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mercredi, 20 octobre 2010

L'opinion qui n'existe pas.

Dès 8 heures du matin, ça commence par des poubelles en feu non loin de l’Hôtel de Ville. Des rassemblements de « jeunes ». Des passants allant travailler. Des CRS en alerte. Des flics en civils.

Et bien vite, au fur et à mesure que la matinée avance, dégénérescence. Dans les métros qui traversent la presqu’île la même annonce : « A la demande des forces de l’ordre et pour votre sécurité, le métro de s’arrêtera pas aux stations Bellecour, Saint-Jean Guillotière… » Le centre-ville est bloqué… Fumigènes. SMS. Abribus en éclats. Charges de CRS. Les enfants veulent regarder par la fenêtre. Mais on ferme les fenêtres à cause de l’odeur des gaz

Dans les principales artères de la presqu’île (République et Victor Hugo) et les rues adjacentes, sous la surveillance des nombreuses  caméras, ça galope, ça castagne, ça flambe, ça pille : voitures et motos retournées, incendiées, vitrines brisées, boutiques pillées.

Aux fenêtres et balcons des immeubles des riverains éberlués filment  photographient, la banlieue hard en train de faire ses courses. Des images pour you tube.

Les commerçants les plus sages ont déjà abattu leurs rideaux de fer, la Fnac ses grilles; les bijoutiers rangé toute leur camelote.

 

Derrière les façades des immeubles haussmanniens, chez les avocats, chez les notaires, chez les médecins, dans les restaurants, les banques, la vie normale se poursuit.  Ce sont des univers qui se frôlent sans même humer leurs couleurs respectives. Etrangeté totale de ce centre ville où la journée de chacun se déroule : le quotidien le plus banal pour certains, la scène d’émeute pour d’autres, en un même scénario au surréalisme vain, dans ce quartier quadrillé et à présent survolé d’hélicoptères, sur ces trottoirs sillonnées de loubards, de passants, de CRS, de lycéens. On ferme un accès. Puis un autre. Pendant ce temps, la manif a poursuivi sa route et s’est dispersé. On ne sait trop où la conscience politique des uns et des autres s’est fourvoyé. Pendant ce temps, l’OL d’Aulas se prépare à jouer sa qualification pour les huitièmes de la Champions's league à Gerland, non loin de là. Du sérieux, ça. « Benfica dans la révolution française » a titré A Bola, l’Equipe des portugais. On y lit que le match n'est pour l'instant pas remis en cause dans « une cité en feu et en sang ». C’est certes très hyperbolique : et c’est aussi en partie vrai. Du moins pour le feu. Dans la presse, aussi, deux mondes se croisent, se juxtaposent et, in fine, s’annulent. L’humanité, lyrique jusqu’au grotesque, car dans la société du spectacle, le lyrisme appliqué à l'info devient à son image,  titrait l’autre jour « la force du peuple ». Demain, gouvernement et syndicats continueront à s’étriper pour savoir de quelle côté les soixante pour cent d'approbation ou de désapprobation del’opinion publique pour ce mouvement va basculer... Cette fameuse opinion publique, dont Bourdieu a dit un jour -s'en rappeler est-il encore possible  ?- qu’elle n’existe pas...

 

08:59 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : casseurs, manifs, lyon, politique, france, société, retraites, football, opinion publique | | |

Commentaires

Les stations de métro vides, entre Garibaldi et Gare de Vaise, désertes, ça m'a rappelé Berlin, du temps du mur, lorsque j'allais au lycée, après avoir passé un bout de la zone Est... en plus, il y avait des soldats en armes, mitraillette au poing. Plus de trente ans ont passé, déjà...

Écrit par : Nénette | mardi, 19 octobre 2010

@ Nénette : Image saisissante, en effet, d'une anormalité prise dans le normal, et d'une normalité dans l'anormal. Ce qui était le plus étonnant était cette cohabitation des activités journalières de chacun et de l'émeute, du pillage. Nous sommes entrés dans une société capable de juxtaposer dans l’évènement tout et son contraire, et ce, sans que finalement que cela n'étonne plus que ça.

Écrit par : solko | mardi, 19 octobre 2010

J'aimerais connaître tous les tenants et aboutissants de ces flambées très opportunes. Plus ça dégénèrera et plus le Petit en sort grandi

Écrit par : Zoë Lucider | mercredi, 20 octobre 2010

@ Zoé : Bien sûr que Sarkozy a tout à gagner à ce mouvement : son réalisme social sera mis de l'avant par rapport à l'irréalisme de certains propos tenus à gauche. D'ailleurs regardez par quoi ce mai 68 que certains appellent de leurs voeux s'est achevé : Messmer, la répression enver sles jeunes, puis Pompidou, Giscard... La gauche a mis du temps à s'en relever (et encore : Mitterand, était-ce la gauche ?)
C'est, au passage, la raison pour laquelle je ne participe pas à ce mouvement. Je l'ai écrit dans un billet récent, "défiles, défilés". Et pour tout vous dire, je ne suis pas certains qu'entre Sarkozy et le PS, il y ait autant de désaccords que la présence de certains dans le sdéfilés tentent de le faire croire...

Écrit par : solko | mercredi, 20 octobre 2010

Je pensais à toi, en effet, en entendant parler dans les journaux de certains quartiers lyonnais...

La question de la participation ou non à un tel mouvement est compliquée. Pour rester dans Bourdieu, je me dis que la violence physique qui se déchaine dans la rue est une réponse logique (je ne dis pas justifiée ou morale) à la violence symbolique que les zozos qui nous gouvernent nous font subir quotidiennement.

Écrit par : stephane | mercredi, 20 octobre 2010

@ Stéphane : Ah ça, on est en effet dans le symbolique. Mais un symbolique qui dépasse de très loin les zozos qui nous gouvernent : c'est tout simplement celui de l'argent, du spectacle de ses vitrines,de sa vie facile Je crois que ces casseurs de banlieue s'en foutent du politique, et sont plus fascinés par le symbole incarné par le sport/show-businesse. Les casseurs qui ont vandalisé le centre ville n'ont ainsi rien à voir avec les manifestants car ils ne sont porteurs d'aucune revendication explicite. Ils se saisissent de cette opportunité pour agir; la preuve : la manif commençait loin de Bellecour, quand ils avaient déjà commencé à saccager le centre ville. La vraie question, c'est de comprendre quel type de société les a produits. N'est-ce pas faire beaucoup d'honneur aux zozos qui nous gouvernent (et qui s'en trouveront sans doute flattés, en tous cas renforcés, et le petit jeu politique pourra continuer un coup à "gauche", ou coup à "droite") de croire qu'ils sont à l'origine de tout ça ?

Écrit par : solko | mercredi, 20 octobre 2010

Solko, vous le dites vous-même, les casseurs n'ont rien à voir avec les manifestants, puisque la manif commençait loin du centre ville déjà saccagé. J'ai donc envie de vous demander pourquoi c'est avec cette image des poubelles en feu que vous commencez votre texte. Vous allez me répondre de bien lire et que je verrai ainsi que vous mettez l'accent sur la société du spectacle avec la coexistence des contraires qui n'émeut personne... D'où votre titre...
Oui mais.
Je regrette moi, que les gens qui ont encore la force d'aller protester dans la rue, soient si peu honorés.

Écrit par : Michèle | mercredi, 20 octobre 2010

@Solko : vous ne croyez pas qu'il y ait une grande différence entre le projet sarkozyste et celui du PS... C'est fort gentil pour le PS puisque vous lui supposez une capacité à penser quelque chose ! Ceci dit, les choix gouvernementaux ont été soutenus par un rapport du FMI que dirige DSK (et là, bien sûr, des cris d'orfraie pour nous dire que DSK, ce n'est pas le PS, que ce n'est pas la gauche, que... d'accord, d'accord. DSK, c'est juste le concierge de la rue Solférino ! Il compte pour du beurre (comme on disait dans notre enfance...))

Écrit par : nauher | mercredi, 20 octobre 2010

@ Michèle : Le problème, voyez-vous, c'est que ces casseurs qui n'ont rien à voir avec les manifestants sont quand même lycéens et que quand on dit "lycéens", désormais, on parle non plus de 20 % d'une génération, mais de 80 : dès lors, cela ne veut rien dire, "lycéens", pas davantage qu'un chiffre dans les sondages. Il y a de tout chez les lycéens, je suis bien placé pour le savoir. Cette réalité, il faudra bien que l'ensemble de la population accepte de la regarder en face, et pas simplement les profs. Pourquoi je commence par les poubelles qui brûlent ? Parce que c'est la première chose que j'ai vu le matin en partant bosser. Quant aux manifestants, je n'en parle pas, ne les ayant pas vus puisqu'ils sont arrivés au centre ville plus tard. Lorsqu'ils sont tombés "dans" les émeutes, cela n'a rien arrangé. (je ne crois pas à la réussite de ce mouvement depuis le début, j'en redoute les conséquences pour les plus démunis, justement : comment pourrais-je l'honorer ? )

Écrit par : solko | mercredi, 20 octobre 2010

Solko, entièrement d'accord avec ton analyse. Mais au fond, tout ça n'est pas nouveau du tout. Tiens, j'ai récupéré ce lien sur un texte de Tournier (je copie-colle, sans savoir si les liens sont actifs ici) :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1991_num_27_1_1611

Écrit par : Sophie K. | mercredi, 20 octobre 2010

(PS : Tournier Maurice, pas Tournier Michel :0)

Écrit par : Sophie K. | mercredi, 20 octobre 2010

@ Sophie : Merci pour cette mise au point sémantique complète.

Écrit par : solko | jeudi, 21 octobre 2010

Les choses sont ici trop vues du point de vue de la sociologie, qui est la science humaine du flic, et si vous êtes bien placé pour parkler des lycéens, je suis assez bien placé pour parler des objectifs profonds de la sociologie, Bourdieu y compris.
Qu'en ai-je à foutre que les casseurs soient lycéens, voyous, PD, nègres, étudiants, hémophiles, alcooliques ou pères de famille !
Ce que vous semblez ne pas voir, c'est que ce n'est pas la psycho-sociologie qui s'exprime dans ce mouvement, et surtout dans celui des jeunes gens, mais la vie assassinée par, non pas des zozos (les Zozos valent mieux que ça) mais des bandits, des escrocs et des menteurs, parfaitement intelligents et parfaitement conscients de leurs crimes.
Ce sont les tripes qui agissent.
Nous sommes là à des années-lumières de la politique et des clivages désastreux de la société française.
Foin des socialistes et des autres imbéciles, je vous en supplie !
Souvenez-vous aussi que, sans les enragés de 93, votre démocratie serait aujourd'hui une monarchie constitutionnelle.
Vous réduisez aussi mai 68 à bien peu de choses. Là aussi, pour comprendre, sentir, palper la victoire, oui, la victoire des révoltes de mai 68, il faut regarder au niveau des tripes, des orgasmes, des désirs de vie et des jouissances de l'existence et non, au niveau de l'échiquier politique, parfaitement misérable.
Il faut se soyuvenir du CMDO des situs et non de la carrière de Cohn Bendit.
En gros

Écrit par : Bertrand | jeudi, 21 octobre 2010

@ Bertrand : Je réduis 68 à ce que j'en ai vécu : la répression quasi instantannée qui a suivi (Messmer, Pompidou, Giscard....) et qui a signé le premier échec de ce mouvement. Les orgasmes, les désirs de vivre, pour ceux qui sont venus juste après, ça a été le vent de la route, le large, les rencontres individuelles, le plaisir, les paradis aritificels, la scène. Ils ont trouvé leur jouissance et leur désir de vivre autrement. Mais pas ces révoltes de masse organisées de telle façon qu'elles sont vouées à l'échec, ni ces mythologies urbaines rétrécies qui consiste à casser du flic ou des vitrines. Les enragés de 93, je n'en vois sinon guère d'héritiers dans ce que je vois aujourd'hui, car c'était - du moins à les lire - d'abord des enragés de la pensée. Présentez-moi une alternance crédible (c'est à dire dotée de la moindre chance de réussir) au système qui structure la société ( et dont ces révoltes font simplement partie), et je vous comprendrai mieux. Assimiler enfin 68 en tant qu'événement à la seule jouissance ou au simple désir me parait très générationnel, comme si avant ou après, jouissance et désir n'avaient pas éxisté ? .... Il y a là aussi quelque chose qui relève du fantasme ou du mythe, et on en reste pantois.

Écrit par : solko | jeudi, 21 octobre 2010

@ Bertrand : Quand je vous dis "présentez-moi une alternance crédible", ce n'est ni un piège ni un défi. Et ce n'est pas non plus que je pense que le système qui est en place soit le meilleur ou le seul possible. C'est que j'ai épuisé un certain nombre de neurones sur la question. Cela ressemblerait plutôt à une sorte d'aveu d'échec. J'écoute les syndicats, les gens (nombreux) qui font grève autour de moi, je vois les lycéens-manifestants et les lycéens casseurs... Je vois la vie, les tripes, le pathos, oui... Mais alors ? Et après ?

Écrit par : solko | jeudi, 21 octobre 2010

Ne croyez pas, Solko, que je sois un mythomane de 68, dont, aujourd"hui, en 2010, je me fous comme de ma première chemise bleue à bretelles. Justement parce-que j'en garde l'esprit, ai largements vécu sur ses acquits et que l'esprit tourné vers l'arrière, s'appelle généralement réactionnaire et ne contemple que de l'obscurité...
je ne réduis pas ces évènements du passé au fantasme de la jouissance, je dis qu'ils ont ouvert une brêche vers la conquête de la vie et fait tomber de lourds tabous. Point.
Le nierez-vous ? Si oui, dites-moi pourquoi le fasciste dans l'âme qui est à l'Elysée, s'en est pris, d'abord, en 2007 dans ses discours hystériques, " à l'esprit de 68" avec lequel il fallait en finir....
Trois lois liberticides plus tard, il accourt chez le pape !
Ne nous fâchons pas Solko, mais je ne comprends pas trop bien vos dénis historiques. Je ne comprends pas trop non plus comment vous vous évertuez à dénigrer la colère de la rue (je ne parle pas des politiques, des syndicats, des flons flons et et caetera) je parle du jeu social qui consiste à vouloir tenter de vivre hors des limites du règne absolu de la marchandise et, donc, dans une symbolique, ma foi sympathique, qui consiste aussi à en briser les vitrines ou à balancer un pavé sur le casque d'un flic...
Vous cherchez des résultats, du tangible, de la conclusion, de la stratégie, bref, une alternance crédible.
Mais vous êtes en plein dans le discours politico-médiatique, là !
Je n'attends rien des hommes, ni de leur esclavage serein, ni de leur révolte, sinon des instants, des directement vécus.

Bref, un peu de poésie...laquelle se passe de jugements moraux.
Je m'étonne (de moins en moins d'ailleurs) qu'avec votre sens critique, vous ne trouviez rien à redire quand Sarkozy va s'agenouiller devant le pape pour tenter de reconquérir son électorat catholique...
Il me semble que les couteaux de vos colères ne volent toujours que dans un sens.

Écrit par : Bertrand | vendredi, 22 octobre 2010

@ Bertrand : Bien sûr que nous n'allons nous fâcher pour si peu. Discuter, simplement. Dans la limite de ces petits carrés et de l'espace et du temps qu'ils limitent.
Il se peut que sur le politique, je sois plus blasé que vous. N'en sais rien. Je me souviens de ces gens qui ont braillé contre Allègre durant je ne sais combien de temps pour ensuite accueillir Lang à bras quasi-ouverts, lequel les a pris avec la vaseline que l'autre n'utilisait pas pour mener à bien la même opération. Pour moi, Sarkozy n'est tout simplement pas le problème,et troquer un hystérique contre un chat matois ou une vipère argentée m'indiffère tout autant.
Le jour où je verrai les différents syndicats européens tenter de jeter sur la place publique les bases d'une entente sur des revendications organisées contre par exemple l'OCDE ou l'OMC ou le FMI, je tendrai sans doute une autre oreille à la colère de la rue qui me semblera sans doute un peu moins manipulée... Car bien sûr, nous aurions besoin de stratégie... Et des lors que s'accumulent des jours de grève coûteux, de résultats.. Mais le psycho drame franco-français incessamment renouvelé au gré des alternances et dont je connais toutes les impostures m'emmerde au plus haut point, c'est un fait.
Pour ce qui est de "vouloir tenter de vivre hors des limites du règne absolu de la marchandise", je trouve en effet très sympathiques les actions individuelles ou en petits groupes (genre Toni Muselin, vous vous rappelez), mais je ne vois ni grand courage ni vraie réflexion ni même la moindre poésie chez ceux qui, protégés par la masse et enivrés par l'instant, brisent des vitrines ou balancent un pavé sur le casque d'un flic. Tout juste un conformisme inversé.
Quant à l'agenouillement de Sarkozy, c'est une opération de com des plus banales, et je serais plus agacé contre le pape qui s'y prête (- mais les papes ne sont plus ce qu'ils étaient, et "sans le latin, sans le latin...")que contre le nain prévisible qui la tente.
Bon sur ce sans rancune et à bientôt pour d'autres contradictions.

Écrit par : solko | vendredi, 22 octobre 2010

"Mais le psycho drame franco-français incessamment renouvelé au gré des alternances et dont je connais toutes les impostures m'emmerde au plus haut point"

Mais la réforme des retraites n'a rien de franco-français. La Grèce doit se serrer la ceinture, l'Espagne a déjà fait passé l'âge légal à 67 ans, le Portugal refuse d'indexer les retraites et diminue le salaire de ses fonctionnaires de 10%, etc.

Partout on demande à la population de supporter le poids des incohérences de la politique néo-libérale. Car si demain les états s'écroulent, s'ils sont en faillite parce que leurs caisses sont vides et qu'ils ne peuvent plus secourir les banques, tout le système s'écroule.

Bien sûr qu'il y a des casseurs dans ces manifestations lyonnaises ou d'ailleurs. Il y en a toujours eu. Est-ce une raison pour ne rien entreprendre?

Mais là où je vous rejoins, c'est sur l'issue probable du débat. La réforme passera car elle est dictée par l'Europe. Doit-on dès lors tout accepter sous prétexte que le pouvoir est le plus fort? N'est-il pas bon de rappeler que le peuple existe aussi? Déjà que la démocratie n'existe plus...

Écrit par : Feuilly | vendredi, 22 octobre 2010

@ Feuilly :
Je me suis sans doute mal exprimé : quand je parlais du psychodrame franco-français, je ne l'appliquais pas à la réforme de la retraite, mais à la riposte organisée contre cette réforme : comment veut-on faire aboutir une riposte nationale à un projet éuropéen ? La riposte doit être européenne, je veux dire coordonnée au niveau européen par les divers syndicats nationaux. Cela doit être placé dans le débat public. Tant qu'il n'en sera pas ainsi, j'en ai fait l'expérience dans l'éducation nationale, et il me semble que c'est vrai ailleurs, ces mouvements, couteux en argent, temps et énergie, seront des échecs. Voilà ce que je dis. Et la seule façon à mon sens de ne pas "tout accepter" serait de contraindre les forces syndicales dans ce sens. Car je vois bien qu'elles sont, comme d'habitude, essentiellement préoccupées d'enjeux plus politiciens, hélas.

Écrit par : solko | vendredi, 22 octobre 2010

Là, on est d'accord. A partir du moment où le grand capital joue sur le plan international et rend non seulement vaine mais dangereuse toute riposte locale ("si vous faites grève, je délocalise mon usine dans les pays de l'Est ou ailleurs), il conviendrait en effet que la lutte syndicale s'organise un peu mieux et qu'elle dépasse les frontières.

Mais si on attend que les autres bougent dans les pays voisins pour bouger soi-même, cela risque de faire beaucoup d'immobilisme.

D'un autre côté, rien ne nous dit que les syndicats n'ont pas déjà négocié et qu'ils laissent leurs troupes s'agiter pour justifier les cotisations. Et comme il n'y a rien à négocier...

Encore que... Certes les caisses sont vides,mais à qui la faute? En quoi le système des retraites actuel est-il dépasssé? Le but ultime n'est-il pas de faire basculer tout le système vers des caisses privées, pour le plus grand bénéfice des capitalistes? Comme ceux-ci n'ont pas envie de payer des rentes de 55 à 80 ans, il est logique de faire d'abord reculer l'âge légal à 67 ans (et pourquoi pas à 69 ensuite?)et de demander aux états d'endosser la responsabilité de la réforme.

Écrit par : Feuilly | vendredi, 22 octobre 2010

@ Feuilly : c'est probablement par là qu'en effet on peut chercher les raisons de telles manoeuvres. Ce qui rend d'autant plus urgent cette riposte coordonnée, dont l'échec du récent vote (pourtant majoritaire) contre la constitution européenne avait déjà souligné l'évident besoin. Mais on n'en prend pas le chemin, ni avec les manoeuvres de ce gouvernement, ni avec celles de sa prétendue opposition. Et franchement, je crois que ces casses aveugles ou ces mouvements de grève désespérés ne seront d'aucun remède

Écrit par : solko | vendredi, 22 octobre 2010

Discussion très intéressante. Pour ma part, j'ai aussi l'impression que tout est "avalé", la contestation et le reste. Ceci étant, l'incompétence de ce gouvernement est quand même effarante - là, je pense à cette grosse oie en rose, dont je ne citerai pas le nom, qui a réussi à foutre en l'air le droit à l'IVG pour toutes les femmes à cause des désormais interminables listes d'attente dans des hôpitaux surchargés. Je sais, ça n'a pas, apparemment, de rapport, mais cette façon de faire reculer tous les droits acquis, et ô combien durement pour certains, est typique de ces dirigeants "bien intentionnés".

Écrit par : Sophie K. | vendredi, 22 octobre 2010

@Solko : vous avez raison de rappeler que la question de la riposte n'est pas dans le fond un problème de degré. Fussent-ils dix millions dans la rue que les manifestants ne changeraient rien à la détermination du gouvernement Pour une raison simple : il ne gouverne pas, il applique des directives, il se plie à des impératifs qui lui viennent de groupes de pression dont l'objectif est la mise à sac absolue de tous les systèmes sociaux européens. Il s'agit en l'espèce, au delà même des intérêts économiques immédiats (en ce sens, les contraintes budgétaires sont des "agents masquants"), de pousser les gens à se replier sur eux-mêmes, de défaire les solidarités, de parcelliser la structure spatiale et donc politique (puisque le politique suppose concrètement -et pas qu'abstraitement- un espace de rencontre, une agora) pour que toute réaction collective soit impossible, vidée de son contenu. Si l'on se tourne vers les Etats-Unis par exemple, il est clair que seule la patrie en danger (?) est capable de fédérer. C'est donc l'état de guerre, l'état d'exception qui reste le point nodal de la politique américaine. Hors cela, on ne promeut que le principe d'un individualisme qui a paraît-il fait ses preuves puisque ce pays est (encore) la première puissance mondiale.
Ce à quoi l'Europe se plie progressivement, c'est à ce schéma mortifère. La démocratie bafouée après le contournement du vote démocratique et négatif sur la constitution a sonné le glas de toutes les illusions que l'on pouvait porter sur le devenir politique du Vieux Continent. En établissant, dans une collusion droite-gauche très significative, un putsch législatif (c'est beau, non, l'oxymore à ce point), en osant le faire avec l'outrecuidance la plus éhontée, l'appareil politique (et j'emploie le terme d'"appareil" avec les résonances staliniennes qu'on lui accordera) a supprimé toutes les voix/voies possibles du changement de cap.
Il n'y a dans votre désillusion, mon cher Solko, nul cynisme, pas même un retrait (quoi que vous puissiez en penser, on ne déserte pas le politique aussi facilement, et ne pas voter, ne pas défiler, ce n'est pas déserter le terrain de la réflexion) mais le constat amer que d'autres, croyez-le, partagent d'une situation de non-retour.
@Sophie K. : Bien sûr qu'il y a un rapport entre le débat autour de ce billet et ce que vous écrivez sur le problème de l'IVG. Depuis quand une politique répresssive et rétrograde a-t-elle épargné les femmes ? Et pas que les femmes d'ailleurs, car l'IVG n'est pas qu'une affaire les concernant. Elle nous regarde aussi, les hommes (puisque, disait Cocteau, "les hommes sont des femmes comme les autres").

Écrit par : nauher | vendredi, 22 octobre 2010

@ Nauher : Oui, porté à ce point, l'oxymore est plus que beau, il est saisissant. Et votre analogie avec l'Amérique fort juste. L'euro a été fabriqué non seulement pour faire face au dollar, mais encore pour le bouter un jour. Sans doute est-ce pour ça qu'on a blindé l'euro dès sa naissance hors du champ politique, dans son armure de banque centrale. Nous n'en finissons pas de subir les dommages collatéraux des accords de Bretton woods.

@ Sophie K : J'aime votre sens de la périphrase. Vous en avez d'autres comme celle-ci ?

Écrit par : solko | vendredi, 22 octobre 2010

Je vous lis tous deux avec un grand plaisir. Je sous-entendais justement chez Chr. Borhen que cette politique "allégée" (pour ne pas dire "réduite à néant") était insupportable à voir, à entendre et à subir. Et effectivement, la réaction ne me semble pas du tout au bon niveau, puisqu'elle fonctionne sur des antiennes passéistes classiques, donc déjà envisagées et absorbées, là où il faudrait une réflexion approfondie. Mais l'homme d'aujourd'hui entend-il seulement les rares voix qui s'élèvent, de-ci de-là, dans le déluge d'infos "sensationnelles" qui engloutit tout ?

@ Solko : Heu... Mes excuses, je devais penser à "Aglaé et Sidonie", petite série animée revenue tout droit de mon enfance, hahahaha !

Écrit par : Sophie K. | samedi, 23 octobre 2010

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