vendredi, 15 janvier 2010
Tout ça rime avec ...
De la politique, dans les sociétés actuelles, ne demeure plus que le caractère spectaculaire. Eclatante démonstration avec le coup d’éclat de Vincent Peillon hier, refusant in fine de participer au débat A vous de juger au nom, dit-il, de la « résistance ». Le sale gosse ne manque pas d’air.
En face, Marine Le Pen et l’art de la réplique vacharde, lorsqu’elle s’adresse à Besson en lui rappelant qu’en l’absence de Peillon, il peut bien jouer « le rôle du socialiste et du responsable UMP. » Vieille partition, dans le registre plus classique du « je vous ai vu quelque part vous, c’était pas dans le café d’en face ? ». La fille à papa joue sur du velours.
Besson, justement, la mine compassée du pompier de service – ou du majordome, aussi pro dans une maison que dans une autre : «Vous ne faites rien, moi j’agis ». Résistance d’un côté, peuple de l’autre : les grands mots sont lâchés, et ne veulent plus rien dire.
Et Arlette Chabot, dans le rôle de l’ouvreuse indignée, assurant le public que si, si tout avait été bien préparé et que la chaîne n’est en rien responsable de toute cette gabegie. Dans le public (c’est dommage) personne n’a les moyens de foutre le boxon en criant remboursez. On imagine les matons de France 2, dans le genre des vigiles de Carrefour.
Pas un pour racheter l’autre, donc, dans ce vaudeville même pas indigne, carnaval juste ridicule, et qui n’abuse et ne fait marrer personne dans le pays. Car la triste logique de cette scène médiatique, c’est qu’une fois qu’on est monté dessus, on parle à sa hauteur, tout simplement. Susciter un peu d’espoir, un peu de ferveur, un peu de désir, alors que l’exercice de la parole est si contraint, c’est peine perdue. Pas une posture n’en peut racheter une autre. Parler ou ne pas parler, se montrer ou ne pas se montrer, cela revient au même. Lamentable Peillon, pitoyable Besson… Tout ça rime avec petits ...
Voilà qui laisse augurer de la qualité des débats lors des prochaines présidentielles : injures molles et slogans creux entre nains se faisant face, dans une partition à bout de souffle ; et on se demande bien qui trouvera les mots pour réanimer le cadavre.
Pendant ce temps-là, la cohérence idéologique de chaque camp se délite. Il y avait naguère la tradition polémique pour lâcher un peu de lest dans ce jeu de dupes. Mais à force de tout légiférer, y compris la parole, la tradition polémique a été interdite de séjour. Même le fou du roi s’est embourgeoisé et la trique de Guignol bande irrémédiablement mou face à ces olibrius... Hier, un titre sur le journal local m'a bien fait marrer : L'épidémie de grippeH1N1 est terminée. Tout citoyen, autrement dit, qui attrapera le virus devra-t-il être passé par les armes ? C'est que dans le même temps, la campagne pour les régionales vient de commencer...
12:01 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, ump, parti socialiste, actualité, société |
lundi, 04 janvier 2010
François Mauriac, le 4 janvier 1945
Voici le texte qu’Henri Béraud rédigea de la prison de Fresnes, le 1er janvier 1945 alors qu’à la suite d’un procès bâclé, il venait d’être condamné à mort. (1) Suit l’article que François Mauriac fit paraître en réponse dans le Figaro, il y a tout juste 65 ans.
« Ce qui va suivre fut écrit à la prison de Fresnes le jour de l’an 1945, dans une cellule de condamné à mort. Je suis seul en camisole de forçat, les fers aux pieds. L’aumônier vient de sortir. Devant mon guichet deux gardiens passent et repassent et, dans le silence, on n’entend d’autre bruit que leur pas monotone. Il fait un froid terrible. Pourtant ma main glacée, d’où glisse le crayon, ne tremble pas. Ma sérénité est profonde, égale à mon innocence.
Condamné dans des conditions juridiques sans précédent, je ne proteste ni contre mon sort, ni contre les étrangetés de la procédure. L’histoire s’en chargera. Pour l’heure, je rassemble mes dernières forces afin de m’élever contre l’iniquité d’un jugement.
Ce jugement me frappe au nom de l’article 75, le plus infamant des articles du code pénal. Or jamais ni à l’instruction, ni à l’audience, il n’a été posé une seule question sur des faits relatifs à une connivence quelconque, à un contact direct ou indirect à une relation, si minime fût-elle, avec l’ennemi. Ni le réquisitoire de commissaire du gouvernement, ni les dépositions des témoins n’y firent la moindre allusion. Et pour cause ! C’est que de tels faits n’existent point. Il aurait pu m’arriver, comme à tant d’autres, de céder à quelque vaine curiosité, et de rencontrer à table ou ailleurs, des Allemands. Mais non. Tous ceux qui me connaissent savent quelle aversion je nourrissais à l’égard de l’occupant. Je ne me suis jamais caché d’être anticollaborationniste, autant que j’étais anglophobe. J’ai sans cesse prévenu la direction de Gringoire contre ses tendances à la collaboration, cela par écrit, dans les termes les plus vifs, et j’en ai apporté la preuve à l’audience, tout comme la preuve de la confiscation de mes biens par les Allemands qui me firent expier tout ensemble mes articles de la guerre et de l’avant-guerre, ainsi que mon refus d’écrire dans la presse contrôlée par eux. J’ai montré, prouvé tout cela, en van. Une délibération de trois minutes a fait litière de mes explications les plus claires, les plus courageuses, les plus loyales. On voulait ma mort. On voulait me déshonorer.
Du fond de ma prison j’élève vers mes confrères et mes derniers amis le cri suprême d’une conscience révoltée. Libre écrivain, j’ai écrit, selon ma nature, ce que je croyais juste et vrai. Qu’aujourd’hui l’on juge mes idées fausses, ma passion excessive, mes écrits néfastes qu’une justice révolutionnaire me frappe pour avoir combattu ses doctrines, soit ! Ayant lutté seul, la poitrine découverte, je suis vaincu et me tiens prêt à subir les conséquences de ma défaite.
Mais vous écrivains, qui représentez les droits sacrés de l’esprit, qui m’avez vu vivre, admettez-vous que la rancune politique s’exalte jusqu’à confondre le patriotisme exalté avec la trahison consentie ? Laisserez-vous transformer en agissements criminels un conflit d’opinions ? Vous tous, qui me connaissez, qui m’avez vu vivre, iriez-vous laisser ternir mon œuvre et mon nom ? Ne vous dresserez-vous pas, selon les traditions de notre état, contre une aussi criante injustice Non ! L’élan unanime d’un auditoire où je ne comptais guère de partisans a déjà répondu. Le pays entier, s’il avait pu m’entendre, eût répondu de même, et cela mille témoins vous le diront.
Mon espérance dernière est que des voix plus hautes répondent à leur tour. Amis je vous confie mon destin, mon honneur et ma mémoire. Vous ne resterez pas sourds à ma voix. »
17:20 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : françois mauriac, henri béraud, littérature, polémique, politique |
samedi, 05 décembre 2009
La dé-fête des lumières
Pour comprendre en quoi cette dixième fête des lumières lyonnaise est tout sauf réjouissante, il faut relire ce passage lumineux de L'Enseignement de l'Ignorance (Jean Claude Michéa, Climats - 1999) :
C’est ainsi par exemple qu’en septembre 1995, - sous l’égide de la fondation Gorbatchev – cinq cents hommes politiques, leaders économiques et scientifiques de premier plan constituant à leurs propres yeux l’élite du monde, durent se réunit à l’Hôtel Fairmont de San Francisco pour confronter leurs vues sur le destin de la nouvelle civilisation. Etant donné son objet, ce forum était naturellement placé sous le signe de l’efficacité la plus stricte. Des règles rigoureuses forcent tous les participants à oublier la rhétorique. Les conférenciers disposent tout juste de cinq minutes pour introduire un sujet : aucune intervention lors des débats ne doit durer plus de dix minutes.
Ces principes de travail une fois définis, l’assemblée commença par reconnaître – comme une évidence qui ne mérite pas d’être discutée – que dans le siècle à venir, deux-dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale. Sur des bases aussi franches, le principal problème politique que le système capitaliste allait devoir affronter au cours des prochaines décennies put donc être formulé dans toute sa rigueur : comment serait-il possible, pour l’élite mondiale de maintenir la gouvernabilité des quatre-vingts pour cent d’humanité surnuméraire, dont l’inutilité a été programmée par la logique libérale ?
La solution qui, au terme du débat, s’imposa comme la plus raisonnable fut celle proposée par Zbigniew Brezinski sous le nom de tittytainment. Par ce mot valise, il s’agissait tout simplement de définir un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète .
Il convient ensuite de se souvenir qu'en septembre 1995, Raymond Barre vient d’être élu maire de Lyon. Il appartient, comme on peut le voir sur ce lien ou sur cet autre, à la commission Trilatérale fondé par Zbigniew Brzezinski en 1973 «club encore plus impénétrable que le Siècle, qui regroupait en 1992 environ 350 membres américains, européens et japonais, et qui constitue un des lieux où s’élaborent les idées et les stratégies de l’internationale capitaliste. »
Depuis 1989, Michel Noir avait déjà développé cette politique d’éclairage des ponts et de certains bâtiments, qui avait séduit les Lyonnais.
Le 8 décembre 1999, pour le 10° anniversaire du plan lumières, on testa un éclairage exceptionnel : Illumination de l'hôtel de ville, illumination du théâtre des Célestins. La fête fut étendue au week-end précédent ou suivant. Elle durerait désormais 4 jours et fut baptisée « Fête des Lumières ». Un battage médiatique en bonne et due forme sur les chaînes nationales assura le succès de cette première opération
Ainsi redéfinie, elle s’inscrit dans la stratégie commerciale de la ville de Lyon, au même titre que le foot-business qui assure à l'OL une série de sept championnats. Aujourd’hui cette fête à dix ans. Elle n’a, contrairement à tout le discours traditionnel qui la sous-tend (voir plus bas des récits littéraires de plusieurs écrivains du XXème siècle) plus grand-chose de lyonnais sinon qu’elle se déroule dans les rues de cette veille capitale des Gaules, dont la pierre et le pavé sont pris en otages avec tous ses habitants.
Dans le numéro de Lyon citoyen de décembre 2009 (gratuit mensuel en papier glacé de 40 à 50 pages distribué dans toutes les boites aux lettres), le roué Gérard Collomb, successeur de Raymond Barre et 7 fois champion de France avec le non moins rusé Aulas, inclut sa présentation du programme de l’édition 2009 à un appel pour le moins ridicule à être tous « ensemble pour 2016 » (voir page 7 sur le lien plushaut) . Curieusement, deux manifestations caractéristiques du programme défini en 1995 s’y retrouvent instrumentalisées au profit d'un auto-sacramental dont nous commençons à être las : le divertissement et le foot comme programme de gouvernance…
Dans le même numéro, on découvre un interview de Stéphane Bern venu faire la pub du maire de Lyon, et qui affirme tranquillement que la fête « devient de plus en plus culturel. » On y trouve un programme des « événements » qui du 5 au 8 vont transformer la ville en une gigantesque crèche, à l’intérieur de laquelle la déambulation silencieuse de millions de badauds s’effectue en rangs serrés, d’un show tournant en boucle à un autre show tournant en boucle.
« L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit. Plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir. L’extrémité du spectacle par rapport à l’homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représente. » écrit Guy Debord dans la 29ème remarque de sa Société du Spectacle : Dirait-on pas qu’il est venu se promener à Lyon ces dernières années ?
La promotion gratuite de l’événementiel sera assuré entre autres par de nombreux blogueurs qui se précipiteront dans les rues pour remplir d’images leurs pages et leurs colonnes. Dans tout cela ne percera jamais l’ombre d’une analyse ni l’ombre d’une critique du moins sur le fond et l’histoire de cette manifestation.
La lecture du programme est cependant éclairante, si l’on peut dire.
En pas moins de 23 pages, on détaille les manifestations inspirées par la municipalité avec la collaboration des associations de quartier (bénévoles ou bien plus ou moins subventionnées) enrôlées dans la préparation de la fête, dans tous les quartiers et arrondissements de la ville : Presqu’île, vieux Lyon, colline de Fourvière, Croix-Rousse, parcours au fil du Rhône, Montchat, Duchère, Gerland… Quelle belle et touchante unanimité...
Il faut attendre la 24ème page pour qu’on signale, sous un titre pour le moins ambiguë (Autour de la Fête) les événements religieux (veillée spirituelle et accueil, montée aux flambeaux avec le cardinal Barbarin, et liste des messes à Notre Dame de Fourvière.)
La fête traditionnelle se trouve ainsi excentrée et satellisée « autour » de la fête technologique, laquelle par ailleurs ne cesse de revendiquer sur les dépliants touristiques sa filiation avec elle, qui lui sert de caution. Paradoxe du spectacle, aurait dit Guy Debord. Magnifique illustration de l’entertainment, également, tel qu’il fut définit à l’origine par ses concepteurs. La tradition, tout comme l’innovation technologique, se retrouvent récupérées et instrumentalisées à peu de frais dans une opération qui n’est plus que politico-commerciale, et qui ne manquera pas de servir de communication au staff électoral de la mairie .
Aux Lyonnais qui sentent confusément qu’on leur a dérobé « leur fête », demeure la liberté d’allumer quelques lampions déposés sur le rebord d'une mélancolique fenêtre. Même ceux-là, hélas, n’auront d’autre alternative que d’être récupérés par le spectacle, puisque que comme le dit dans sa langue de coach simpliste et de mage inspiré le mégalo-maire de Lyon (qui s’apprête à vendre l’Hôtel-Dieu par ailleurs) dans son opuscule de propagande municipale : « Le soir du 8 décembre posons des lumignons sur le rebord de nos fenêtres ; tout en perpétuant notre tradition nous montrerons à quel point nous pouvons nous mobiliser et participer. L’avant-veille le 6 à 19 heures, nous avons rendez-vous avec le feu d’artifice reporté le 14 juillet en raison des intempéries ; il aura toute sa place lors de la Fête des Lumières. Ensemble, nous allons revivre cette fête, passion au cœur. La passion, celle qui engendre l’enthousiasme dont dons avons tant besoin… »
( On croirait entendre Zbigniew Brezinski – voir plus haut- troublant, non ?)
A partir de ce soir, tout le périmètre du centre ville sera fermé. Il n'y a bien que les commerçants qui se frottent les mains devant cette grand messe du commerce. La piètre équipe municipale également, qui gère l'image de la ville comme si c'était une entreprise, et qui n'a plus à présenter à la population que ce genre d'événementiel pour redorer son blason. Pour le reste, la plupart des gens que je connais me disent : "vivement le 9 !"
Si vous avez le temps, voici quelques témoignages d'écrivains du vingtième siècle décrivant des impressions d'enfance sur les Illuminations du 8 décembre. Des descriptions plus politiques, également, sur les luttes qui opposèrent les laïcards et les cathos. Tout ceci ne manque pas de sel, et est à suivre au fil de ces différents liens :
- témoignage de Marcel E Grancher
- témoignage de Charles Joannin et suite
- témoignage de Tancrède de Visan et suite.
- témoignage de Pétrus Sambardier
- Contre les Lumières (Solko, 2008)
- Le 8 décembre du temps de l'O.T.L.
19:13 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : politique, lyon, fête des lumières, noël |
vendredi, 04 décembre 2009
Une rencontre
A Feuilly & Bertrand, prolongement de leurs commentaires...
C’était, dira-t-on, il y a un certain temps. Aussi bien, il semble que ce fut hier. Je donnais alors des cours du soir à des assistants de langue dans une université accueillant des étrangers. Vous savez : des étudiants venus d’un peu partout pour faire la conversation aux lycéens, en parallèle de ce que ces derniers font avec leurs professeurs respectifs. C’était une déjà vieille université, bordant le Rhône. Emplie d’étudiants de tous les continents, venus étudier le droit, le commerce international… Mais là n’est pas le sujet. C’était encore l’hiver. Un soir de mars, dieu de la guerre. Plus précisément un mercredi 19 mars, quelques heures avant que George Bush (vous avez déjà oublié ? Tout passe si vite… C’était avant l’ère Obama…) ne commence à pilonner Bagdad…
Dans l’amphi d’à côté, j’avais repéré un groupe d’étudiants en droit international qui quittaient les lieux vers 20 heures, en même temps que moi, mais souvent s’attardaient pour discuter dans les cours intérieures et par groupes de quatre ou six, sous les galeries. Ce soir-là, alors que je m’apprêtais à quitter les lieux, un groupe s’était formé autour de l’un d’entre eux, lequel paraissait à la fois très énervé et comme hanté par une sorte de sérénité. Je m’approchais. A cette époque, on l’a peut-être oublié, partout, on ne parlait que de ça : Bush et Saddam, Saddam et Bush, l’Irak et les armes de destruction massives…
Je m’approchais du groupe, une quinzaine d’étudiants rassemblés autour de l’individu charismatique qui, parlant un français impeccable, les haranguait.
« Vous les Français, vous êtes stupides », disait-il …
Et à ce mot, je tendais l’oreille, m’approchais.
« Vous êtes bêtes ! Mais bêtes ! Vous croyez à ce que vous lisez dans les journaux. Vous croyez que Saddam Hussein est un dictateur. Mais ce n’est pas vrai. C’est grâce à lui que je suis ici. C’est son gouvernement qui finance mes études. Vous croyez… »
Il faisait froid, la nuit urbaine qui n’est jamais la nuit absolue mais toujours ce jour sale jetait sur les visages aux traits tendus des jeunes gens qui l’écoutaient une lueur blafarde. Je n’exagère rien. Nous étions à quelques heures des premiers bombardements. Et ce garçon qui devait avoir peut-être vingt-trois ou vingt-cinq ans, toujours dans ce français que la plupart des lycéens gavés de technologie ne savent aujourd’hui plus ni lire ni écrire, ce garçon irakien, qui est peut-être aujourd’hui mort, nous disait :
« Je rentre chez moi pour défendre mon pays. Mais avant de partir, je veux vous dire à vous autres Français quelque chose. Je veux vous dire que vous êtes devenus très bêtes. Vous croyez à ce que vous disent les Américains dans les journaux. Ils vous disent qu’en Irak, ils vont pour chercher du pétrole. Et vous les croyez. Ils vous disent que Saddam est un dictateur. Et vous les croyez. Mais Saddam n’est pas un dictateur : Saddam est un irakien, et vous ne comprenez rien au peuple d’Irak. Saddam est un nationaliste irakien. L’irak a besoin de lui pour ne pas sombrer dans le chaos. Vous ne comprenez pas cela. Vous ne comprenez rien. Vous êtes devenus très très bêtes à croire que tout le monde pense comme vous, rêve comme vous, rit comme vous. Très bêtes. Je vais vous dire la vérité. Je vais vous dire, moi, ce que les Américains viennent chercher en Irak. Et ce n’est pas du pétrole, non… »
Et moi je l’écoutais, à quelques mètres du groupe. Il m’avait repéré, mais continuait son discours. Qu’avait-il à perdre, ou à gagner ? Il y avait une sorte de gravité dense dans l’air. Tout le monde attendait la suite, en se disant que quelques semaines, quelques mois plus tard il serait peut-être mort…
Et ce qu’il dit alors… Ce qu’il dit alors se grava en moi comme un cri du cœur, un cri d’angoisse et de révolte, une évidence, en même temps :
« … Ce qu’ils viennent chercher en Irak, c’est les hommes. Les hommes ! Notre culture. ! Nous ! Ils veulent qu’il y ait autant de différence entre moi et mon petit-fils qu’il y en a entre vous et votre grand-père… »
Il y eut un grand moment de silence. Puis il serra les lèvres comme pour contenir son émotion.. Et il dit ceci :
« Si vous rencontrez un américain, vous devrez le manger. Le manger. Et le dégueuler tout cru après. Comme ça »
Et il cracha dans la cour de l’Université. Et ce fut sans doute l'une des dernières choses qu’il fit en France avant de regagner son pays en guerre.
Je n’ai pas trouvé un mot à lui dire. Je pensais à mon grand-père, enterré là-haut à Loyasse. Puis je suis rentré à pieds chez moi.
Et voilà qu’à présent Obama, l’autre face de Bush, envoie ses troupes en Afghanistan. Chaque soldat américain, dit-cet homme redoutable, portera là-bas la paix.
Et tous ceux qui insultaient Bush ne diront rien à Obama.
Parce qu’il est « noir » ?
Parce qu’il est Nobel de la paix?
Parce qu’il est so called démocrate ?
Parce qu'il vient après ?
Ou parce que nous sommes devenus, de renoncements en renoncements, nous aussi américains ?
Et qu’au fond, il y a, c’est vrai, autant de différences entre nous et nos grand-pères qu’il y en aura entre mon inconnu de l’Université, un certain mercredi 19 mars 2003, et son petit-fils, dans une soixantaine d’années, s’il est toujours vivant…
Je ne lui souhaite pas.
12:51 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : obama, politique, guerre d'irak, saddam hussein |
mercredi, 02 décembre 2009
Je ne me ferai pas vacciner
Je ne me ferai pas vacciner, évidemment.
S’il existait un vaccin contre la connerie, au moins, tous ces gens qu’on voit rentrer, tête baissée, dans la propagande de l’Etat pourraient être immunisés et l’air redeviendrait en partie respirable. Mais non. Il n’en existe pas. La propagande, partout. L’insidieuse, la sale propagande. Je pense aux individus isolés qui regardent ces émissions. Leur seule compagnie. J’en ai connu des comme ça. Qui croient tout et son contraire. Morte en eux, la conviction. Avortée. La télévision a désormais le pouvoir de créer une guerre civile, une épidémie, de gérer des mouvements de solidarité, de vote, de guider les gens dans leurs indignations (les Suisses ne veulent pas de minarets chez eux, pouah les méchants !), de les mettre en empathie avec n’importe quel leader, de guider leurs goûts « musicaux », « littéraires », leurs opinions politiques, etc, etc…
La dictature de la gouvernance mondiale est passée à un stade encore supérieur avec la mise sur le marché de l’illusion technologique. Les pratiques culturelles des individus ne sont plus que des pratiques d’impuissants solitaires : avec mon portable, mon facebook, mon MP3, je pratique l’onanisme culturel en permanence. Accroc. C’est un contrôle absolu de l’opinion qui n’eut sans doute pas de précédent dans l’histoire de l’humanité.
Leurs affects… Leur reste que ça. Plus quelques mots. Vocable d'impuissants.
Parfois, dans les rues de Lyon, je me pince, car je ne reconnais plus mon pays. Où sont passés la simple politesse, le plaisir de marcher ensemble sur les mêmes trottoirs, la connivence immédiate, la personnalité de chacun ? Des clones manufacturés par le prêt à porter. La gouvernance mondiale. Moi, parmi eux. Une colère en fusion, parmi d'autres. Mais tant et tant qui semblent satisfaits. (ce que dit Ellul : un technicien est toujours satisfait...)
Sans prétention baudelairienne, pourtant, moi, parfaitement étranger.
« Eh, qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger … » Cette part de poésie qui grelotte en moi au milieu de ces jeunes gens en acier, de ces adultes infantilisés, de ces vieillards apeurés. Une affiche publicitaire avec un mannequin-putain accroupie, sorte de goule rousse pour un parfum qui me dit : « tout ce que tu as lu est en trop, au pays des illéttrés. »
Là-haut, la marchandisation de l’or au même prix que celle de la merde.
Il n'y a pas de crise économique au pays de cette marchandise.
Les journalistes collabos. Et combien "d'artistes", collabos ? "D'intellos", collabos ?
Ils n’y voient que du feu. Ou le feu qu'ils voient les aveugle.
Résultats tout pareils.
Dans quel sens cela fonctionne, cet aveuglement des masses ?
Tout se vend tout se vaut.
Et vice-versa
Je ne me ferai pas vacciner.
05:48 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : vaccination, politique, h1n1, grippe, propagande |
samedi, 31 octobre 2009
Petition pour l'Hôtel-Dieu
Une pétition est en ligne pour placer le maire de Lyon Gérard Collomb et son équipe municipale en face de leurs responsabilités dans l'affaire du devenir de l'Hôtel-Dieu. Elle est organisée par un collectif de médecins, de professeurs, d'infirmier(e)s et de responsables d’associations de santé et vient tout juste de recueillir les 1000 signatures. Ci-dessous le texte du collectif. Pour rejoindre les signataires, c'est juste à côté (bandeau déroulant sur la droite).
Pour la création d’un Centre de promotion de la santé à l’Hôtel-Dieu :
Nous proposons à l’équipe municipale et à la commission de réflexion ad hoc un projet ambitieux - mais peu coûteux - pour l’unique hôpital public du centre ville, l’Hôtel-Dieu :
Un Centre multidisciplinaire de promotion de la santé, qui aurait pour missions de renforcer le lien social, la prise en compte des plus fragiles de nos concitoyens, notamment par l’éducation pour la santé, les médiations culturelles, le droit des usagers, etc…
Ce Centre regrouperait aussi les expertises en santé publique aujourd’hui dispersées dans l’agglomération, constituant de facto la base logistique des programmes de prévention.
A côté de ce pôle de compétences axé sur la promotion de la santé, nous proposons que soit installée au sein de l’hôpital une Maison médicale de garde, pour répondre à la fois aux urgences de première ligne et aux besoins de santé des plus déshérités : l’Hôtel-Dieu, dont la facilité d’accès est exceptionnelle, renouerait ainsi avec sa vocation originelle d’accueil et de soins des plus fragiles.
Ci-dessus : Jacques Germain SOUFFLOT, qui vous remercie de votre attention.
Lire ICI un article de Lyon Libé sur le sujet (28/09)
Lire également, sur ce blog :
L'hôtel Dieu dans les flammes du pognon
Lieu planétaire et Espace universel
13:33 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : gérard collomb, hôtel-dieu, politique, actualité, société, histoire, soufflot, promotion de la santé |
mercredi, 28 octobre 2009
Les formules du contribuable
On trouve sous la plume d’auteurs mineurs des réflexions de haute tenue ; comme ici, sous celle de Pétrus Sambardier (1), journaliste et écrivain à peu près complètement oublié qui nous offre là une belle leçon de mémoire politique :
« Une seule chose est restée certaine de ce qu’ont dit les journaux : c’est que tout le monde est imposé sur le revenu. Il n’est pas un Français qui ne jouisse pas d’un revenu. Si vous gagnez juste assez pour payer votre location, boire du vin aux grandes fêtes, et acheter un complet les années bissextiles, ce que vous gagnez est un revenu et est imposé comme tel. Au temps lointain où je lisais les affiches électorales je me souviens qu’on faisait des rassemblements autour de ces affiches pour lire en grosses lettres : Etablissement d’un impôt sur le revenu. Dans l’esprit de ceux qui composaient le rassemblement, il n’y avait pas de doute. Impôt sur le revenu cela voulait dire : impôt sur celui qui a de quoi. Nous trouvions cela très bien, et l’on nous aurait fort étonné si l’on nous avait dit : Le revenu, c’est la journée de l’ouvrier, l’heure de la femme de platte (2), le tronc du garçon de café, la bonne-main du déménageur. Le revenu, c’est le cachet du joueur d’ocarina la visite du docteur, la quête du lutteur à la vogue.
Tout ça il faut le déclarer, et pas moyen de frauder. »
(1) « Les formules du contribuable » - 3 avril 1920 in La Vie à Lyon,
(2) Les plattes étaient des bateaux-lavoirs sur le Rhône et la Saône
09:12 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : petrus sambardier, littérature, politique |
vendredi, 23 octobre 2009
Un Colbert en réserve
Colbert n’était guère aimé de la Cour de Louis XIV qui lui reprocha sa roture, sa vulgarité ainsi que son caractère froid et distant. Mme de Sévigné qui, comme Saint-Simon, n'était pas avare de ses compliments, le surnomma « Le Nord », en raison de son attitude qu'elle jugeait glaciale. Louis XIV aurait-il été le monarque le plus puissant du monde sans le génie cet homme ? La BdF le jugea suffisamment charismatique pour lui consacrer une coupure de 500 francs le 14 janvier 1943. Malgré les 3 millions de billets imprimés, il ne fut cependant jamais mis en circulation et demeura, si on peut le dire, une effigie de l'ombre, puisque cette véritable éminence grise fut placée en réserve pour des raisons de stratégie autant économique que militaire.
Contrairement à la légende, Colbert (1619- 1683) n’était pas le fils d'un marchand drapier. Ses ancêtres, laboureurs à la fin de la guerre de Cent Ans, puis maçons au XVème siècle, s’étaient rapidement enrichis en devenant marchands grossistes au XVIème, puis banquiers et financiers. Ils avaient donné bon nombre d’échevins à la ville de Reims. Sous Henri IV et Louis XIII, ils étaient très liés aux marchands et banquiers lyonnais, et avaient atteint le sommet de leur pouvoir sous Louis XIV : Le grand commis de la royauté française ne fut donc pas le self made man du Grand Siècle qu'on imagina par la suite dans les préaux des écoles, mais bien plutôt un fils à papa poussé dans les allées du pouvoir par des politiques et des gens d’affaires influents, au sein desquels on retrouve Le Tellier (père de Louvois), Particelli d'Émery, Lumagne, Camus…
Jean Baptiste Colbert a donné son nom au colbertisme, doctrine économique prônant entre autres l’idée que la richesse d'un État est avant tout fonction de l'accumulation des métaux précieux. La toujours irrévérencieuse postérité, en ayant songé un temps à le faire figurer sur l’un des ces bouts de papier auxquels les hommes modernes, oublieux des métaux, accordent tant de valeur, fut donc à son égard assez ironique.
De 1634 à 1645, il connut une ascension fulgurante, du comptoir lyonnais banquier Mascranny, où il fréquenta le milieu de la soie, au secrétariat d’Etat à la Guerre du ministre Le Tellier. Quelques trois ans plus tard, après un mariage qui lui rapporta 100 000 livres de dot, le jeune Colbert passa du service de Le Tellier à celui de Mazarin, sut profiter de la disgrâce de Fouquet, et petit à petit gagner les faveurs de Louis XIV. La légende voulut qu'il travaillât jusqu'à 16 heures par jour et Michelet alla jusqu’à le comparer à un « bœuf de labour », pour signifier cette puissance de travail qui dama le pion à tous les premiers de la classe du Grand Siècle.
Homme de l’épargne, homme du travail, protecteur des manufactures royales, Colbert reste aussi dans les mémoires comme l’homme du commerce maritime et colonial, qui dota le pays d’une flotte de guerre de plus de 276 bâtiments, ainsi que celui des Compagnies, dont celle des Indes: Voila pourquoi la coupure qui l'honore le représente la paume de la main posée sur une mappemonde.
A l'autre bout du billet, l'éphèbe gracile qu'on voit danser par-devant les voiles lointaines d'une caravelle, c'est donc le dieu Mercure, dieu, comme chacun le sait, des commerçants et des voleurs. Ah Cherbourg ! Ah Rochefort ! Tous les Dunkerquois s'en souviennent et en sont fiers, c'est lui qui en 1662 racheta leur ville aux Anglais pour l'offrir au tout jeune Roi de France. Les astronomes lui furent par ailleurs reconnaissants d'avoir, en 1667, fondé l'Observatoire de Paris. Ceux ou celles parmi vous que saisirait - sait-on jamais - l'envie de se recueillir un instant devant les cendres de Colbert peuvent toujours se rendre à Saint-Eustache dans la bonne ville de Paris. Non loin du Forum des Halles et de sa fièvre trop commerciale, la poussière des seules jambes de l'illustre trépassé y demeure, dans la pénombre d'un sarcophage orné d'une magnifique statue dudit en prière sculpté par le sculpteur lyonnais Coysevox.
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jeudi, 22 octobre 2009
Collomb, Perben, l'Hôtel-Dieu & moi...
« La méthode suivie par Gérard Collomb est grotesque. Un gigantesque hôtel et vaguement, une activité à caractère culturel. Que l'Hôtel-Dieu devienne, à titre principal, un hôtel avec des galeries marchandes, c'est impensable ! Collomb n'a pas le droit de le faire ! On ne peut pas nier l'Histoire de la ville à ce point-là. Je suis tout à fait décidé à empêcher que ce projet aboutisse tel qu'il est aujourd'hui envisagé. »
Cette phrase est tirée du blog de Dominique Perben, « candidat malheureux » à la mairie de Lyon. Ancien ministre, Dominique Perben est on le sait membre de l’UMP. Parti pour lequel je n’ai aucune sympathie, pas davantage d’ailleurs que je n’en ai pour le PS. Simplement je voudrais dire à Mrs Perben et Collomb que même si, sur ce dossier, il se trouve que je suis en désaccord total avec Collomb et que j’aurais pu écrire mot pour mot ce qu’a écrit Perben, je ne brigue aucun mandat, aucune responsabilité, aucune carte dans aucun de leurs partis ; j’affirme aux deux que politiser l’avenir de l’Hôtel Dieu est une imposture et une sacrée forfaiture au regard de l’Histoire. Le passé de nos monuments, leur avenir, ne sont pas des enjeux à politiser. Il serait grotesque de penser qu’il y a une posture à priori de gauche qui consisterait à soutenir le projet de Collomb, et une posture de droite qui consisterait à s’y opposer.
Je pense à tous ceux qui depuis des siècles sont nés, sont morts, ont souffert, ont accouché dans ce lieu, à tous ceux qui y ont travaillé également, à tous ceux qui l'ont payé, enfin. Je m'emplis de cette mémoire. L’Hôtel Dieu appartient à l’histoire de cette ville et à l’histoire du monde.
Il appartient au peuple des donateurs puis à celui des contribuables sans lequel il n’aurait jamais existé.
Le céder au privé relève du vol. Gérard Collomb est un voleur.
Tous les gens sensés devraient refuser la politisation du dossier, s’opposer à tout projet, de quelque bord qu'il soit, visant à soustraire à la chose publique ce qui lui appartient.
La pétition est encore en ligne, et il ne manque que quelques signatures pour que nous atteignions le chiffre symbolique de 1000.
C’est évidemment très insuffisant.
Il en manque 9000 pour que nous soyons à 10.000
Et 99 000 pour atteindre le chiffre honorable de 100 000.
POUR SIGNER, VOIR LE BANDEAU DEROULANT A GAUCHE ET SUIVRE LES INSTRUCTIONS
23:40 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gérard collomb, politique, ps, ump, dominique perben, hôtel-dieu, lyon, patrimoine, soufflot |