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samedi, 18 août 2018

Rester français...

À Cracovie, quelle que soit l’heure de la journée, vous trouvez une église à l’intérieur de laquelle le Saint Sacrement est exposé. En France ? 
A Gènes, après une catastrophe nationale, on se réunit dans des églises et autour du Christ. En France ?
A Moscou, on rénove les monastères et on reconstruit les églises. En France ?

En France, après l’attentat du Bataclan et celui de Nice, on dépose des gerbes et des bougies devant la statue d’une allégorie ou sur du sable.
Que s’est-il passé ?

Il s’est passé que depuis longtemps, on n’enseigne plus la vénération authentique qu’on doit aux saints, et en tout premier lieu, la dévotion qu’on doit à la Vierge Marie, dont l’acquiescement ouvrit littéralement un Ciel fermé depuis toujours aux hommes. On n'enseigne plus que la communion des saints atteste de la véracité du salut que le Christ offrit sur la Croix à chacun ; et ne se peut donc dissocier de la vénération première qu'on doit à toute Justice. Dans les tristes écoles de la République égalitaire, nul ne parle de la Miséricorde aussi infinie qu’incompréhensible du Christ, qui fit d’un larron peu recommandable le premier saint de son Église.

On n’enseigne plus non plus que, pour avoir « payé » pour les fautes de chacun en subissant le châtiment le plus vil, Christ est en droit de racheter qui il l’entend et d’abaisser qui il l’entend, au mépris de toute hiérarchie et de toute morale simplement humaines. 
Cette vérité qui fait du Christ un maitre en sainteté se trouve tout entière contenue à la fois dans l’Évangile et dans la Passion. On ne le dit plus trop non plus dans les écoles. Ni qu’elle est portée jusqu’à nous par l’Esprit Saint et lisible telle quelle dans le Sacré Cœur…

Lech Walesa et les ouvriers de Solidarnosc en grève ont prié avec ferveur la Vierge devant des autels dans les chantiers de Gdansk, pour qu’elle leur rende leur nation. En novembre 2016, les évêques de Pologne, le président de la République, le Premier ministre, les présidents de la Diète et du Sénat et quelque 100 000 fidèles ont participé au sanctuaire de sœur Faustine à Cracovie à l’Acte d’accueil du Christ comme Roi et Seigneur de Pologne. 
Et en France ? Sarkozy... Hollande... Macron...
Malgré le vœu de Louis XIII, Louis XIV a refusé par orgueil et malgré la demande pressante du Christ à la moniale Marguerite Marie Alacoque à ce que la France le soit quand elle aurait dû l'être. Louis XVI s’en est amèrement repenti dans son cachot, mais un peu tard. Le désastre de la Révolution française s'était produit. Les autres allaient suivre.

Or depuis, les droits de l’homme, les prétendues Lumières, les inénarrables valeurs républicaines, voilà ce qu’on enseigne aux enfants du contribuable dans les écoles françaises prétendument objectives. Allez, sans une conscience claire de ce qu’est la Trinité et une reconnaissance avérée des vertus de la croix, comprendre en quoi l’Islam est un danger ! En quoi le mariage gay est un carnaval ! En quoi l'avortement est un meurtre ! Liberté, égalité, fraternite et en voiture Simone ! Tout passe...

En 1979, Marthe Robin continuait de prophétiser le fait que cet abaissement de la France est loin d’être achevé.; cest un fait...

« Ma fille, j'ai besoin de victimes, et de victimes fortes. Il me faut des âmes qui par leurs souffrances et leurs tribulations expient pour les pécheurs et les ingrats. Oh ! si je pouvais faire comprendre combien mon divin Père est irrité contre le monde impie ! Plus rien ne retient sa justice, et il se prépare un effroyable châtiment pour tout le genre humain. », a dit le Christ à sainte Gemma Galgani en 1902. Quelques années plus tard, alors que les tranchées de 14 /18 sont à peine refermées, que la révolution bolchévique bat son plein et que se prépare la Shoah, sœur Faustine écrit dans son Journal en 1938 : « Quand je priais pour la Pologne, j’ai entendu ces paroles : — J’aime particulièrement la Pologne, et si elle obéit à ma volonté je l’élèverai en puissance et en sainteté. D’elle sortira l’étincelle qui préparera le monde à mon ultime venue »

L’Éternel est l’Éternel ; la lecture de la Bible nous enseigne avant tout qu’Il a le temps. Combien de générations coûtera le redressement de la France ? Devra-t-elle, comme c'est arrivé à d'autres, disparaître ? J’ai bien peur de ne pas le connaître et d’assister le cœur navré et l’esprit démuni, de président en président, à cette chute inéluctable. En attendant je comprends que rester français, en dépit des multiples tentations d'exil, c'est avant tout rester catholique. Pour le reste ...

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21:20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, cracovie, gènes, italie, pologne | | |

mercredi, 24 février 2016

Faustine et le surnaturel

Août 1925. L’été bat son plein. Lorsque Hélène de Glogowiec pose enfin le pied en gare de Varsovie,  elle ne vient pas conquérir l’immortalité de l’âme ni je ne sais quel étrange nirvana ; elle ne vient pas « faire le Jihad » ni venger on ne sait quel honneur perdu ; elle ne songe pas non plus à la Jérusalem terrestre. Son regard erre sur les quais puis les trottoirs bruyants, sans doute effaré. Les visages, les pas, le gestes des passants de toutes les capitales du monde jettent toujours un effroi dans l’âme du villageois fraîchement débarqué, qui n’y connait pas un chat. Pourtant, ni crainte pour soi-même, ni peur du lendemain : voilà Hélène de Glogowiec plus déterminée encore qu’au bal du village la veille, rassérénée même par le tourbillon du monde dont elle devine les profonds rugissements, qui ne l’engloutiront pas. D’un pas ferme, le front haut, tel un chevalier, elle emprunte l’interminable avenue Grojecka dans le quartier d’Ochota, jusqu’à ce qu’elle croise enfin une église, une église monumentale en briques rouges, une église dont elle ignore le nom, dont elle ne connaît pas même le prêtre. Toutes les églises n’appartiennent-elles pas à Marie? Or c’est vers son Fils Unique qu’elle va, son Fils seul qui l’a guidée jusque là. Aussi le père Dabrowski ne s’étonne pas d’entendre cette jeune fille un peu pataude, cette enfant presque, lui murmurer à l’oreille qu’elle aspire à devenir religieuse, qu’elle n’est venue jusqu’à sa sacristie qu’avec ce dessein en tête. Il la recommande auprès d’Aldona Lipszycowa, l’épouse d’un de ses amis. C’est lui qui les a mariés naguère et, ça tombe bien, elle cherche quelqu’un pour l’aider au ménage. Et c’est ainsi que débute l’histoire de sœur Faustine.

« Ô Amour Eternel, Vous me faites peindre votre sainte image, 

Et Vous nous découvrez la source de miséricorde inconcevable »

C’est le commencement du premier cahier. Il y en aura six, dont la rédaction lui fut ordonnée par son confesseur, Michal Sopocko. L’ensemble constitue le Petit Journal de sainte Faustine, alias Héléna Kolwaska. Un livre rare, précieux, parce que, dans tous les sens du terme, un livre merveilleux. A titre d’exemple, ces quelques lignes :

« Je vois souvent l’Enfant Jésus pendant la Sainte Messe. Il est extrêmement beau et paraît avoir à peu près un an. Un jour dans notre chapelle, quand je vis ce même Enfant pendant la Sainte Messe, un désir fou et une envie irrésistible me prirent de m’approcher de l’autel et de Le prendre dans mes bras. Or à ce moment, l’Enfant Jésus vint près de moi, près de mon prie-Dieu. Il appuya des deux petites Mains sur mon épaule, gracieux et joyeux, le regard profond et pénétrant. Cependant, quand le prêtre rompit l’Hostie, Jésus revint sur l’autel et Il fut rompu et consommé par ce prêtre » ( 433)

 En 1959 Sœur Faustine fut mise à l’index par un pape, Jean XXIII, puis canonisée par un autre en 2000, Jean Paul II. « La divine providence, déclara ce dernier dans l’homélie de canonisation, a voulu que la vie de cette humble fille de la Pologne soit totalement liée à l’histoire du vingtième siècle, le siècle que nous venons de quitter. C’est en effet entre la Première et la Seconde Guerre mondiale que le Christ lui a confié son message de miséricorde. Ceux qui se souviennent, qui furent témoins et qui prirent part aux événements de ces années et des atroces souffrances qui en découlèrent pour des millions d'hommes, savent bien combien le message de la miséricorde était nécessaire. »

Faustine fut donc la première sainte du XXIe siècle, avant même Padre Pio, avant Jean Paul II lui-même, évidemment. Elle fut, et Karol Wojtyla l’éprouva dans sa chair plus que nul autre lorsqu’il prononça ces paroles, la sainte d’une génération en effet particulièrement marquée par la violence, le manichéisme, l’implacable dureté de l’histoire. En même temps, aux flux tendus des images produites dans les hangars du lointain Hollywood de ces années trente, l’humble religieuse qui ne quitta jamais l’anonymat de son couvent et ne vécut que d’obéissance, opposa une image, une seule, celle de son Bien-Aimé que le peintre Eugène Kazimirowki réalisa sous ses ordres, auquel elle était venue consacrer sa vie ce jour d’août 25 qu’elle débarquait à  Varsovie. Toutes les images hollywoodiennes de starlettes s’oublieront au fil des siècles sur la pellicule. Celle-ci ne commence que depuis peu à faire le tour du monde : Le Christ de la Miséricorde.

 

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« Seul est vrai le pays des chimères », écrivit Rousseau dans sa Julie, pour dire que s’exprime dans les textes de fiction quelque chose de la vie de l’esprit, et que finalement, seul serait vrai le « pays de l’esprit ».

Mais avec Faustine, dès lors que se manifeste cette forme authentique de surnaturel que notre foi doit accepter comme une donnée du Réel, tout un rapport à la lecture de fictions se trouve questionné, ébranlé. C’est toute la différence entre un texte qui se veut une création, et un autre qui raconte la Création : Dans le cas de sainte Faustine, qui exalte dans son Petit journal un certain « esprit d’enfance » face à Dieu, c’est encore plus confrontant. Car des certitudes obtuses de la raison qui le bride, le broie, le lecteur doit laisser émerger de lui-même une sorte de candeur enfouie pour croire à ce qu’il lit. Croire, et non pas s’identifier. Le paragraphe que je citais plus haut, par exemple, qui chez un poète ne serait que métaphore ou allégorie, et qui s’offre ici telle une vision saisissante et fugace narrée par un vrai écrivain. Qui sait aussi rire d’elle :

« J’ai remarqué que depuis le moment où je suis entrée au couvent, on m’a toujours fait le même reproche, c’est d’être sainte ; mais ce nom était toujours dit de façon ironique. Au début ce me fut très pénible, puis en m’élevant spirituellement, je n’y ai plus fait attention ; mais quand une personne se trouva attaquée à cause de ma sainteté, j’ai éprouvé tant de mal que d’autres puissent avoir des désagréments à cause de moi que je m’en suis plainte auprès du Seigneur Jésus, pourquoi en est-il ainsi, et le Seigneur m’a répondu : Tu t’attristes de cela ? Mais tu es sainte, sous peu je le ferai paraître moi-même en toi et ils prononceront ce même mot « sainte » mais cette fois avec amour. » (1570)

 

Dans le cas de ses conversations avec les agonisants et de ses correspondances avec les âmes du purgatoire, le surnaturel jaillit de toute part. Or ces moments ne doivent pas être lus au premier degré, mais plutôt pris au pied de la lettre, je ne sais pas si je m’exprime correctement. Ainsi, ce passage, cet instant vécu :

« Surtout ici, depuis que je suis dans cet hôpital, j’éprouve un lien avec les agonisants qui, en entrant en agonie, me demandent de prier. Dieu me donne une étrange correspondance avec les mourants. Quand cela arrive, le plus souvent, j’ai même la possibilité de vérifier l’heure.  Aujourd’hui, à onze heures du soir, je fus soudain éveillée et je sentis distinctement qu’il y avait auprès de moi, un esprit qui demandait ma prière ; une force me contraint tout simplement à la prière. Ma vision est purement spirituelle, par une soudaine lumière qu’en cet instant Dieu m’accorde. Je prie jusqu’au moment où je sens la paix en mon âme. La durée n’est pas toujours la même. Il arrive parfois qu’avec un seul Ave Maria je sois tranquillisée, et alors je dis le De profondis. Parfois il arrive que je dise le chapelet tout entier, et seulement alors j’éprouve un apaisement. » (834) 

Ce qui doute du surnaturel en nous, c’est le ricanement rationnel du diable, hérité du scientisme et du positivisme de ce stupide dix-neuvième siècle, que nos avons bus au biberon. Le Surnaturel, pourtant, « l’autre monde,» n’est-il pas une alternative plus crédible que le virtuel peuplé de créations fictives dans lequel baigne l’imaginaire infirme de nos contemporains ?

Face à ce qui fascine les jeunes gens aujourd’hui, l’humanisme sans Dieu, le divertissement et la technologie toute puissante c’est peut-être par sa relation si désarmante d'évidence et de réalisme avec le surnaturel, au milieu des cyborgs des clones et des terroristes, que Faustine sera une sainte vénérée par les enfants encore vivants du vingt-et unième siècle, . « Malgré la méchanceté de Satan la miséricorde divine va triompher sur le monde entier et être adorée par toutes les âmes. », prophétise-t-elle (1711) Lisez son Petit Journal.

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samedi, 18 avril 2015

Poésie d'exil

Je suis triste, étouffant les soupirs de mon âme,

Pleine d'émotion,

A l'aspect du soleil qui plonge, tout en flamme,

 

Dans son immersion

Au sein de la mer bleue, éteignant sa lumière,

 

Son éclat et son feu ... .

Les rayons du bel astre éclairent ma prière.

 

Et je souffre, mon Dieu I

Pareil aux blonds épis qui dorent la campagne.

 

Et sont vides et creux,

Je relève le front, bien qu'ayant pour compagne

 

De mes jours, en tous lieux,

Attachée à mon sein, une douleur amère . . .

 

Sans en faire l’aveu,

Je tremble de frayeur, éloigné de ma mère,

 

Et je souffre, mon Dieu !

Je porte mon chagrin sur la vague écumante

 

Qui soupire, ou mugit,

Couvrant le vaste abîme, et ma terreur augmente,

 

Attristant mon esprit . . .

J'aperçois, dans son vol, une blanche cigogne

 

Qui nage dans le bleu ;

Je songe alors, pensif, à ma chère Pologne,

 

Et je souffre, mon Dieu I

Loin de ma mère en pleurs, des miens, de ma patrie.

 

J'erre, pauvre exilé.

Et je cueille des fleurs sur la tombe chérie

 

De mon ange envolé . . .

Ma cendre n'aura pas d'asile au cimetière.

 

Pas de larmes d'adieu ;

Par le vent balayée elle sera sur terre . . .

 

 

Et j'en souffre, grand Dieu !

Oh ! je sais, que malgré mon bon ange qui prie,

 

L'arrêt du sort fatal

Me condamne à passer le reste de ma vie,

 

Sans voir le sol natal.

Et mon nom à périr, sans qu'il laisse de trace

 

En ce trouble milieu,

Où d'autres habitants prendront bientôt ma place

 

 

Et j'en souffre, mon Dieu ! 

 

JULES SLOWAÇKl 

 

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13:50 Publié dans Des Auteurs, Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, romantisme, exil, jules slowaÇkl, littérature, pologne, mélancolie | | |

jeudi, 30 octobre 2014

Les Editions du Bug sont nées

Le Bug, c’est :

Une rivière à la frontière de l’Europe

Un gros crash informatique

 Maintenant c'est aussi 

et surtout :

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Votre prochaine maison d’éditions où vous fournir en bonne littérature 

Alors, le jour de Sainte-Bienvenue,

Soutenez !  Adhérez !

Tour d’horizon et Renseignements à suivre ICI

 

 

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mercredi, 22 octobre 2014

La douleur de Josef Kraszewski

Je dois à Bertrand Redonnet de m’avoir fait découvrir,  outre la beauté de la forêt de Bialowieza, l’existence de Joseph Kraszewski qui, avec ses 500 volumes, se dresse en son pays comme « le patriarche de la littérature polonaise » (On le surnomma ainsi en Pologne lors du 50° anniversaire de ses débuts dans la carrière littéraire).  J’ai passé une partie de la nuit à lire son Hymne à la Douleur, écrit juste après la mort de sa fille Laure, long poème d’une vingtaine de pages qui, dans cette Europe en partie déchristianisée, soumise au double diktat des marchés et de la fête, émerge vraiment du Passé tel un étranger absolu, un paria total dont la langue ne saurait plus être ni parlée ni comprise tant, par le seul fait d’exister, elle déroge désormais à la doxa officielle dont nous sommes abreuvés soir et matin et à notre insu. Vertu de la littérature !  Cette contradiction absolue, qui est, comme René Char l'affirma un jour à propos des pré-socratiques, le propre de la poésie (1), sera, peut-être, le moteur de sa résurgence. Qui sait ?

Car pour cette sensibilité entièrement romantique, la zone euro post-moderne, par la standardisation des êtres qu’elle implique et exige d'eux, ignore tout de ce double domaine, à la fois spirituel et territorial que les hommes d’alors nommaient la patrie, et dont ils faisaient, comme les Grecs le Destin, le cœur même de leur création littéraire. La zone n'est en effet qu'un concept, peuplé d’apatrides et d'inconscients. La pression qu’elle exerce sur ce que ces romantiques nommaient l’Âme est, de ce point de vue, comparable au terrorisme moscovite contre lequel ces poètes polonais luttèrent avec le goût de leur sol natal ancré en leur chair, un goût si totalement incompréhensible – sinon au même titre qu’un vase étrusque ou qu’un sonnet précieux – des énarques incultes qui nous gouvernent et des bavards faiseurs de lois contemporains, qu'on se demande même comment ces gouvernements ont pu, à la faveur de l'idéal démocratique, s'imposer à la prétendue sagesse des peuples. 

Je livre ici deux passages, l'un sur la Souffrance, l'autre sur la Langueur, de ce long poème aux accents dorénavant si paradoxaux, alors que nous sommes sommés, partout et par tous, de jouir du monde tel qu'il est, sous la photo, comme il se doit, de l'Artiste.

 

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Seule la douleur règne ici-bas en tyran

Tresse liens de chanvre et couronnes d'épines,

Promène ses dégâts, pareille à l'ouragan,

Et se plaît à son œuvre, entassant les ruines.

 

Écoutez les grands bois et la voix de la mer,

Vous n'y trouverez pas une note joyeuse.

Le feuillage et les flots répètent le même air

Que chante au nourrisson, sur son sein, la berceuse. '

 

La jeunesse sourit au gai printemps en fleur.

Mais voit poindre bientôt l'orage dans la rue.

Les regrets superflus remplacent dans le cœur

Les élans du jeune âge et sa candeur perdue.

 

Le désir accompli pèse au cœur dégoûté ;

Même pour le vainqueur le deuil suit la victoire,

Et l'amour, triomphant dans sa félicité.

Périt rassasié plus vite que la gloire.

 

Le bonheur envié n'est qu'une illusion ;

L'existence en ce monde une amère ironie.

Tout espoir est trompeur ; vaine est la passion,

Et l'ombre envahit l'homme au déclin de sa vie.

 

Nous allons ainsi tous, à tâtons dans la nuit,

N'ayant pour nous guider qu'une aveugle science,

Eblouis par l'éclat de l'astre au ciel qui luit.

Et nous chantons en cœur l’hymne de la souffrance.

                                                                  

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Langueur je te salue, en te livrant mon âme !

Tu la gardes dans tes liens.

Survivant au désir qui l'excite et l'enflamme,

Lugubre écho de maux anciens.

 

Compagne de mes jours, de mes nuits d'insomnie,

Je t'offre mes pleurs en tribut.

Et mes cuisants soupirs, et ma peine infinie.

Salut, triste langueur, salut ! ! . . .

 

Je suis ton homme lige et ton vassal fidèle ;

Malgré mon sourire d'emprunt,

Je sens au fond du cœur ta blessure mortelle.

Que ne suis-je déjà défunt !

 

Tu me serres tremblant de ta puissante étreinte ;

Je t'ai connue encore enfant,

Et porte depuis lors l’ineffaçable empreinte

Du bras qui presse, en m'étouffant.

 

Hommes et choses, terre et ciel, sont tes complices.

Tu frappes au cœur l'exilé

Qui rêve à la Pologne, exposée aux supplices,

Du poids de la vie accablé. . .

 

Languir, c'est ressembler à la fleur qui se fane,

Au fruit mûr, rongé par un ver,

C'est avoir à sa mort, la croyance profane

Au néant après cet enfer. . .

 

Languir, c'est aspirer sur la terre étrangère .

A revoir patrie et foyer ;

C'est ne pouvoir prier Dieu — dans notre misère —

 

Qui nous a laissé foudroyer. 

 

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(1) Au centre de la poésie, un contradicteur t'attend. C'est ton souverain. Lutte loyalement contre lui  (Char, A une sérénité crispée)

mardi, 16 septembre 2014

Sur une photo de Białowieża

Cette photo du parc de Białowieżaen Pologne, a quelque chose de reposant pour moi, ce soir. Les arbres n’y sont pas dans leur élément naturel. Sous l’écorce de leur rude sagesse, aussi infinie qu’elle est végétale, ils ne s’inquiètent pas,  pourtant. Ils attendent, debout, murés dans le silence des altitudes.

Quelque chose de serein s’exhale de ce vert tendre, bien qu’on y devine sans mal tout ce qu’il cache à la vue de viscéralement  répugnant. La vie marécageuse a toujours effrayé l’humain. Ce dernier aime trop voir, savoir, comprendre : la fange, il ne peut s’en accommoder.

Il tremble trop, faible dans ses assises, de s’y enliser. Souvenir d’une existence fœtale vers laquelle il ne peut tendre à nouveau sans éprouver le sentiment anxiogène d’une régression sans retour, conscient que sa vie tend vers une décomposition minutieusement, diaboliquement programmée.

 

Mais on peut aussi voir du limpide dans ce vert, de l’espérance, nom d’un chien ! De l’aérien, presque. J’aimais étudier dans cette bibliothèque aux murs verts – de ce vert là exactement. Je m’y revois, traduisant Sénèque ou Pline - c’était dans un lycée qu’alors je jugeais très ancien, quand je viens de découvrir qu’on va bientôt, seulement, fêter le centenaire de sa construction !

Le plus véritable de notre temps nous échappe dans le silence. Et le futur est un retour : voilà ce que je vois dans la majesté toute humide de ces arbres, et que je garderai au cœur jusqu'au divertissement prochain.

 

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21:58 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : poésie, białowieża, pologne, littérature | | |

mercredi, 10 juillet 2013

Lambert en fumée

Tout le monde connait sa silhouette, à la pointe de l’ile Saint-Louis, quai d’Anjou. Il est classé monument historique depuis 1862. En 2007, le neveu de l’émir du Qatar Hamad Ben Khalifa-Al-Thani (celui qui vient d’abdiquer), Hamad Abdallah al-Thani,l'a rachèté pour la somme de 80 millions d’euros au baron de Guy de Rothschild, lequel mourut quelques jours avant la signature. L’auteur de la discutable formule, « juif sous Pétain, paria sous Mitterrand » y avait organisé des fêtes somptueuses avec son épouse Marie Hélène van Zuylen de Nievelt de Haar.

Il le tenait du milliardaire chilien Arturo Lopez Willshaw surnommé le roi du guano, qui y vivait avec son mignon, le richissime financier et collectionneur d’art Alexis de Rédé, un pote de Pierre Bergé, dont le peintre Pierre Le Tan écrivit ; « Il existe à Paris une poignée d’hommes qui, depuis des décennies, semblent ne pas avoir vieilli, ou presque. Ainsi l’élégant baron de Rédé, souvent drapé dans une cape et chaussé d’escarpins d’une extrême finesse. Ses cheveux d’acajou sont tantôt plaqués, tantôt légèrement bouffants. De loin, sa silhouette est celle d’un homme de quarante ans ».

En décembre 1969, ce dernier donna à l’hôtel Lambert un Bal Oriental qui lui couta un million de dollars et qui est encore considéré comme l’une des plus célèbre fêtes de l’après-guerre. Le maître de cérémonie, déguisé en prince mongol, y accueillait le Tout Paris de l’époque. Des esclaves noirs au torse nu portaient des torches dans le grand escalier menant à la salle de bal, tandis que des automates jouaient différents instruments dans la galerie d’Hercule, considérée à sa création comme une première ébauche de la galerie des glaces de Versailles

Pour assurer la transition entre fêtes parisiennes et fêtes arabes, le nouveau propriétaire a voulu transformer l’hôtel Lambert en « maison de famille », avec ascenseur pour voitures et salles de bains dans chacune des vingt chambres. Le chantier a alors été confié à Bouygues Rénovation privée, une filiale de Bouygues construction.

A titre d’exemples, la construction d'une salle de bains nécessite la destruction de l’ancien cabinet de Jean Baptiste Lambert (premier propriétaire et trafiquant notoire de biens immobiliers) et celle de l’ascenseur de défoncer un plafond peint à poutres et solives au dessus d’un bel escalier en bois sculpté au XIXème.

En décembre 2007, l’association Paris historique estima qu’avec un tel projet, il y avait « perte d’authenticité et de substance du  bâtiment ». Elle porta plainte pour « dénaturation de chef d’œuvre ». Elle obtint de Bertrand Delanoë qu’un projet de parking sous jardin (le premier jardin surelevé de Paris au XVIIeme), avec une porte pivotante percée dans le mur d’enceinte du XVIIe fût bloquée. Le ministère de la Culture s’en mêla et l’affaire devenant publique, chacun joua son image sous l'oeil de la planète entière ; Delanoë et la mairie de Paris doit se montrer capable d’attirer de grands investisseurs dans la capitale, Albanel et le ministère de la Culture de défendre le patrimoine français, les associations de ne pas avoir l’air intolérantes et les propriétaires qataris de demeurer des propriétaires respectueux des édifices qu’ils achètent.

Mais voilà que la Pologne s’en mêle à son tour : Avant le roi du guano et son éphèbe proustien, l’hôtel Lambert, avait appartenu au prince Adam Czartoyski qui avait accueilli sous ses plafonds  les nombreux exilés polonais en fuite devant la répression russe après la Grande émigration de 1831. A cette époque, l’hôtel avait connu de grandes fêtes romantiques et s’y croisaient Chopin, George Sand, Liszt, Balzac et Delacroix. L’hôtel lui-même, par les soins du prince, devint alors un centre intellectuel majeur de la résistance polonaise en Europe.  L’ambassadeur polonais, Tomasz Orlowski s’émeut donc de la destruction programmée de l’escalier du XIXe, principal témoin de cet épisode.

Depuis cette nuit, le feu, ce grand purificateur dont Léon Bloy écrivit à la fin de La femme pauvre qu'il est le symbole de la justice éternelle, met tout le monde d’accord. Cent quarante pompiers sont mobilisés pour éviter que ce haut lieu de luxe et de débauche ne parte définitivement en fumée. Hyperbolique et peut-être même un peu à côté de ses pompes, le maire de Paris vient de proclamer qu'un tel incendie faisait partie des épreuves que connait Paris...

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mardi, 23 juin 2009

Stasiuk & les zlotys de son enfance

Andrzej Stasiuk est le premier auteur publié que je connaisse à développer un chapitre entier  (C’est dans Fado, j’y reviendrai) sur les billets (de banque) disparus au profit de l'euro. Il s'agit des zlotys polonais.

Cela ne peut que susciter chez moi un intérêt très vif puisque, juste avant le passage à l’euro, j’ai couru les numismates pour récupérer le plus grand nombre de séries possibles de billets en francs ou anciens francs. Non pas par esprit de spéculation, ni de collection, mais vraiment par esprit de conservation. Distingo !  Je les ai ensuite classés dans un bel album. Il m’a vite semblé, en feuilletant ensuite cet album, voir défiler plusieurs pages de l’histoire de France du XXème siècle. Comme une sorte de bande dessinée. Belle Epoque, guerre de Quatorze, Années Folles, Seconde guerre Mondiale, Trente Glorieuses, Années Quatre-vingts… Et pour la première fois, ces images m’ont ému. Je me suis mis à songer à tous ces gens qui les avaient trimballées dans leurs poches, tous ces « francs » aussi morts que« ces francs » étaient démonétisés. A tous ces morts, ces disparus, ces anonymes. Un peu comme si ces vieilles images qu’ils avaient eues en poches, métonymiquement, les ramenaient jusqu’à moi. Expérience de l’imaginaire, bien sûr, fort troublante : le chiffre qui cessait d’être chiffre pour se muer en lettre, la valeur qui changeait de registre et, d'économique, devenait poétique.  Par comparaison, ce jeune euro tiré au laser…

Cela a donné naissance a plusieurs textes ou nouvelles, dont quelques-uns figurent sur ce blog (voir colonne de droite, Nouvelles & les Anciens Francs), d'autres dans mes cartons.

Je suis content de voir que Andrzej Stasiuk ne dit rien de différent. Comme un camarade ou un frère. Cela régale toujours une partie de soi de sentir qu’on n’est pas le seul à ressentir ce qu’on ressent. Je suppose que cela n’a pas échappé à la discrète et malicieuse amie qui m’a offert ce livre, véritable hymne à la mémoire par ailleurs (j’y reviendrai)

Mais pour l’heure, je tiens juste à parler de ce chapitre sur les billets de banque (le dix-septième), envisagés, et c’est très rare (à ma connaissance, il n’y a que Béraud qui le fit durant ses reportages d’entre-deux guerres), comme un signe poétique.

Je regrette de ne pouvoir lire le texte en polonais, car je sens que la traduction fait perdre beaucoup de cette correspondance entre la lettre et le billet que le texte tisse, si j’ose dire. Stasiuk décrit d’abord le billet rouge de cent zlotys, l’architecture industrielle qui en constitue l’arrière plan. « comme si toute la scène se déroulait dans un au-delà prolétarien »C’est, dit-il, « le billet dont je me souviens le mieux parce que mon père travaillait à l’usine ». Voilà. Quelque chose d’essentiel et de très bref est dit là. « Mon esprit d’enfant s’imaginait que l’usine rémunérait son travail avec des images d’elle-même »

Puis il passe aux autres valeurs des séries de son enfance : cinquante, vingt, cinq-cents, mille… Et fort justement, Stasiuk déchiffre à partir des alphabets de ses zlotys ce que j’ai déchiffré à partir de ceux de mes francs : une relation de sens, créée quotidiennement entre l’homme qui figure sur le billet (vieux rois et leurs couronnes, héros nationaux,, écrivains…) et celui qui le trimballe dans sa poche quotidiennement. Entre vivants et morts. Entre récitants et recités. La présence presque impalpable du quotidien et de l’histoire à travers ces billets, à la puissance évocatrice soudain libérée :  « Dans mon pays, dit-il, quand les temps sont incertains, on a l’habitude de se référer à la culture, domaine où les défaites ne sont pas si évidentes qu’en économie ou en politique ».

 

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Stasiuk jette un œil désabusé sur les euros. Il a raison. Comment faire autrement ? Il écrit ceci : « Je regarde les euros et je me demande quelle histoire ces billets permettront de raconter. Je me demande quelle histoire y liront les habitants de mon village, par exemple. Ce que leur diront ces fenêtres et ces ponts dans le temps et l’espace, tout ce gothique, cette renaissance, ce baroque et cet art nouveau en nuances floues et pastel. Il n’y a pas de visage sur ces billets, pas d’objets, rien qui rappelle la vie quotidienne… »

Je ne sais plus qui a dit la même chose, de manière plus prosaïque, certes, et plus définitive : L’euro ne sera jamais qu’une monnaie de consommation. Triste sort… « Ces billets à la beauté pâle et universelle feront que l’argent deviendra une valeur abstraite détachée de la réalité, de l’aspect concret du travail, de l’échange de marchandises et de services réels. » Et Stasiuk de prophétiser : « nous recevrons de l’argent fantomatique pour ne pas produire des choses dont personne ne veut »

 

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08:39 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : andrzej stasiuk, fado, litterature, zlotys, billets, politique, europe, pologne, numismatique | | |