samedi, 21 juin 2008
La gauche épidermique de Carla
Réponse à Carla Bruni sur 4 points ( interview paru dans les colonnes de Libération, 21 juin 2009)
1« Mes réflexes épidermiques sont de gauche. Ce n’est pas une idéologie, ni un système ». Ah bon ! Je comprendrais la signification de tels propos dans la bouche d’une fille du peuple attachée de façon affective à un combat pour améliorer des conditions de vie difficiles; l’épiderme, c’est-à-dire l’’impulsif, l'affectif, le non réfléchi, cela fonctionne en effet comme cela . Mais chez une fille, comme le dit fort bien Laurent Joffrin, « née bien coiffée », cela sonne faux. C’est étrange et indécent. Pour ne pas dire ridicule. Non qu’une fille de la bourgeoisie n’ait pas « le droit » d’être de gauche. Mais dans ce cas, c'est avec sa tête qu'elle le devient, pas sa « peau ». « Mes réflexes épidermiques ! » Cela signifie quoi ? Car si quelque chose doit être le fuit d’une réflexion, c’est bien précisément cela : être de gauche. Toute la tradition française en témoigne et le souligne. Ceux qui sont de gauche de façon "épidermiques" appartiennent justement à cette frange de la gauche hystérique qui a diabolisé votre mari, de la même façon que la droite hystérique, en son temps, diabolisa Mitterrand. Pour être de gauche, il faut une réflexion, pas des réflexes. Une réflexion précise. Nourrie. Toute l’histoire de la gauche est celle de la pensée mise en commun, en collectif, c’est-à-dire en idéologie. Un mot sur lequel, comme votre mari, vous crachez. Parce que vous ne savez que trop que la gauche ( comme la droite, d’ailleurs) repose sur un terreau idéologique. Ceux qui crachent sur l’idéologie sont des opportunistes, rien d’autre. De tristes et scandaleux opportunistes. Et la manière dont vous balayez cette évidence au nom de l’épiderme est non seulement choquante. Elle est stupide. Et fort inquiétante.
2. A propos de la visite présidentielle à Buckingham, vous dites : « Je suis une femme moderne. Mais les traditions ne sont pas modernes. J’ai juste pris ce chapeau et ce vêtement-là ». Belle lapalissade, entre nous, beau lieu commun qui nous déplace à mille lieux de la pensée, de la culture, de la réflexion d’une autre femme, fort intelligente, sur la tradition : Je songe à Hannah Arendt et la Crise de la culture dont je vous conseille la lecture, puisque vous souhaitez peut-être « faire quelque chose » ( tels sont vos propos) sur ce terrain-là. Pour l’instant, excusez-moi de vous dire que vous êtes plus proche de France Gall que de cette grande et belle dame, même à l’instant des courbettes devant la reine d’Angleterre.
3 « Les Français sont un peuple assez nostalgique, très littéraire, et aussi assez peu musical ». Beau jugement à l’emporte-pièce. Vous les connaissez donc bien ? Depuis l’Après-Guerre, les Français vivants aujourd’hui et issus des classes moyennes, voire populaires, ont subi une série de mutations et de bouleversements sans précédent. Parce qu’un certain nombre d’entre eux ont voulu et encouragé ces changements, je ne crois pas qu’on puisse affirmer de façon aussi péremptoire que tous soient si « nostalgiques » que cela. Les Français ne sont pas « une entité », comme vous le dites maladroitement : ils sont multiples et variés. Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont frappés dans l’ensemble par un phénomène constant d’appauvrissement économique, qui va de pair avec un dépérissement inévitable de la vie culturelle à laquelle ils peuvent prétendre. Et comme les Irlandais, ils se sont montrés lors d’un référendum récent en majorité peu favorables à cette Europe libérale dont votre mari et vous-même vous revendiquez si ardemment. Leur nostalgie est plus une forme de mécontentement refoulé au quotidien devant cette Europe des riches dont vous faites partie, qui révulse de plus en plus de monde, en France comme ailleurs. Littéraire ? La France, comme le rappelle Bernanos dans son essai La France contre les robots a été un pays littéraire. En effet. Un pays même lettré, ce qui était rare. Parlez aux étrangers que ce passé illusionne et qui viennent aujourd’hui parmi nous : beaucoup vous diront que la France a perdu le prestige dont ce passé l'auréolait. Les Français parlent mal leur langue, l’écrivent encore moins bien, et on ne peut pas dire qu’hormis une frange qui s’est professionnalisée dans "le littéraire", le peuple français soit un peuple de lecteurs. Abruti de CD et de DVD plus que de livres, comme l’Angleterre, comme l’Espagne, l’Italie, la Russie, le pays subit l’influence plutôt négative sur ce terrain-là des médias. Existe-t-il encore une vie intellectuelle en France ? Une réelle littérature qui ne soit pas seulement, comme l'est la chanson de variété, dédiée au divertissement ou bien à la consommation ? Beaucoup se posent la question, vous le savez bien! Ce qui est vrai de la littérature l’est aussi de la musique. Et de la peinture… On peut rajouter hélas! Ne mentez pas aux gens, s'il vous plait.
4. Que reprochez-vous à Ségolène Royal ? « Sa voix ». Pourquoi sa voix ? « Elle ne me dit rien ». Diable... Ségolène devrait-elle enregistrer un disque pour gagner votre suffrage ? l’Elysée en chansons… Un jour de "Fête de la musique", c’est donc cela, un « réflexe épidermique » de gauche ? Ni-cola, ni-Carla, j'espère que les lecteurs de Libé vont boycotter le CD de la dame... Car il est bien possible qu'au fond cet interview ne soit qu'une entreprise de promotion.
15:17 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : carla bruni, carla, sarkozy, politique, actualité, culture |
lundi, 11 février 2008
La démocratie du spectacle
NON ! Quelle manchette ! Le soir du 29 mai, malgré la hauteur du résultat, il n'y eut pourtant pas particulièrement de liesse populaire dans les rues. On s'attardait un peu devant les écrans (PPDA, Chabot, Pujadas, la même clique, toujours...). Et puis, le peuple qui s'était prononcé alla se coucher.
« Vive l'Europe, vive la France »... Hier, un président français, pour la première fois dans l'Histoire du pays, conclut ainsi l'une de ses interventions. Teint terreux, coupe de sergent-chef, le ton parfaitement faux-cul et l'œil libidineux de l'avocat véreux touchant ses honoraires: Vive l'Europe ? Un Persan de Montesquieu qui observerait les convulsions médiatiques de ce pays y perdrait son latin. Quoi ? Ce pays qui a dit Non à l'Europe libérale, publiquement désavoué trois ans plus tard par son propre "dirigeant" ? Quel funeste désaveu ! Dans la formule conclusive de ce pseudo-président, où donc, au fait, est passée la République ? Ainsi va la démocratie du spectacle, le « show politique », lequel « must go on »... Est-ce une nouveauté ? Rouvrons donc les Mémoires d'Outre-Tombe", Troisième Partie, XII, 8. Chateaubriand décrit l'indifférence avec laquelle le peuple accueille la nouvelle du départ de Charles X pour Prague, peu après les Trois Glorieuses de 1830 :
« Dans ce pays fatigué, les plus grands événements ne sont plus que des drames joués pour notre divertissement : ils occupent le spectateur tant que la toile est levée et, lorsque le rideau tombe, ils ne laissent qu'un vain souvenir ».
Sauf que, dirons les plus inquiets d'entre nous, ce n'est pas un roi qui s'en va tristement en exil cette fois-ci, mais une certaine légitimité de la souveraineté populaire.
Sarkozy a beau jeu de se targuer de ses 53 %, plus récents que les 54,67 du référendum (un résultat en chasse l'autre), pour affirmer cyniquement qu'il « fait ce pour quoi il a été élu ». Ceux qui ont voté pour lui, et dont la préoccupation première n'est, certes pas l'application du Traité de Lisbonne, apprécieront. Dans les coulisses, le PS, qui s'y croit déjà, fait mine de s'abstenir et applaudit. Cette démocratie spectaculaire, en sa majorité comme en son opposition, n'est même plus écœurante. Elle est mortifère. Elle porte les traces de la mort, de sa propre mort et de la mort de tous ceux qui se livrent à ses icones. Car un feuilleton politique, bien vite, en chasse un autre. Une série supplante une série. Au nom de la politique de l'audimat dont elle use et abuse, la série Sarkozy touche à ses limites. Une autre suivra sans doute. A quand, le grand réveil du politique ?
08:40 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : europe, sarkozy, chateaubriand, montesquieu |
mardi, 08 janvier 2008
Rompre, dit-il...
Quelqu'un, quelque chose de l'autre siècle... Ou bien quelqu'un, quelque chose du siècle dernier. J'ai souvent lu ou entendu l'expression, dite avec une ironique tendresse, afin de débusquer derrière de fausses manières l'héroïque ou le ridicule survivant d'une époque désormais engloutie. C'est ainsi que, non sans affection, Chateaubriand parlait des vieillards de l'infirmerie Marie-Thérèse. Il prenait le mot "siècle" dans son sens encore religieux : siècle (monde), gens de l'ancien monde, autrement dit de l'Ancienne France, de l'Ancien Régime, gens du dix-huitième siècle. Dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse, bien plus tard, Renan lui emboite le pas en évoquant le "bonhomme système", vieux révolutionnaire original qui hantait les rues de Tréguier et pour qui le temps s'était arrêté le jour de la fête de l'Etre Suprême, "bonhomme du dix-huitième siècle". Un homme d'un autre siècle... L'expression franchira l'an 1900. Et lorsque Proust évoquera une manière du "siècle dernier", il parlera non plus du dix-huitième, mais bien sûr du dix-neuvième. Gens de l'autre siècle, gens de la Monarchie de Juillet ou du Second Empire. Avec les horreurs qui l'ont caractérisé, le vingtième siècle a comme volé en éclat et s'est coupé en plusieurs parties : aussi parlera-t-on des gens de l'avant-guerre, ou de ceux l'entre deux-guerres... Société désormais englouties. Nous nous sommes si bien habitués à ce que le siècle dernier soit le dix-neuvième que nous avons du mal, alors que nous échangeons nos vœux pour 2008, à nous figurer que le siècle dernier est à présent celui dans lequel nous sommes nés. Eh oui : Gens de l'autre siècle, avec nos mœurs, nos manières, c'est nous, désormais, et le siècle dernier, c'est le vingtième....
La Belle Epoque a souvent été dépeinte par ses esprits les plus brillants comme une époque d'une grande vulgarité. Et cette vulgarité, disaient-ils, résidait dans la prétention de toute une génération élevée dans le dix-neuvième à adopter à tout prix un esprit nouveau qui souvent, révélait ses ridicules, sa prétention, sa fatuité. De même, ressembler à tout prix à quelqu'un du vingt et unième siècle (alors qu'on est quelqu'un du vingtième...), n'est-ce pas le problème aujourd'hui de tout une génération, qu'incarne jusqu'au ridicule le plus élyséen, son charmant président ? Car il n'y pourra rien changer, Sarkozy a été jeune au vingtième siècle, a grandi dans une société sans portables, encore engoncé dans certains tabous et peinte ou racontée chaque soir dans un poste de télé en noir et blanc et à chaine unique. Une époque avec ses passeports en bleu, ses billets en francs et ses disques en vinyle. Il est quelqu'un du vingtième siècle. Sa différence avec Chirac, c'est qu'il ne l'assume pas. Il veut changer. Rompre, dit-il. Avec quoi ? Avec une politique ? Une femme ? Qu'on croit... Qu'il croit... Sarkozy ne veut rompre qu'avec le vingtième siècle, pour prendre le pouvoir, croit-il, sur son temps, sur le 21ème qui est décomplexé ( forcément décomplexé), riche (forcément riche) technologique (forcément technologique), libéral et libéré, (forcément libéral et libéré).. Régner sur le présent. Le loqueteux présent... Le risque est grand de laisser paraître l'éternel ridicule qui sommeille en lui comme en chacun. Il dit qu'il veut être un homme comme les autres. Quelle fatuité ! Quel ridicule ! Il ne veut pas « sentir l'ancien monde ». Mais il ne pue jamais autant cet ancien monde, cet autre siècle, que lorsqu'il veut avoir l'air 21ème. La très décomplexée Carla Bruni, croit-il, arrive à point nommé pour faire de lui un président du vingt et unième siècle. Mais elle aussi sent terriblement son vingtième siècle, trouvez-vous pas ? Comme tous deux datent, datent ! Déjà, bronzés, en lunettes de soleil sur un arrière plan de pyramides avec un teint fade de papier glacé... Derrière ces pyramides, combien de ridicules vous guettent ? C'est cela que sent confusément un peuple qui commence à en avoir assez de ce « bonhomme système ». Et de cette mauvaise chanson, jouée en couplets de mirlitons par deux êtres insipides, que n'embellit plus ni la grandeur du cynisme, ni l'élégance de l'ambition. Des gens d'un autre siècle...
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lundi, 31 décembre 2007
Tables d'antan
Dans ses Oisivetés du sieur Puitspelu, Clair Tisseur inaugure un genre de littérature fort spéciale, la littérature gastronomique. Manger, affirme-t-il, est une chose d’esprit par laquelle l’homme se distingue de l’animal. :
« Car ne soyez point assez sots de croire qu’un bon morceau se goûte seulement avec le palais ; il se goûte bien plus avec l’esprit. Le palais n’est qu’un agent de transmission. C’est comme si vous disiez d’un Raphaël ou qu’un Ruysdaël qu’il se juge avec les yeux. Apprenez que vous jugez d’un plat exactement avec les mêmes facultés de comparaison, de réflexion, de généralisation, qui vous font juger d’une pièce de vers, d’un tableau ou d’un opéra. »
C’est pourquoi il n’est de bon repas qui ne se fasse sans commentaire :
« Car, si vous visitiez un musée en compagnie d’artistes amis, ne vous éclaireriez-vous point de vos impressions et de vos idées respectives ? Et ne croyez point qu’un bon repas ne soit pas le meilleur des tableaux ? Manger d’une bonne chose sans en parler, autant dire que les caresses entre amoureux se peuvent échanger sans doux propos »
Le repas pris en commun, voilà ce qui le rend savoureux :
« C’est grand heur que de manger bien et bon, et boire d’autant, mais qui n’existe qu’à condition d’avoir en face de soi des visages amis ».
Ayant défini ainsi les conditions de la bonne table, Puitspelu affirme que « les dîners lyonnais ont plus que tous les autres en partage ce parfum de la cordialité. »
Quelques années plus tard, Vingtrinier prolonge la chanson un peu sur le même air, avec trois chapitres entiers consacrés, dans La Vie Lyonnaise, au « Ventre de Lyon », à « Lyon à table », au « Gosier de Lyon ». Dans la lignée de Nizier de Puitspelu, il cite avec une sorte de mélancolie admirative les immenses plats chargés de viande, de poissons et de légumes qu’on dévorait sous l’Ancien Régime. Énumérations à la Rabelais de volailles (chapons, poules, poulets, coqs d’Inde, canards, oies, pigeons et paons...), de gibiers à plumes (cigognes, hérons, aigrettes, cygnes, grues, perdrix, cailles, ramiers, tourterelles, faisans, merles et mauviettes, bécasses, becfigues, ortolans, gélinotte de bois, poules d’eau, sarcelles, canetons sauvages, outardes, râles) ou à poils (lièvres, lapins, daims, faons) et de poissons d’eau douce (ablettes, anguilles, barbeaux, brochets, carpes, chatouilles, écrevisses, goujons, lancerons, perches, tanches, truites, ombres...). De quoi se désoler du manque d’opulence des tables démocratiques, conclut-il, « la Révolution ayant coupé l’appétit à ceux dont elle avait épargné la tête. ».
Pouvoir d'achat en berne, moral, dit-on, dans les chaussettes, les Français termineraient mal l'année 2007 ? Tsss tsss... On a, il est vrai, l'impression qu'une majorité parmi eux se réjouissent avec Sarkozy d'avoir échappé à Royal, tandis que l'inverse aurait pu tout aussi bien arriver. Souhaitons-nous une année 2008 pleine de santé, prospérité, bonheur, paix et bonne chère, si les uns veulent bien aller de pair avec les autres. Joyeuses fêtes à toutes et tous.
20:20 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, société, lyon, gastronomie, culture, reveillon, sarkozy |
samedi, 22 septembre 2007
L'agenda des présidents
Hasard de la mise en page ou volonté délibérée ? L'édition du Monde du 23 septembre place en vis à vis un article sur la méthode de Sarkozy en France, un autre sur celle de Chavez au Vénézuéla. A lire les deux articles, on voit bien que les deux présidents ont la même obsession ; remplir leur agenda, afin d'occuper à temps plein chaque jour et chaque heure. Gouverner via les médias. D'un certain côté, Nicolas parait un peu amateur puisqu'on apprend qu'Hugo Chavez, dans une émission titré Allo président, a tenu l'antenne 7 heures et 43 minutes !!!... De quoi essouffler PPDA mais, se dit-on, peut-être pas le vaillant tchatcheur ...
D'un autre, Chavez a quand même un sacré foutu train de retard sur Sarkozy ! La même édition du Monde ne m'apprend-elle pas, dans son supplément TV (page 11), que sera diffusé mardi prochain 25 septembre un téléfilm sur l'affaire de la maternelle de Neuilly, dans lequel un acteur ( Frédéric Quiring, c'est un type connu, ça ?) tient le rôle de l'actuel président français, à l'époque (qui l'ignore encore ?) où il n'était que maire de Neuilly et rival de Jacques Martin. Nicolas Sarkozy ferait donc mieux que Chavez, puisqu'il est, lui, porté deux fois à l'écran, une fois par Sa Majesté Lui-même et une autre fois par une doublure. Si ça, c'est pas de la french touch !
Il fait aussi mieux aussi que De Gaulle, que Mitterrand et que Jean Paul II, lesquels durent quand même attendre de mourir pour se voir enfin porter sur la scène ou bien à l'écran. Au passage, petit compte rendu, page 21, de l'inquiétante mise en scène de Robert Hossein qui raconte au Palais des sports la vie du défunt-pape en 33 tableaux dans son "N'ayez pas peur" Ironie du journaliste, qui se plaint que rien ne soit montré des "trois heures que ce pape politique et visionnaire passait chaque jour à genoux dans sa chapelle". Voilà qui me donne l'idée d'une mise en scène : le public assis trois heures dans le silence et dans l'obscurité (si! si!), trois heures devant un homme qui prie... A l'heure du bagout officiel et de la bougeotte présidentielle, cela m'ouvrirait-il la Cour des Papes l'an prochain ?
Rappelons quand même, puisque Robert Hossein l'a oublié, que celui qui allait devenir Jean Paul II fut un véritable homme de théâtre, lui. Qui inaugura jadis le théâtre de Cracovie, lieu où devait exceller, quelque temps plus tard, le magnifique et irremplacé Tadeusz Kantor... Lequel n'avait pas peur de faire perdre (ou gagner) son temps au public. Mais il serait sans doute plus judicieux de ma part de jouer le sacre de Nicolas, si Yasmina Reza, qui veille au grain, n'est pas déjà sur le coup. Ou Le sacre de Chavez au Vénézuela ?
18:25 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : actualité, théâtre, sarkozy, société, robert hossein, politique |
mardi, 18 septembre 2007
Tiens, voilà du Boutin !
Le réaménagement de la place Bellecour ne prévoyait pourtant que le remplacement des anciens marronniers (qu'on dit malades) par des tilleuls, afin de rendre à la place son allure du bon vieux temps. Au lieu de ça - et avec, on l'imagine, la bénédiction de la mairie et de son locataire socialiste -, la place Bellecour se métamorphose en ministère du logement ! Elle devient au vu et au su de tous, le squat de la ministre du logement et de son staff décontracté. Mââme Boutin, tout droit débarquée de Paris avec sa lampe-empire et le portrait de son président, campe, tel un ouvrier en bâtiment, dans une cabane ALGECO et bosse dur, dans l'incognito très people de la foule des passants qui s'entrecroisent en se demandant ce qu'elle fout là.
On a parlé beaucoup des frais occasionnés (250.000 euros !) pour une opération qui rappelle, versus officiel, celle des Don Quichotte de l'hiver dernier. On a moins parlé de la surveillance et de la sécurité policière que le badaud découvre, étonné, pour le moins : Traverser la place relève de la gageure, d'ailleurs on n'en a même plus envie tant pullulent les uniformes. Mais de la gueule de qui se fout-on, franchement ? Le citoyen contribuable devrait-il s'en réjouir ? Tiens, je me demande, plutôt, si je ne vais pas aller à mon tour camper un de ces jours sur la place Bellecour, histoire d'exposer moi-aussi ma bobine aux caméras et rencontrer quelques éminences du Régime.
Autrefois, il y avait à Bellecour, une célèbre voiture aux chèvres qui, pour quelques sous, baladait les gosses autour du cheval de bronze. Aujourd'hui, il y a la Boutin qui ballade les caméras autour de sa personne. Et derrière les caméras les gosses que nous sommes. Un peu plus en arrière, le général de Castellane, Gouverneur de Lyon, venait y promener son bedon et passer sa revue militaire hebdomadaire sous le Second Empire. Ainsi, la place Bellecour a toujours été le lieu privilégié des parades de propagande. En quatorze, c'est là qu'on exposait les chars d'assaut capturés au front, afin de rassurer l'Arrière. Aujourd'hui, Sarkozy délègue Boutin pour y assurer sa communication sociale et rassurer les foules : « Tiens, voilà du Boutin ! Voilà du Boutin ! PoPoPoPoôôômmm ! »
L'enterrement de Jacques Martin a lieu jeudi; on peut donc imaginer que la zélée ministre du logement, qui n'aura qu'à traverser le pont pour se rendre à la primatiale, viendra se fendre d'un coup de goupillon à la mémoire du héros défunt. On peut imaginer aussi que quelques officiels ayant fait le déplacement en profiteront pour aller la visiter dans ses éphémères mais très médiatiques baraquements forains.
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vendredi, 07 septembre 2007
Yasmina en quête de marguerites...
« Ce qui m'interésse, c'est de contempler un homme qui veut concurrencer la fuite du temps ». Eh bé! Rien que ça, Yasmina ! Profitant du récent boom de la littérature people ou de la littérature politique, bref, de l'avènement de la non-littérature, la Réza a flairé un bon coup éditorial. Un coup dans le genre d'Art, mais en encore plus démago, par ce que susceptible de toucher le grand public, c'est à dire l'ensemble des GFrançais qui ont voté ou n'ont pas voté pour le Sarko nouveau qui vient d'arriver. Il faut croire que parier sur la connerie des gens, c'est après tout un bon placement puisque ça marche ! Le Monde des livres, évidemment, qui depuis déjà bon nombre de rentrées n'a plus honte de rien, suit l'aventure de près. Et publie chaque semaine, avec un satisfecit ragoutant, la progression fulgurante de la miss, au box-office de la rentrée.
L'aube, le soir ou la nuit, on sait que c'est comme ça que ça s'appelle : manière de dire que Sarko-Reza (autre variante du couple Sarko-Dati), cet étrange attelage, il n'a jamais une minute pour lui, quoi : l'existence, c'est boulot, boulot, boulot... En véritables pros qu'ils sont, l'un de la politique-comm', l'autre de la littérature-comm'. 192 pages de littéraire, donc, (forcément littéraire, aurait dit Marguerite Duras, illustre devancière de Yasmina dans ce genre d'entreprise qui consiste à légitimer le quelconque, du footballeur Platini au joggeur Sarkozy) durant lesquelles la Reza guette le regard plat, le détail insipide, voulant sans doute faire "un livre sur rien". Seulement voilà, ça fait lurette que n'est pas Flaubert qui veut. "C'est une étreinte que j'ai vue mille fois", dit-elle à propos de l'étreinte Clavier / Sarkozy... Son livre, c'est un livre qu'on a lu mille fois, quelque chose comme le carré vide qui a trôné au centre de la campagne électorale, qui trône au centre de notre époque. Le style de Reza, puisqu'il parait que ce récit ne tient que sur le style, c'est comme la cravate de Stéphane Bern dans un talk-show, voyez, ça défrise pas grand chose et c'est triste à mourir :
« Metteur en scène de cette superproduction, Teresa Cremisi, toute-puissante directrice littéraire de Flammarion. Pas question que les « épreuves » circulent auprès des journalistes politiques et des critiques. Faire circuler le livre l’aurait défloré et aurait abîmé son caractère littéraire, explique-t-elle. Les anecdotes auraient été éparpillées et les gens auraient eu le sentiment d’avoir déjà lu le livre. »
Pas d’interviews, sauf une seule avec Le Nouvel Observateur. Pas de photos non plus. Leçon élémentaire de teasing : moins on montre, plus le désir grandit. Bien sûr, la stratégie échoue : fuites ou double jeu, Le Point a décortiqué l’ouvrage malgré l’embargo et des extraits copiés-collés ont fleuri un peu partout. L’éditeur habituel de la dramaturge, Richard Ducousset, directeur d’Albin Michel et coéditeur de L’Aube…, est un peu désabusé. « Même si c’était un mauvais livre, le succès serait là. C’est significatif de notre époque », déplore-t-il. Alors que les tirages habituels de Reza oscillent entre 50 000 et 80 000 exemplaires pour un roman et entre 20 000 et 30 000 pour une pièce, son nouvel ouvrage devrait rapidement devenir un best-seller." (Jean-Sébastien Stehli -L’Express)
Significatif de notre époque, en effet. Que faire ? Pendant ce temps-là, les Bleus de l'équipe de France ont déjà leur portrait dans le Figaro Littéraire. Je conseille à Yasmina d'ouvrir l'enquête dans les vestiaires où se cache peut-être son futur best-seller. Faute d'y trouver l'inspiration, elle y savourera du muscle et de la sueur, de quoi concurrencer la Duras en termes de forcément sublime ! ... Et puis, avec les nombreuses disparitions d'Immortels ces derniers temps, il y a des fauteuils à prendre à l'Académie. Elle peut, en continuant à ce train là, espérer marcher sur les traces d'une autre Marguerite. Mais Yourcenar, en ces temps-là, il est vrai, c'était une autre pointure, un autre calibre, une autre classe.
10:20 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : écriture, sarkozy, société, actualité, littérature, connerie |