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vendredi, 11 février 2011

Ecole, la servitude au programme

 

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Notes et morceaux choisis, numéro 10 vient de sortir avec ce titre éloquent :  La servitude au programme. Le numéro se compose de deux articles de Florent Gouget. Dans le premier (L’école à l’époque de son reconditionnement technologique), il se penche sur le rapport Fourgous, du nom d’un haut fonctionnaire, dont le titre Réussir l’école numérique est en soi tout un programme et qui a été remis à Luc Chatel en février dernier. Dans le second ( Impuissance de la critique : un cas d’école) il critique un ouvrage de Charlotte Nordmann paru en novembre 2008, La Fabrique de l'impuissance 2. 

 

Dans ces deux articles à la fois brillants et pertinents, Florent Gouget constate les dégâts opérés par l’introduction massive et irraisonnée des nouvelles technologies depuis une quinzaine d'années dans les écoles, les collèges et les lycées, et anticipe sur ceux qui, dans la foulée, risquent d’arriver. Il démontre brillamment que si l’ancien système scolaire, si décrié par les modernistes de droite comme de gauche, basé sur « l’enseignement des humanités et la maîtrise du raisonnement qu’il permettait d’acquérir » autorisait sa propre remise en cause, « il n’y a plus rien de la sorte à attendre de celui qui s’est mis en place », basé sur la participation de chacun au partage numérique des savoirs et sur la soumission de tous à la technologie. L’école numérique telle que les ministres successifs de l’éducation nationale l’ont souhaitée n’est plus, en effet, « une simple idéologie  susceptible d’être combattue avec les outils qu’elle fournit », mais une « idéologie matérialisée » portant en elle « le discours qui la justifie ».

 

Le fait est que depuis que les technologies dites de l'information et de la communication ont été introduites au galop, dans les écoles comme dans le reste de la société, on n'a jamais pris le temps d'évaluer correctement leur pertinence pédagogique;  les conséquences de leur emploi sur l’apprentissage des élèves (notamment en matière de maîtrise de la langue) ne l’ont jamais été non plus. La France, de gauche et de droite, comme d'ailleurs le reste des pays occidentaux, s’est contentée de réciter le catéchisme de l’OCDE.

Quant à la critique de cette évolution, comme le précisent les auteurs de l’éditorial, elle demeure taboue « y compris chez ceux qui se disent volontiers anticapitaliste, car sans les gains de productivité promis par l’accroissement sans fin de la puissance informatique comment espérer financer les retraites la sécu, l’assurance-chômage ? Les ravages provoqués par ces gains de productivité ont beau s’intensifier,  l’espoir de les voir enfin profiter durablement à l’humanité souffrante persiste. »

 

Un court extrait du premier article :  

« Que la dépendance à l’égard de la machine soit considérée comme une source de liberté n’est en outre pas sans incidence sur la conception du savoir et celle de sa transmission. D’après le rapport Fourgous, (1) la civilisation du numérique permet de passer d’une société et d’une intelligence individuelles à une société et une intelligence collaboratives  (« nous savons ensemble) puis collectives (« nous savons ce que les autres savent »).  Je peux le trouver sur Wikipedia, donc je sais. Et comme d’après Jimmy Wales, l’un des fondateurs de la fameuse encyclopédie en lignes, « si ce n’est pas sur Google ça n’existe pas » le pas est vite franchi de considérer qu’un accès à internet garantit la connaissance universelle.

Outre que les idées d’appropriation et de maturation progressive du savoir sont totalement étrangères à ces nouvelles conceptions, elles officialisent le ravalement du savoir au rang d’information. Gageons que de la même façon que le flux continu d’informations délivré par les mass media ne permet pas d’en retenir grand-chose, l’école connectée, celle de l’école « multitâches », qui déclarent utiliser régulièrement plusieurs médias en même temps » contribuera fortement à mettre fin à l’acquisition individuelle des savoirs. On laisse déjà les connaissances glisser sur les élèves (bien plus qu’ils ne surfent sur elles) sans qu’ils s’en imprègnent, en affirmant que l’essentiel est la « méthodologie ».  Après trente ans de réformes pédagogiques, nous touchons enfin au but : bientôt les élèves seront capables de trouver les réponses à un QCM sur Internet. »

 

(1)  Réussir l’école numérique, rapport de Jean Michel Fourgous, député des Yvelines, rendu public le 15 février 2010.

 

Ecole, la servitude au programme. Notes et morceaux choisis n° 10, bulletin critique des sciences, des technologies et de la société industrielle - Ed. La Lenteur.

Commentaires

"la maîtrise du raisonnement": (sourire) presque un mythe quand on regarde attentivement ce qu'est la pensée. que vaut un raisonnement basé sur des prérequis dont aucun n'est démontré?^^

"la soumission de tous à la technologie": la pensée est un outil aussi, une technologie; donc, rien ou presque ne change en ce domaine, seuls les outils de la soumission^^

"le ravalement du savoir au rang d’information": c'est de la prétention de dire que le savoir est autre chose que cela.

Écrit par : gmc | vendredi, 11 février 2011

@ GMC
Tout ça risque de nous emmener assez loin. Mais vous connaissez la différence communément admise entre le savoir (connaissances dans tous les domaines, transmises du passé) et l'information (faits contemporains dont on apprend la venue). Quant à la pensée-outil, ça reste une métaphore face au tout technologique.

Écrit par : solko | samedi, 12 février 2011

Les TIC ou TICE ne sont pas les remèdes miracles aux difficultés des élèves. A l'université, les moyens de communication, les outils numériques n'ont pas d'incidence sur les résultats des étudiants aux examens. Les professeurs comme les étudiants s'en apercoivent... Ils permettent au mieux d'intéresser davantage l'élève au cours.

Concernant Internet et l'enseignement, on n'évaluera bientôt plus l'apprenant sur ses connaissances mais plutôt à sa faculté d'utiliser les outils informatiques pour aller "chercher" l'information. La connaissance devient donc gadget , accessoire, le moyen d'y arriver deviendrait donc la finalité d'une évaluation ?

Écrit par : Upsilon | samedi, 12 février 2011

Vous rencontrez à l'université en ce moment la dernière génération à avoir eu un pied dans une école primaire sans ordinateurs. J'ai entendu un reportage l'autre jour sur un instituteur qui apprenait à lire des mots à ses élèves sur twitters.
"Le moyen d'y arriver" deviendra sans doute, oui, la finalité d'une évaluation...

Écrit par : solko | samedi, 12 février 2011

à chaque époque ses technologies, solko^^, vous souvenez-vous de celles-là?

http://www.youtube.com/watch?v=K9VerawwV_k

http://www.youtube.com/watch?v=yUQRbqc2qtY

Écrit par : gmc | samedi, 12 février 2011

Le livre est un objet fabriqué par la technique, GMC. Le livre n'est pas une technologie.
Il faudrait comparer l'ordinateur avec la presse à imprimer. Encore, la presse est un objet technique....

Écrit par : solko | samedi, 12 février 2011

vous rappelez-vous le passage de platon sur l'invention de l'écriture?^^

Écrit par : gmc | dimanche, 13 février 2011

Une idéologie, en effet, Solko. Dans nos collèges on débourse des dizaines de milliers d'euros pour l'acquisition de TNI (Tableaux Numériques Interactifs) censés être miraculeux...
Ces foutus "téhénnis" ne servent à rien, gadgets encombrants et couteux en maintenance qui demain seront démodés.
Propagande de merde, on bosse vraiment chez Ubu et l'autonomie des établissements et les pouvoirs accrus donnés aux petits chefs qui les gouvernent n'ont pas fini d'accélérer ce désastre joyeux joyeusement technologique.
Plus de saletés technologiques tandis que l'école se vide peu à peu de ses humanoïdes enseignants et du peu d'esprit critique qu'ils pouvaient encore conserver.

Écrit par : Tanguy | lundi, 14 février 2011

Et je disais aussi : très bonnes vacances à vous, Solko.

Écrit par : Tanguy | lundi, 14 février 2011

Former des élèves à devenir utilisateurs de machines, voilà à quoi j'en suis réduite. Je m'y oppose dans la pratique mais je dois rester discrète car la hiérarchie interne qui s'est établie entre les enseignants (quel nouveau nom va-t-on leur donner, puisque enseigner est devenu suspect ?) pourrait me dénoncer. Je dois déjà essuyer les remises en cause parentales lorsque ceux-ci découvrent que leur enfant doit apprendre une leçon par coeur. Non, je ne plaisante pas.
Je souhaiterais savoir si ce numéro fait également état du déploiement des plateformes numériques comme organe de contrôle des personnels.
A me relire, on croirait que j'ai cédé à la théorie du complot. Mais je crois ne pas me tromper, 1984 est de loin dépassé.

Écrit par : Violette | mardi, 15 mars 2011

Les commentaires sont fermés.