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vendredi, 23 octobre 2009

Un Colbert en réserve

Colbert n’était guère aimé de la Cour de Louis XIV qui lui reprocha sa roture, sa vulgarité ainsi que son caractère froid et distant. Mme de Sévigné qui, comme Saint-Simon, n'était pas avare de ses compliments, le surnomma « Le Nord », en raison de son attitude qu'elle jugeait glaciale. Louis XIV  aurait-il été le monarque le plus puissant du monde sans le génie cet homme ? La BdF le jugea suffisamment charismatique pour lui consacrer une coupure de 500 francs le 14 janvier 1943. Malgré les 3 millions de billets imprimés, il ne fut cependant jamais mis en circulation et demeura, si on peut le dire, une effigie de l'ombre, puisque cette véritable éminence grise fut placée en réserve pour des raisons de stratégie autant économique que militaire.

 

Contrairement à la légende, Colbert (1619- 1683) n’était pas le fils d'un marchand drapier. Ses ancêtres, laboureurs à la fin de la guerre de Cent Ans, puis maçons au XVème siècle, s’étaient rapidement enrichis en devenant marchands grossistes au XVIème, puis banquiers et financiers. Ils avaient donné bon nombre d’échevins à la ville de Reims. Sous Henri IV et Louis XIII, ils étaient très liés aux marchands et banquiers lyonnais, et avaient atteint le sommet de leur pouvoir sous Louis XIV : Le grand commis de la royauté française ne fut donc pas le self made man du Grand Siècle qu'on imagina par la suite dans les préaux des écoles, mais bien plutôt un fils à papa poussé dans les allées du pouvoir par des politiques et des gens d’affaires influents, au sein desquels on retrouve Le Tellier (père de Louvois), Particelli d'Émery, Lumagne, Camus…

colbert.jpgJean Baptiste Colbert a donné son nom au colbertisme, doctrine économique prônant entre autres l’idée que la richesse d'un État est avant tout fonction de l'accumulation des métaux précieux. La toujours irrévérencieuse postérité, en ayant songé un temps à le faire figurer sur l’un des ces bouts de papier auxquels les hommes modernes, oublieux des métaux, accordent tant de valeur, fut donc à son égard assez ironique.

De 1634 à 1645, il connut une ascension fulgurante, du comptoir lyonnais banquier Mascranny, où il fréquenta le milieu de la soie, au secrétariat d’Etat à la Guerre du ministre Le Tellier.  Quelques trois ans plus tard, après un mariage qui lui rapporta 100 000 livres de dot, le jeune Colbert passa du service de Le Tellier à celui de Mazarin, sut profiter de la disgrâce de Fouquet, et petit à petit gagner les faveurs de Louis XIV. La légende voulut qu'il travaillât jusqu'à 16 heures par jour et Michelet alla jusqu’à le comparer à un « bœuf de labour », pour signifier cette puissance de travail qui dama le pion à tous les premiers de la classe du Grand Siècle.

Homme de l’épargne, homme du travail, protecteur des manufactures royales, Colbert reste aussi dans les mémoires  comme l’homme du commerce maritime et colonial, qui dota le pays d’une flotte de guerre de plus de 276 bâtiments, ainsi que celui  des Compagnies, dont celle des Indes: Voila pourquoi la coupure qui l'honore le représente la paume de la main posée sur une mappemonde. 

 

A l'autre bout du billet, l'éphèbe gracile qu'on voit danser par-devant les voiles lointaines d'une caravelle, c'est donc5e30_1.jpg le dieu Mercure, dieu, comme chacun le sait, des commerçants et des voleurs. Ah Cherbourg ! Ah Rochefort !  Tous les Dunkerquois s'en souviennent et en sont fiers, c'est lui qui en 1662 racheta leur ville aux  Anglais pour l'offrir au tout jeune Roi de France. Les astronomes lui furent par ailleurs reconnaissants d'avoir, en 1667, fondé l'Observatoire de Paris. Ceux ou celles parmi vous que saisirait - sait-on jamais - l'envie de se recueillir un instant devant les cendres de Colbert peuvent toujours se rendre à Saint-Eustache dans la bonne ville de Paris. Non loin du Forum des Halles et de sa fièvre trop commerciale, la poussière des seules jambes de l'illustre trépassé y demeure, dans la pénombre d'un sarcophage orné d'une magnifique statue dudit en prière sculpté par le sculpteur lyonnais  Coysevox.

jean-baptiste-colbert.jpg

13:25 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jean baptiste colbert, billets français, politique, littérature | | |

Commentaires

Quel billet époustouflant ! Racontez donc, si ne le faites déjà, vos billets à vos étudiants. Ces textes ont leur place dans l'étude de la langue.

Si vos étudiants ne sont pas aussi bêtement (et j'assume avec bonheur cette bêtise-là) groupies que nous (mille excuses à vous autres mais ce peut être un nous de majesté :-), il leur en restera toujours quelque chose.

De l'ancêtre- laboureur au "fils à papa poussé dans les allées du pouvoir", vous faites fort Solko.

Ces billets sur les billets sont inéga-lés (et lables) : s'il devait y avoir un jour une prochaine effigie...

Nous irons à Saint-Eustache devant la sculpture du sculpteur lyonnais Coysevox.

Écrit par : Michèle | samedi, 24 octobre 2009

@ Michèle : Dans la crypte de Saint-Esutache... C'est là que par ailleurs j'ai entendu l'une des plus belles interprétations de Phèdre.
Raconter tout cela à des étudiants ?
Oh, je leur en raconte d'autres choses, les anciens francs n'étant pas, hélas, à leur programme.

Écrit par : solko | dimanche, 25 octobre 2009

Eh bien vous aurez au moins raconté cela à l'étudiante que je suis qui vous remercie !
Quant à St Eustache, souvent perdue dans la contemplation de ses incroyables voûtes, je n'avais jamais prêté une attention particulière au monument funéraire de Colbert : à observer la prochaine fois que mes pas m'y porteront.

Écrit par : Zabou | dimanche, 25 octobre 2009

Merci Zabou : je sais donc que je peux compter sur votre attention !

Écrit par : solko | lundi, 26 octobre 2009

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