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vendredi, 21 décembre 2007

DELACROIX

delacroix-portrait.jpgNon loin de l’église Saint-Sulpice et de sa Chapelle des Anges, par lui décoré, au cœur du Saint-Germain le plus historique de Paris, sur la place Furstenberg, Eugène Delacroix vint passer le crépuscule de son existence dans une retraite ascétique.

C'est là qu'il mourut, le 13 août 1863. Ce nom de Furstenberg, quelque chose de désuet et d'aromatique s'en dégage, quelque chose de très romantique, en un mot.  Le cardinal Egon de Furstenberg, parce qu'il avait, en 1691, magnifiquement restauré et agrandi le vieux palais abbatial qui datait du XVIème siècle, offrit donc son nom à cette place que Delacroix, en venant y mourir, acheva de rendre célèbre dans le monde entier. Jenny Le Guillou, une vieille domestique, sa Françoise à lui, y veilla seule, et jusqu’au bout, son grand homme...

Dans son testament, Eugène Delacroix exigea qu'une vente aux enchères dispersât les trésors amassés. Quelle semaine ce fut, à l'Hôtel-Drouot, cette semaine de 1864, qui vit l'adjudication de milliers d'études et d'ébauches !  

On le donna comme fils de Talleyrand. Il aura été le plus littéraire des peintres français, ami de Stendhal, phare de Baudelaire : c'est pourquoi sur le verso du billet de Lucien Fontanarosa qui le représente devant sa maison, il tient une longue plume, comme pour prolonger la rédaction de son Journal entrepris un jour de septembre 1822 (« je serai donc vrai, je l'espère ») et suspendu un autre de juin 1863 (« le premier mérite d'un tableau est d'être une fête pour l'œil »).

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 Un tableau : Comme Jéricho, comme Léonard de Vinci, comme Botticelli, Delacroix, c'est - hélas est-on tenté de dire - d'abord un tableau. Un tableau évidemment pas unique, mais si notoire, véritable icone, qu'on ne voit que lui sur le recto du billet : cette aussi terrible qu'allégorique Liberté, guidant le Peuple. Deux mètres soixante sur trois mètres vingt-cinq, pour célébrer la plus fameuse des Trois Glorieuses : Louis-Philippe (Philippe, comme disait avec mépris Chateaubriand), s'empressa de l'acheter pour 3000 francs au salon de 1831. Bel achat, grâce auquel il confisquait l'idéal révolutionnaire dont les Journées de Juillet avaient ressuscité l'arôme sur la Capitale : exposée au musée royal (alors musée contemporain) l'œuvre fut bien vite mise en réserve, de peur d'encourager le peuple à la révolte. Longtemps, la Liberté aux seins nus resta à l'écart, elle fut même plusieurs fois récupérée par le peintre lui-même qui veillait de loin à son sort, avant d'intégrer définitivement, en 1849, le musée du Luxembourg. 

La Liberté, c'est une fille du peuple, comme on aimait à se les figurer durant la Restauration, une fière logeuse de la zone. Elle va, toute dépoitraillée, débraillée, pieds nus, elle s'arrache à la barricade, guidant de son drapeau et de son fusil un gamin de Paris qui n'est pas encore Gavroche ; Hugo n’est pas loin, qui l’a déjà repéré.

C'est la première fois que le drapeau tricolore, symbole de la réunion entre tous les Français, est aussi brillamment mis en valeur.

Du tableau, le billet ne retient que ce motif, la femme, l'enfant et le drapeau. Il escamote le monceau de cadavres du premier plan, les tours de Notre Dame au loin, la fumée des mitrailles, et le monsieur en haut de forme, dont on a dit qu'il pourrait être le peintre lui-même.

100F%20Delacroix%20verso.jpgToute la toile est parcourue, c'est vrai, d'un souffle et d'un élan grandiose, d'un frisson glorieux. Et pourtant, le billet de 1978 porte en son dessin quelque chose de plus nostalgique, de plus académique aussi, de plus figé. Cela vient-il de la moue pincée qu'on devine sur les lèvres de Delacroix, ou par cette plume d'oie d'un autre siècle, vers nous tendue  ? Grave, cette moue de Delacroix, devant les branches automnales des arbres de la place Furstenberg, à Saint-Germain des Prés...   des machines... des robots... des appareils.... des pubs et des tubes.... Vers quoi, cette Liberté debout, les seins à l'air, le bras levé, vers quoi aura-t-elle in fine, sinon vers le Commerce-Roi, guidé les peuples ? Vers quelle déflation ? Quelle déflagration ? Ce frêle carré de papier, ilot, plus que jamais, de solitude et de rêverie pour le romantisme et l'ascèse d'un peintre qui aima la Beauté.

 

 

Suivre le lien : La chapelle des Anges, peinte par Delacroix, à Saint-Sulpice...

Commentaires

Je connais le 6 rue de Furstenberg. Le musée, si je me souviens bien, est décevant, mais c'est peut-être mieux aujourd'hui, et en tout cas mieux que rien, n'est-il pas vrai ?

Écrit par : baratinus bifide | dimanche, 23 décembre 2007

à noter que Delacroix avait confié son tableau "la liberté de 1830" pour 3 ou 4 mois à un certain Jame impresario à Lyon qui eut l'idée de l'exposer à Lyon ville révolutionnaire le projet n'a pas abouti et fut l'objet d'une correspondance houleuse entre eux l'impresario ne s'étant pas acquitté de son engagement.
Baudelaire disait "il y a du felin dans Delacroix"Le tigre ,attentif à sa proie ,a moins de lumière dans les yeux et de frémissements dans les muscles que n'en laissait voir notre grand peintre."

Écrit par : peju | dimanche, 30 décembre 2007

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