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mardi, 15 avril 2008

L'esprit des lois

Sur la page du site de l'Académie Française qui lui est consacrée, on précise qu'il y eut fort peu de monde aux obsèques de Charles de Montesquieu. Etrange information. Contre-éloge ou médisance ? A l'aube du 10 février 1755 , Charles de Secondat, baron de Montesquieu mourut dans sa soixante sixième année, d'une vile pneumonie, loin de ses vignes, de ses arbres, de sa famille, de ses armes et de ses vins. Sa dépouille fut inhumée à la hâte dans une chapelle latérale de la vieille église de Saint-Sulpice.

De fait, on ne possède aucune relation écrite de ses obsèques, ni mention du nom de qui célébra l'office, ni l'écho de quelque hommage rendu au « législateur de l'Europe » par ses pairs. Comme la mort d'Hugo laissa, plus tard, la place libre à l'impatient Zola, Voltaire en premier lieu et quelques Encyclopédistes en second durent sans doute se réjouir de la disparition de cet encombrant aîné, qui venait de triompher avec éclat de la cabale menée par les jésuites et les janséni2007967118.jpgstes contre L'Esprit des Lois. Ses restes ne survécurent pas à la tempête révolutionnaire et lorsque les chefs de la révolution thermidorienne souhaitèrent les transférer au Panthéon, ils ne les retrouvèrent pas.

« C'est une sotte chose que son propre portrait », avait écrit le Président dans ses Pensées. Il avait attendu la soixantaine venue, en effet, pour faire effectuer le sien par l'illustre graveur suisse Jean Dassier, attaché à la monnaie de Londres, artiste dont la réputation était alors immense. Col ouvert, cheveu libre, fin visage au nez hardi, il apparaît de profil, tel un sage véritablement antique sur la ronde médaille. De ce profil s'inspirèrent tous les peintres et les sculpteurs qui durent par la suite réaliser l'image du Seigneur de la Brède et créateur des Lettres Persanes. Ses biographes ont tous reproduit sa phrase d'accueil au graveur, venu spécialement de Londres :

« Monsieur Dassier, je n'ai jamais voulu laisser faire mon portrait à personne. La Tour, et plusieurs autres peintres célèbres qu'il nomma m'ont persécuté pour cela pendant longtemps. mais ce que je n'ai pas fait pour eux, je le ferai pour vous. Je sais qu'on ne résiste pas au burin de Dassier, et qu'il y aurait plus d'orgueil à refuser votre proposition qu'à l'accepter »

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Des souvenirs personnels ont associé à jamais dans mon esprit ce billet ludique et grave aux plateaux de fruits de mer et aux choucroutes garnies de la Brasserie d'Alesia à Paris. La saveur des huîtres de novembre et des saucisses de février que les Montesquieu d'alors me permirent de savourer et d'engloutir tout à la fois est immuable en mon palais. Une certaine foi dans le politique, également, qui flotta quelques années dans l'air après l'élection de François Mitterand, me semble contenue en filigrane dans le vert un peu fané de ce billet mouvementé : La tête comme coupée du Seigneur de la Brède ne donne-t-elle pas l'impression de le traverser d'un coup vif, un peu comme le rêve et l'illusion traversèrent, en ce début des années quatre vingt, la plupart des citoyens d'un peuple, aujourd'hui inquiet de ce qui demeure sous l’ère Sarkozy  l'esprit de ses lois?

 

09:10 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : montesquieu, billets français, culture, francs, littérature | | |

Commentaires

Ce profil, ce trois-quart ne vous ont-ils pas l'air d'un profil romain ? D'un trois-quart d'empereur législateur ? On n'aurait pas l'idée de lui piquer son porte-monnaie. Cet homme semble avoir vécu dans le marbre.

Écrit par : aiguillette baronne | mardi, 15 avril 2008

Merci pour ce billet, qui me rappelle l'époque où je lisais "l'Esprit des lois". Tout cela reste plus que jamais d'actualité:
Chapitre XXV. De la manière de gouverner dans la monarchie
Chapitre XXVI. Que, dans la monarchie, le prince doit être accessible
Chapitre XXVII. Des mœurs du monarque
Chapitre XXVIII. Des égards que les monarques doivent à leurs sujets
Chapitre XXIX. Des lois civiles propres à mettre un peu de liber-té dans le gouvernement despotique

Il en est d'autres qui ne sont point princes mais qui se prennent tout de même pour le Roi.

Écrit par : Feuilly | mercredi, 16 avril 2008

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