mardi, 16 septembre 2014
Sur une photo de Białowieża
Cette photo du parc de Białowieża, en Pologne, a quelque chose de reposant pour moi, ce soir. Les arbres n’y sont pas dans leur élément naturel. Sous l’écorce de leur rude sagesse, aussi infinie qu’elle est végétale, ils ne s’inquiètent pas, pourtant. Ils attendent, debout, murés dans le silence des altitudes.
Quelque chose de serein s’exhale de ce vert tendre, bien qu’on y devine sans mal tout ce qu’il cache à la vue de viscéralement répugnant. La vie marécageuse a toujours effrayé l’humain. Ce dernier aime trop voir, savoir, comprendre : la fange, il ne peut s’en accommoder.
Il tremble trop, faible dans ses assises, de s’y enliser. Souvenir d’une existence fœtale vers laquelle il ne peut tendre à nouveau sans éprouver le sentiment anxiogène d’une régression sans retour, conscient que sa vie tend vers une décomposition minutieusement, diaboliquement programmée.
Mais on peut aussi voir du limpide dans ce vert, de l’espérance, nom d’un chien ! De l’aérien, presque. J’aimais étudier dans cette bibliothèque aux murs verts – de ce vert là exactement. Je m’y revois, traduisant Sénèque ou Pline - c’était dans un lycée qu’alors je jugeais très ancien, quand je viens de découvrir qu’on va bientôt, seulement, fêter le centenaire de sa construction !
Le plus véritable de notre temps nous échappe dans le silence. Et le futur est un retour : voilà ce que je vois dans la majesté toute humide de ces arbres, et que je garderai au cœur jusqu'au divertissement prochain.
21:58 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : poésie, białowieża, pologne, littérature |
vendredi, 29 août 2014
A la forêt de Białowieża
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles
(Baudelaire)
Les voici pour de vif, ces géants, ces piliers,
Soutenant sur nos fronts le toit vide de tuiles
D’un chœur immense et vert, que nous n’aurons pillé
Que d’un regard furtif, quand nous passions en file !
Une lueur fragile vaque en ses replis sombres :
C’est le mystère tu d’un opéra perdu
Que la forêt recueille et célèbre dans l’ombre,
A perte de nos pas, sur un tapis moussu.
Initié séculaire au mal que sont les hommes,
Devant nous le galop du bison s’est figé,
Craintif et courroucé par l’intrus que nous sommes.
Hirsute et rescapé, ce lointain frère hésite
Devant le songe hagard de notre humanité
Et doute, l’œil inquiet, du temple qui l'abrite.
Roland Thévenet, août 2014
00:12 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : białowieża, poèmes, littérature, bisons |