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jeudi, 26 mars 2015

Les justes proportions

Louis XIV définissait la France comme un pays de taille idéale ( 4 jours par 5 pour la transmission de l’information). Il jugeait ce faisant en véritable homme d'État. Le monde, aujourd'hui, se découvre encore plus petit que ne l'était la France d'alors, si on le mesure à l'aune de la vitesse des transferts des messages : 1 Centième de seconde pour un courrier électronique d'un coin de la planète à un autre. Un village global, en somme, cette pauvre boule ! Pas de quoi se retourner sans se cogner un bout d'épaule ou de coude en un de ses recoins : Les concepteurs du web avaient donc visé juste.

Or, si le monde est dorénavant un réduit plus minuscule que la France des logiciens de Port-Royal, je comprends pourquoi je m'y sens tellement à l'étroit, et comme rabougri, rétréci, mal à l'aise parmi des milliers de rabougris, rétrécis... - Je parle du monde, bien sûr, pas de la France. qui, dès qu'on ouvre un livre, est restée de la taille qui fut sienne par la grâce de messieurs Racine et de la Fontaine, entre autres diseurs de contes et de tragédies, divins géomètres de nos réelles proportions.,,,

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Gulliver de Swift

06:24 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, louis xiv, gulliver, racine, la fontaine | | |

jeudi, 05 décembre 2013

Laurent Aigon, pilote

Au début il y a ce reportage. « Une petite maison au milieu de la  forêt, dans le Médoc » Ça commence tout minou minou, très cosi, tout conte de fées.  Crise du logement, le cockpit tient à peine dans la chambre des enfants. Ca rend le héros sympathique : d’autant plus qu’il le dit lui-même « il garde les pieds sur terre, il s’amuse ». Nous itou, bon public. » Et comme l’ami Jean Marc le souligne, « il faut coller à la réalité ». Collons donc. On se doute que « cet ingénieur amateur qui travaille dans la restauration » a acquis ses compétences quelque part. Ou donc ? Dans une école d’ingénieur, bien sûr.  Vous allez voir que le détail a son importance.


Laurent souhaite développer son activité. Il a raison. Comme le dit la belle Perette du Pot au lait,  qui ne fait des châteaux es Espagne ? «  Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous, autant les sages que les fous ».Laurent, c’est un peu les deux. C’est ce qui fait son charme. Indéniable, le charme. Et puis quand on est court logé, c’est comme quand on est court vêtu. Surtout en temps de crise. Il le rappelle, il a les « pieds sur terre » mais s’adresse aux gens qui «rêvent d’aller en l’air ». Ce mec, c’est un peu l’homme de Vitruve. Vous allez comprendre : Beaucoup de grosses entreprises du secteur aéronautique ont contacté ce passionné qui passe sur le JT un jour. Un jour, coup de fil d’une entreprise qui ne bosse pas dans l’aéronautique. Ou alors un aéronautique très spécial. Et ça donne ça. Remarquablement efficace, la petite musique de fond. Prêtez lui une oreille attentive : 

 

Dans le spot, on ne parle plus d’école d’ingénieur, vous l'avez remarqué, mais uniquement de restauration. En revanche il est question  d’erreur d’orientation. L’école française l'a empêché de devenr pilote. Elle fait mal son boulot, si si ! tout le monde le sait. D'ailleurs Pisa a dégradé la note, comme S&P : 25ème, c'est pas jojo jojo pour l'héroïque patrie des Droits de l'Homme. Je me souviens avoir il y a longtemps dit ça, à des élèves partis faire les foutus tests PISA :

« - Vous formalisez pas les ptits gars, c’est pas noté ! C’est pour l’OCDE, profitez-en ; vous pouvez répondre n’importe quoi aux tests!

- Vraiment Monsieur, ils m’avaient dit ?

- Vraiment !»

 Ils étaient revenus complètement enchantés, les chérubins. Elle est comme ça, la France, aussi. Il faut que l’international le comprenne. Emplis de branleurs et de blagueurs pour l’éternité, des pas sérieux pour un franc. Là ! En même temps, si tous les profs font comme toi m’expliqua doctement un jour une collègue à monture Afflelou... Bon où en étions nous ? A Pisa 

A Pisa et à Peillon, l'autre petit gars à monture. Il a dorénavant le feu vert de l'internationale, la lutte finale, tralala, pour porter le coup de grâce à Grenelle. Vous avez remarqué, sur le spot, quand il est question d’aller à l’école, où Laurent Aigon se dirige d'un clic, d'un seul,... Google, bien sûr ! Eh ! c'est la formation de demain. L'homme de Vitruve, vous disais-je. cet Aigon, Google ne s'y est pas trompé. Google ne se trompe jamais. D’ailleurs en vrai ce n’est même pas Laurent AIgnon qui a construit le cockpit. Trop humain malgré son regard d'acier. Trop français, le frenchie ! Lui, il ne fut qu’un exécutant et nous le raconte dans sa success-story d'un ton déjà professionnel. Vous l'avez un peu écouté yeux dans les yeux, devant son placard en formica ? Le poing levé : «  c’est ça qu’y’m’faut. Je veux faire la même chose que ça… » 

Non; le vrai créateur, la vraie école, c’est Google. Et le libéralisme a de belles ressources, bien qu'on ait voté tous ensemble tous ensemble contre le vilain président des riches Sarkozy. C’est pour ça que Peillon veut des connections dans les hameaux les plus reculés, qu’il a dit le ministre à bésicles. Tables de la Loi. ...Si si ! Toutes nos têtes blondes fabriqueront des cockpits d'avions plus vrais que nature et les mamans seront très fières. Plus vrai que celui d'Aigon, car on n'arrête pas le progrès, la ritournelle est bien connue. Quelqu’un a dit « fais de ta vie un rêve. J’ai simplement pris un rêve et j’en ai fait ma vie ». En rhétorique, ça s’appelle un chiasme.  En philosophie, un sophisme. En marketing, Une trouvaille, convenons-en. Chez Google, on a de sacrées ressources pour innover... Les gens qui croient qu'un syndicat de profs peut lutter contre ça se trompent. Un syndicat de profs ne peut que collaborer. C'est bien connu. 

Laurent AIgon, pilote, donc; C'est la fin du spot. Après la télé-réalité, une campagne d’un nouveau genre. La pub-réalité ! Fera date, cette campagne. Vends ta vie pour en faire un spot publicitaire. Après le biopic, le biopub. Comme quoi, ça mène à tout, Annie Ernaux. Après tout, nos vies sont-elles quelque chose d’autre ? Depuis que L’Oréal nous a appris que nous le valions bien, les marques nous aident à trouver notre place dans le monde. Nous aident à décompresser, être fun, à vivre ensemble dans la normalité conflictuelle du libéralisme. Un peu comme les saints d'autrefois, les pauvres saints à longues figures qui s’ennuient dans nos chapelles parce que plus personne n'osent les prier, et dont elles ont pris la place ! Beau et triste, comme du Barthes.

 N’empêche. A Aigon, il manque une aile, ou un l, c'est selon, pour être vraiment impérial. Aller le chercher chez Google, c’est prendre un peu le risque de perdre tout ce qui fait le charme du français, le e muet. De finir gogol. Pour quelques temps encore, moi, je préfère l’école, qui l'a gardé son e, à travers toutes ses réformes. Plus pour longtemps.. Quand PISA  et ses dignes valets locaux auront fini de la  jeter à bas au nom de leur slogan d'égalité, il ne restera rien d’autre aux parents électeurs qu’un simple choix. Un choix ? Une option, plutôt, pour les classes moyennes saturées de taxes de la belle zone euro : «Fiston, pour réaliser tes rêves, tes passions, et tout le blabla qui va avec, ça sera Google ou le privé. Le méchant privé, l’école libre, tu sais bien, celle dont Tonton voulut un jour la peau, et où tous ses ministres mirent leurs mouflets en douce. Tu choisis ?

Tu sais plus qui c'est, Tonton ?  Un monsieur qui pilota jadis l’Élysée. C'est sous son règne que l'histoire a commencé. Il y a laissé un clone en fonction. Il faut toujours que demeurent vives les forces de l'esprit...» 

L'école, c'est l'avenir du monde, ton avenir fiston. Et donc, que vive longtemps Laurent Aigon, et qu'il vole bien, loin, et partout, le bon pilote de Google.

jeudi, 19 janvier 2012

Billet de Campagne : Le Gargouilleux

Se croire un personnage est fort commun en France

On y fait l'homme d'importance

Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois:

C'est proprement le mal françois...

(La Fontaine, Le rat et l'eléphant)


(à chanter sur l'air de Entends-tu le cri de la gargouille, celui qui nous casse les c... )

 

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06:18 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : billets français, politique, la fontaine, de villepin, société | | |

mardi, 27 décembre 2011

L'huis de l'huitre

« Loin de la mer, je n’ai pas envie d’huitres. C’est comme ça. ! »

Si c’est comme ça, se dit-on, mieux vaut ne  pas en discuter. En même temps le contraire pourrait aussi fonctionner très bien. Pour ma part, je n’ai jamais tant avalé d’huitres qu’une certaine année à Paris, alors que je n’avais pas quitté la capitale depuis je ne sais plus combien de temps, et qu’à chaque mollusque avalé c’est l’Atlantique tout entier qui me coulait en gorge.

La grosse dame véhémente s’en est donc allé loin des bourriches, à pas qui trainent.

J’ai toujours pris Francis Ponge pour un imposteur. On a eu beau m’expliquer son parti pris des choses en long, large, travers, son « monde opiniâtrement clos » qu’on  peut « pourtant ouvrir » comme métaphore des étages de la signifiance, du brusque dévoilement, etc, etc…  Ponge m’est toujours tombé des mains, comme tout ce qui se la joue trop simple pour faire en fin de compte très compliqué. 

Je préfère dans Le Rat et l’Huitre, celle, épanouie de La Fontaine. Au moins trouve-t-on là un parti pris affirmé, celui du personnage. Celui de la musique, aussi : Quand je lis « Il laisse là le champ, le grain, et la javelle, Va courir le pays, abandonne son trou. », je me dis que toutes les syllabes d’avant la dernière ont été choisies pour mettre en valeur ce trou paternel trop brutalement abandonné, pas le moindre ou et pas le moindre t avant,  avez-vous  remarqué ?

Quant à cet autre alexandrin qui dit la marche faussement précautionneuse du Rat vers le piège de l’Huitre : « approche de l’écaille, allonge un peu le cou », il contient juste ce qu’il faut d’insouciance et de fatalité pour être à la fois drôle et tragique, héroï-comique disait-on. Grand art.

Tristan Bernard a défini le comble de l’optimisme dans le fait « de rentrer dans un grand restaurant et de compter sur la perle qu’on trouvera dans l’huître pour payer l’addition. » Est-ce tant que ça le « comble de l’optimisme »? J’y verrais plutôt un art extrême de tenter de sort, ou de se mettre dans des situations difficiles, un art qui est le propre des aventuriers. Nous entrons dans quelques journées dans une année  électorale : « compter sur la perle qu’ils trouveront dans l’huître pour payer l’addition », n’est-ce pas un peu tout ce que les candidats venus et à venir vont tenter de faire? A nous de ne pas trop jouer les rats… 

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Jan Steen - La mangeuse d'huitres

00:32 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jan steen, francis ponge, la fontaine, littérature, poésie, huitre | | |

vendredi, 22 mai 2009

Le silence de la nuit

Les nuits sonores : je ne sais quel est l’idiot qui a inventé ce concept oxymorique. Depuis, avec la bénédiction des stupides autorités culturelles municipales de la ville de Lyon, une partie des impôts locaux des citoyens passe à planter un peu partout dans la ville pendant quatre jours, autour de quelques lieux payants, des podiums où d’autres abrutis censés être à la pointe de la vie culturelle se livrent impunément à du tapage diurne et nocturne, institutionnalisé. Les riverains un peu partout se plaignent de ces concerts autoritairement imposés à leurs fenêtres. On parle de nuisances sonores. C’est peu dire tant le vacarme est assourdissant. Pour ma part, je m’interroge sur cette détestation du silence qui est la marque de toute une société marchandifiée autant que déshumanisée, celle des enfants de la télé. Je me souviens avec émotion de l’époque où une grille signalait à tous les énergumènes la fin des hostilités, et qu’il était temps d’aller se coucher.  Une mire que voilà.

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Et je suggère à M. Kepenékian, premier adjoint à la culture de la ville de Lyon, soit d’installer l’an prochain tous ces concerts irrespectueux sous ses propres fenêtres, soit de proposer, un peu comme Marcel Duchamp le fit en 1917 avec sa délicieuse fontaine, cette silencieuse mire à tous ses administrés en guise de nuit sonore : tout le monde resterait immobile et silencieux, en un happening révolutionnaire pour le coup : voilà qui serait un geste vraiment progressiste, vraiment dada, vraiment en rupture avec l’académisme collet-monté et le conformisme décrépi de l’époque : vraiment culturel, donc.

Sinon, au lieu de prendre en otage la population, qu’il construise des salles, et qu’il fasse payer les entrées à tous les epsilons de la société du spectacle qui se réjouissent de tout ce boucan technologique et asservissant. Je rappelle au passage cette belle définition du tittytainment  de J.C. Michea, dans L'enseignement de l'Ignorance (Climats, 1999) : "Entertainment signifie divertissement et tits, en argot américain, les seins. Par ce mot, il s'agissait de définir un cocktail de divertissement abrutissant permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée des villes". Pour les autres, pour les vrais amoureux de la nuit, voici une fable de La Fontaine de circonstance, hymne (entre autres), au beau silence de la nuit.

 

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