vendredi, 02 octobre 2009
Sale vendredi d'octobre
Je suis allé me promener dans la cour intérieure de l'Hôtel Dieu cet après-midi. J'ai longuement déchiffré les "ex-voto" en marbre, sur lesquels furent gravés les noms de tous les donateurs et donatrices du passé. J’ai réfléchi à ces sommes. J'ai cheminé dans les galeries couvertes, j'ai goûté au calme de cet endroit, désormais condamné. J’ai humé son parfum. Je m'y rendrai désormais plus souvent, dès lors que mon emploi du temps me le permettra, puisque cet endroit, tout pénétré de sens, est condamné par la stupidité des temps présents.
Cet endroit solennel et romanesque deviendrait donc, comme un vulgaire centre commercial ou bien un hall d’aéroport, un lieu parfaitement commun ? J’ai imaginé la signalétique, les enseignes, les écrans, les caméras de surveillance, les rampes d’accès, la musique d’ambiance, les poubelles remplies de gobelets… Sinistre. A commencer par ce RDC « consacré aux boutiques, bar et restaurants » : quelle tristesse me serre la gorge à songer à un devenir aussi quelconque, pour ce lieu dont la mémoire séculaire, tout imprégnée de silence, est également tout emplie de soupirs, de prières et de cris ?
Là-haut, ce serait donc l’hôtel de luxe rêvé par Collomb, un contre sens absolu, cet hôtel, l’œuvre du siècle où nous sommes, un siècle sans esprit.
Sur cet hôtel, tous les Lyonnais devraient cracher en chœur, tant l'idée même en est révoltante.
Tout ceci est fort triste.
Après avoir quitté l'Hôtel-Dieu, cet après midi, j’ai traversé la rue Marcel Rivière ; la lumière d'automne, sur la terrasse du République était engageante. Pas le coeur cependant à musarder en terrasse. Je suis passé faire un tour sous la verrière de la salle des ventes. Bizarre sensation, bizarre ressenti : le commissaire priseur, officier ministériel à tête de Gérard Collomb, couvert derrière je ne sais quelle légalité pour commettre ses forfaits, mettant à l’encan le dôme de Soufflot, devant une salle emplie de milliardaires américains, arabes ou japonais. Des poches pleines de pognon. Sale pognon.
Et dehors, en sortant, la rue de la République, une rue emplie d'indifférents (qui ne portent plus sur le visage, dans le regard, dans la tête, la moindre différence...)
Sale vendredi d'octobre.
22:10 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : hôtel-dieu, salle des ventes, politique, actualité, sale vendredi |
Commentaires
Depuis cet article "L'Hôtel-Dieu dans les flammes du pognon", l'impression que mes pieds m'y ont portée dans cette cour intérieure. Jamais vu quelqu'un faire exister aussi fort les Lieux d'une ville. En éclairer (extraire, exsuder) l'âme, la mémoire séculaire.
Grande tristesse que tous les indifférents en sachent si peu. Car la question est là, à tous les passants, que lisons-nous ? Que faisons-nous de notre tête ? Que faisons-nous de notre vie ?
Écrit par : Michèle | vendredi, 02 octobre 2009
@ Michèle : Vous savez, on fait tout pour que "les indifférents en sachent si peu". L'histoire locale, on la passe sous silence, à l'école comme ailleurs, tant que faire se peut. La plupart des gens ne savent rien des bâtiments qui les entourent dans leur propre ville. Ils s'extasieront sur des pyramides de Khéops ou sur un temple hindou vus à la télé, en ignorant tout de l'église romane sur la place de leur village. C'est la culture du différé, partout, la culture en toc, la culture de l'image. Il y a un moment où ils deviennent, eux-aussi, à force d'y adhérer aveuglément, inexcusables.
Cela dit je crois que cela va quand même réagir. Une fois de plus, on ne pourra compter sur la majorité endormie, abrutie, anesthésiée. Mais sur des minorités influentes, je l'espère du moins.
Le dôme de Soufflot ne peut être négocié, quel qu'en soit le prix, à une chaîne d'hôtel. C'est proprement impensable.
Amitié à vous.
Écrit par : solko | vendredi, 02 octobre 2009
On n'a pas idée d'avoir un tempérament aussi marécageux avec un aussi beau temps... Aimeriez-vous vous faire mal, très cher ? Il y a plein de promenades moins connotées négativement. Tenez, par exemple, le salon du bâtiment, place Bellecour : ça doit être passionnant. Ou la biennale d'art contemporain ? Je suis sûr qu'Esthetica Strombolia vous servirait de guide avec plaisir. Et je ne parle pas de la joie que vous ressentiriez en admirant les oeuvres architecturales de Jean Nouvel. Vous voyez, finalement...
Écrit par : Porky | vendredi, 02 octobre 2009
@ Porky :
On ne résout pas tout, vous le savez bien, avec l'humour, l'ironie ou le énième degré. Dommage d'ailleurs. Car nous aurions résolu bien des choses...
Écrit par : solko | vendredi, 02 octobre 2009
Ah lala, ce que vous écrivez ici, ça me rend malade.
J'adorais ce lieu.
Je vais aller faire des photos, des photos, des photos...
Ils finiront donc par tout saloper ?
Malade, je vous dis. Je peux pas lire ça
Je vais faire un tour.
Écrit par : Frasby | samedi, 03 octobre 2009
J'y étais hier aussi; on aurait pu se rencontrer donc. Quel écœurement! Après la place des Cordeliers salopée par leur cochonnerie en verre de Monoprix... Bref, c'est d'une certaine façon : Pradel, le retour!
Écrit par : P.A.G | samedi, 03 octobre 2009
C'est fait : une pétition est en ligne. Elle a été signée jusqu'alors essentiellement par des médecins et des infirmier(e)s.
Le lien est en haut à gauche.
Écrit par : solko | samedi, 03 octobre 2009
Vos articles trouve un sinistre aux miens, où j'ai dénoncé dernièrement le matérialisme ambiant de certains bloggeurs lyonnais et la transformation de la toute proche rue de la République en centre commercial pour adeptes du consumérisme.
On m'a rétorqué que j'étais puéril de me rebeller contre cela...
Je découvre dès à présent les dégâts qu'occasionneront la transformation de l'Hotel-Dieu
Joseph II, futur empereur du Saint Empire romain germanique avait dit devant le bâtiment flambant neuf de Lyon "vous avez construit un beau monument à la gloire de la peste". Dans cette occasion, la peste est le maire de Lyon qui ne semble pas mesurer la portée historique de ce monument pour notre cité, qui aurait du rester un hopital... Il n'y en a plus en centre-ville.
Je signerai cette pétition. Rabelais et ses confrères le méritent.
Écrit par : Y. | samedi, 03 octobre 2009
@ Y :
Je suis allé sur votre site lire vos démêlés avec la "blogosphère lyonnaise" à propos de la rue de la République et de ses enseignes. Je n'ai pas pu laisser de message chez vous (?), je vous en laisse donc ici. Soufflot vous remercie de son soutien. Et moi je vous mets en lien.
A bientôt
Écrit par : solko | samedi, 03 octobre 2009
D'autant plus sensible à cette triste et vilaine affaire que je suis... né à l'Hôtel-Dieu !
Écrit par : Nuel | dimanche, 04 octobre 2009
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