dimanche, 31 janvier 2016
Contrition
On a souvent eu l’occasion de dénoncer ici-même la religiosité républicaine avec son credo de « valeurs humanistes », ses processions & rassemblements de gueux endeuillés ou indignés, ses lumignons tremblotants pieusement déposés au pied de statues d’allégories, ses somptueux palais historiques peuplés d’évêques aussi insignifiants que lénifiants qu’ils fussent mâles ou femelles, son Panthéon de faux-prophètes et son calendrier qui, de Conseil des ministres en réceptions onéreuses de chefs d’Etat, de propagande télévisée en grandes messes électorales, organise imperturbablement sa liturgie de 4’sous. Une religion creuse, sans dieu, sans transcendance, sans amour, mais dont l’entretien coûte aux contribuables le prix d’au moins quatre ou cinq clergés pour un spectacle aussi indigne que inadapté à force d’avoir trahi sa légende initiale.
A cette pantomime lugubre [et au sens propre, sacrilège] il manquait la contrition : avec (parmi tant d’autres) le livre de Sarkozy, c’est chose faite : « Je confesse à la bienheureuse France, à la Sainte Opinion et au Peuple Tout-Puissant mes erreurs et mes fautes, en quête d’absolution que je me trouve pour une nouvelle élection... » Cette culture de l’excuse, comme l'appellent les commentateurs les plus originaux de nos ondes, nous vient en droit fil de l’Amérique protestante. Elle connut sa plus hilarante manifestation avec le président Clinton confessant publiquement la trahison de sa blonde épouse, que ce pays ridiculement magnanime s’apprête à élire à sa place quelques mandats plus tard dans un grand élan de charité paritaire et démocratique.
La reconnaissance de ses péchés demeure, dans le catholicisme romain, un acte de piété incontournable d’autant plus difficile à réaliser que nous sommes tous viscéralement soudés au péché. Nous ne connaissons même en général que lui, pour être nés dedans, n’avoir fréquenté, aimé, admiré que des pécheurs, avoir sans cesse confondu ses routes avec celles du salut, encouragé en cela par tous ceux qui nous ont précédés et dont l’histoire se souvient dans le grand livre de ses mensonges. Nous aimons tellement le péché que, pour avoir accès au pardon, nous avons besoin de Quelqu’un qui non seulement ne l’aime pas, mais qui n’ait jamais été en contact avec lui. Ainsi, lorsque Jésus vient chercher Pierre dans sa barque, celui-ci tombe à genoux devant Lui et, dans un mouvement contraire à celui de son agenouillement, s’écrie : « Seigneur, éloigne-toi de moi parce que je suis un homme pécheur.» Viens et fuis… du fait que je te reconnais, je me sens indigne de toi et de ta grâce sanctifiante. Paradoxe du pécheur que Seule la nature aimante du Père peut lever.
C’est pourquoi toute véritable réconciliation ne demeure possible que par la miséricorde et dans la tendresse instituées par le Dieu trinitaire : un Père pardonnant, au nom des souffrances endurées par son Fils Unique, le pécheur soudain conscient de sa faute, grâce à l’opération du Saint Esprit. Parce que la contrition nait dans la douleur d’avoir offensé Dieu, cette douleur doit devenir plus intense que notre attachement au péché : un tel renversement (une telle conversion) n’est possible que par la conscience (que l’Eglise appelle surnaturelle) de la Bonté infinie de Dieu, de son Amour pour les hommes, et de Sa Profonde aversion pour le péché.
Je veux dire par là que toute contrition qui ignorerait cette douleur secrète (cette conversion) ne tiendrait que de la parodie : on voit ainsi comment tous les rites de cette religion d’inspiration maçonnique nous font exister dans une sacralité fausse qui n’est qu’une caricature de la vraie religion à laquelle elle emprunte en les vidant de sens tous ses sacrements. Mais au lieu de les appliquer au Bien Commun vertical qui est Dieu, elle ne peut les appliquer qu’à un Bien commun horizontal et prosaïque (res publica). Il y aurait certes quelque vertu romaine à demeurer de bons républicains si nous étions guidés par des chefs politiques honorables, valeureux et efficaces. Mais, fort éloignés hélas de ces augustes modèles, empêtrés que nous sommes dans une république fallacieuse destinée à n’être qu’une société du spectacle, cette religiosité laïque nous condamne, pour paraphraser Debord, à la séparation achevée d’avec toute vie authentique… On appelle cela l'égalité.
En glissant son bulletin d’absolution dans l’urne, l’électeur confesseur décidera donc en 2017 quelle est à ses yeux la plus grande faute morale: traiter un citoyen-électeur de pauvr'con ou bien installer sa gourgandine à Élysée avec la prétention d’en faire « la première dame de France « pour la remercier brutalement «de ce moment» quelques mois plus tard. A moins que ses lointains maîtres ne lui demandent de statuer sur le sort d’un escroc plus ancien, septuagénaire bordelais expert en fausses factures et emplois fictifs, mais repenti lui aussi dans son costume propret de sage et honnête troglodyte.
Dans le confessionnal laïc
14:13 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : république, laïcité, mea culpa, contrition, sarkozy, france, peuple, élections, repentance, clinton, jésus, pierre, pêche miraculeuse, sacrement, saint luc, debord, montesquieu, troglodyte |
mercredi, 03 juin 2015
Et ron et ron petit patapon...
Qu’un peuple se cherche un avenir de ce côté là :
Juppé, 1977, 31 ans, alors collaborateur de Chirac
dit mieux que quoi que ce soit l’état de déconfiture, de délabrement, dans lequel ses élites ont plongé notre pays. Un pays vieux au sein duquel la jeunesse est désormais minoritaire et condamnée à la boucler, crise oblige. Je me souviens avoir fait 3 semaines de grève, jadis, contre les projets libéraux de cet homme-là au sujet duquel l’Obs s’interroge désormais : Juppé sera-t-il l’idole des jeunes ? Le pays l’a viré alors sans perte et fracas, lui et ses grotesques jupettes au premier rang desquelles l’inénarrable Corine Lepage qui a toujours une cause à dénoncer, de son ton insupportable de grande bourgeoise taubiresque, qui sait tout et ne peut rien, plus ridicules toutes deux que la Philaminte et la Bélise de Molière .
Juppé ! Un homme que la gauche-bobo semble prête à introniser parmi ses sympathisants dès les primaires des Républicains, persuadée qu’elle en sera débarrassée au bout de cinq ans, au bout d’un mandat mou durant lequel elle aura repris un certain poil de la bête culturel, aujourd’hui bien abîme, pour faire passer de nouveau Hollande ou un de ses successeurs pour un type proche du peuple. Et ron, et ron, petit patapon… Un homme de droite ouvert, comme il le dit, un collabo europhile de la première heure qui travaillerait ensuite à l’élection d’un Valls ou d’un Macron mâle ou femelle pour assurer sa succession, comme le Mitterrand aura travaillé à l’Election de Chirac, et le Chirac à celle de Hollande. Mais si vous n’aimez pas Sazkozy, rappelez vous que Juppé l’antédiluvien vient encore d’avant lui, et que c’est lui et ses sbires à vocabulaire lisse et crânes d’œufs qui ont fabriqué Sarkozy. La trahison des élites, le vote confisqué, la France rayée de la carte par Maastricht, c’est lui. Quel peuple, qu’un peuple contraint à s’extasier de l’avancée démocratique que représente le droit à l’euthanasie ! dormez, braves gens, votez et mourez, braves gens, et ne dérangez plus l’Empire.
Dieu est le grand absent de leur gigantesque foire ; ne parlons pas de l’Eternité, demain, même, ils s’en contre-fichent car la courte vue est le moteur de leur cynisme. Et le Christ – ou du moins la pauvre idée qu’ils s’en font – demeure Celui qu’ils croient pouvoir continuer à ignorer in saecula saeculorum, en nous vendant en guise d’épices des valeurs républicaines dévoyées par des principes d’égalité entre les religions, principes parfaitement irrationnels, parce que jamais fondés sur des arguments théologiques solidement étayés. Le théologie, d’ailleurs, comme la littérature, l’art (autre que contemporain), l’Histoire, qui s’en soucie chez ces élites incultes et renégates ? Avez-vous remarqué comme ces gens qui parlent sans cesse de combattre la haine n’aiment pas, eux, n'ont jamais su aimer, méprisant même quiconque leur oppose la moindre résistance, quitte à avoir recours systématiquement, grâce aux lois iniques qu’ils ont fait voter, au pire des arguments, l’argument judiciaire ? Leurs dieux sont à l’Assemblée, au Temple ou au Panthéon, au stade ou sur les écrans. « De tels dieux nous sont apparus comme incapables de donner même des royaumes terrestres », écrivit Saint-Augustin à propos des ceux des Romains, auxquels notre vue basse n'a rien à envier. Quand je vois le nabot Hollande recevoir à l’Elysée ceux qu’on appelle, non sans ironie, les Grands de ce monde, il me semble que le spectre de Ballanche se penche sur mon épaule pour me murmurer à l’oreille que la France expie son crime de 93. Après Chirac, Sarkozy, Hollande, Juppé ! Une expiation en bonne et due forme, comme seule la Sainte Providence, à laquelle plus personne ne croit, sait arranger le cours…
20:45 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ballanche, saint-augustin, sarkozy, juppé, littérature, politique, presidentielle, france, sondages |
samedi, 20 septembre 2014
Le même et l'autre
L’un, à 13% dans les sondages n’ose plus trop parler aux Français. Il ne s’adresse plus qu’à des journalistes, tentant de leur resservir quelques blagues à la con et, la paupière basse, la voix dans les chaussettes, leur explique qu’il fait un job difficile et que c’est dur d’aller contre sa nature pour faire preuve d’un peu de fermeté dans une décision.
L’autre, bondissant du placard où l’avait remisé son échec, voudrait parler aux Français. Mais il ne s’adresse qu’aux militants de sa page facebook, pour leur resservir l’espoir d’un improbable sursaut et, le sourcil pointu, le menton volontaire, leur explique que, quand le devoir l’appelle, c’est dur d’aller contre sa nature pour faire preuve d’un peu de constance dans une décision.
Rester encore et revenir, contre vents et marées dans les deux cas : malgré les déculottées publiques, ça doit tenir de la drogue dure, l’or des palais et la fréquentation des Grands Merdeux de ce monde : l’autre et le même ou le même et l’autre, comme on voudra, une page politique qui refuse de se tourner, comme en son temps celle des Mimi-chichi jusqu’à la nausée, du grain à moudre pour les journaleux et, pour les électeurs, des avis d’impôts qui, malgré la phobie politique des contribuables continuent de grimper en descendant du national au local…
La queue pour la visite du prestigieux bordel républicain, le jour de la fête du patrimoine
11:12 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : hollande, sarkozy, fête du patrimoine, président, élysée, facebook, conférence, politique, france, impôts |
mercredi, 02 juillet 2014
Les limites de l'anti-sarkozisme
Pas envie de commenter l’intervention de Sarkozy dont je n’ai entendu que des bribes. Juste ceci : en France, donc, tout le monde serait pourri : les commerçants seraient des voleurs, les politiciens des salauds, les hommes d’affaires des véreux, les instituteurs et les curés des pédophiles, les profs et les chômeurs des fainéants, les avocats des baveux, les sportifs des dopés, les CRS des SS, les journalistes des menteurs, les patrons des exploiteurs, les pharmaciens des charlatans, les médecins des assassins... Mais, par une sorte de miracle républicain inexpliqué, les juges (spécialement ceux de gauche, ou écolos) seraient probes. L'intégrité faite chair ! C'est, semble-t-il, ce qu'on veut nous faire croire chez François et Manuel, qui ne jurent plus que par leur indépendance.
Je n’ai jamais eu affaire qu’indirectement à la profession, mais cela m’a suffi pour me faire ma petite idée. Car s’il est un lieu où les réseaux sont puissants, c’est bien au Palais– et pour cause: Les réseaux ne vont pas perdre du temps à infiltrer les milieux bouseux. Or l’apparente probité janséniste, érigée en mode de gouvernement, derrière laquelle Hollande cache son cuisant échec à l'Elysée, prétend le contraire. La justice propre,donc. Rions donc avec monsieur Petites Blagues, et faisons confiance !
L’antisarkozisme a été la seule arme de Hollande pour s’emparer du pouvoir. L’avantage, c’est que cela a suppléé un temps à son dramatique manque de charisme – et d’efficacité –. L’inconvénient, c’est que cela le positionne éternellement par rapport à ce prédécesseur dont il a besoin, à moins de n' exister vraiment qu’en creux. Hollande est resté un second couteau, même dans la victoire.
Aujourd’hui l’antisarkozisme ne suffira donc pas à mobiliser des troupes de gauche dispersées et de plus en plus rebelles; quant au sarkozisme, il aura du mal à séduire une majorité de droite que le mot affaires répugne autant que le mot divorce. Du coup, les sondages nous ressortent Juppé, un justiciable lui aussi, mais de l'autre siècle... Derrière ces fantoches prêts à tout pour sauver leur carcasse en 2017, la mise en spectacle du vide politique et du déclin du pays est vertigineuse. Donner raison aux abstentionnistes et essayer un quinquennat sans personne de 2017 à 2022, juste pour voir, et calmer les ardeurs des prétendants médiocres de tous les camps... L'Elysée désert, comme l'Orient d'Antiochus, cinq ans durant, oui ce serait finalement peut-être la solution...
23:35 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : hollande, sarkozy, brésil, coupe du monde, affaires, france |
vendredi, 21 mars 2014
Les gens de gauche
La France qui veut partir en guerre contre la Russie, sous le parapluie de Bruxelles et de l’Otan, le tout sous un gouvernement de gauche, ça a quelque chose de surréaliste et d’inquiétant. Il fut un temps où les gens de gauche appelaient aux manifestations populaires contre les interventions en Irak de Bush. Aujourd’hui, satisfaits sans doute d’être représentés par un pingouin à l’Elysée, ils ne disent rien lorsque ce dernier court derrière le héron de la Maison Blanche (oui, en ce moment, je vois des oiseaux partout). Tout au contraire, ils applaudiraient presque. Leur énergie, ils la passent à faire de la pub à l’ancien président qui n’en demandait pas tant et à jouer les vierges effarouchées parce qu’on les a traités de Stasi, eux qui voient des fascistes et des Pétain partout..
On ne les entend pas davantage s’inquiéter du traité transatlantique négocié en coulisses, avec, toujours, la bénédiction de leur pingouin. Ils ont eu leur mariage gay, ils sont contents, les gens de gauche. Ils n’en voulaient pas plus, et ils seront les premiers, les gens de gauche, tout en se prenant, comme leur canard Ayrault pour « la République », à vous expliquer-la responsabilité chevillée au double-menton- que 50 milliards à trouver, ça justifie qu’on revoit tous les fameux acquis, ou qu’on continue à travailler un peu plus pour l’impôt.
Voilà pourquoi il ne nous reste que trois solutions dimanche, pour rééquilibrer le Sénat dès cet automne et ainsi mettre un léger contrepoint à toute cette gabegie socialiste : le vote FN, le vote UMP ou l’abstention.
20:08 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : politique, sarkozy, hollande, municipales, vote, crimée, russie |
vendredi, 14 mars 2014
Pervers, dealer, voyou
Pervers, dealer, voyou : J’avoue que je ne vois pas quel intérêt des ministres en exercice ont à insulter constamment Sarkozy. Pics de pollution devant lesquels on ne fait rien, courbe de chômage exponentielle depuis leur arrivée au pouvoir, foyers de guerre entretenus et discours belliqueux, traité transatlantique préparé en catimini…. Cela ne fait en rien oublier leur naufrage aux affaires, et ne fait au contraire qu’en rajouter.
Songent-ils remonter ainsi dans les sondages en poursuivant ce qui n’est qu’un discours de campagne ? Ils apparaissent sur la défensive, alors qu’ils sont au pouvoir et que si la justice condamne l’ancien président, ils en seront d’autant plus dans une position de force. En revanche, si Sarkozy obtient un non-lieu, comme dans l’affaire Bettencourt, ils auront l’air fin, et donneront d’autant plus l’impression de s’être acharné contre lui ! Alors ? Amateurisme, comme Taubira brandissant elle-même sur tous les écrans du monde des feuillets qui la ridiculisent ?
Peut-être qu'il existe une pathologie de l'homme politique, que nous ignorons. Le spectacle finit, en tout cas, par être consternant. Apaiser le pays, avait promis Moi Président : même ça, qui relève du symbolique élémentaire, il n'est pas foutu d'y parvenir. Le printemps s'en chargea-t-il à sa place ? On se demande bien, dans ce cas, pourquoi on entretient si chèrement une aussi nombreuse et vaine classe politique, avec des impôts de plus en plus lourds pour chacun.
09:10 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pervers, dealer, voyou, sarkozy, socialisme, france |
mardi, 08 mai 2012
Le passeport bleu
Je me souviens qu’à l’école, jadis, on nous faisait dessiner des frises chronologiques. Pour le XIXème siècle, par exemple, on traçait clairement des zones franches et déterminées. De 1802 à 1815, c’était l’Empire. Napoléon et tous ses grognards en leur pré carré. A leurs côtés, Louis XVIII et Charles X, chacun avec ses propres dates, formaient un autre colis en deux parties qui nous emmenait jusqu’à 1830. On changeait encore de couleur. 1830-1848 : Ah, 48 ! La fin du grand rêve de 89, nous disait-on, avorté avec la mort de la Seconde République. Le commencement du grand roman hugolien. Le Coup d’Etat du Petit (déjà). Et puis le Second (Empire).Enfin, tout le monde voit le genre. Peut-être pas.
De ces frises colorées, j’ai gardé longtemps sans trop m’en rendre compte une vision niaisement compartimentée de l’Histoire. Comme s’il y avait des époques… Des gens du Premier Empire, puis des gens de la Restauration, des gens de la Monarchie de Juillet… Des personnages de Benjamin Constant, d’un côté, de Stendhal ou de Balzac de l’autre. Puis viendraient les cohortes des républicains, 3, 4, 5 comme au défilé…Comme si l’Histoire, avant ma naissance, avait été composée de diverses séquences et que depuis, en me devenant sensible, elle avait cessé d’être à mon tympan si heurtée. Que seule, ma mienne….
C’est Renan qui, dans ses Souvenirs d’enfance, livre le portrait attachant du « Bonhomme Système », un jacobin de 1793 qui, n’ayant jamais su s’adapter aux séquences suivantes, était devenu la risée de tous et mourut dans la défroque d'un tragique anachronisme.
A en croire le tapage médiatique, nous serions en ce 8 mai 2012, avec nos deux présidents, dans un moment de transition, entre deux séquences. Les socialistes aimeraient faire oublier celle qui s’achève et tentent de ranimer la séquence mitterrandienne du siècle passé, histoire de légitimer ou de colorier leurs futures errances, comme la chiraquie et les sarkozistes l’avaient mise à la trappe pour fonder leur temps à eux. Ils y arriveront. En même temps, l’Europe, le grand « machin », nous pataugeons dans un temps nouveau et un espace remodelé... Et l’on voudrait que notre vie ressemblât au fond à cette frise, que nous jetions les « années Sarkozy » avec le bonhomme, pour s’adonner au « moment Hollande », dans ce temps qui s’annonce.
Pourtant, on ne pourra pas plus jeter ces années-là qu’on n’a pu jeter les autres. Parce que nous vivons, de chair, et qu'elles sont nôtres. Il y en a pour qui ç’aura été les années de l’enfance, d’autres celles de l’adolescence, et ainsi de suite. La vie d’un individu n’est pas « séquençable » comme une frise. Le monde entier nous y pousse et pourtant, nous ne sommes pas « sommés » de nous adapter. Nous cherchons notre fil.
Moi, par exemple, comme le bouquet de fleurs séchées du bonhomme Système de Renan, je traîne encore des années Pompidou la lecture qu'on fait à un âge précis de sa vie de madame Bovary, de Phèdre, des Fleurs du Mal. Des années Giscard, je garde un passeport bleu, qui ne passe pas, c’est ainsi. Qu’est-ce que je peux leur trouver l’air niais, ces euro-touristes qui m’affirment qu’avec leur monnaie unique, ils n’ont plus à faire la queue à la douane ! Comme si passer plus vite devant la caisse d’un supermarché, c’était leur voyage.... Des années Mitterrand, c’est surtout un Pascal que je traîne, un Montesquieu, un Delacroix, parce que c’est cela qu’il fit disparaître en encourageant l’opinion à voter pour Maastricht. Il y a des baumes qui ne nous lâchent pas des années disparues, c’est ainsi. Elle est donc à la fois illusoire et juste, cette démarcation de couleur que nous tracions d’une période à l’autre, dans ces époques irréelles où nous n’étions pas nés. Je me sens le bonhomme Système d’un autre siècle, qui aurait gardé de soi des pans intimes que seule la littérature aurait le pouvoir d’éclairer. Encore faudrait-il qu’on me fichât la paix, ce que le monde et le temps qui passe me refuse.
Alors, durant ces quelques jours, devant ces deux présidents aussi passagers l’un que l’autre, je serai encore un peu avec Pompidou, c’est sûr, et Giscard, et Mitterrand et Chirac… Parce que c’est de moi qu’il s’agit, de ma propre continuité, de mon passeport bleu et de mes anciens francs, de tout ce qui s’est accroché à mon balluchon depuis. Pas d’eux.
Quand j’y songe, ma propre frise a commencé avec Coty, dans je ne sais trop quel halo brumeux. Je ne sais trop quand elle cessera. Mais, plus que les démarcations d’une séquence à l’autre, c’est désormais le tracé continu qui les borde qui m’intéresse, en mien propre et comme détaché de ce qui fuse. Je ne serai plus jamais moderne.
10:19 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : renan, littérature, bonhomme système, hollande, sarkozy, passeport bleu |
samedi, 17 mars 2012
Cohabitations, victoires et défaites
Quand on est de gauche, on ne doit pas critiquer son camp. Quand on est de droite, on ne doit pas non plus dire du mal des siens. Bref, qu’on soit d’un camp ou d’un autre, la loyauté en politique impose une éthique. Croit-on.
En conséquence, quand on émet une critique quelconque sur un fait de société ou une décision politique, on se retrouve inévitablement et de toute évidence étiqueté dans le camp opposé de celui qu’on critique. Peut-être est-ce une manière de savoir où l’on se situe sur l’échiquier politique : quel « bord », quel « parti » avez-vous le plus critiqué ? Avec lequel êtes-vous le plus en désaccord ?
A ce petit jeu, je suis quelqu’un de droite, au vu de mon désamour presque clinique avec la gauche contemporaine, qu’elle se proclame rouge, rose ou verte, elle et ses immuables figures (on devrait dire figurines).
Se retrouver ou non dans de grands textes, des idées, des idéaux ou des figures fut longtemps une autre façon de se situer dans l’un ou l’autre camp. A ce petit jeu, même si certains auteurs de droite (Léon Bloy, Chateaubriand, Bernanos, Raymond Aron) ou certains grands textes (Tocqueville) me parlent, c’est vers la critique du capitalisme libéral et de la société du spectacle que me portent à la fois ma formation intellectuelle et mes intérêts de classe (ça se dit encore des trucs pareils ?).
Je crois que je n’aime pas les hommes politiques, même si parfois me fascinent ou m’étonnent leur rouerie, leur obstination, leur versatilité. Mais ceci n’est qu’une parenthèse. Ces gens là ont bien trop besoin de leurs Cours en tous genres pour m’impressionner vraiment. Mon modèle, c’est le solitaire, moine, écrivain ou savant, et je ne sais pourquoi, c’est ainsi.
Pour les raisons que j’ai dites plus haut, beaucoup de gens de gauche me croient à droite, et beaucoup de gens de droite me disent à gauche.
Cela compte peu. Je sais la droite, du moins dans ses idéaux, beaucoup moins liberticide que ne l’est la gauche, et la gauche – toujours dans ses idéaux – beaucoup plus fraternelle que ne l’est la droite. Je serais donc finalement pour un individu de droite vivant dans une société de gauche, mais ce n’est qu’une formule, une formule à la Bayrou, impuissante à prendre corps dans le Réel.
De la gauche ou de la droite, la vraie question reste de savoir laquelle, durant ces quarante ans faits de cohabitations et de gouvernements plus ou moins communs (Europe oblige) - est demeurée la plus fidèle à elle-même ? Laquelle, durant ces quarante dernières années, s’est le moins reniée ? Et ce faisant, laquelle a fait le moins de mal au pays ? SI vous avez la réponse à ces questions, vous avez presque le nom du vainqueur de l’élection prochaine.
S’il fallait parier, je crois pour ma part que Sarkozy joue sur du velours, surtout face à un candidat si peu neuf et si médiocre que Hollande. Si malgré tout le socialiste était élu, la droite gagnerait quand même, car au petit jeu énoncé plus haut, c’est elle qui l’a emporté, dans la construction européenne comme dans la création de l’euro fort et indépendant. Comme Mitterrand, Hollande serait donc obligé de tenir une politique de droite malgré ses postures et ses ronds de jambe actuels. Ce qui ferait les beaux jours du Front National. En guise de changement, on serait pour le coup loin du compte, n'en déplaise aux faux-jeunes communicants du PS.
19:01 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : politique, socialisme, sarkozy, hollande |
lundi, 20 février 2012
Mensonge et politique
Accuser Sarkozy d’avoir menti en 2007 ou Hollande de mentir à présent, c’est faire preuve d’un manque d’audace et d’esprit à première vue étonnant : L’art du mensonge n’est-il pas en effet une vertu cardinale communément admise en politique ? On ne le sait que trop depuis Machiavel qui ne cesse d’insister sur le rôle des apparences dans la constitution de la panoplie du Prince. Tout mensonge est le prélude d’un retournement de veste, et sans retournement de veste, un politicien ne vit que l’espace d’une saison, qu’on songe à De Gaulle et l’Algérie, Mitterrand ou Chirac et l’Europe.
La dénonciation par les gens de gauche comme par ceux de droite du mensonge de l’autre camp est ainsi la meilleure façon de débusquer chez l’adversaire une faiblesse politique : surprendre ce dernier est train de mentir revient en effet à dévoiler le fait qu’il ment mal, puisque le propre du bon mensonge serait de passer inaperçu. Et s’il ment mal, il a été ou sera un mauvais prince.
De ce point de vue, on peut dire que nos modernes en sont de piètres ; Rien qu’hier, j’ai entendu Nicolas Sarkozy prétendre à Marseille que grâce à lui «nous avons échappé à une catastrophe », et François Hollande lui répliquer dans les studios de BFMTV que « jamais il ne prendrait une décision injuste ». Courage et Justice : droite hargneuse et gauche vertueuse tentent de manière aussi grotesque que malhabile d’incarner un lieu commun face à l’opinion. Et faute de mieux, le spectacle s’en contente. C'est tout dire.
« La vérité, quoique sans pouvoir et toujours défaite quand elle se heurte de front avec les pouvoirs en place quels qu’ils soient, possède une force propre ; quoique que puissent combiner ceux qui sont au pouvoir, ils sont incapables d’en découvrir ou inventer un substitut viable. La persuasion et la violence peuvent détruire la vérité, mais ils ne peuvent la remplacer. »
Hannah Arendt - « Vérité et Politique », La Crise de la Culture
13:49 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, mensonge, hollande, sarkozy |