mardi, 10 novembre 2015
André Glucksmann est mort
Lire ICI un éloge impeccable, après lequel je n'ai plus grand chose à rajouter
14:42 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré glucksmann, maoiste, socialisme, france, société, situationnisme, philosophie |
jeudi, 03 janvier 2013
Amor mundi
Le monde tel que je l’ai appris
Celui que j’ai découvert
Ce qui m’est demeuré occulté, caché
Enfoui dans le prochain, diffus dans le lointain
Sa marche, la marche du monde ...
La double dilution dont il est victime
Et qui m’égare infiniment.
Ce grand écart entre la routine la plus confortable, et l’inouï à venir ...
Sais-tu, l’inouï ?
Non, nul ne l’a entendu venir, à commencer par ses plus fidèles guetteurs.
Ce grand écart entre le nu et l’habillé, tout autant ...
« Le mal n’est jamais radical, il est seulement extrême », déclarait Arendt en quittant le procès d'Eichmann. « Seul le bien a de la profondeur. Et peut être radical. »
C’était un autre temps
On parlait de race sans frémir, de nation sans honte, de religion sans ironie et l'argent relevait encore du méprisable
Alors l’amour du monde cheminait par ces parfois sentiers
Parfois labyrinthes
Cheminements de la pensée
Aimable n’est donc plus la question, mais bien plutôt ce qui demeure du monde dans ses copies
L’écran, la multitude
Les écrans ont envahi le monde et même le cabaret de Fellini s’est retrouvé englouti
Même son bordel et celui de Brel aussi avec tous les marins qui lèvent le nez au ciel
Pas seulement les feuillets d’Hannah
Et les carnets d'Heidegger
Mais la gouaille aussi
de Fréhel et d'Arletty
Et l'extrême délicatesse de Messiaen
Pour l'instant (hélas !), la différence entre les sociétés de restriction et celles de consommation
Ne réside qu'en un certain plaisir ou déplaisir qu'on y prend à faire
La queue
09:25 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : brel, fellini, fréhel, heidegger, hannah arendt, amormundi, littérature, poésie, philosophie |
jeudi, 25 novembre 2010
Chronique de Zitrone et de Spinoza
Chronique de la colline (n° 14)
C’était hier le jour de la nèfle. Du moins, si l'on en croit le calendrier révolutionnaire du joyeux Fabre d’Eglantine, qui n'eut cours que de 1792 à 1806. Toujours selon le même calendrier, nous serions aujourd’hui exactement le 5 de frimaire : ce qui entre en correspondance avec la vague de froid qui, comme le sussurrent en souriant les charmantes présentatrices de la météo, «s'abat,», «pénètre » et « s’installe » sur l’ensemble du pays depuis quelques jours. Foutre ! Selon les termes mêmes de la Convention nationale de l'époque, qui toujours se montra fort soucieuse de l'étymologie, ce mois-là tirait son nom du froid tantôt sec tantôt humide qui se fait sentir de novembre en décembre.
Wikipédia nous apprend fort doctement que, dans le Morvan, on appelle la nèfle « cul de chien » ou encore « cul de singe », et qu’en Algérie, il n’est pas rare d’en trouver dans les faubourgs et les banlieues des grandes villes. C’est une grande chose que la vulgarisation de l'érudition qu'autorise cette précieuse encyclopédie en ligne. Grâce à elle, tout se sait, tout l’temps, même si tout aussitôt, tout s'oublie. Mon savoir sur les nèfles demeurait jusqu’à ce jour aussi nul que le score de l'Olympique Lyonnais hier soir face à Schalke 04. Il le sera encore à nouveau demain, sans nul doute. Mais, comme aurait dit Gabin, l'acteur au timbre inimitable, maintenant, je sais...
Entre autres anniversaires, nous fêtâmes hier la naissance de Spinoza (1632-1677) ; on raconte que pour gagner sa vie, l’auteur de l’Ethique fut contraint de tailler des lentilles optiques à l'usage des lunettes et microscopes. Cette curieuse rencontre, cette insolite réunion entre optique et éthique serait sans doute d’un grand secours aux dirigeants comme aux dirigés des temps que nous vivons, pour apprendre à reconsidérer le monde d'un oeil plus juste. Il faudrait en toucher deux mots au lyrique Premier Ministre qui, hier même, jour de la nèfle, prononça à l'Assemblée son discours de politique générale.
En attendant, mentent les politiques de tous crins et se bercent d'illusions ceux qui les écoutent. Remarque, me disait hier mon cousin, qu'adviendrait-il si, tout à coup, les politiques se mettaient à dire la vérité ? Tous ces débats viciés n'auraient plus lieu d'être. Le monde se dézinguerait, dans une gigantesque implosion.
En attendant, plus que Spinoza, c’est bel et bien Michel Drucker qui engrange des succès de librairie. Michel Drucker fut durant plusieurs décennies l'infernal gendre idéal d'un peu tout le monde, lisait-on ça et là. Maintenant, même avec la chirurgie peu esthétique, comme Jeanne Moreau et Sylvie Vartan, il finit quand même par faire son âge, et c'est un bien. Gendre fané. Car pour se forger une idée de la responsabilité humaine, j’ai bien peur que le sympathique présentateur de Vivement dimanche demeure quelque peu insuffisant. Lui, et sa sympathique horde de suceurs et suceuses de micros.
A Drucker et à ses minauderies sucrées-salées, il faut préférer la brusquerie franche de Léon Zitrone, qui eut l’étrange heur de naître et de mourir le même jour, un 25 novembre (1914-1995). Je conçois que ce brutal passage de Spinoza à Zitrone puisse à certains paraître rude. Comme je conçois que les plus jeunes de nos lecteurs puissent ignorer Zitrone, tout autant que Spinoza. Au nom de l’indéniable vocation pédagogique de ce blog, qu’ils sachent cependant que Spinoza fut à la philosophie ce que Zitrone fut à la télévision avec ses commentaires capables d’accompagner tout autant l’enterrement d’un grand de ce monde, un concours de vachettes ou une course hippique dominicale : une espèce de refondation, en plein âge d'or. Le classicisme absolu.
Un jour de mai 1959, le dix-neuf, je crois, Alexandre Vialatte - car c'est à la table de l'illustre chroniqueur des Trente Glorieuses qu'on finira toujours par se retrouver - écrivit pour son irremplaçable journal La Montagne « la chronique de la vache étonnée ». Passant du coq à l’âne (en l’occurrence du papillon à la vache) il reconduisait vers Jean Dubuffet, « poète, peintre et fakir tout à la fois » notre esprit, tel l'attention des cancres, toujours trop volage. Jean Dubuffet, qui fut un amant incarné de la vache, au point d'en dessiner des séries. Qui peut en dire autant ?
Du haut de ma modeste colline, par le carreau de ma fenêtre embuée, je la distingue, cette belle et brumeuse chaîne des Alpes, par l'évocation de laquelle s’achevait cette grandiose chronique du maître auvergnat. Prenons de la hauteur avant de conclure : « L’auto nous montre la terre vide. Sauf d’autos. Et avec l’avion, il n’y a plus ni vaches ni papillons ; ni d’autos : il n’y a plus que les Alpes et des masses vertes. La terre est minéralogique. Dubuffet en ne la voyant que telle, la voit exactement comme elle est. » L’homme, achevait Vialatte, existe à peine. Il n’y a pas de quoi étonner la vache.
Voilà une pensée pénétrante, sur quoi méditer durant le jour. Une pensée pas pour des nèfles, en somme. A glisser dans son agenda, entre Zitrone et Spinoza.
Et c’est ainsi qu’Alexandre est grand.
Dubuffet : Vache au nez subtil
06:49 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : vialatte, spinoza, zitrone, philosophie, littérature, dubuffet, peinture |
jeudi, 15 avril 2010
Gunther Anders 56
Il est des textes qui laissent songeur. Ainsi celui-ci, de Günther Anders : « Le monde comme fantôme et comme matrice – Considérations philosophiques sur la radio et la télévision » Il a été publié en 1956. J’avais un an. Et vous, combien ? Tout ceci me laisse songeur. Devant tous les fadas de la responsabilité, de la culpabilité, je me demande : quelle chance, déjà, nous laissait ce brave new world qui nous mordait au vif avant même que nous ne sussions parler…
11:04 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : gunther anders, philosophie, littérature, post-modernité, images, écrans |
mercredi, 10 mars 2010
Pour saluer Paul Virilio
« La nature de l’échange change, aussi bien dans sa dimension interpersonnelle que dans celles des moyens de diffusion de masse. L’informatique (au sens de stockage instantané des divers types d’informations) a fondamentalement modifié la signification de l’information. Aucune, désormais, ne peut être neutre ou sans valeur dans une époque systémique où le fragment prend son sens de l’ensemble. Puisque la nouvelle la plus banale est indispensable à la perfection structurale du système, il faudra désormais exploiter la banalité comme on exploitait l’originalité, l’exceptionnel, le bizarre… Nous serons donc inévitablement épiés, testés, écoutés, soupesés, reniflés, sondés… et ce sera moins notre personnalité qui intéressera l’interlocuteur que le détail sans importance que nous lui apporterons, fragment qui en prenant place dans l’ensemble systémique, le complètera comme un puzzle, un puzzle jamais terminé d’ailleurs. Un peu comme ce collectionneur qui possède toutes les pièces d’une collection à l’exception d’une seule, et ressent ce manque comme une imperfection, l’Etat recherchera auprès de nous avec une fébrilité toujours plus grande la pièce manquante que nous pourrions lui refuser, sans même le savoir le plus souvent. Voilà la dernière conversation, la vérité n’est plus qu’un piège. Comme l’excès modifie le sens des actions, celui de l’Etat moderne pervertit la vérité des rapports sociaux. L’excès est désormais dans les gestes les plus ordinaires, dans la quotidienneté le plus simple, il nous faut maintenant nous méfier de ce qui n’était rien. En période d’outrance, d’excès généralisé et totalisé, il n’y a plus de vices ou de vertus, tout est foncièrement vicié, la disparition même de la guerre comme de la paix au profit de la crise est bien significative, ici, d’un bouleversement dans le statut social. »
Paul Virilio. La délation de masse, U.G.E. 10/18 cause commune, n° 1, 1975, p 38-40
Ces lignes furent écrites en 1975... Il y a quelque chose de la lucidité de cet homme avec quoi je me sens en réelle empathie. Autre chose devant lequel j'éprouve une certaine réserve. Comme si cet optimisme qu'il évoque à la fin de cette video ne me paraissait que rhétorique. Mais qu'importe. Pour saluer Paul Virilio, 9 minutes et quelques d’intelligence avec lui, évoquant « l’université du désastre » :
Interview de Paul Virilio
envoyé par obole_le_nain_malin. Enregistrement de janvier 2009
20:06 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : paul virilio, l'université du désastre, société, philosophie |
dimanche, 13 septembre 2009
Votre astre existe
Hanna Arendt considère que l'invention du télescope fut un événement au moins aussi important que la découverte de l'Amérique ou que la Réforme religieuse. Avec cet instrument révolutionnaire, en effet, l'homme européen pu envisager l'espace terrestre non plus seulement en demeurant la victime de l'illusion de ses sens, mais à partir d'un point abstrait, situé dans l'univers et mathématiquement déterminé par sa raison. L'invention du télescope aurait ainsi permis le transfert du point d'Archimède, grâce auquel on pouvait décrire et comprendre le monde, de l'expérience sensible à l'analyse scientifique : L'astronome détrônait ainsi définitivement l'astrologue en tant que figure d'autorité incontournable. Ce qu’on retrouve en effet dans la lettre du bon Gargantua à son fils, dès le Pantagruel de Rabelais : « de l’astronomie sache-en tous les canons ; laisse-moi l’astrologie divinatrice et l’art de Lullius comme abus et vanité ».
La Banque de France a toujours tenu à honorer les scientifiques. Dans sa dream team, elle ne célèbre pourtant qu'un seul astronome : Urbain Leverrier, né le 11 mars 1811 à Saint Malo, et célèbre pour sa participation à la découverte de la planète Neptune dont on commémora, en 1946, l'anniversaire du centenaire par la création d'un billet. Urbain Leverrier (1811-1877), mathématicien français alors âgé de 35 ans, avait en effet remarqué un certain nombre de perturbations apportées à la trajectoire de la planète Uranus. Il en avait déduit l'existence d'une planète hypothétique. Ne disposant pas de télescope, il envoya à un collègue astronome allemand du nom de Galle les données nécessaires pour la repérer.
« Votre astre existe », lui répondit, enthousiaste, ce dernier, dans une missive pieusement conservée depuis à l'Observatoire de Paris, après avoir découvert, à quelques secondes près de l'emplacement signalé par Leverrier, une nouvelle planète. C'était Neptune. Dans les mois qui suivirent, l'astronome français fut honoré dans toute l'Europe, sujet de nombreux articles scientifiques, et décoré par de multiples médailles ou récompenses. En 1853, il prend la direction de l'Observatoire de Paris, qu'on devine au loin derrière son effigie sur le billet de Robert Poughéon. L'originalité de cette série Poughéon (voir également le 500 francs dédié à Chateaubriand) est le format, basé sur la règle harmonique du nombre d'or de Pythagore.
Sur le verso, on découvre un Neptune au ventre plat et au corps d'éphèbe haltérophilisé. Il porte encore barbe blanche et trident, comme le réclame une certaine tradition. Mais par bien des aspects, l'Ebranleur du Sol - ainsi le surnomma Hésiode - cède à la modernité. Paresseusement assis (ou plutôt vautré) sur deux dauphins, comme on le serait sur un sofa, dirait-on pas le patron d'un bordel d'après-guerre, surveillant d'un œil amusé ses deux maîtresses, Vénila et Salacria (l'une incarne l'eau qui vient du large et se répand sur le sable, l'autre celle qui va du rivage à la haute mer ) ? A moins qu'il ne songe dans quel farniente il passera la journée du lendemain, l'œil distraitement rivé à un programme-télé quelque peu ennuyeux ? Derrière lui, un enchevêtrement de signes du zodiaque, bleuâtre et confus. Cette coupure, qui circula du 14 mars 1946 au 7 juin 1951, fut la dernière de ce montant-là en anciens francs, montant pour lequel on ne jugea plus nécessaire d'imprimer un billet, tant il ne représentait plus grand chose en terme de pouvoir d'achat. On ne retrouverait cette somme que onze ans plus tard, mais cette fois-ci en nouveaux francs, avec le billet consacré à Racine, et édité un autre 7 juin, en 1962.
19:22 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : neptune, urbain le verrier, billets français, astronomie, pantagruel de rabelais, littérature, philosophie |
vendredi, 04 septembre 2009
Palante et l'individualisme
On doit à Stéphane Beau, la réédition chez 1001nuits (octobre 2007) de deux petits essais de Georges Palante, La sensibilité individualiste et Anarchisme et individualisme. Georges Palante, tous les lecteurs de Louis Guilloux le savent, fut le philosophe qui lui inspira le personnage de Cripure du Sang Noir. La rencontre des deux hommes date d’octobre 1916 : Louis Guilloux, alors pion dans le lycée de Sant-Brieuc, lisait la Fin du voyage de Romain Rolland quand le professeur de philosophie, Georges Palante, s’approche et demande au jeune homme s’il consentirait à lui prêter le volume.
Le lendemain, Guilloux porta lui-même le livre chez le professeur. L’amitié naquit.
« Je considère Palante comme mon premier maître ». « Je ne puis imaginer ma personnalité distincte de la sienne » : Dans ses Souvenirs sur Georges Palante et dans L’Herbe d’oubli, Louis Guilloux a souvent rendu compte de sa dette : lui et Palante avaient des «vues communes sur la vie sociale». Dans un dialogue intérieur plein de sérénité, il avoue à celui qui fut le modèle de Cripure : « Ce personnage, ce n’était pas lui, mais nous, lui et moi », ajoutant à l’adresse de son ami suicidé : « tes ennemis ont toujours été les miens ».
Ceux qui se sentent également floués par le socialisme délétère des années quatre-vingts, l'écologie bavarde et électoraliste ainsi que le libéralisme planétaire qu’il aura contribué à mettre sur le trône depuis le début du vingt-et-unième siècle, ceux que ne satisfont ni l’égalitarisme aussi démagogique que nauséeux de la « gauche » ni l’affairisme marchand et revanchard de la « droite », et qui se demandent de quelle façon, tirer leur individu du naufrage collectif verront une planche de salut dans la philosophie individualiste prônée par Palante.
Cet individualisme, le philosophe en dessine les contours dans une résistance de chaque instant aux idéologies dominantes, un vif besoin d’indépendance, un amour pour la culture et la paix, un pragmatisme lucide devant la nature humaine et la société des hommes. Il n’est à confondre ni avec l’égoïsme primaire, ni avec la défense de ses seuls intérêts, ni avec l’anarchisme utopique, ni avec le volontarisme syndical.
C’est avant tout, affirme Palante qui cite abondamment Amiel, Constant et Stendhal, une sensibilité qui affirme l’unicité du moi et se déjoue de toutes les utopies susceptibles de le corrompre. Ces deux textes courts et lisibles de tous, pour la modique somme de 3 euros, constituent donc une introduction accessible à tout lecteur désireux de pénétrer l’œuvre et la pensée de ce philosophe injustement mis à l’index durant tout le vingtième siècle. Merci à Stéphane Beau, dont le site le Grognard est en lien ici, pour cette ré-édition dont la rentrée 2009 doit garder le souvenir.
Liens à suivre : Georges Palante, un précurseur oublié de la sociologie de l'individu, par Stéphane Beau
19:51 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : georges palante, stephane beau, philosophie, littérature, la sensibilité individualiste |
mercredi, 06 mai 2009
Le banc des philosophes
Rêve-t-on encore sous les tilleuls et les marronniers de l'allée d'Argenson ? Sur le banc des philosophes, on ne s'entretient plus guère avec soi-même, "de politique, d'amour, de gout ou de philosophie". Politique, amour, gout, philosophie sont devenus trop techniques pour n'avoir pas perdu le rêve. Les comédiens, eux-mêmes, ont remisé la jolie pantomime. Ils ont bouffé le Paradoxe jusqu'à plus soif, jusqu'à plus faim, et jusqu'à plus douleur. Et dans des cours de théâtre aussi techniques que des ateliers d'écriture, fifils et fillettes de famille sont devenus techniques, techniques, techniques jusque dans l'improvisation. N'importe quel oblibrius, n'importe quel olibria, pourvu que son papa ou sa maman lui paye quelque cours et ait quelque entregent, finit ainsi par se retrouver capable de lustrer son nombril en faisant quelque joli sourire à un parterre désoeuvré qui l'applaudit. La petite Hus et le gros Bertin se seront bien reproduits et les suceurs de micros auront foutrement bien clôné le monde. Les Lumières brillaient jadis par leur liberté de ton ; quelques rayons captés à la va-vite et conservés dans du formol furent suffisants pour bâcler une idéologie du progrès démocratique dont nous crevons tous en baillant, technologiquement vôtre. Rameau, Rameau, nous manquons terriblement d'insolence véritable, nous en crevons même. Méritons-nous mieux que notre président qui ressemble à Louis de Funes et sa première dame dont le postérieur circula par les écrans du monde, aussi vite que la lumière, nous qui défilons en cortèges, sous des ballons ? La politique c'est technique, comme le syndicat, comme le mannequinnat, comme la révolte, comme tout le reste.
"J'entends, dit le neveu de Rameau à la fin du dialogue, la cloche qui sonne les vêpres de l'abbé de Canaye"; Invariablement fixée à six heures, la représentation de l'opéra était, du temps de Diderot, ainsi annoncée dans les jardins du Palais-Royal, une demi-heure avant le lever de rideau. C'était aussi l'heure des vêpres que, selon Louis Sébastien Mercier, le beau monde appelait "l'opéra des gueux" : entre les deux, cet abbé avait fait son choix. Hélas, à l'opéra comme à la basilique, j'ai peur de ne trouver à présent que les colifichets de la société du spectacle : à l'heure des pandémies intellectuelles annoncées, tout se transmet et se retransmet, et l'on n'entend plus guère sonner les cloches au pays des écrans, pas plus qu'on n'entend venir les virus dans celui des masques en cellulose. Dans la pâleur du lieu commun, nos pensées ne sont plus nos catins, mais nos légitimes.
09:28 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : palais-royal, banc d'argenson, neveu de rameau, littérature, philosophie, denis diderot |
lundi, 27 avril 2009
Du monde vraiment commun
Fragmentation de chacun devant la fortune, devant le destin, devant la culture et devant la santé. Depuis que nous ne constituons plus un peuple, n’avons-nous pas toutes les raisons de nous méfier les uns des autres ? Le potentiel pandémique du virus de la détestation d’autrui n’en est qu’à ses premiers balbutiements dans la mise à sac du monde commun. Pour résister à ses assauts, la raison est insuffisante et l’amour est improbable. Peut-être le vieil instinct de l’espèce, vieux réflexe de civilisé, encore que l’individu planétaire l’ait, en son sein, au neuf-dixième corrompu…
Demeure le sentiment de la nature, antique feinte de l'humanité, sur une planète déjà bien dévastée...
05:45 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pandémie, épidémie, société, philosophie, littérature, absurdité |