Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 15 octobre 2007

Vous avez dit artistes ?

 « A notre époque, des millions d’homme vivent et souffrent le déchirement, au fond d’eux mêmes, entre une culture qui se meurt et une culture qu’ils détestent et désirent tout à la fois parce qu’elle offre la voix de la puissance et de l’opulence », écrit Raymond Aron en 1982, dans l’épilogue de ses Mémoires. Une ou deux pages plus loin, il se demande s’il regrette de n’avoir pas été le Kissinger d’un Prince. Mitterrand, il est vrai, vient d’être élu président.

Et voici que, vingt-cinq ans plus tard, c’est à dire un quart de siècle, cette même phrase de Raymond Aron résonne sans doute dans beaucoup d’esprits. Vingt-cinq ans ! Un quart de siècle : ce déchirement, au fond, l’Occident a-t-il fait autre chose que l’amplifier, jusqu’à faire de lui à la fois une politique, un mode de vie, un marché, un spectacle ?  Déchirés ! Le virtuel a si bien imposé la toute puissance de sa loi qu’on ne parle sans doute plus aujourd’hui d’une culture qui se meurt, mais d’une culture morte.

N’est-ce pas dans ces mêmes années 80 que Tadeusz Kantor concevait son spectacle Qu’ils crèvent, les artistes ? Ils sont crevés. C’est fait. Comble de disgrâce, le troupeau de ceux qui sont venus cracher sur leurs tombes est formidablement formaté. Artiste : le terme convient aussi bien à une actrice porno qu’à un joueur de rugby, à un lycéen inscrit dans un club-théâtre qu’à une retraitée membre d’une chorale, à un designer qu’à un couturier, un sculpteur, un photographe, un mannequin, un humoriste, un chroniqueur politique, voire même un politicien : Artistes, le serions-nous tous devenus par droit inaliénable, dans l’ère post-moderne ? Puisque d’après un tube détestable de la fin du siècle dernier, nous aurions tous voulu en être un, cette nouvelle culture qui offre l’opulence du virtuel à tous nos désirs, fait de nous, de festival en événement, ses concepteurs autoproclamés. Auto satisfaits. A une seule condition : que nous ignorions, que nous oubliions, que nous méprisions  le foutu déchirement dont parlait Aron. Que nous l’effacions, le gommions pour devenir, sinon libres, lisses. Sinon créatifs, collabos. Sinon contemporains, cons. Sale époque, du subversif érigé partout en académisme, de l'art pour tous, de l'art de tous, de l'art par tous !

 

16:30 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raymond aron, artistes | | |

Les commentaires sont fermés.