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dimanche, 01 juillet 2012

Rupture d’anévrisme à Meudon.

Et donc, c’était quel jour, 1er juillet 1961 ? Un samedi, tu me dis ? M’en souviens plus, moi, j’avais six ans. « L’été fait fondre les trottoirs. Les agents ont pris des ombrelles. A rayures. Ivoires et oranges » note Vialatte dans sa Chronique de La Montagne du 11 juillet 1961. Alexandre Vialatte, y’a pas mieux pour savoir le temps qu’il faisait dans les années cinquante/soixante. Dans la suivante, celle du 18 juillet 1961 : « Le soleil tape dur sur le vignoble d’Imbersheim », qu’il écrit. Et dans la précédente, du 4 juillet ; « Le soleil dessèche les paulownias. Les enfants sautent dans les piscines en faisant des ronds sur l’eau » ; et puis « l’oiseau se tait ; Le soleil tombe d’aplomb », datait-il du 27 juin. 

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Caniculaire à en suer tout son talent donc, ce fumier de samedi de 1961 ! Penser à tous nos contemporains de maintenant, grandis dans l’idiotie du thermostat. Eux, dès que ça chipote à percer du côté des nuages : au pied, soleil, j’ai mes congés payés et j’ai fait la queue au péage, faut pas faire chier le juilletiste, soleil, sinon doléances tu verras ça, doléances à l’état-providence.

Et à la télé, ça passait quoi en ces jours de 1961 ? Les premiers commentaires d’un mec qu’est mort y’a quelques jours, et puis aussi Age tendre et tête de bois, du si stupide Albert Raisner depuis le mois de mai. Rien que de la trépidation déjà, quoi.  Télé 7 jours à 0,60 NF avec son cahier central de deux pages sur la vie des bêtes…

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C’était donc un samedi de 61. Et nous voici un dimanche de 2012. Au 25ter route des Gardes, un samedi caniculaire, la veille du suicide d’Hemingway (comme quoi je m’en doutais, les écrivains et le soleil ont jamais fait bon ménage). Un écrivain, ça meurt seul : L’année de Rocco et ses frères et puis aussi de Marienbad. Louis Ferdinand Céline, se jouait sans la frime Rupture d’anévrisme à Meudon.

Un dimanche de cinquante ans et plus un peu plus tard, quoi faire d’autre alors, quoi faire sinon se replonger le nez dans du Céline, que l’embarras du choix, du Voyage à Rigodon… « Ils achèteront plus tard mes livres, prophétisait-il, beaucoup plus tard, quand je serai mort, pour étudier ce que furent les premiers séismes de la fin » (Féerie II)… Un écrivain, ça meurt raide seul, comme ça s'est trainé parmi les hommes, et c’est ren que comme ça qu'il faut aller le lire.

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Céline route des Gardes à Meudon

 

 

02:26 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : alexandre vialatte, celine, route des gardes, meudon, littérature | | |

dimanche, 05 décembre 2010

Les nains de Disney

C’est aujourd’hui l’anniversaire de Walt Disney. S’il n’était mort en 1966, le souriant moustachu aurait l’âge hautement respectable de cent neuf ans. Walt Disney Company est devenu un tel empire étendant sur les cinq continents ses ramifications qu’on est en droit de se demander, si le patriarche n’était né, à quoi ressemblerait le monde aujourd’hui : outre un catalogue de 700 films, les studios et la chaîne ABC, onze Disney on Ice, quatre bateaux de croisières de 1000 places, un théâtre à Broadway, 140 oscars et 10,6 milliards de bénéfice annuel avec la totalité des parcs d’attraction… Et depuis peu, Raiponce, la princesse à la chevelure de vingt mètres de long.

Si Disney n’était pas né, ni Mickey ni Donald n’auraient, évidemment, vu le jour. Du moins sous cette forme. Sans cette représentation parodique de l’américain moyen, les années trente auraient-elles eu le même visage aux USA ? Et les années cinquante en France ? On peut parier que d’autres créatures auraient été promues à leur place par d'habiles managers afin d’occuper la même fonction.

Sans la presse du bon Walt, une certaine couleur des jeudis puis des mercredis de nos enfances aurait sans douté été différente. Mickey, pourtant, n’était bien vite devenu à mes yeux qu’un fade logo dans son propre journal, une sorte de manager dynamique qui coachait des figures plus hautes en couleurs : Guy l’Eclair, Pim Pam Poum, un certain homme préhistorique dénommé Onkr, dont on suivait les aventures grotesques et palpitantes de numéro en numéro.  

Sans Disney, une chose aurait cependant, j'en suis sûr, fait défaut à cette France de la seconde partie du XXème siècle, et c’est les nains de jardin.

Certes, direz-vous, la coutume est ancienne et remonte à l’Allemagne du XVIIème siècle. Mais comment ne pas penser qu’elle ne parvint jusqu’au XXIème siècle que parce qu’elle fut portée par le grand vent des studios Disney ?

Un qui ne s’était pas trompé fut Alexandre Vialatte qui, dans sa chronique des nains en céramique publiée en 1967, affirmait déjà que « le nain de faïence sort de Blanche Neige avec la barbe en cœur, surmonté d’un capuchon rouge, et remonte plus anciennement aux opéras de Wagner, aux contes de Grimm, aux Nibelungen. » Depuis les nains de jardins connurent leur front de libération : « Si je tenais l’enfant de gredin / qui m’a volé mon nain jardin » chanta Renaud en 2002…

 

Disney, grand fécondeur devant l’Eternel de nains de jardins par milliards  : l’image est parlante. « Notre but, c’est de brouiller la frontière entre l’art et l’entertainment, et nous imaginons ici à la fois de vraies pièces de théâtre, des parades, des spectacles en marionnettes, des feux d’artifice, des événements larger than life », explique Anne Hamburger, la présidente de Disney Creative Entertainement, à Frédéric Martel, l’auteur de Mainstream. Ce sont d’ailleurs ces mêmes nains, pères Noël miniatures devenus cariatides, qui soutiennent le toit du siège de la Walt Disney Company à Burbank en Californie.  Larger than life : Sur la photo, face au boss qui tient par la main sa créature, tout au sommet de la pyramide, les bras en l'air tel un leader des temps nouveaux : le géant Simplet… Prémonitoire, ce formidable Walt...

 

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lundi, 03 mai 2010

Après Vialatte

 

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« Le réel n’est qu’une habitude » écrivit Alexandre Vialatte, dans une chronique qui parut le 29 décembre 1964. Il y a dans cette phrase, à quelque niveau qu’on se la remémore, quelque chose d’étrangement juste, d’étrangement grave. peut-être même d'étrangement angoissant : tout dépendant de l'amplitude que l'on donne à ce mot étonnant : Le Réel... Pour mesurer l’étrangeté de cette justesse et de cette gravité, il suffit de poser le corollaire de la formule : ce qui est irréel est ce à quoi je ne me suis pas encore habitué. La phrase ainsi posée, se comprend mieux l'angoisse qu'elle soulève implicitement : quelle forme extrême d'Irréel serai-je (serons-nous) capable, par la force de l'habitude, d'admettre, d'engendrer ? 

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dimanche, 24 janvier 2010

Chronique du grand style et des transpositions cinématographiques de vies héroïques

C’est un 24 janvier (76) que naquit l’empereur Hadrien, dont Marguerite Yourcenar (1903-1987) dressa bien plus tard la flamboyante chronique. C’est aussi un 24 janvier (1857) que comparut pour « atteinte aux bonnes mœurs » un dénommé Gustave Flaubert, accusé d’avoir écrit Madame Bovary. Quel rapport, me direz-vous ?

Celui-ci : Dans ses Carnets de notes, Yourcenar a confié que l’idée des Mémoires d’Hadrien lui était venue d’une citation lue dans la Correspondance de Flaubert : « Les dieux n’étant plus et le Christ n’étant pas encore, il y a eu de Cicéron à Marc Aurèle un moment unique où l’homme seul a été » L’homme !

Le voilà, le rapport. Le rapport, c’est Alexandre Vialatte, expert patenté  devant l’Eternel du coq à l’âne et spécialiste, s’il en marguerite.jpgest, de la troublante question de l’homme dont les dernières nouvelles sont toujours les meilleures à prendre.

Un hasard heureux fait que la toute première de ses chroniques hebdomadaires qu'il écrivit pour le journal La Montagne un 24 janvier (celle de l’an de grâce mil neuf cent cinquante six) est précisément titrée : Marguerite de la nuit. Il n’y cause point de Yourcenar, mais de Claude Autant-Lara, lequel vient de signer une adaptation cinématographique d’un roman de Mac-Orlan (avec Michèle Morgan et Yves Montand) que le chroniqueur de la Montagne n’a que moyennement appréciée. Le roman de Marc Orlan, une parodie de Faust elle-même datée de 1924 était, nous dit Vialatte, possède « un ton, un style, un accent, une saveur, un goût ». Pour tout dire, c’était une appellation contrôlée. « Que reste-t-il au cinéma de cette appellation contrôlée » ? s’interroge-t-il, tout en jugeant ampoulé et, au final, faussement pathétique l’adaptation d’Autant-Lara : « Le grand style n’est jamais voulu. Il n’est pas nécessairement simple, mais il est toujours naturel ».

De nos jours, il semble que les adaptations de grands romans se comptent sur les doigts du pied. A cela, une cause bien naturelle serait qu’il ne s’écrit plus guère de grands romans, et que ceux du passé ont déjà été tous adaptés et pas toujours à la meilleure sauce. L’époque, à la fois amnésique et épuisée, édicte sa loi et d’autres transpositions cinématographiques voient le jour : celles des vies non pas illustres mais médiatiques, les vies de people. Ainsi, celle de Gainsbourg vient de donner matière après tant d’autres à une heure et quelques de pellicule. Inutile de vous dire que cet embaumement héroïque (parait que vivre une existence de peintre raté dans les affres du show-business dans la seconde moitié du vingtième siècle, c’est mener une « vie héroïque ») ne m’inspire guère.

Pourquoi ne ferait-on pas, dans le genre du film sur Gainsbarre, et après celui sur Piaf, Coluche, Mitterrand, De Gaulle (qu’est-ce que le cinéma est original…), une vie de Vialatte ? Non, sérieux. Je lance un appel d’offre à un producteur dont les guêtres traîneraient par là, moi, je veux bien faire le scénariste. On le verrait durant de longs plans écrire interminablement au stylo-plume, penché sur son bureau… Il traduirait Kafka, compulsant on ne sait quel vieux dictionnaire, gommant, raturant… A ses côtés le bruit d’un réveil matin de marque Jaz, qui ferait tic-tac, tic-tac, tic-tac. Il écrirait Battling le ténébreux avant guerre et puis les Fruits du Congo après guerre. A partir de 1952, il deviendrait chroniqueur à la Montagne. On le verrait alors chaque dimanche soir porter le texte de sa chronique, de son appartement au 158 rue Broca, d’où il observerait la cheminée de la Santé fumer à gros bouillons noirs, jusqu’à la gare de Lyon, d’où partirait le train pour Clermont-Ferrand. A la fin du film, il serait opéré de l’aorte à l’hôpital Necker, dans le quinzième arrondissement de Paris. Il ne s’en remettrait pas. Comme Gainsbarre, il fumerait. Mais on n’en ferait pas toute une histoire. Tout un mythe.

Ses Pascal, au lieu de les brûler à l’écran, il les porterait méticuleusement à sa banque. Comme tout le monde. Pour un tel sommet du septième art, il faudrait dégotter un acteur comme l’époque est incapable d’en produire : lent, minutieux, presque muet.

Tout cela, bien sûr, serait tourné en noir et blanc. En noir et blanc, comme les photos de Blanc et Demilly.

Mais je me suis écarté de mon sujet. Quel était-il d’ailleurs ? Le grand style ? Est-ce que cela a une espèce d’importance ? Pour qui donc ?

Et c’est ainsi qu’Alexandre est grand.

samedi, 16 janvier 2010

Chroniques de la Colline

Alexandre Vialatte est comme le Mont-Blanc. Tous ses contours ne se distinguent bien que de loin, avec le recul grâcieux de la distance. C'est comme ça qu'un jour, j'ai commencé à lire et apprécier ses Chroniques de la Montagne. Lui qui est mort depuis presque quarante ans, regardait sa gaullienne puis pompidolienne époque avec le recul distancié de la tendresse et de l’ironie. Ainsi pouvons-nous regarder les grotesques de la nôtre. Sans la même tendresse, sans doute, nous qui avons perdu beaucoup de nos illusions. Mais avec la même ironie…

 

 

En hommage  à Alexandre Vialatte & à ses Chroniques de la Montagne,

un croix-roussien reconnaissant…

 

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· Chronique des gens ordinaires qui vont regarder le foot au comptoir...

 

· Chronique de la Bourse, de George Dandin et de la Cloche de la Charité

 

· Chronique de la grammaire, de la vieille dame indigne et du général de Gaulle

 

· Chronique de l'euro symbolique, de Roselyne Bachelot et de l'Amérique

 

· Chronique du vin chaud en hiver, de la marionnette et des petits glouglous

 

· Chronique de Loulou, du nouveau président des Etats-Unis et de la vie derrière les barreaux

 

· Chronique du premier février

 

· Chronique des étés caniculaires et des hivers rigoureux

 

· Chronique de la fonte des cloches, des anciens incunables et de l'abbé Vachet

 

· Chronique de la fin du mois de juin et de la common decency

 

· Chronique du gras, de l'idiotie, de l'oursin et du prolétaire

 

· Chronique de Séfiradis, de l’argent qui tombe du ciel et de la cantatrice chauve

 

- Chronique-du-grand-style-et-des-transpositions-cinematographiques de vies héroïques

Quoi de neuf, Vialatte ?

 

 

 

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samedi, 27 juin 2009

Chronique de la fin du mois de juin et de la common decency

Ambiance lourde de fin, planant sur la ville, alors que les débats de comptoirs deviennent, les dernières journées de juin aidant, des débats de terrasses : fin de quoi ? On ne sait trop. Passé le solstice d’été, les jours déclinent, et peut-être est-ce cette fin qu’on commence à ressentir avec ce qui nous reste de feuilles et de racines dans le système nerveux, nous les humains. Les jours déclinent, et voilà que nous retournons vers l’hiver aussi surement qu’un nouveau-né marche vers sa mort, dût-il vivre centenaire. L’hiver approche, donc, et l’on sait déjà qu’il sera fatidique non seulement à de nombreux petits vieux, mais aussi un peu à tout le monde, grippe porcine annoncée. Le gouvernement, toujours prévoyant, a commandé l’enregistrement d’un trimestre entier de cours, de la primaire à la terminale, pour le cas où on se verrait obligé de fermer les écoles. La télévision sur l’estrade, et hop ! L’institut et le prof dans la boîte, et hop ! J’apprends en porcinant. Depuis le temps que les élèves prennent leurs profs pour des postes de télé, ils pourront enfin – s’ils ne meurent tous pas du vilain virus annoncé – les mater d’une oreille distraite et les écouter d’un œil dissipé, en bouffant des peanuts et des sucreries.

Remarquez faut pas rigoler trop haut, car on ne sait toujours pas jusqu’à quel point tout ça, c’est de l’esbroufe ou non. Nous sommes trop déshabitués aux grandes épidémies des temps jadis.  « Le choléra, note le grand Chateaubriand dans la quatrième partie de ses Mémoires, sorti du Gange en 1817, s’est propagé dans un espace de deux mille cents lieues du nord au sud, et de trois mille cinq cents d e l’orient à l’occident : il a désolé quatorze cents ville, moissonné quarante millions d’individus. On a une carte de la marche de ce conquérant : il a mis quinze années à venir de l’Inde à Paris ; c’est aller aussi vite que Bonaparte : celui-ci employa à peu près le même nombre d’années à passer de Cadix à Moscou, et il n’a fait périr que deux ou trois millions d’hommes. »

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dimanche, 17 mai 2009

De l'art de citer

Dans son traité des études monastiques, Dom Mabillon invite tout lecteur assidu à tenir des recueils de citations, pour y écrire « les choses remarquables qui se présentent dans la lecture afin de ne pas les perdre tout à fait, et de ne pas les abandonner à l’aventure d’une mémoire infidèle ou chancelante.» Je ne sais si beaucoup de gens - même parmi les étudiants (…), même parmi les intellectuels ( ???), même parmi les écrivains (!!!)- ont encore le bon heur de suivre cet avis. Il me semble que non, en constatant autour de moi la façon dont beaucoup de contemporains laissent leur mémoire se fragmenter dans les perceptions instantanées d’un monde, fait en seul part d’images et de sons, sans devenir. Montaigne, qui en fit grand usage, voit dans la citation un compagnonnage assumé, pour ne pas dire revendiqué, avec les Auteurs du passé : « Je fais dire aux autres ce que je ne puis si bien dire, tantôt par faiblesse de mon langage, tantôt par faiblesse de mon sens. » (Des Livres - II,9). Il semble bien que Richard Millet ait raison, hélas, qui dans son Désenchantement de la Littérature, a remarqué (p 16) « qu’il n’y a plus dans le monde d’écrivain dont on puisse dire qu’il est une figure », les écrivains « n’étant plus qu’une image, photographique, toujours la même , interchangeable, inévitablement posée, donc putassière… ». Difficile, en effet, de citer une image…

Citer est pourtant une activité d’esprit aussi remarquable que délicieuse. Une habitude perdue ? Si nous ne lisons plus que des images et puisque nous n'avons plus le moyen ni la capacité de nous éprendre de figures, c’est bien possible. Il est convenu de penser aujourd’hui que les auteurs d’avant l’automobile, que dis-je l’automobile, d’avant la télé, que dis-je la télé, d’avant l’Internet, n’ont plus grand-chose à nous apprendre, ayant vécu dans un monde décidément aussi différent du nôtre qu’un corps de fermes rustique l’est d’une cité de banlieue avec barres et supermarché. La plus grande partie de la population, dans l’ignorance où l’a dressée l’école, et le droit proclamé à l’imbécilité qu’autorise les courriers des lecteurs comme les émissions de Delarue ou les micros-trottoirs des JT, a d’ailleurs tourné le dos à la belle langue qui lui aurait permis de comprendre, d’aimer, de citer ces auteurs. A la façon de l’ami Clitandre de Molière, elle voit dans l’habitude de la citation un usage mondain plus pédant que plaisant (Femmes Savantes, I. 4) :

« De son étude enfin, je veux qu’elle se cache

Et qu’elle ait du savoir sans vouloir qu’on le sache

Sans citer les auteurs, sans dire de grands mots,

Et clouer de l’esprit à ses moindres propos. »

 

Tout ceci est bien dommage. Mais qu’y faire. Certaines citations relèvent du bien commun, d’autres du trésor personnel, et nous devrions à toutes rendre droit de cité, dans nos discours comme dans nos moeurs. Il y aurait donc encore beaucoup à dire de l’usage des citations. Pratique de moine, privilège d'érudit, divertissement de mondain ? Je laisse à d’autres plus compétents que moi le soin d'en décider. Impossible, pourtant, de prendre congé sans au moins une citation : « La vie se passe à regarder d’une main mourir lentement tous ses amis d’un cancer généralisé et à attraper de l’autre un autobus en marche ». Voilà qui est dit. (Alexandre Vialatte, Chronique de la Montagne n° 670, du 15 mars 1966)

mardi, 10 février 2009

Chronique des étés caniculaires et des hivers rigoureux

L’Enfer, dans le sud-est de l’Australie. Un été caniculaire, des pyromanes exaltés, des victimes en fort grand nombre, un pic caniculaire aux alentours de 48° à Melbourne : forêts dévastées (on parle de 330 000 hectares), villages rayés de la carte, Kinglake, une petite ville de l’état du Victoria, compte ses victimes par dizaines, on évoque 180 morts et un nombre incalculable de disparus.  Pendant ce temps, la France connait un hiver, un vrai, pas des plus rigoureux, mais des plus hivernaux, pour ne pas craindre le pléonasme. Et le pays essuie coup sur coup deux tempêtes à la violence inaccoutumée, quasi-tropicale. On ne sait trop à quoi attribuer de tels bouleversements. Le réchauffement climatique est devenu une véritable tarte à la crème. Chacun en parle sans en connaître la recette, prenant à tout instant le risque de s'en recevoir une en pleine poire, tel Bernard Henri Lévy qui lui n'en reçut sans doute pas assez puisqu'il parle et publie encore. Nous serions trop nombreux à rouler en voiture, lire le journal et réchauffer des quiches surgelées dans des fours micro-ondes sur la Terre et le pet de l’homme, comme celui des vaches, serait devenu nuisible à l’équilibre des éléments. C'est sans doute vrai. Mais le moyen de retenir ses vents ? Qu’on se rappelle l’Apocalypse, professent déjà bon nombre de catholiques exaltés. Les catholiques exaltés en leurs chapelles, un peu comme les laïcs exaltés en leurs loges, sont des militants incurables. Ils souhaitent donc que cela se sache : une pétition circule pour soutenir Benoit XVI dans sa mesure de levée d’excommunications d’évêques intégristes : 35 000 signataires, parents d’environ 65 000 enfants, auraient accordé leur blanc-seing. Parmi eux, une foule d’allumés, j’en suis certain, se prenant pour les élus du Ciel, attendant les trompettes, pour ainsi dire, un peu comme dans une superproduction hollywoodienne remixée par Robert Hossein au Stade de France, on attend que Ben-Hur entre en piste. Nous qui savons que les combats eschatologiques ne sont pas des combats médiatiques, nous restons quelque peu démunis devant cette actualité qui tourne en rond autour d’une époque en crise.

« Qui fera l’unité du monde ? », se demandait François Mauriac, le quelque peu perplexe polémiste et moraliste chrétien, dans une chronique datée du 28 avril 1947 (1). Commentant la première apparition du terme « intégrisme » dans  un acte officiel de l’Eglise (2), il le définissait ainsi : « C’est l’état d’esprit des chrétiens qui se retranchent, rompent avec le monde condamné, s’établissent dans un divorce irréductible, comme s’il existait un parti du Christ dressé contre les autres partis, et lorsque les circonstances le permettent, profitent de l’appui du bras séculier pour dominer par la force l’adversaire. »  François Mauriac a-t-il vraiment cru, comme il l’écrivit alors, que la sainteté moderne surgirait de la classe ouvrière ?  De la classe ouvrière, nous sommes aujourd’hui bien placés pour savoir que la sainteté n’est pas sortie. S’il y a encore certains ingénus pour croire qu’elle surgirait du métissage, de l’émergence des minorités, vieille lune utopiste qui fait aujourd’hui les beaux jours d'un libéralisme aussi intransigeant que mondialisant, ils risquent de déchanter rapidement. Comme un boutiquier vêtu de safran, le dalaï-lama court le monde, affublé de son VRP Ricard et de la ridicule Sophie Marceau en pom-pom girl pour vendre un bouddhisme allégé de matières grasses  à des consommateurs de nirvana à la petite semaine, revenus de la messe du dimanche. En réalité, la sainteté ne surgit jamais toute nue de nulle part, pas plus qu'Athena ne sortit toute armée du crâne de Zeus en un somptueux cri de guerre. Peut-être quelques saints. Mais la sainteté ? Celui qui veut garder les yeux ouverts face à la complexité d’un tel monde a toutes les chances de se les brûler. Cela nous ramène aux incendies australiens et aux tempêtes européennes. Quelque ampleur qu'une digression s'autorise, elle doit aussi connaître sa limite. Sagesse de la Montagne. Et puis, que peut prévoir celui qui n’a d’éprouvée, au fond, que sa raison ? Qu’aux hivers rigoureux suivront probablement des étés caniculaires. Entrepreneurs de ventilateurs d'appoint, ne désespérez pas. Que la crise du capitalisme n’a aucune chance de cesser, tant le capitalisme a encore besoin de se nourrir d’elle et des catastrophes qu'elle génère,, avant de définitivement se perdre, et le monde avec.  Que d’ici là, quelques individus ont encore de beaux jours devant eux, tandis que d’autres risquent de courir devant de grandes épreuves. Epreuves : un mot qui fera les choux-gras des démagogues de tous poils, de tous sexes et toutes couleurs de peau durant les prochaines échéances législatives nous séparant de 2012.  Tout cela commencera bientôt par des européennes. L'électeur a encore de beaux jours devant lui. Et c’est ainsi qu’Alexandre est grand.

 

(1)F.Mauriac, Journal, Mémoires politiques, « Essor ou déclin de l’Eglise ? », Bouquins, Laffont

 

(2) Cardinal Suchard, "Essor ou déclin d el'Eglise", lettre pastorale pour le carême 1947

11:28 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : alexandre vialatte, françois mauriac | | |

mardi, 30 décembre 2008

Chronique de l'euro symbolique, de Roselyne Bachelot et de l'Amérique

Après avoir été promené dans un véhicule de la Samu sur les routes de l’Essonne durant cinq heures, un homme finit par décéder, après avoir trouvé portes closes dans 27 hôpitaux d’Ile de France et fait, entouré de médecins, trois malaises cardiaques successifs. Réaction de Roselyne Blanchot sur une chaine nationale, le 29 décembre au soir : « Pourquoi l’offre de soin qui existait n’a-t-elle pas rencontré la demande évidente ? Cela pose la question du pilotage de l’information. » Un ministre de la santé qui parle offre et demande en plein milieu d’un drame humain, cela devrait émouvoir le pays. Bof ! Plus le temps, vraiment. Plus le temps de relever les écarts de langage, le discours déconnecté, la technicité impuissante : Un mort à Cergy, un mort à Argenteuil : ce sont cette fois-ci des SDF. Mercredi, veille de Noël, un enfant meurt à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le quatorzième arrondissement d’une surdose de magnésium. Nous sommes en France. 337 SDF sont déjà morts cette année dans la rue

Le litre de super sans plomb flirte à nouveau avec 1 euro, l’euro symbolique avec lequel bientôt, la Chine va acheter l’Amérique. Voilà une nouvelle intéressante, qui croise celle des routes verglacées. Les températures nocturnes descendant quasiment partout à moins cinq degrés, les alertes grand froid sont lancées tous azimuts. Je ne sais pas si, pour un euro, j’en voudrais, moi, de l’Amérique. Franchement. Que ferais-je de ses 302 074 000 habitants, dont la plupart sont, faut bien l’avouer, loin d’être un cadeau ? Il faut s’appeler Bush ou Obama pour développer de tels fantasmes. Ou Roselyne Bachelot. Ce serait drôle d’imaginer Roselyne en first lady américaine : Sa maison serait blanche. Elle trouverait la façade très laide. Avec raison, convenons-en. Première chose à faire, donc, refaire la façade, forcément, dirait-elle à quelques ouvriers obèses. Balancer ces colonnes neo-classiques, d’un goût kitch à dormir dehors par – 5.  Avec raison, à nouveau. On se souvient de la formule d’Alain Peyrefitte « Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera ». Il avait trouvé la formule si jolie qu’il en avait fait un essai, et les libraires avaient trouvé l’essai si vendable qu’ils en avaient fait un best-seller. C’était en 1973. Juste deux ans après la mort d’Alexandre Vialatte qui ne put jamais donc lire l’ouvrage. Juste un an avant le choc dit pétrolier. Je ne crois pas que ce genre de bouquins aurait intéressé Vialatte, remarquez.. C’était le commencement d’une lente dérive qui amena Jack Lang ou son nègre à écrire des conneries sur François 1er et Nicolas Sarkozy à épouser Carla Bruni.

Le dernier essai politique sérieux écrit le fut par Raymond Aron et c’était ses Mémoires. Cela date, tout de même, puisque je vois sur mon vieil exemplaire que le dépôt légal est de 1983. Début des plans-rigueur. Pauvre de nous ! C’est vrai que quand on compare le style des Mémoires de Raymond Aron, rien que la table des matières, tiens ...  et qu'à n’importe quelle page, on pioche une ou deux phrases, n'importe lesquelles...  -  avec le non- style, la table des matières, les phrases, de tous ces essais actuels de pseudo-politiques et de pseudo-intellectuels pour rayons culturels de grandes surfaces, on prend peur. On a beau dire, BHL, ça fait danseur mondain, à côté, ça renifle sa Dombasle à plein nez. Aron avait plus de classe. Madame Aron, dont je n’ai jamais vu l'image, également.

Pour un euro symbolique, je préférerais une toile de maître à l’Amérique. Mais bon, les Chinois, qui finalement ne sont rien que des Américains en puissance, préféreront se payer l’Amérique, c'est évident. Pour eux, c''est un rêve à débrider les yeux. Tant pis pour eux. Il y a très longtemps, j’avais rêvé que j’acquerrais un Quentin de La Tour pour un franc symbolique. Depuis, la valeur de mon rêve donc a été multiplié par 6,56, mais cela reste malgré tout un rêve, puisque je n’ai toujours pas de toile de maître à la maison. Quand Roselyne a fini de débiter son horrible phrase sur le capital-santé / libre échange hospitalier & tagada-tsoin-tsoin - avec tous ces morts en arrière-plan, on nous a annoncé que les Mutuelles allaient augmenter en flèche dès janvier : la seule façon de s’en sortir à partir de l’année prochaine serait de réfléchir à deux fois à ses dépenses santé. Eh oui ! tout ça coule de source, comme le gyrophare d'une ambulance entre 27 hôpitaux,  messieurs dames. C’est pourquoi elle serait mieux à la Maison Blanche que dans un grand ministère parisien, Roselyne !  Amis, dites à la Chine : pour un euro symbolique, on vous l’envoie, avec tout le reste de l’Amérique!

Et c'est ainsi qu'Alexandre serait grand.

Après avoir été promené dans un véhicule de la Samu sur les routes de l’Essonne durant cinq heures, un homme finit par décéder, après avoir trouvé portes closes dans 27 hôpitaux d’Ile de France et fait, entouré de médecins, trois malaises cardiaques successifs. Réaction de Roselyne Blanchot sur une chaine nationale, le 29 décembre au soir : « Pourquoi l’offre de soin qui existait n’a-t-elle pas rencontré la demande évidente ? Cela pose la question du pilotage de l’information. » Un ministre de la santé qui parle offre et demande en plein milieu d’un drame humain, cela devrait émouvoir le pays. Bof ! Plus le temps, vraiment. Plus le temps de relever les écarts de langage, le discours déconnecté, la technicité impuissante : Un mort à Cergy, un mort à Argenteuil : ce sont cette fois-ci des SDF. Mercredi, veille de Noël, un enfant meurt à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le quatorzième arrondissement d’une surdose de magnésium. Nous sommes en France. 337 SDF sont déjà morts cette année dans la rue

Le litre de super sans plomb flirte à nouveau avec 1 euro, l’euro symbolique avec lequel bientôt, la Chine va acheter l’Amérique. Voilà une nouvelle intéressante, qui croise celle des routes verglacées. Les températures nocturnes descendant quasiment partout à moins cinq degrés, les alertes grand froid sont lancées tous azimuts. Je ne sais pas si, pour un euro, j’en voudrais, moi, de l’Amérique. Franchement. Que ferais-je de ses 302 074 000 habitants, dont la plupart sont, faut bien l’avouer, loin d’être un cadeau ? Il faut s’appeler Bush ou Obama pour développer de tels fantasmes. Ou Roselyne Bachelot. Ce serait drôle d’imaginer Roselyne en first lady américaine : Sa maison serait blanche. Elle trouverait la façade très laide. Avec raison, convenons-en. Première chose à faire, donc, refaire la façade, forcément, dirait-elle à quelques ouvriers obèses. Balancer ces colonnes neo-classiques, d’un goût kitch à dormir dehors par – 5.  Avec raison, à nouveau. On se souvient de la formule d’Alain Peyrefitte « Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera ». Il avait trouvé la formule si jolie qu’il en avait fait un essai, et les libraires avaient trouvé l’essai si vendable qu’ils en avaient fait un best-seller. C’était en 1973. Juste deux ans après la mort d’Alexandre Vialatte qui ne put jamais donc lire l’ouvrage. Juste un an avant le choc dit pétrolier. Je ne crois pas que ce genre de bouquins aurait intéressé Vialatte, remarquez.. C’était le commencement d’une lente dérive qui amena Jack Lang ou son nègre à écrire des conneries sur François 1er et Nicolas Sarkozy à épouser Carla Bruni. Le dernier essai politique sérieux écrit le fut par Raymond Aron et c’était ses Mémoires. Cela date, tout de même, puisque je vois sur mon vieil exemplaire que le dépôt légal est de 1983. Début des plans-rigueur. Pauvre de nous ! C’est vrai que quand on compare le style des Mémoires de Raymond Aron, rien que la table des matières, tiens ...  et qu'à n’importe quelle page, on pioche une ou deux phrases, n'importe lesquelles...  -  avec le non- style, la table des matières, les phrases, de tous ces essais actuels de pseudo-politiques et de pseudo-intellectuels pour rayons culturels de grandes surfaces, on prend peur. On a beau dire, BHL, ça fait danseur mondain, à côté, ça renifle sa Dombasle à plein nez. Aron avait plus de classe. Madame Aron, dont je n’ai jamais vu l'image, également.

Pour un euro symbolique, je préférerais une toile de maître à l’Amérique. Mais bon, les Chinois, qui finalement ne sont rien que des Américains en puissance, préféreront se payer l’Amérique, c'est évident. Pour eux, c''est un rêve à débrider les yeux. Tant pis pour eux. Il y a très longtemps, j’avais rêvé que j’acquerrais un Quentin de La Tour pour un franc symbolique. Depuis, la valeur de mon rêve donc a été multiplié par 6,56, mais cela reste malgré tout un rêve, puisque je n’ai toujours pas de toile de maître à la maison. Quand Roselyne a fini de débiter son horrible phrase sur le capital-santé / libre échange hospitalier & tagada-tsoin-tsoin - avec tous ces morts en arrière-plan, on nous a annoncé que les Mutuelles allaient augmenter en flèche dès janvier : la seule façon de s’en sortir à partir de l’année prochaine serait de réfléchir à deux fois à ses dépenses santé. Eh oui ! tout ça coule de source, comme le gyrophare d'une ambulance entre 27 hôpitaux,  messieurs dames. C’est pourquoi elle serait mieux à la Maison Blanche que dans un grand ministère parisien, Roselyne !  Amis, dites à la Chine : pour un euro symbolique, on vous l’envoie, avec tout le reste de l’Amérique!

Et c'est ainsi qu'Alexandre serait grand.