dimanche, 21 décembre 2008
Chronique de la Bourse, de George Dandin et de la Cloche de la Charité
"Il faudrait supprimer toutes les Bourses me disait très sérieusement avant-hier un ami. Toutes ? Toutes ! Car elles ne servent plus à rien. On les a créées pour aider les entreprises à trouver des capitaux. Soit. Mais depuis si longtemps, elles ne remplissent plus ce but-là. La Bourse, ce n'est plus qu'un marché virtuel de l'Occasion, un gigantesque marché à l'encan, de capitales en capitales. Bon à jeter." Cela m'a rappelé une autre réflexion que m'avait faite une amie lors d'une première à la Comédie Française, il y a de ça bon nombre d'années. C'était très exactement George Dandin qu'on y jouait, avec me semble-t-il Claude Brasseur dans une mise en scène de Roger Planchon. Si je m'en souviens plus de vingt ans après (car cela nous ramène aux années 86/87, je crois), ce n'est pas tant en raison de cette adaptation qui n'était pas inoubliable. Mais d'une remarque que me fit cette amie, vieille habituée des soirées théâtrales parisiennes. "Tu vois, me dit-elle en pointant du doigt non loin de nous un homme qui, dépliant nonchalamment Le Monde du soir, y lisait les cours de la Bourse au vu de tout le monde, tu vois : ça, il y a deux ou trois ans, c'eût été impossible !" Ah les foutues années quatre-vingts, les années-Tonton, durant lesquelles il devint socialement possible de consulter publiquement les cours de la Bourse dans Le Monde en attendant que le rideau de la Comédie Française ne s'ouvre sur George Dandin ! François entamait son second septennat, et tombait à gauche le tabou de l'argent : Ah! Qu'une femme Demoiselle est une étrange affaire, et que mon mariage est une leçon bien parlante à tous les paysans qui veulent s'élever au-dessus de leur condition, et s'allier, comme j'ai fait, à la maison d'un gentilhomme ! Vingt ans plus tard ...
Je passe du coq à l'âne. Ou plutôt de la Bourse au café, de la Comedie-Française à La Cloche. La Cloche est un café, à l'entrée de la rue de la Charité, à Lyon Bellecour. Une vénérable institution, un des derniers cafés de Lyon à posséder un plafond art-déco d'époque et une vue panoramique en état du Lyon des échevins. Fut un temps, c'était truffé de journalistes là-dedans, les journalistes du Dauphiné Libéré (oui, nous revoilà en province) et mêmement leurs copains du Progrès qui crèchaient en face dans la rue Bellecordière. Confronté à un triplement de son loyer (merci la société ANF), La Cloche risque de fermer. Déjà, murmurent tristement tous mes fantômes, déjà qu'on a foutu l'hôpital en l'air (l'histoire abrégée de l'hôpital est à lire sur le site du café, avec l'explication du nom la Cloche), même qu'il ne demeure plus que le Clocher Ah triste, triste temps où il faut pétitionner pour sauver les bistrots garottés par des actionnaires indélicats ! J'invite donc tous les habitués de Solko, lyonnais ou pas, à signer la pétition lancée pour "sauver la Cloche" que son patron Philippe Bitat a mise sur Internet (la pétition se trouve sur le lien "la Cloche est un café" là au-dessus). Ci-dessous, une photo de ce café par lequel commence la rue de la Charité, en 1955, du temps de son ancien propriétaire, Abel Durin : Et c'est ainsi Alexandre est grand.
00:17 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : lyon, la cloche, bourse, politique, crise, crise financière, anf |
Commentaires
Ah oui il faut sauver la cloche... Pour avoir passé tant d'heures délicieuses à refaire le monde sous ce plafond art deco, je suis bien solidaire de votre initiative.
Et que chacun s'y colle à son humble niveau fera peut être une bonne grosse vague ? Merci de nous informer, bien que la nouvelle soit carrément bien triste
.Je croyais ce café intouchable, tel un monument historique
(quelle époque triste comme vous dites!) Alors signons.
Écrit par : frasby | dimanche, 21 décembre 2008
Fichtre ! j'ai trouvé plus matinal que moi en ce dimanche matin. Chat alors ... Ici " la cloche " est moins reluisante et plus nombreuse, hélas.
Écrit par : simone. | dimanche, 21 décembre 2008
Bonjour Solko,
Je ne sais qui vous êtes, et je suis étonnée de trouver sur cette page de comm. mon nom et mon adresse Mail...Etes-vous envoyée par Sophie LL...que je connais un peu par le web et par ses billets pleins de poésie et parfois d'amertume?
Ce matin, poussée par la paresse, je me suis assise devant cet ordinateur, alors que j'ai plein de travaux d"écriture à faire, et j'ai relu les textes de Sophie LL
Et j'ai été découvrir votre blog ! Quel désastre pour mon emploi du temps, l'écriture d'une VRAIE lyonnaise, certainement habitante de la Croix Rousse ? Lieu de mon enfance et de mes plus chers souvenirs d'enfant !
Je veux simplement vous dire que ce matin...je suis redevenue lyonnaise, bien qu'habitant Orléans depuis 60 ans, et LYON, celui que j'ai connu, envahit toujours mon esprit, comme une maladie mentale...
Sur mon blog " Neiges d'Antan" de mère grand de 85 ans, j'ai entrepris de raconter ma famille...de 1870 à...j'en suis à 1927.
Ceci pour me présenter. J'admire profondément ce que j'ai lu très vite ce matin...mon coeur à fait "tilt" en découvrant des articles sur H. Béraud...mon ami, mon maïtre en écriture.
Alors qu'il a été si longtemps un écrivain " maudit" je suis émue de voir son nom et ses oeuvres sur ce blog...
J'aimerais avoir le temps de correspondre un peu avec vous car je suis subjuguée par tout ce que je vois sur cet écran...
Mais j'ai peu de temps en ce moment, et je vais m'absenter en Février...je vous retrouverai...Merci de me lire et de me répondre...avec mes sentiments très lyonnais. M.L.
Écrit par : mere grand | dimanche, 21 décembre 2008
@ Frasby : Rien n'est à l'abri de la dérégulations des marchés, de la corruption de la haute finance, de l'appétit aussi glouton qu'inculte des actionnaires de tous poils.
Écrit par : solko | dimanche, 21 décembre 2008
@ Mère Grand :
Vous êtes l'heureuse surprise de la matinée ! Une mère grand lectrice de Béraud et habitée par les rues de la Croix-Rousse, c'est à la fois un grand honneur et un grand plaisir. Soyez-donc la bienvenue et sachez que je ne manquerai pas de lire dès que possible les récits prometteurs de vos "neiges d'antan".
Écrit par : solko | dimanche, 21 décembre 2008
J'ai signé la pétition avant de poster et je ne connais pas Lyon car je suis à chaque fois outrée que le dieu "fric" passe avant le respect de l'Homme, de son travail, de ses ancêtres, de leur joies et de leurs peines.
Ce n'est pas pour cela que je suis pour garder tout et n'importe quoi.
Écrit par : La Zélie | dimanche, 21 décembre 2008
Moi je ne retiens que la nouvelle "La cloche va fermer".
Je signe la pétition pourtant je pensais que, grâce à leurs activités culturelles le bistrot marchait bien.
Peut-être qu'il connaîtra le destin du Comoedia qui s'en est sorti grâce à des passionnés.
Écrit par : Rosa | dimanche, 21 décembre 2008
Pour en revenir au départ de la chronique je pense que la réflexion de votre ami, que j'ai entendue également, est une absurdité. Cela reviendrait, pour les entreprises, à devoir emprunter directement aux banques. Le fonctionnement de l'économie serait livré à l'arbitraire et au bon vouloir des banquiers ce qui ne serait pas mieux que le système actuel.
Écrit par : Rosa | dimanche, 21 décembre 2008
Ce n'est pas souvent qu'on m'a fait signer une pétoch' Solko. Mais j'espère bien que nous pourrons boire un verre à la Cloche lorsque je serai à nouveau de passage en capitale des Gaules...
Écrit par : Tang | dimanche, 21 décembre 2008
Tiens j'ai pensé à vous dans Paris... A cause d'une affiche pour le retour au francs...
Écrit par : Tang | lundi, 22 décembre 2008
PPS: (désolé pour les commentaires multiples): Et bien sûr merci d'avoir sorti "mêmement" des limbes de Notre Sainte-Mère la langue - et de ma mémoire fautive!
Écrit par : Tang | lundi, 22 décembre 2008
@ Tang : Voyez, Tang, tout arrive : mêmement que vous signez des pétoch' pour sauver des bistrots à distance.
Merci à tous ceux qui, de passage, ont fait aujourd'hui le même geste.
@ La Zélie : Bien sûr qu'il ne faut pas garder n'importe quoi. Mais "La Cloche" demeure, dans le centre ville, après la transformation en Mac Do, Pizza Pino et autres de La Paix, Le TOnneau, Le Régent (je cite des noms de mémoire) le dernier bistro "à mémoire" du coin.
@ Rosa : Espérons, en effet, que cette affaire connaisse le même dénouement que le comédia (un cinéma qui a failli disparaître)
Écrit par : solko | lundi, 22 décembre 2008
Cela doit tenir à quelque irréfutabilité persistante Solko. Mille songes rédempteurs...
Écrit par : Tang | lundi, 22 décembre 2008
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