dimanche, 19 novembre 2017
La vie cachée de Nazareth
Si l’on garde à l’esprit la phrase que le Christ adresse au Père avant sa Passion (« Or la vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » - Jean – 17, 1), la terre sainte a de quoi en rendre plus d‘un confus. Ce n’est pas l’Inde, où un guru diplômé vous vend Dieu à chaque coin de rue, mais pas loin. Même si je m’étais promis d’écrire une sorte de journal de bord de ce voyage en terre sainte, j’éprouve à vrai dire une grande difficulté à le faire : soit j’évoque la présence si palpable en cette terre du Christ Lui-même, et par Lui du Père, mais dans ce cas-là je passe sous silence le reste, tout le reste, ce que subissent les chrétiens de là-bas, la situation actuelle de la Palestine, le commerce éhonté et le contrôle sur les pèlerinages du gouvernement israélite qui décide des lieux de culte à visiter et de ceux à cacher, la mise en spectacle, enfin, par une bonne partie de l’Église moderne, d’une histoire sainte parfois redoutablement abrégée. Soit je me perds dans ce qui n'est, au regard de la vie éternelle et du salut de l'âme, que détails...
basilique catholique de l'Annonciation
Nazareth, par exemple, ville de l’Annonciation, première halte d‘envergure dans notre pèlerinage : La basilique catholique, inaugurée en 1964 par le pape Paul VI et consacrée en 1969 tient autant du musée — avec ses restes archéologiques à ciel ouvert — que de l’exposition artistique—avec des fresques contemporaines issues de pays du monde entier. Certes, il y a bien la grotte, où l’on peut brièvement se recueillir. Mais on a aussi l’impression que dans les concepteurs du circuit, elle a été pensée comme un moment du décor, qu’elle est au cœur d‘un dispositif spectaculaire dont la liturgie est quelque peu exclue. C’est dommage. Tel n’est pas le cas dans l’église orthodoxe de l’Annonciation, dédiée à Saint Gabriel. On y vénère « le puits de Marie », où l'ange Gabriel lui serait apparue alors qu'elle puisait de l'eau. Cette « première annonciation » n’est pas attestée par les Écritures, mais permet aux deux églises de célébrer cet événement fondateur. Et là, chez les orthodoxes, la présence de la liturgie rend plus sensible pour chacun ce qui se joua dans le cœur de la Vierge de Nazareth, et qui constitue le premier mystère du Rosaire.
grotte de l'Annonciation (catholique)
grotte de l'Annonciation (orthodoxe)
Non loin se trouve le Centre international Marie de Nazareth, premier centre marial, international et multimédia (vous lisez bien), ouvert en 2012 au pied de la basilique, où tous les pèlerins de passage visionnent un film d‘une heure racontant en quatre étapes et quatre salles « le mystère de la Mère de Dieu ». Le medium, disait Mac Luhan, c’est le message : que reste-t-il, dans cet auto-sacramental de la post modernité elle-même, de l’Évangile ? Ce que Marie « gardait dans son cœur » si soigneusement, les concepteurs de ce genre de film pensent-ils sérieusement le révéler ainsi au grand public ? Je suis attristé, consterné par les errances de l’église catholique moderne, qui cherche toujours à s’ajuster au pire de ce que le monde propose, quand elle devrait faire plier ce que le monde propose à l’Évangile-même… Car ce n’est pas avec du miel et du sucre qu’on vainc Satan, nul besoin de le rappeler. Et c’est bien triste d‘être si vide et si consensuel dans un lieu si habité et si spécifique…
Sur le toit du centre international de Marie
Nazareth, en fait, ne s’éclaire que par la prière ; sinon elle est comme toutes les villes d‘ici, sale, agitée, bruyante… C’est cela que Charles de Foucauld, qui y séjourna entre 1897 et 1900, menant auprès des clarisses la vie d’un valet et n’acceptant pour logement qu’une cabane de planches dans laquelle on rangeait les outils dans le jardin, nommait la vie cachée de Nazareth : si tu ne pries pas, tu ne vois rien…
Charles de Foucauld
Nous adorons donc une heure durant le Saint sacrement en compagnie des Petits frères de Jésus Caritas (l’une des 18 familles spirituelles de frère Charles de Jésus) dans ce monastère des Clarisses, fondé en 1884 par des religieuses venues de Paray-le-Monial, qui instituèrent ensuite celui de Jérusalem.
À l’époque de Charles de Foucauld, la ville où grandit le Christ abritait à peine 6 000 habitants, dont deux tiers de chrétiens et un tiers de musulmans. Les Nazaréens sont aujourd’hui 76 000, dont 30 % de chrétiens et 70 % de musulmans. La vie cachée du Christ à Nazareth qui débute dans le secret mystérieux de l’Annonciation et se prolonge dans l’adoration du saint sacrement passe-t-elle par cet effacement du christianisme en Orient ?
Penser que pour un musulman, l’ange Gabriel ne fut pas l’annonciateur de la conception du Christ, mais qu’il dicta le Coran à Mahomet ! Quelle tristesse ! Quelle contrefaçon de l’Écriture ! Puisque ces personnes prient leur dieu cinq fois par jour en nous traitant d‘égarés, nous devrions prier autant de fois pour eux, afin qu’ils reconnaissent en Christ le véritable et unique Fils de Dieu. Peut-être viendrions-nous à bout de leur mauvaise foi…
Pour résumer, deux églises, l’une orthodoxe, l’autre catholique, gardent ici le mystère de l’Annonciation, ici plus qu’ailleurs tout vibrant de surnaturel. Mais ce mystère pour autant qu’il soit dévoilé, ici comme ailleurs, est caché, recouvert, oublié dans sa nature essentielle. Le tourisme va vite, comme tout le reste, et ignore la vie cachée. Qui humidifiera les cœurs et ralentira les consciences, et ramènera ce qui fonde la foi, l’espérance et la charité dans une assiette solide, et qui ne passe pas ?
Eglise saint Gabriel
22:03 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : annonciation, palestine, église saint gabriel, la vie cachée de nazareth, charles de foucauld |
Commentaires
Le tourisme détruit tout, corrompt tout, et même dans des endroits qui devraient être respectés.
Écrit par : Julie | lundi, 20 novembre 2017
Pas la prière, heureusement. Le tourisme ne détruit pas la prière...
Écrit par : solko | mardi, 21 novembre 2017
Non, heureusement, mais il,fait savoir s'abstraire de tout le reste.
Écrit par : Julie | mercredi, 22 novembre 2017
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