très long ; je n'ai que vingt et un an ." - Paul Lintier, "Ma pièce"

Écrit par : D.Rhéty | jeudi, 13 novembre 2008

@ D.Rhéty : Merci pour cette très belle citation. Si elle peut encourager certains lecteurs à redécouvrir les textes de Lintier, disponibles hélas seulement en épuisés : un éditeur prendrait-il le risque de les publier à nouveau ? ( je signale au passage que "le Dilettante" a ré-édité "La Peur" de Gabriel Chevallier.)

Écrit par : solko | jeudi, 13 novembre 2008

@solko : je le souhaite pour lui et les autres, ceux de la classe I de Jean Norton Cru en particulier . Certains éditeurs s'y sont lancés . Bernard Giovanangeli a réédité cette année "Sous le fouet du destin" d'André Maillet et Tallandier ( collection Texto ) les "Mémoires d'un rat" de Pierre Chaine .
En attendant le tour de Paul Lintier, cet autre extrait de "Ma Pièce" qui peut faire suite au précédent :

"Ah ! si j'échappe à l'hécatombe, comme je saurai vivre ! Je ne pensais pas qu'il y eût une joie à respirer, à ouvrir les yeux sur la mumière, à se laisser pénétrer par elle, à avoir chaud, à avoir froid, à souffrir même . Je croyais que certaines heures seulement avaient du prix . Je laissais passer les autres . Si je vois la fin de cette guerre, je saurai les arrêter toutes, sentir passer toutes les secondes de vie, comme une eau délicieuse et fraîche qu'on sent couler entre ses doigts . Il me semble que je m'arrêterai à toute heure, interrompant une phrase ou suspendant un geste, pour me crier à moi-même : Je vis, je vis !
Et dire que tout à l'heure, peut-être, je ne serai qu'une chair informe et sanglante au bord d'un trou d'obus !"

Ce ne sera pas pour tout à l'heure mais nous, nous savons que cela arrivera bientôt .

Écrit par : D.Rhéty | jeudi, 13 novembre 2008

@ D.Rhéty :
Conscience de la mort, éclat de la vie. "Je saurai les arrêter toutes": Pourquoi les textes de Lintier sont-ils si particuliers ? Parce qu'ils ne sont pas que des récits de guerre, mais y perce également tout le cheminement intérieur que ce jeune homme, dont la vocation n'était pas seulement de vivre, mais aussi d'écrire, a livré auparavant à Lyon. J'ai ressorti "le tube 1233" dans lequel je vais me replonger. J'ai sous les yeux ce passage dans lequel, avec un compagnon, il récite "La Mort du Loup" de Vigny : "Souffre et meurs sans parler. Demain, demain peut-être ?" . Merci à vous de vos commentaires.

Écrit par : solko | vendredi, 14 novembre 2008

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