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mercredi, 20 mai 2009

La joie du pessimisme

 Celui qui est pessimiste est-il nécessairement triste ou morose ?  Le pessimiste accueille la lucidité sans forcément subir le joug de la morosité. Il refuse en tout cas de s’aveugler ou de se divertir, c'est-à-dire de se laisser détourner de ce qu’il comprend de l’état des choses et de celui du monde par la facticité des événements, la superficialité des propos, la fatuité des opinions qui l'entourent. On peut être pessimiste et cependant joyeux, comme on peut être optimiste, et cependant morose. 

Je ne crois pas que la France soit un pays en bonne santé. Je le déplore. Car je l’aime. Je ne crois pas non plus que l’Europe, cette mosaïque de résidus de nations et de peuples, soit un projet bien porteur. A quelques jours d’une élection, je ne me demande même plus pour qui voter : la gauche dite extrême, en tête de ses quatre propositions, place en n° 1 celle de « mettre un carton rouge ( !) à Sarkozy ! ». Quel projet pour des européennes, à la hauteur de la nullité des débats et de la démagogie désabusée de ceux qui les portent, de Mélanchon au facteur en passant par le clone d’Arlette et la survivante du PC. Les deux dames du PS, mairesse et présidente de région, ressemblent de plus en plus à des chefs d’entreprise, copies conformes à ce qu’on est de toute façon dans toute l’Europe libérale et bien pensante, que leur parti a fortement contribué à mettre en place (Maastricht sous les auspices de  Mitterrand…). Et les petits soldats de l’UMP respirent par tous les pores de leur peau la technocratie qu’ils font mine de condamner, la duplicité électoraliste autant que carriériste. Sur cet arrière-plan se profile la silhouette de Bayrou et sa posture de cavalier seul : encore un jeu individuel. Quant à la droite nationale et à ses listes en tous genres, elle ressasse et mouline, sur l’orgue de barbarie qu’elle condamne, la même partition que les autres, mais en sens inverse. Cette Europe est, en effet, un fiasco. Comment s’étonner, après le désaveu  scandaleux du référendum par Sarkozy et tous les ténors du PS, que les gens fort divers qui ont dit non à 55 % à ce système il n’y a pas plus de cinq ans (dimanche 29 mai 2005), aient envie d’aller déposer un bulletin dans l’urne un dimanche de plus, comme ils iraient à une messe, ni de s'intéresser à des débats resucés autant qu'inutiles ?

La machine à propagande tourne à fond sous les moulins à vent médiatiques (Obama et Michèle, derniers en date, comme si  Yes we can, au pays de Montaigne, était une pensée !), assistée par  la machine à endormir (foot et variétés). Le spectre de la fin des libertés rôde sur cette société d’incultes et d’impotents. Et tous les romanciers ou intellectuels, en tout cas ceux qui sont médiatisés et dont les œuvres sont distribuées, se font les complices putassiers de ce système : la lecture par Arielle Dombasle d’un texte de Marguerite Duras dans des Assises internationales du roman à Lyon dans quelques jours  me semble être la parfaite caricature de ce qu’est devenue en effet la vie intellectuelle dans ce malheureux pays. Nous savons tous, par ailleurs que, sur Internet, Edvige et Facebook sont des enfants jumeaux, que la crise économique et la grippe porcine ou mexicaine, (comme si ça avait soudainement une importance, les mots !) ont de beaux jours devant elles avec les milliers de gratuits distribués chaque jour aux bouches de métro…

Voilà pour le pessimisme.

Ce qui est extraordinaire, c’est que malgré tout ça, on puisse en effet s’enchanter de la qualité de la lumière sur la ville certains soirs lyonnais (Lugdunum, oui, cela vient de lux, lucis – la lumière). Et puis aussi se nourrir de la relecture du Neveu de Rameau (inépuisable, ce texte) ou de celle du Journal de Bloy (de bons coups de pieds au cul contre l’endormissement), ou tiens, pour se la jouer dans l’air du temps-comme tous ces cons qui ont l’air soudainement d’apprécier le classicisme vomi par les sbires de l’OCDE  – celle de la sublime, en effet,  Princesse de Clèves.

S’il y a dans la France quelque chose qui tiendra bon, comme dans d’autres vieux pays, du  genre de la Russie ou de l’Italie, c’est bien sa littérature.

Et pour finir  avec une idole de la bien pensance contemporaine, je rappelle un de ses versants joyeux, moins rose que celui des restos du cœur, et malheureusement plus oublié :

 

affiche coluche.jpg

Commentaires

Jolie ! la note sur Lugdunum ! lux, lucis ! ;-)
(A part ça, tout va mal ;-(on dirait)

Bonne roisée.

Écrit par : frasby | mardi, 19 mai 2009

Je suis une pessimiste et je crois que c'est un proverbe africain qui dit:
"Si les élections devaient vraiment changer les choses, il y a longtemps qu'elles auraient été interdites."
Mon émerveillement actuel comme à tous les printemps: les hirondelles et les pâquerettes des pelouses municipales qui après chaque tonte se dépêchent de réapparaitre.

Écrit par : La Zélie | mercredi, 20 mai 2009

"Ne pas mourir de la mort d'un monde."
Voilà, par cliché interposé, résumer l'enjeu et comment renverser le pessimisme en optimisme.
En tout cas, votre texte est, une nouvelle fois, d'une parfaite éloquence.

J'espère que le taux d'abstentions à cette nouvelle mascarade sera historique.
L'abstention est un acte politique, pas une posture de pêcheurs à la ligne, selon un autre cliché :

"Si tu donnes ta voix, tu perds la parole".

Écrit par : Bertrand | mercredi, 20 mai 2009

Vive la Chine
Vive Cuba
vive la Birmanie
vive les dictatures qui épargnent aux gens de voter.
Moi non seulement je voterai mais j'ai fait une procuration car je serai absente.
Je suppose que je suis une vieille ringarde bien-pensante
et j'en rajoute une couche
je crois toujours à l'Europe !
Il est vrai que je suis allée hier à une rencontre plein de bien-pensants puisque c'était à la Faculté catholique de Lyon.

Écrit par : Rosa | mercredi, 20 mai 2009

@Rosa: l'écrit de Solko m'a fait penser à ce proverbe africain mais je suis pour le respect de ce droit et devoir.
par contre je m'interroge sur les résultats des élections depuis très longtemps, correspondent-ils aux voeux des électeurs, est-ce que les élus font leurs travail d'élus dans le respect de leurs électeurs?Je me permets d'en douter fortement.
C'est pourquoi je suis une pessimiste avec des petits bonheurs simples!!!!!!!!!!!

Écrit par : La Zélie | mercredi, 20 mai 2009

Ca va mal mais ça pourrait être encore pire.
Moi, j'suis malade d'espérance.

Écrit par : Zabou | mercredi, 20 mai 2009

Espérant, pour aller dans le sens du billet "De l'art de citer" ici publié, faire bon usage d'une citation, j'ajouterai la suivante : "il faut avoir le pessimisme de l'intelligence et l'optimisme de la volonté" (Antonio Gramsci, "Lettres de prison")

Écrit par : Le Photon | jeudi, 21 mai 2009

Rosa, bien-pensante, modérée, réfléchie, a quand même toujours l'art de déguiser sous un ton de bon aloi démocrate, des insultes à peine voilées, presque haineuses
Parce que réclamant l'abstention, Madame, je n'ai jamais crié vive Cuba, la Birmanie ou autres dictatures.
Je prends vos mots pour des insultes à mon égard et les mets, pour éviter de vous répondre sur le même ton, sur le compte de votre sottise.
Vous devriez apprendre, s'il en est encore temps, à un peu de respect pour ceux qui ne voient pas le monde au travers de le prisme déformant de vos petites binocles.
Les dictatures, Madame, vous n'avez dû les lire que dans les gros titres des journaux . Alors, de grâce, taisez-vous sur le sujet.
Pitoyable.

Écrit par : Redonnet | jeudi, 21 mai 2009

J'aime beaucoup ce billet. Moins sa fin, toutefois.
Coluche ne m'est sympathique que de ne s'être finalement pas présenté. Et maintenant, une génération ensuite, il y a ce gros imbécile de Dieudonné...

Écrit par : Pascal Adam | jeudi, 21 mai 2009

@ Frasby :
De fait rien ne va très bien (hormis cette lumière).
Et qui pense sérieusement, dans une société aussi massifiée, standardisée que la nôtre, que la propagande peut cesser, la presse renaître de ses cendres, l'art se libérer du marché, la littérature cesser d'être un jeu ou une occupation comparable à la pratique des mots croisés, l'éducation nationale revenir à plus de rigueur dans ses orientations... Etc... Etc...
Sous cette belle lumière, les carottes sont cuites, ma chère Frasby.

Écrit par : Solko | jeudi, 21 mai 2009

@ Zélie : J'aime beaucoup votre proverbe africain...

Écrit par : Solko | jeudi, 21 mai 2009

@ Bertrand :
"Ne pas mourir de la mort d'un monde" : oui, c'est en effet cela. L'exil devient une réalité pour un peu tout le monde. A chacun de nous de le rendre heureux. Cela dit, ce que devient le monde commun reste déplorable. Il faut donc apprendre à ne pas s'en attrister outre mesure.
Merci de vos interventions.

Écrit par : Solko | jeudi, 21 mai 2009

@ Rosa :
Ton argument de "l'isoloir ou de la dictature" n'en est plus un dans la société actuelle. Voir ce que j'en pense plus bas (Lieux Communs n°1) dans la colonne de droite. L'asséner de façon péremptoire, - tu n'es pas la seule à le faire - me laisse, pour ma part, de marbre.
Quant à l'Europe de Jean Monnet , elle n'est qu'un compromis historique récupéré par le marché : comment peut-elle devenir un objet de croyance ? Et quel rapport a-t-elle avec cette vieille Europe dont nous sommes tous, celle des humanistes, et dont elle se revendique de façon scandaleuse et manipulatoire, quand son unique travail est d'en détruire méticuleusement toutes les traces culturelles ? Il n'y a qu'à regarder ses billets, on a tout compris...

Écrit par : Solko | jeudi, 21 mai 2009

@ Le Photon : art de citer, bon usage et pessimisme de l'intelligence : merci de ces clins d'œil. Ce que dit Gramsci est d'une justesse impeccable sur le plan individuel.

Écrit par : Solko | jeudi, 21 mai 2009

@ Pascal :
Il y a les hommes et leur légende. Leur récup', surtout. Coluche, de toute façon, n'a jamais pensé à se présenter réellement. Du moins cela m'étonnerait. Le portrait qu'il dresse du personnel politique de l'époque (Giscard, déjà, père de la constitution européenne...) et du panier de crabes des partis reste plus que jamais d'actualité. La démarche de Dieudonné est très différente. Pas d'amalgame Mais Coluche est le prototype que tout le monde veut récupérer (voyez les restos du coeur, et la bande des gauchos).

Écrit par : Solko | jeudi, 21 mai 2009

@ Zabou : D'espérance dans cette Europe ?

Écrit par : Solko | jeudi, 21 mai 2009

@ Solko : oh que non... d'espérance "tout court", d'espérance... "quand même" !

Parce que, pour le bulletin dans l'urne de "cette Europe-là" (enfin, par machine électronique chez moi), ce sera sans grande conviction et je ne sais encore ce qu'il y aura d'inscrit dessus ni même s'il y aura quelque chose dessus.

Écrit par : Zabou | jeudi, 21 mai 2009

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