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lundi, 19 octobre 2009

Les politiques de la Banque de France

Les politiques dont l’effigie a figuré sur les billets de la banque de France sont nombreux ; en suivant les liens, on trouvera des commentaires sur les billets suivants :

- Le 1000 francs / 10 NF  Richelieu

- Le 5000 francs / 50 NF  Henri IV

- Le 10 000 francs / 100 NF  Napoléon Bonaparte

- Le 5 francs Bayard

- Le 100 francs Sully

- Le 50 francs Jacques Coeur

- Le 500 francs Clémenceau

- Le 500 francs Colbert

 

- Coloniser, décoloniser

- Un billet pour la paix

-

 

 

- L’œil du Berger

23:14 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anciens francs, politique | | |

Le député tatami

Le vote Douillet est certes un épiphénomène, somme toute anecdotique au regard de « l’Histoire ». Sarkozy et ses sbires y ont déjà trouvé une occasion de le tirer du mauvais pas où l’avaient jeté et son fils à papa de président de fils, et son neveu de président de ministre. La vie dorée pour l’un, la mauvaise vie pour l’autre, deux éléments que les citoyens de base en temps de crise ont heureusement encore un peu de mal à pardonner même s’ils ont l’oubli bien facile.

Et certes, il y a eu des gens pour voter UMP derrière le vote Douillet, et venir au secours de l’autorité, comme ils disent.

D’autres, pourtant, et c’est avec ces autres qu’on fait une majorité de nos jours, ont voté non pas pour l’UMP, mais pour Douillet lui-même qui avait fait de la députation, publiquement, un challenge personnel. Ceux-là m’interrogent. M’interrogent vraiment.

De quel type de représentation le croient-ils capables ? Que signifie faire de la politique un challenge personnel ? Sans doute ces curieux électeurs auront-ils trop entendu dire à la télé que ce sportif-là représentait jadis la France aux J.O… Et sans doute la confusion entre un type de représentation symbolique et ce qu’est réellement la représentation politique a-t-elle jouée dans certains cerveaux un peu inexpérimentés.

De même, à force de jouer avec le vote, par minitel, puis par téléphone, par portable, par SMS, pour tout et n’importe quoi, on aura fini peut-être par transmettre à toute une frange d’une génération une vision du vote fort curieuse, vote pour qui te plait, vote pour le plus fort, vote pour qui te séduit

La démocratie va mal. La société démocratique aussi.

La politique spectacle n’est plus une vue de l’esprit. C’est désormais un fait. Voilà ce que signifie le vote Douillet.

La dérision qui a gagné tous les esprits et souffle dans tous les étages de la société risque bien de nous réserver certaines gueules de bois, le PS comme l'UMP jouant sur ce terrain les mêmes cartes, celles qui consistent à tirer du bénéfice en et de toutes choses, au nom d'un pragmatisme cynique contre lequel il faudra bien qu'un jour la population se révolte pour de bon.

 Au train où vont les choses, il se peut même, voyez-vous, qu’on regrette un jour le très bling bling et hautement caricatural Sarkozy dont on dira : c’était encore, lui, un homme politique, tout comme j’ai entendu des gens regretter Chirac et lui trouver rétrospectivement (ce qui ne manque pas de sel) une hauteur d’esprit et une certaine suite dans les idées…

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David Douillet élu judoka député dans les Yvelines.

 

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Et bientôt, lequel président ?  Zidane ?  Arthur ?  Mimie Mathy ?

Voilà qui sent si bon la France qui gagne

Vu et voté à la télé...

23:04 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : politique, david douillet, sarkozy, palais bourbon, n'importe quoi | | |

vendredi, 16 octobre 2009

La leçon du XIXème au XXIème siècle

Ce billet fait suite à celui sur les grotesques videos d'hier. Joyeux, incorrigible et ringard, je laisse la finesse de la critique baudelairienne ainsi que le bucolisme présumé de Pierre Dupont parler d'eux-mêmes, en guise de pendant.

 

En 1846 ou 47 (je crois plutôt que c’est en 46), Pierre Dupont, dans une de nos longues flâneries (heureuses flâneries d’un temps où nous n’écrivions pas encore l’œil fixé sur une pendule, délices d’une jeunesse prodigue, ô mon cher Pierre, vous ne souvenez-vous ?), me parla d’un petit poème qu’il venait de composer et sur la valeur duquel son esprit était très indécis. Il me chanta, de cette voix si charmante qu’il possédait alors, le magnifique Chant des Ouvriers. Il était vraiment très incertain, ne sachant trop que penser de son œuvre : il ne m’en voudra pas de publier ce détail, assez comique d’ailleurs. Le fait est que c’était pour lui une veine nouvelle.

Si rhéteur qu’il faille être, si rhéteur que je sois et si fier que je sois de l’être, pourquoi rougirais-je d’avouer que je fus profondément ému ? Je sais que les ouvrages de Pierre Dupont ne sont pas d’un goût fini et parfait ; mais il a l’instinct, sinon le sentiment raisonné de la beauté parfaite. Ce chant était-il un de ces atomes volatiles qui flottent dans l’air et dont l’agglomération devient orage, tempête, événement ? Etait-ce un de ces symptômes précurseurs tels que les hommes clairvoyants les virent alors en assez grand nombre dans l’atmosphère intellectuelle de la France ? Je ne sais ; toujours est-il que peu de temps, très peu de temps après cet hymne retentissant s’adaptait admirablement  à une révolution générale dans la politique. Il devenait, presque immédiatement, le cri de ralliement des classes déshéritées.

Le mouvement de cette révolution a emporté jour à jour l’esprit du poète. Tous les événements ont fait écho à ces vers. Mais je dois faire observer que si l’instrument de Pierre Dupont est d’une nature plus noble que celui de Béranger, ce n’est cependant pas un de ces clairons guerriers comme les nations en veulent entendre dans la minute qui précède les grandes batailles. Pierre Dupont est une âme tendre portée à l’utopie, et en cela même vraiment bucolique. Tout en lui tourne à l’amour et la guerre, comme il la conçoit n’est qu’une manière de préparer l’universelle réconciliation. »

Charles Baudelaire, « Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains, Pierre Dupont »,  Critique Littéraire, 1858

 

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samedi, 10 octobre 2009

Noyés dans un verre d'eau

La France est devenu ce pays où la ratification par la Pologne du traité de Lisbonne et les démêlés ridicules du  neveu de François Mitterrand avec son passé sont traités à peu près à part égale dans les journaux.

Ou bien l’attribution du Nobel à Obama et le match  France / île Feroë.

 

On pourrait s’amuser à comparer longuement l’importance de ces 4 événements, à l’aune de l’intérêt que leur portent tel ou bien tel autre téléspectateur (micro-trottoirs), consommateur d’infos (sondages et billets d'humeur) ou commentateur prétendument spécialisé (éditoriaux).

C'est à  l'aune, surtout, de ses conséquences historiques sur nos vies à tous qu'il conviendra, dans la plus totale impuissance, de juger. Car un seul possède une ampleur historique réelle, et aura une incidence effective et durable sur nos pauvres existences.

 

Un seul. Vous verrez que c’est celui qui finira par passer le plus inaperçu.

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jeudi, 08 octobre 2009

Lieu planétaire et espace universel

La question qui préoccupe à l’heure actuelle pas mal de Lyonnais est le devenir de l’Hôtel-Dieu. Ce qui est le plus stupéfiant, quand on y réfléchit avec un peu de recul, c’est que la ville elle-même, son site, est classé par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité, et que l’on puisse malgré tout juridiquement transformer l’un de ses bâtiments les plus somptueux et les plus significatifs en  un quelconque hôtel pour milliardaires… Beaucoup de naïfs pensaient cependant que ce label était une sorte de  protection : ils ont désormais la preuve par l’exemple que non.

Et pourtant, Dieu sait si on nous aura endormi, durant ces années dernières, avec la "politique patrimoniale", menée de fait à l'unisson avec celle de la "protection de l'environnement".

Ces événements m’ont ramené à une réflexion sur le territoire, que j’avais menée l’an dernier avec le romancier Philippe Nauer sur l’existence (ou la non existence) de ce « lieu planétaire » qui, petit à petit, s’est substitué dans le discours des gouvernants et des idéologues de service, à la notion d’universalité comme à celle de territoire particulier.

Voici l’article que j’avais alors écrit pour CONDUCTEUR-PASSAGER, une revue en ligne dirigée par Philippe Nauer.

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Si  j’en crois les poètes, ce qui caractérise le lieu, c’est le rapport privilégié qui s’est tissé, grâce au langage, entre l’infini de l’espace et les contours limités que j’en perçois autour de moi. Le lieu, c’est l’espace dont, par le verbe, j’ai fait un logis à un moment ou à un autre de mon histoire: toutes les pistes de ma mémoire recréent ainsi pour moi des lieux dont la réalité me fut un jour un bien aussi précieux qu’obsédant : un corridor, l’entrée d’un magasin, le coin d’une rue, le bord d’une rivière ; tels sont les lieux proustiens, instance de la mémoire conçue par la parole, susceptibles de devenir de véritables pays : « Balbec, Venise, Florence,  dans l’intérieur desquels avait fini par s’accumuler le désir que m’avaient inspiré les lieux qu’ils désignaient »[1].  Le poète Yves Bonnefoy a souvent usé de jolis mots, de mots soigneux,  pour désigner cela : le mot demeure. Le mot château. Le mot terrasse. Car n’est-ce pas ce que nous demandons à l’espace, dès lors que nous le nommons nôtre, un beau matin : qu’en devenant un lieu, il parvienne à offrir à notre effroi face à l’inconnu, face à l’innommable, face à l’indicible, cette demeure où vivre, ce château comme refuge, cette terrasse comme consolation ?

 Pourtant ce lieu premier, celui que Bonnefoy appelle le lieu natal, ne s’est jamais contenté de n’être qu’un lieu identitaire et clos sur lui-même. Si  j’en crois la poésie, des aèdes de la Grèce antique à Hölderlin, parce qu’il était relié à d’autres par des paysages, le lieu a toujours exigé également de tendre sa route à l’universel. Et donc, sur le sol du lieu natal, parce que quelques paroles l’avaient, là,  rassuré, l’être humain faisait son premier pas vers l’appréhension à la fois désireuse et peureuse de ce qui l’entourait, et ce, jusqu’aux limites de ce qu’il percevait. Vivre en une demeure véritable a donc  toujours été une expérience d’abord sensuelle, puis intellectuelle : celle qu’en un lieu (locus) un individu fait de l’univers tout entier, du plus proche au plus lointain, du plus concret au plus abstrait , de ce qu’il peut voir, entendre et goûter, à ce qu’il peut réfléchir. L’expérience du lieu est ainsi à la fois particulière et universelle : voilà pourquoi le pays a toujours été un espace avant tout littéraire, dont la littérature a toujours été plus apte que la peinture, la photographie ou le cinéma à rendre compte. « Rien n’est plus difficile que de prendre conscience d’un pays, de son ciel et de ses horizons, affirme Bernanos : il y faut énormément de littérature»[2]

L’espace, au contraire du lieu, se présente à moi sous un jour géographique, scientifique, administratif, juridique, pictural, climatique – tout ce qu’on voudra, tout, sauf littéraire. L’espace n’est pas nommé. J’ai pourtant bien besoin d’espace, certes : ne parle-t-on pas d’espace vital ? Mais à condition que cet espace soit circoncis dans un lieu défini. Que cet espace soit un périmètre dans mon lieu. Sorti de cet espace dans lequel voluptueusement je m’étire, l’espace ne reste qu’un concept, une simple abstraction pour mathématicien-philosophe, physicien-astronome ou intermittent de l’aventure. Certes, lorsqu’il était peuplé de dieux, l’espace ouvrait encore aux hommes quelques portes sur l’Univers. L’espace était alors un lieu foisonnant de chimères, tout en alcôves et en recoins mythologiques, un véritable lieu, oui, dans lequel  se jouaient les scènes les plus cruelles et les plus tendres. Mais depuis que la science nous a démontré que l’espace était vide de dieux, depuis que la technique en a parachevé sa clinique exploration, nous avons compris à quel point ce cosmos vide est tout le contraire d’un séjour, d’une demeure, d’une terrasse, d’un pays. Cet infini a-t-il d’ailleurs jamais été, comme le doux foyer ou la tendre patrie, hanté par les mânes, ni vraiment raconté par les poètes ?

« La conquête de l’espace par l’homme a-t-elle augmenté ou diminué sa dimension ? »[3] s’interroge Hannah Arendt. Elle aura, en tous cas, singulièrement remodelé les lieux qu’à grand peine,  nous nous étions aménagés sur Terre. Désormais, le concept récent de mondialisation nous assigne en effet  comme séjour un lieu redimensionné en village global, sectorisé en zones d’influences, géré par des spécialistes en tous genres,  livré à une économie que nul ne maîtrise, médiatisé à outrance et exclusivement limité à la croûte de cette seule planète.  Mais sur cette boule endiablée, qui donc possède encore un lieu où naître, un lieu où durer, et un lieu où mourir ?  De maternités en crématoires, sommes-nous même encore désirables, le temps d’une existence entière, en un quelconque de ces points à d’autres reliés, une quelconque de ces places, à d’autres confondues, de ces endroits concurrents qui forment à notre insu l’espace planétaire et la représentation qu’on nous en livre ?  Le grand lieu de l’aventure a disparu de la Terre qui meurt de nos extravagances, que balaient nos satellites et parcourent nos réseaux. Le lieu du séjour, le pays, qu’en reste-t-il, en chaque recoin du monde ?  Il ne peut devenir, lorsqu’il survit avec ses particularités culturelles propres, que ce qu’une périphrase de la novlangue contemporaine appelle dorénavant un « lieu patrimonial »

Depuis 1978, date de la première réunion du Comité du Patrimoine Mondial, 878 « biens » ont été inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco. [4]  Il serait fastidieux d’énumérer ici la mosaïque de ces « biens », tantôt culturels  (sites ou villes), naturels (parcs ou réserves protégés) qui, désormais, sont saupoudrés sur les cinq continents. On se contentera simplement de rappeler les perspectives : il s’agit de transformer un certain nombre de lieux autonomes en espaces significatifs de la variété culturelle, dans une stratégie globale de représentation de « notre monde », c'est-à-dire de notre planète. Chaque territoire classé se retrouve réglementé comme jamais, et, selon la logique de la double pensée qui permet de fondre en une seule deux thèses normalement incompatibles,   protégé et pillé à la fois : Cette conception du lieu patrimonial n’est pas sans rappeler celle du lieu de mémoire ou bien du lieu de commémoration. On lui doit d’avoir induit au sein de l’espace local une représentation nouvelle, celle d’espace planétaire.

C’est ainsi que nos lieux concrets, intimes et privés, aux mètres carrés de plus en plus uniformes et de plus en plus onéreux, se sont retrouvés agglomérés ou imbriqués, au fil du temps et selon les cas, à des territoires plus vastes et à des espaces plus abstraits, que leur subliminale appartenance à « l’humanité » investissait d’une autorité quelque peu irrationnelle. Devant une telle autorité, l’individu lambda n’a pu que respectueusement s’incliner : En ces enclos nous existons, devenus chez nous plus passants, plus touristes, qu’habitants. L’esprit saturé d’images issues d’autres lieux, nous n’habitons d’ailleurs qu’à moitié celui où nous vivons, comme nous ne nous aventurons plus guère dans ceux qu’épisodiquement, nous visitons, l’appareil numérique au poignet. Comme si la conquête de l’espace- non pas celle des fusées, mais celle de chacun d’entre nous -  avait bel et bien assigné à cette humanité un logis commun, celui de la planète, et qu’entre le sédentaire et le nomade, une nouvelle espèce de terrien délocalisé jusqu’à l’insignifiance soit apparue. Que la dimension de cette Terre soit assimilable à celle d’un lieu vaste ou à celle d’un espace restreint, quelle importance, puisque en-dehors de ce lieu planétaire surpeuplé, n’existe plus, dorénavant,  le moindre espace à vocation universelle et que partout est entretenue la  confusion entre le sentiment de l’universel et la conscience du planétaire ?

C’est ainsi que le lieu natal, point d’origine à partir duquel chaque homme lançait, jadis, sa pensée à l’assaut de l’univers,  s’est réduit à n’être qu’un espace commercialisé  et rendu de plus en plus abstrait – un non-lieu, se plaisent à dire certains. Serions-nous, au sens propre, délogés ? Comment, dès lors, ne pas entendre avec beaucoup d’amitié, mais non sans une certaine mélancolie, ce qui soupire encore en cette strophe d’Yves Bonnefoy :

« Comment faire pour que vieillir, ce soit renaître,

Pour que la maison s’ouvre, de l’intérieur,

Pour que ce ne soit pas que la mort qui pousse

Dehors celui qui demandait un lieu natal ?[5]



[1] Proust, Du côté de chez Swann, « Noms de pays : le nom. »

[2] Bernanos, La France contre les robots

[3] Hannah Arendt, « La conquête de l’espace et la dimension de l’homme », in La Crise de la culture

[4] La liste du centre du patrimoine mondial de l’Unesco comprend 878 biens, dont 679 biens culturels, 174 naturels et 25 mixtes, répartis dans 145 états. Depuis novembre 2007, 185 Etats-parties ont ratifié la convention du Patrimoine mondial

[5]Bonnefoy, « La Maison natale »,  in Les Planches Courbes,  

 

 

Conducteur passager n°2  - décembre 2008

 

 

 

mardi, 06 octobre 2009

D'un dôme, l'autre

Une pétition est en ligne pour placer le maire de Lyon Gérard Collomb et son équipe municipale en face de leurs responsabilités dans l'affaire du devenir de l'Hôtel-Dieu. Elle est organisée par un collectif de médecins, de professeurs, d'infirmier(e)s et de responsables d’associations de santé et a recueilli pour l'instant plus de 800 signatures. Ci-dessous le texte du collectif. Pour rejoindre les signataires, c'est juste à côté  (bandeau déroulant sur la gauche).
 
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Victor Hugo sur son lit de mort, par Nadar

 

Sensation terrifiante que tout passe.

Nous discutons à la terrasse d’un café croix-roussien du crime de "Herriot le Petit", qui, alors que son prédécesseur a rasé totalement l’Hôpital de la Charité dans les années trente, songe, lui, à transformer l’Hôtel Dieu en hôtel de luxe.(1) Au prétexte que  le bâtiment est sauvé, certains s’en accommodent. Objection, votre honneur : Le bâtiment est sauvé, oui. Mais le monument ? (2)

 

Il fait bon deviser jusqu’au soir. Qu’est-ce, après tout, que ce « crime » au regard de l’actualité mondiale ? Qu’est-ce qu’un crime au regard de notre apéro, de notre digestion ?

Et puis, Collomb... un amateur, Collomb ! Un second couteau, assurément. Un couteau quand même.

Nous pensons à Hugo, à son fulgurant exil, à son combat contre Napoléon III , à cette photo de Nadar.

A Hugo au Panthéon. Tiens, le Panthéon. Nous revoilà, à nouveau avec Soufflot.

Décidément !


C’est une chose que nous avions évoquée la semaine dernière : la transformation du Panthéon et de tous ces mètres carrés scandaleusement inoccupés en plein Quartier Latin en casino. Toute la Côte d’Azur, les gars, Monte Carlo et Monte Christo, comme le chantait jadis la bonne Annie Cordy, allez hop ! tous sur la montagne Sainte-Geneviève. Dans le silence sépulcral des morts pour la République, le chant réjouissant du jackpot.

Ah ! Le Jackpot !

 

Il leur faudrait quand même, me dit un ami, virer quelques morts d'importance …

Soit ! Soit ... Qu’à cela ne tienne.

Un changement de régime est un changement de régime.

Les sans-culottes n’ont-ils pas viré tous les rois de France de leurs tombeaux ?

Alors, allez-y. Virez ceux de la République.  Virez.

Vous qui êtes capables de vous attaquer à la mémoire des pauvres en transformant leur hôtel en hôtel de luxe, au mépris de toute convenance  (3) , attaquez vous aux riches. A leur symbole, à leur mémoire. Allons !

Dôme pour Dôme, Soufflot pour Soufflot, attaquez vous au Panthéon.

Un peu de courage.

Je vous applaudirai à deux mains.

Regardez le, là-haut, le vieux polémiste.

Comme il dort bien.

 

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(1) Edouard Herriot a fait raser totalement l'Hopital de la Charité, dont il a daigné conserver, suite à une pétition des Lyonnais des années trente, le  seul clocher.  Gérard Collomb, qui n'est pas Herriot mais semble vouloir suivre ses traces en perçant un second tunnel de la Croix-Rousse, songe à reconvertir l'Hôtel Dieu en hôtel international pour milliardaires.

(2)  Ce dont un monument charge le paysage d’une ville, tel un arbre ou un mont  dans la nature, est lesté d’une double signification : ce qu’on voit de lui et ce qu’il signifie. Nous avons en effet, avec les monuments hérités du passé, la grande chance d’avoir sous les yeux une œuvre qui hisse en quelque sorte le peu de durée que nous sommes à une dimension qui nous dépasse, celle de l’Histoire. Que visiblement nous ne comprenons plus. Pauvres que nous sommes. Avancer l’argument qu’on ne touche pas aux pierres et que donc le monument sera sauf : c’est bien rapidement confondre le bâtiment (le signifiant) et le monument (le signifié). Faire œuvre de naïf, de sourd ou de cynique. Spécialité, semble-t-il, des maires de Lyon.

(3) Dans un discours prononcé devant l’Académie des Beaux Arts de Lyon,(De l’Identité du Goût et des Règles dans l’Art de l’Architecture), Soufflot évoque les quatre règles auxquelles un architecte en charge de l’utilité publique est tenu de se soumettre, et qui sont dit-il « les bases du gout » : Elles paraissent, dit-il, «renfermées dans ce qui suit » :

« l’utilité,  qui donne la disposition relative aux besoins, la solidité qui donne la sureté, la convenance qui est le rapport des édifices avec les usages et les personnes, la symétrie ou la correspondance des parties entr’elles et avec le tout qui constituent l’ensemble et l’unité »

 

vendredi, 02 octobre 2009

Sale vendredi d'octobre

Je suis allé me promener dans la cour intérieure de l'Hôtel Dieu cet après-midi. J'ai longuement déchiffré les "ex-voto" en marbre, sur lesquels furent gravés les noms de tous les donateurs et donatrices du passé. J’ai réfléchi à ces sommes. J'ai cheminé dans les galeries couvertes, j'ai goûté au calme de cet endroit, désormais condamné. J’ai humé son parfum. Je m'y rendrai désormais plus souvent, dès lors que mon emploi du temps me le permettra, puisque cet endroit, tout pénétré de sens, est condamné par la stupidité des temps présents.

Cet endroit solennel et romanesque deviendrait donc, comme un vulgaire centre commercial ou bien un hall d’aéroport, un lieu parfaitement commun ? J’ai imaginé la signalétique, les enseignes, les écrans, les caméras de surveillance, les rampes d’accès, la musique d’ambiance, les poubelles remplies de gobelets… Sinistre.  A commencer par ce RDC « consacré aux boutiques, bar et restaurants » : quelle tristesse me serre la gorge à songer à un devenir aussi quelconque, pour ce lieu dont la mémoire séculaire, tout imprégnée de silence, est également tout emplie de soupirs, de prières et de cris ?

Là-haut, ce serait donc l’hôtel de luxe rêvé par Collomb, un contre sens absolu, cet hôtel, l’œuvre du siècle où nous sommes, un siècle sans esprit.  

Sur cet hôtel, tous les Lyonnais devraient cracher en chœur, tant l'idée même en est révoltante.

Tout ceci est fort triste.

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Après avoir quitté l'Hôtel-Dieu, cet après midi, j’ai traversé la rue Marcel Rivière ; la lumière d'automne, sur la terrasse du République était engageante. Pas le coeur cependant à musarder en terrasse. Je suis passé faire un tour sous la verrière de la salle des ventes. Bizarre sensation, bizarre ressenti : le commissaire priseur, officier ministériel à tête de Gérard Collomb, couvert derrière je ne sais quelle légalité pour commettre ses forfaits, mettant à l’encan le dôme de Soufflot, devant une salle emplie de milliardaires américains, arabes ou japonais. Des poches pleines de pognon. Sale pognon.

Et dehors, en sortant, la rue de la République, une rue emplie d'indifférents (qui ne portent plus sur le visage, dans le regard, dans la tête, la moindre différence...)

Sale vendredi d'octobre.

22:10 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : hôtel-dieu, salle des ventes, politique, actualité, sale vendredi | | |

samedi, 26 septembre 2009

Sur la disparition du franc

150px-10Francs1990revers.pngIl est d’usage de traiter ceux qui regrettent la disparition du franc de vieux ringards 10frs-mathieu.jpgnostalgiques, romantiques & déprimés. De fait, la disparition du franc aura été l’un des plus beaux hold-up réalisés par la Banque dans le porte-monnaie de consommateurs, qui ne s’en sont généralement rendus compte que trop tard, en faisant leur marché... Hold-up d’autant plus efficace qu’il s’est opéré avec leur assentiment, rigolent les financiers, c’est-à-dire démocratiquement 

Pour tous ceux qui n’ont pas réalisé combien désastreuse fut la disparition du franc, voici un tableau de concordance non pas des valeurs (elles fluctuent), mais des symboles (ils demeurent), c’est-à-dire des pièces concrètes que nous avons dans les poches. Symboles auxquels, au gré des crises, on peut ajuster les valeurs fluctuantes, entre l’ancienne monnaie et la nouvelle.

euros

francs

500

 

200

 

100

 

50

500

20

200

10

100

5

50

2

20

1

10

 

5

 

2

 

1

50 cts

50 cts

20 cts

20

10 cts

10 cts

5 cts

5 cts

2 cts

 

1 cts

1 cts

 

On  part de la pièce de 1 euro, dont l’équivalent symbolique était la pièce de 10 francs.

Si vous divisiez naguère 10 francs par deux, vous rencontriez les valeurs intermédiaires de 5, 2, et 1 franc, alors que si vous divisez un euro par deux, vous tombez immédiatement sur celle de 50 cts. Ces échelles de valeur, qui constituaient à proprement parler le franc se sont, par un tour de passe-passe  rondement conduit, bel et bien volatilisées, en ce sens qu’elles ne trouvent plus d’équivalent dans la nouvelle monnaie. Ce sont donc ces échelles intermédiaires de 1, 2 et 5 francs (celles qui servaient de soupapes en hiérarchisant la hausse des prix pour n’importe quelle denrée de la vie quotidienne) qui ont purement et simplement été effacées, tandis qu’en haut de la pyramide se rajoutaient des symboles étrangers à la plupart de nos portefeuilles (100, 200 et 500 euros), symboles inutiles puisque les Français avaient l’habitude de régler les grosses dépenses avec des chèques et des cartes bleues

On comprend rétrospectivement que la seule fonction de la création de tels symboles fut la banalisation programmée du billet de 50 euros dans l’esprit du consommateur oublieux, billet qui sera bientôt (en valeur) l’équivalent de l’ancien billet de 200 francs. Telle fut la conséquence du gigantesque hold-up monétaire que fut le bourrage de crâne idéologique pro-européen des présidences de Giscard, Mitterrand, Chirac et à présent Sarkozy, lequel se pavane joyeusement, sur ses photos officielles, devant le drapeau européen dans la bibliothèque de l’Elysée tandis qu’on annonce la sortie en salle du Petit Nicolas, divertissement familial si l’en est dont le succès, dans cette France amnésiée au moins autant qu'amnésique devrait égaler celui, récent, du navet sur les Ch-tis

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jeudi, 03 septembre 2009

Nous rentrons

On parle de rentrée un peu partout, on parle de la Rentrée, comme si un grand corps indéterminé composé d’une multitude de cellules plus ou moins interchangeables avait regagné depuis peu ses bancs, ses classes, ses bureaux, accomplissant un acte quasi liturgique commandé par un calendrier auquel nous sommes désormais tous rodés. 

Ce singulier, encore un effet linguistique de notre façon aveugle et conditionnée d’appréhender le monde. Les journaux ne disent jamais le réel.

Car la rentrée, cela n’existe pas.

En revanche, il y a des rentrées.

Une multitude de rentrées. Un sacré paquet.

Autant de rentrées qu’il y a d’individus.  C’est dire.

Hier, j’ai «fait »  (abus, partout, du verbe faire : faire un tour, faire la cuisine, faire l’amour, faire des manières, faire la cour, faire semblant, faire peur, faire le ménage, faire la gueule, faire des courses, faire des crasses, faire un cours, faire la rentrée…) mon premier cours de la « nouvelle » année.

Curieuse sensation.

Hésitation entre deux impressions :

La première, comme si monsieur Toto, professeur, qui l’avait mise en veilleuse (sa langue) pendant quelques semaines, la laissait soudain tel un organe indépendant, se remettre en route, et refaire son cirque. Pilotage automatique qui effacerait d’un trait les vacances et leur bénéfice, dans le décor à la fois neutre et si connoté d’une salle de cours On reprend.

La seconde, comme si cette année était bien une nouvelle année. Dans une situation où la parole est à ce point instrumentalisée, la parole a-t-elle une chance d’être, ne serait-ce qu’un tout petit peu, neuve ? Ne pas rentrer, renaître, dirait Novarina,  expert en matière de théâtre de paroles… ou, sans lyrisme excessif, entrer en cours, commencer.

Plus difficile.

Plus souhaitable aussi.

Ce qui est vrai de la parole du professeur l’est aussi de l’écoute des étudiants. Comment écoutent-ils ?

Je le dis souvent, il n’y a pas de bons profs, il n’y a pas de bons élèves, il n’y a que de bonnes rencontres.

Mais c’est de plus en plus difficile, justement, de se rencontrer, dans le magma sociétal où périssent les individus.

Hier, avec le soleil déclinant, je me suis laissé glisser dans le sommeil, comme un enfant. Comme pour rompre avec cette idée de Rentrée  qui m'entoure. Ce matin, le jour m’a réveillé.

Individualisme absolu.

Ma façon de rentrer.