Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 18 novembre 2014

Dans les limbes

Très occupé dans la création des couvertures des deux  premiers livres du BUG qui seront disponibles dès le 15 janvier. Les démarches administratives coûtent aussi du temps. Les relectures, surtout. J'ai ainsi commencé à goûter tous les délices de l'insécable et toute la poésie du demi-cadratin. Du coup, la semaine a passé comme une comète, c’est le cas de le dire. Je remercie ceux d’entre vous qui, en adhérant à l’association, veillent en quelque sorte sur ses premiers pas. Le site est déjà construit ICI, mais il ne sera opérationnel que début janvier. Il est pour l’instant dans les limbes.

Du coup, je néglige un peu ce blog. On dira que c’est pour la bonne cause.  1637 notes, depuis sa création en 2007. 13663 commentaires.  Entre 5000 et 6000 visiteurs uniques par mois,  67 916 pages vues le mois dernier, pour  22 444 visites.  Un pic de visiteurs le 2 novembre, de 1138…

Je me dis que la logique journalière du blog ne doit pas masquer l’existence de tous ces billets qui dorment, enfouis, dans les jours passés, et qui sont aussi, plus même que le billet du jour, ce qui assure la visibilité et l’existence de Solko sur le web. Et aussi la fidélité de certains lecteurs que je salue au passage. Les vieux billets revivent le temps d’un clic sur leur nom, sous l’œil de qui les exhume.

 

 Je suis en tout cas très heureux de cette nouvelle expérience, plus approfondie, plus exigeante, plus professionnelle, qui débutera avec l’année 2015, et m’occupera encore pas mal de temps durant les derniers jours de 2014.

cassandre,typographie,littérature,bug,édition,solko,blog,

Ci-dessus, Cassandre, l'homme à la pipe à qui mon co-équipier et moi avons emprunté les polices Peignot et Bifur du logo du Bug et un lien ICI vers le site que son fils, Roland Mouron, a construit à sa mémoire, et qui est remarquable 

 

22:21 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cassandre, typographie, littérature, bug, édition, solko, blog | | |

mardi, 14 octobre 2014

Lettres et durée

Celui qui dessinait  des lettres destinées à être fondues, c'est-à-dire à s’inscrire dans une durée préméditée, leur imprimait une trace de lui-même et de son temps  Mais à l’heure actuelle, « il est très difficile de gagner sa vie en dessinant et en commercialisant ses propres caractères, même s’ils ont du succès », constate Lewis Blackwell dans son livre Typo du 20° siècle.

Ainsi, ce  qui fut vrai de Manuce et de Garamond, de Didot et de Morison, d’Eric Gill et même encore de Cassandre ou d’Excoffon,  ne l’est plus  aujourd’hui d’un dessinateur, fût-il le plus doué. Car lorsqu’un métier « ne paye plus », plus rien ne sort de lui. C’est un fait qui se vérifie un peu partout de nos jours, dans la typographie, certes, mais également dans tant de techniques et d’arts où la standardisation va de pair avec la démocratisation, la médiocrité avec la massification, le talent de tous avec celui de personne.

Quand je pense au mal que nous avons pris de naître, et à celui que nos parents ont eus à nous élever, et tout ça pour assister à ce naufrage lent, du politique, de l’esthétique, de l’éthique, à ce dépérissement de la qualité et de la vigueur, au profit de la quantité et de la malfaçon. Quand je vois la médiocrité galopante des individus qui siègent au sommet de l’Etat, celle de ceux qui, un peu partout, prostituent le beau nom d’artiste, quand je vois le culte rendu à des sportifs et à des comédiens pelliculés, je me réjouis de sentir que la plus grande part de moi échappe encore à leur société et à leur monde, malgré tout le temps que j’ai passé dedans pour gagner ma vie.

 

Je me réjouis d’être ému (parfois jusqu’aux larmes) par une statue du Juste, tout noir de suie, tenant l’Enfant dans ses bras dans la pénombre d’une chapelle, ou silencieux durant des heures à me répéter la beauté d’un poème appris autrefois dans un lycée de pierres, ou, mieux encore, d’une prière tenue jadis de l'Eglise et redite mot à mot, syllabe par syllabe et presque lettre par lettre, comme si je les dessinais dans ma seule pensée en articulant leurs lettres de caractère, dans le silence et la solitude de l’instant unique, et qui file.

morison,manuce,garamond,gill,didot,cassandre,excoffon,typographie,blackwell,

Catalogue des fonderies Deberny et Peignot, 

vendredi, 16 novembre 2012

Le Racine de la réclame

Un Cassandre, vous imaginez, terne, quelconque ? Il a bien son annonceur, un certain Dubonnet, le soir tombe dans son bureau comme dans un dessin de Hopper, les traits tirés, il cherche sa rime en pensant à autre chose dans on ne sait quel contre-champ, il doit rendre sa copie le lendemain, il commence à se faire du mouron en ne voyant rien venir, rien de chez rien, rien de rien ou juste un truc comme Dubonnet, le vin frais.

Il compte tristement ses syllabes sur le bout de ses doigts, un deux trois, le compte y est mais Dieu que que c’est mauvais. Du bonnet c’est pas mauvais : Un Cassandre à court, quoi. Un Adolphe-Jean-Edouard-Marie des plus mauvais jours, l’esprit essoré, jetant sur le papier des biffures, tâtonnant cette soirée de 1932, faire la réclame se dit-il c’est comme faire le tapin, c’est rien que ça, Un Dubonnet c’est parfait, non, non, pas possible d’être plus plat ; pire encore, Dubonnet, ça le fait…  

Un autre, ailleurs, se serait peut-être contenté de ça. Après tout, un slogan, une affiche, qu’est-ce que c’est, et puis qu'est-ce que ça dure?  Boire Dubonnet d’un seul trait, pourquoi ne pas se contenter de ça, écrit en grosses capitales sous un petit bonhomme qui vide son verre une fois, deux fois, trois fois et hop ! Il est des nôtres, il a bu son verre comme les nôtres…

Seulement voilà, l’intuition fulgurante, le trait de génie, la sagacité, la simplicité aussi, ce soir de 1932 : Il faut qu’il n’y ait rien à jeter dans ce qu’il trouve, rien, se dit-il.  La perfection est à ce prix-là, quand on ne peut ni avancer ni reculer, ni entrer ni sortir, en aucun cas aller plus loin. Comme quand Hippolyte lance dans Phèdre ce vers fait de monosyllabiques : « Le Jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur », essayez-voir de faire mieux, douze mots, douze syllabes, plié.

Il faut, s’encourage Cassandre ce soir-là de 1932, atteindre Racine, je serai, se dit-il, le Racine de la réclame ; c’est du côté du simple que tout se trouve, il s’en convainc et soudain voilà que s’impose comme une source : Dubonnet, mais c’est bien sûr, Dubonnet ne peut rimer qu’avec lui-même, parce que Dubonnet c’est Dubonnet.

Dubonnet : Du beau, du bon, dubonnet : elle était, la solution, là, à portée de mot, à portée d’écoute, pas un phonème à retirer, pas un à ôter, rien qu’à déplier ce petit bonhomme noir qui s'emplit jusqu'au goulot, en trois coups sur fond jaune et c’était plié, un slogan comique aussi parfait qu'un alexandrin tragique qu’on ne saurait jamais plus oublier, Dubonnet c’est du beau, du bon, dubonnet….

cassandre,adolphe mouron,publicité,dubonnet,racine,