mardi, 19 juin 2007
NIZIER DU PUITSPELU
Clair Tisseur (1827-1895) -alias Nizier du Puitspelu.
« Le plus lointain souvenir qu’il eût gardé devait remonter à l'âge de moins de trois ans, époque où on le mena voir un petit frère, le dernier des six, qui mourut en bas âge, et se trouvait aussi en nourrice dans un village voisin ».
Ainsi débute l'autobiographie de Clair Tisseur, alias Nizier du Puitspelu. Cet auteur n'est plus guère connu qu'à Lyon, en raison du Littré de la Grande cote, sorte de dico du patois des canuts, émaillé d'anecdotes personnelles. Cette injustice est grande. Car le phrasé de Puitspelu, autobiographe, philologue et moraliste, mérite mieux que cet oubli :
« Au temps que mon grand-père était trésorier de la Compagnie, les Brotteaux n'étaient rien, et pour faire un peu recette, la Compagnie était réduite à organiser des fêtes de l'autre côté du Rhône, manière d'engager les gens à passer le pont. La grande Allée, comme on disait, qu'on appelle aujourd'hui le cours Morand, était en contre-bas de ce qu'elle est, de la hauteur, ma foi, d'un étage, et l'on y descendait du pont comme sur un bas-port. L'allée était plantée d'arbres. C'est là qu'était le théâtre ».
Il y a du Montaigne chez Puitspelu. En témoigne ces extraits :
« C'est grand heur que de manger bien et bon, et boire d'autant, mais qui n'existe qu'à condition d'avoir en face de soi des visages amis. Vous figurez-vous un homme qui demanderait à Pierrre, du café Neuf, un salon pour s'y embocquer, se truffer, s'empiffrer, se bourrer, se gaver, se tuber, se taper le fusil et s'arroser à soi seul, tout seul ! Ce serait la gastronomie d'Onan ! » (Les Oisivetés – « Propos de gueule lyonnais »)
« Pour prendre les choses de plus haut, il faut dire, en manière de conclusion, que, par notre manque de culture, par le besoin de produire à outrance, par le défaut de goût qui nous a fait perdre le sentiment de la propriété des termes, et aussi par un désir grossier de raffinement, d'excentricité, dans le but d'attirer l'attention publique, nous avons entièrement corrompu une langue que les écrivains du XVIème siècle avaient maniée de façon incomparablez, et que ceux du XVIIème avaient portée à la perfection » (Les Oisivetés – « Le bon parler lyonnais »)
Et puis, j'aime bien sa "gueule" de patriarche. Clair Tisseur était architecte : On lui doit, à ce titre, de nombreuses églises : Sainte Blandine, cours Charlemagne, le Bon Pasteur dans le premier arrondissement ; celles de Brignais, Tassin, Orliénas... Il participa également aux travaux de la rue Impériale, devenue "de la République", voire même "de la Ré" pour tous les Lyonnais.
C'était un érudit et un véritable humaniste à la mode d’antan, tout aussi puriste que farceur : Il a fondé en 1879 l'Académie du Gourguillon, dont il est demeuré durant deux années entières le seul et unique membre.
On trouve encore ses ouvrages (sur le net ou chez les bouquinistes.)
Voici quelques titres :
Les Vieilleries lyonnaises (1879)
Les oisivetés du sieur Puitspelu (1883)
Coupons d'un atelier lyonnais, Les Histoires de Puitspelu (1886).
16:45 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lyon, livres, humour |
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