Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 05 décembre 2013

Laurent Aigon, pilote

Au début il y a ce reportage. « Une petite maison au milieu de la  forêt, dans le Médoc » Ça commence tout minou minou, très cosi, tout conte de fées.  Crise du logement, le cockpit tient à peine dans la chambre des enfants. Ca rend le héros sympathique : d’autant plus qu’il le dit lui-même « il garde les pieds sur terre, il s’amuse ». Nous itou, bon public. » Et comme l’ami Jean Marc le souligne, « il faut coller à la réalité ». Collons donc. On se doute que « cet ingénieur amateur qui travaille dans la restauration » a acquis ses compétences quelque part. Ou donc ? Dans une école d’ingénieur, bien sûr.  Vous allez voir que le détail a son importance.


Laurent souhaite développer son activité. Il a raison. Comme le dit la belle Perette du Pot au lait,  qui ne fait des châteaux es Espagne ? «  Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous, autant les sages que les fous ».Laurent, c’est un peu les deux. C’est ce qui fait son charme. Indéniable, le charme. Et puis quand on est court logé, c’est comme quand on est court vêtu. Surtout en temps de crise. Il le rappelle, il a les « pieds sur terre » mais s’adresse aux gens qui «rêvent d’aller en l’air ». Ce mec, c’est un peu l’homme de Vitruve. Vous allez comprendre : Beaucoup de grosses entreprises du secteur aéronautique ont contacté ce passionné qui passe sur le JT un jour. Un jour, coup de fil d’une entreprise qui ne bosse pas dans l’aéronautique. Ou alors un aéronautique très spécial. Et ça donne ça. Remarquablement efficace, la petite musique de fond. Prêtez lui une oreille attentive : 

 

Dans le spot, on ne parle plus d’école d’ingénieur, vous l'avez remarqué, mais uniquement de restauration. En revanche il est question  d’erreur d’orientation. L’école française l'a empêché de devenr pilote. Elle fait mal son boulot, si si ! tout le monde le sait. D'ailleurs Pisa a dégradé la note, comme S&P : 25ème, c'est pas jojo jojo pour l'héroïque patrie des Droits de l'Homme. Je me souviens avoir il y a longtemps dit ça, à des élèves partis faire les foutus tests PISA :

« - Vous formalisez pas les ptits gars, c’est pas noté ! C’est pour l’OCDE, profitez-en ; vous pouvez répondre n’importe quoi aux tests!

- Vraiment Monsieur, ils m’avaient dit ?

- Vraiment !»

 Ils étaient revenus complètement enchantés, les chérubins. Elle est comme ça, la France, aussi. Il faut que l’international le comprenne. Emplis de branleurs et de blagueurs pour l’éternité, des pas sérieux pour un franc. Là ! En même temps, si tous les profs font comme toi m’expliqua doctement un jour une collègue à monture Afflelou... Bon où en étions nous ? A Pisa 

A Pisa et à Peillon, l'autre petit gars à monture. Il a dorénavant le feu vert de l'internationale, la lutte finale, tralala, pour porter le coup de grâce à Grenelle. Vous avez remarqué, sur le spot, quand il est question d’aller à l’école, où Laurent Aigon se dirige d'un clic, d'un seul,... Google, bien sûr ! Eh ! c'est la formation de demain. L'homme de Vitruve, vous disais-je. cet Aigon, Google ne s'y est pas trompé. Google ne se trompe jamais. D’ailleurs en vrai ce n’est même pas Laurent AIgnon qui a construit le cockpit. Trop humain malgré son regard d'acier. Trop français, le frenchie ! Lui, il ne fut qu’un exécutant et nous le raconte dans sa success-story d'un ton déjà professionnel. Vous l'avez un peu écouté yeux dans les yeux, devant son placard en formica ? Le poing levé : «  c’est ça qu’y’m’faut. Je veux faire la même chose que ça… » 

Non; le vrai créateur, la vraie école, c’est Google. Et le libéralisme a de belles ressources, bien qu'on ait voté tous ensemble tous ensemble contre le vilain président des riches Sarkozy. C’est pour ça que Peillon veut des connections dans les hameaux les plus reculés, qu’il a dit le ministre à bésicles. Tables de la Loi. ...Si si ! Toutes nos têtes blondes fabriqueront des cockpits d'avions plus vrais que nature et les mamans seront très fières. Plus vrai que celui d'Aigon, car on n'arrête pas le progrès, la ritournelle est bien connue. Quelqu’un a dit « fais de ta vie un rêve. J’ai simplement pris un rêve et j’en ai fait ma vie ». En rhétorique, ça s’appelle un chiasme.  En philosophie, un sophisme. En marketing, Une trouvaille, convenons-en. Chez Google, on a de sacrées ressources pour innover... Les gens qui croient qu'un syndicat de profs peut lutter contre ça se trompent. Un syndicat de profs ne peut que collaborer. C'est bien connu. 

Laurent AIgon, pilote, donc; C'est la fin du spot. Après la télé-réalité, une campagne d’un nouveau genre. La pub-réalité ! Fera date, cette campagne. Vends ta vie pour en faire un spot publicitaire. Après le biopic, le biopub. Comme quoi, ça mène à tout, Annie Ernaux. Après tout, nos vies sont-elles quelque chose d’autre ? Depuis que L’Oréal nous a appris que nous le valions bien, les marques nous aident à trouver notre place dans le monde. Nous aident à décompresser, être fun, à vivre ensemble dans la normalité conflictuelle du libéralisme. Un peu comme les saints d'autrefois, les pauvres saints à longues figures qui s’ennuient dans nos chapelles parce que plus personne n'osent les prier, et dont elles ont pris la place ! Beau et triste, comme du Barthes.

 N’empêche. A Aigon, il manque une aile, ou un l, c'est selon, pour être vraiment impérial. Aller le chercher chez Google, c’est prendre un peu le risque de perdre tout ce qui fait le charme du français, le e muet. De finir gogol. Pour quelques temps encore, moi, je préfère l’école, qui l'a gardé son e, à travers toutes ses réformes. Plus pour longtemps.. Quand PISA  et ses dignes valets locaux auront fini de la  jeter à bas au nom de leur slogan d'égalité, il ne restera rien d’autre aux parents électeurs qu’un simple choix. Un choix ? Une option, plutôt, pour les classes moyennes saturées de taxes de la belle zone euro : «Fiston, pour réaliser tes rêves, tes passions, et tout le blabla qui va avec, ça sera Google ou le privé. Le méchant privé, l’école libre, tu sais bien, celle dont Tonton voulut un jour la peau, et où tous ses ministres mirent leurs mouflets en douce. Tu choisis ?

Tu sais plus qui c'est, Tonton ?  Un monsieur qui pilota jadis l’Élysée. C'est sous son règne que l'histoire a commencé. Il y a laissé un clone en fonction. Il faut toujours que demeurent vives les forces de l'esprit...» 

L'école, c'est l'avenir du monde, ton avenir fiston. Et donc, que vive longtemps Laurent Aigon, et qu'il vole bien, loin, et partout, le bon pilote de Google.

vendredi, 30 novembre 2012

Décembre

Nous revoici donc rendus au seuil de ce foutu mois des fêtes ! Dieu merci, c’est la crise : les débauches de guirlandes électriques, de sapins en plastiques, de bouffe gastronomique et de jouets made in China seront peut-être moindres cet an-ci ! Quoi de plus lyrique et vigoureux, féroce et dérisoire, suave et incisif, quoi de plus nourrissant, pour saluer cette entrée dans ce mois des festivités commerciales en tous genres, qui est accessoirement aussi celui du Noël chrétien, que de relire Décembre, cette page dans laquelle le merveilleux Léon Bloy sort une fois de plus l'épée de son style pour ferrailler avec son temps.

Le publiciste Eugène Grasset avait en 1896 dessiné pour le calendrier  de La Belle Jardinière les douze zodiacales, une par mois. Bloy avait eu l’idée de publier, en regard de chacun de ces dessins, une exégèse en prose. Sa démarche auprès de l’éditeur Edmond Deman ayant échoué, ses « infortunés poèmes » furent insérés dans Quatre ans de captivité en date du 14 août 1900, puis publiés sans dessins par le Mercure de France dans son numéro de novembre 1903.  En 1929, enfin, Les douze filles d’Eugène Grasset constituèrent le chapitre central  des Petits poèmes en prose. Voici l'intégralité du douzième et dernier, Décembre

 

littérature,poésie,léon bloy,belle jardinière,décembre,eugène grasset,publicité,

Lire la suite

09:53 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, poésie, léon bloy, belle jardinière, décembre, eugène grasset, publicité | | |

vendredi, 16 novembre 2012

Le Racine de la réclame

Un Cassandre, vous imaginez, terne, quelconque ? Il a bien son annonceur, un certain Dubonnet, le soir tombe dans son bureau comme dans un dessin de Hopper, les traits tirés, il cherche sa rime en pensant à autre chose dans on ne sait quel contre-champ, il doit rendre sa copie le lendemain, il commence à se faire du mouron en ne voyant rien venir, rien de chez rien, rien de rien ou juste un truc comme Dubonnet, le vin frais.

Il compte tristement ses syllabes sur le bout de ses doigts, un deux trois, le compte y est mais Dieu que que c’est mauvais. Du bonnet c’est pas mauvais : Un Cassandre à court, quoi. Un Adolphe-Jean-Edouard-Marie des plus mauvais jours, l’esprit essoré, jetant sur le papier des biffures, tâtonnant cette soirée de 1932, faire la réclame se dit-il c’est comme faire le tapin, c’est rien que ça, Un Dubonnet c’est parfait, non, non, pas possible d’être plus plat ; pire encore, Dubonnet, ça le fait…  

Un autre, ailleurs, se serait peut-être contenté de ça. Après tout, un slogan, une affiche, qu’est-ce que c’est, et puis qu'est-ce que ça dure?  Boire Dubonnet d’un seul trait, pourquoi ne pas se contenter de ça, écrit en grosses capitales sous un petit bonhomme qui vide son verre une fois, deux fois, trois fois et hop ! Il est des nôtres, il a bu son verre comme les nôtres…

Seulement voilà, l’intuition fulgurante, le trait de génie, la sagacité, la simplicité aussi, ce soir de 1932 : Il faut qu’il n’y ait rien à jeter dans ce qu’il trouve, rien, se dit-il.  La perfection est à ce prix-là, quand on ne peut ni avancer ni reculer, ni entrer ni sortir, en aucun cas aller plus loin. Comme quand Hippolyte lance dans Phèdre ce vers fait de monosyllabiques : « Le Jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur », essayez-voir de faire mieux, douze mots, douze syllabes, plié.

Il faut, s’encourage Cassandre ce soir-là de 1932, atteindre Racine, je serai, se dit-il, le Racine de la réclame ; c’est du côté du simple que tout se trouve, il s’en convainc et soudain voilà que s’impose comme une source : Dubonnet, mais c’est bien sûr, Dubonnet ne peut rimer qu’avec lui-même, parce que Dubonnet c’est Dubonnet.

Dubonnet : Du beau, du bon, dubonnet : elle était, la solution, là, à portée de mot, à portée d’écoute, pas un phonème à retirer, pas un à ôter, rien qu’à déplier ce petit bonhomme noir qui s'emplit jusqu'au goulot, en trois coups sur fond jaune et c’était plié, un slogan comique aussi parfait qu'un alexandrin tragique qu’on ne saurait jamais plus oublier, Dubonnet c’est du beau, du bon, dubonnet….

cassandre,adolphe mouron,publicité,dubonnet,racine,


mardi, 02 octobre 2012

Unemployee of the year

Si vous êtes un non-chef de rang dans un restaurant, un non-commercial dans une entreprise ou bien un non-journaliste dans une salle de rédaction, et si vous avez moins de 30 ans, il vous reste une quinzaine de jours pour participer au concours du meilleur chômeur de l’année organisé par Benetton dans le cadre de sa nouvelle campagne Unhate. On se souvient des sirupeux patins que Sarkozy et Merkel, Obama et Chavez, Benoit XVI et  l'imam de la mosquée al-Azhar, Ahmed el-Tayyeb, se roulèrent sur les murs de nos cités l’an passé. Aujourd’hui, United Colors surfe sur la crise et le talent d'illusionniste politique de nos dirigeants européens, de quelque bord qu'ils soient : le concours du meilleur chômeur de l'année est doté d’une centaine de prix de 5000 euros chacun. C'est du chacun pour soi. Et de la com à la fois provocatrice, ingénieuse, généreuse, cynique, subversive, dégueulasse, somme toute bien dans l’air du temps ; de la com foutrement oxymorique, en un mot. Racontez votre expérience de chômeur... Peut-être même aurez vous la chance de finir sur une affiche ... Et les inscriptions sont par ICI  

Même si vous avez passé l'âge limite, allez-y, ça vaut le détour...

unemployee_of_the_year_5.jpeg

Agence Fabrica, Trévise, Italie

samedi, 19 novembre 2011

Large coffee

large coffe,macdonald,publicité,société

La terre d’Eluard était bleue comme une orange, celle de Mac Donald, ronde comme un bol de café. Lyrique, le concepteur de l’affiche a gommé toute présence humaine de ce matin qui aurait pu être le premier du monde ; est-ce pourtant une si bonne idée que ça, cet océan de café, cette mer noire au point qu’on la croirait, à perte de vue, polluée de pétrole ? Le bel arôme s’y noie plutôt qu’il n’y charme la narine, n’en réchappe que la vision repoussante d’une bibine imbuvable qu’on ne saurait plus jamais nommer désir. Bien trop américaines, ces vagues de café-boutasse répandues sous un ciel à l’immensité factice autant que forcée: Ici l’horizon n’est qu’un bout de plastique blanc ou une frontière de céramique. Le petit zinc est loin, l’aventure tout autant : passé le rebord de ton bol, le vol promis par l’affiche cherra dans l’abîme des sept milliards d’individus sur Terre, ton quotidien au précaire parfum de crise.

Large Coffee : On pense à ces petits cadres aux traits las qui emplissent les vols d’United Airlines et survolent le monde, chacun plongé dans son souci, à la violence matinale d’une humanité qui se répand de métropoles en métropoles, comme tache d’huile sur continents. Flots, flux : la planète tout entière envahie de leur communauté, la mer à leur image, vide de tout danger apparent, mais prompte comme jamais à la sombre catastrophe : 1,50 euro, le prix du café allongé, dit large, parmi la meute. L’artiste a signé, c’est ce M en capitale jaune comme l’or, initiale emblématique de l’uniformité d’une mondialisation qu’on ne dira plus galopante, mais désormais galopée. Reste plus qu’à nous vendre le ciel pour quelques euros de plus, barbe à papa, sorbet à la menthe, coktail céleste, I'm lovin'it

12:55 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : large coffe, macdonald, helsinki, publicité, société | | |

lundi, 03 mai 2010

Après Vialatte

 

Esso_Carburant_P1230601_300x300.jpg

« Le réel n’est qu’une habitude » écrivit Alexandre Vialatte, dans une chronique qui parut le 29 décembre 1964. Il y a dans cette phrase, à quelque niveau qu’on se la remémore, quelque chose d’étrangement juste, d’étrangement grave. peut-être même d'étrangement angoissant : tout dépendant de l'amplitude que l'on donne à ce mot étonnant : Le Réel... Pour mesurer l’étrangeté de cette justesse et de cette gravité, il suffit de poser le corollaire de la formule : ce qui est irréel est ce à quoi je ne me suis pas encore habitué. La phrase ainsi posée, se comprend mieux l'angoisse qu'elle soulève implicitement : quelle forme extrême d'Irréel serai-je (serons-nous) capable, par la force de l'habitude, d'admettre, d'engendrer ? 

Lire la suite

mardi, 13 avril 2010

Légereté d'un Savignac

654126517.jpg

On voudrait être léger comme le fut Savignac. Mais l’air n’est pas léger. Les informations nous assaillent, bribes de sons, de mots, d’images saisis ça et là. Il y a dans ce déluge, ce charivari, quelque chose qui voudrait, on le sent, nous uniformiser. C’est lourd, dramatiquement lourd, la société de l’information. Celui qui cherche la légèreté à partir de cette lourdeur est condamné au cynisme. Il s’ébroue, donc. Mais sa tête est traversée par tant d’ondes, tant de sons. Tant de messages adressés à d’autres que lui.

Il voudrait s’enfuir par le haut. Le très-haut. Mais l’air est pesant, là-haut, vraiment. Paraît qu’on y balance des produits toxiques pour l’avoir, à l’usure, notre simple innocence. Et par le bas ? Par le bas, on ne rencontre que ses pieds, aurait dit La Palisse. Reste l’arrière, toujours. L'arrière, ah ! La facétie de ce passé qui fuit. Je me souviens de cette affiche de Savignac (1907-2002) placardée le long du périphérique. Pour Aspro. Le type un peu mauve et carrément chauve, à la tête comme un œuf de Pâques traversée d’une oreille à l’autre par un tunnel routier parcouru d'une file de voitures avançant cul à cul. On se demande ce qui est le plus dur : le boucan ou l'odeur de ses bagnoles, tous deux logés au crâne du contemporain assailli. Regard dérisoire d’une société qui se mordait déjà la queue, si j’ose dire. 

vive-reclame-L-1.jpgOu cette autre, du bœuf Maggi, coupé en deux. Avec ce qui lui restait de tête, la paupière close, la narine frémissante, la mèche sage entre deux cornes, il humait tel un gourmet le parfum de son propre derrière en train de cuire dans du bouillon. Belle vieille marmite en cuivre de nos campagnes. Un peu nous autres, pas vrai ? Etrange (autant que comique) apologie de l’amputation. De la dévoration de soi, comme l'écrivit je ne sais plus quel essayiste à succès, au passage du nouveau millénaire. La société de la consommation de soi, avec humour, Raymond Savignac l'avait donc annoncée un peu avant de prendre congé. S'en était-on alors rendu compte ? Pour lui, pourtant, « l'affichiste doit dessiner gros : gros comme Guignol, qui a du style et n'est jamais vulgaire », disait-il. Bel hommage au plus gone des Lyonnais.

Et belle définition de la légèreté.

jeudi, 18 décembre 2008

La toile souveraine

Saint-Exupéry, bien que natif de Lyon, fut peu prolixe en souvenirs d’enfance sur sa ville. Je n’en connais que deux, dont je trouve le récit dans les Ecrits de Guerre.

Le premier se trouve dans un article titré « Quelques livres dans ma mémoire » daté de mars-avril 1941. Il concerne une publicité qui a longtemps trôné dans le hall du funiculaire Saint-Jean-Fourvière, pour un onguent fort efficace contre les brûlures. Alors qu’il évoque un coma qu’il a subi quelques années auparavant lors d’un accident d’avion au Guatemala, « état des plus désagréables, car on ne revient pas à la vie d’un seul coup ; on se réveille lentement avec la sensation de remonter en flottant vers le monde extérieur,  travers une atmosphère épaisse et gluante » il raconte qu’ayant laissé ses filer draps et couvertures et saisi de froid, il demanda  à une infirmière de l’envelopper dans « la toile souveraine ». Cette dernière ne comprit pas sa requête et lui-même, s’interrogeant sur cette résurgence, n’en saisit pas la cause de suite. Quelques années plus tard, de passage  à Lyon, il retrouve le fil conducteur :

« Ma famille m’emmenait tous les dimanches à la messe à Fourvière, une basilique construite sur une colline dominant la ville, et qu’on atteint par funiculaire. Je décidai d’y faire une promenade sentimentale. A l’arrivée, je m’aperçus que l’on prenait toujours son billet à la sortie du tunnel, avant de passer par un portillon automatique. Je pris ma place dans la queue derrière une vingtaine de personnes. Nous avancions lentement, et mes regards se portèrent à ma gauche, vers un mur tapissée d’affiches. C’étaient les mêmes affiches publicitaires que quarante ans auparavant, mais à présent noircies par la fumée et à demi effacées. Je les déchiffrais distraitement quand mon cœur fit un bond. C’était donc ça ! La toile du Bon Secours, souveraine pour les plaies et les brûlures ! A l’âge de cinq ans, j’avais sans doute été profondément impressionné par cette toile souveraine pour les plaies et les brûlures. Cette même affiche, pensais-je, devait aussi être à l’origine d’une phrase utilisée par moi dans Terre des Hommes, quand je dis à Guillaumet :  « Le soir, même, en avion, je te ramenais à Mendoza où des draps blancs coulaient sur toi comme un baume. » Souvenir des draps magiques qui pouvaient guérir les blessures… Souvenir de cette vieille affiche du tunnel de Fourvière, niché dans un coin sombre de ma mémoire pendant près de trente ans ».

 

 

Sur cette vieille photo, probablement, le mur dont parle Saint-Exupéry, tapissé d’affiches, sur la gauche, à la sortie du quai et avant  l’entrée du tunnel.

218775323.jpg
Deux autres articles sur Saint-Exupéry sur ce blogue :

Lire la suite

08:31 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : saint-exupéry, littérature, lyon, publicité, funiculaire | | |