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vendredi, 10 octobre 2008

Un billet pour la Paix

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 Il y a dans ce billet de 500 francs que la Banque de France commanda à Sébastien Laurent, le 23 décembre 1938, quelque chose d'extrêmement touchant. Cela tient au fait que le peintre prit ses propres enfants pour modèles : le billet représente une femme en buste, blonde, tenant un rameau de laurier, drapée de bleu et, au verso, les profils superposés d'un jeune travailleur et d'une jeune fille. Rita Dreyfus n'eut que le temps de la graver, le premier alphabet de sortir des presses, le 4 janvier 1940 :  Juin 40, la débâcle survenait. Il fut, curieusement, baptisé La Paix, ce billet à l'image de la jeunesse, de l'espérance, qui circula durant les années sombres de l'Occupation, de février 41 jusqu'au 4 juin 1945, date à laquelle il fut retiré.

Cette jeunesse, donc, qui se tient de profil, à l'esthétique quelque peu soviétique, tournée vers l'avenir, cette jeunesse qui fut celle de France aux années douloureuses, s'apprêtait sans le savoir à rencontrer l'Histoire. La Paix : l'histoire des billets, c'est celle du pays, elle en est indissociable, ce qui donne à ces images toute leur valeur à la fois symbolique et affective. Je songe, en regardant le profil de cette jeune fille, à Madame Denise Domenach-Lallich qui écrivit un très joli petit livre sur cette jeunesse-là durant ces années là, Demain il fera beau, aux éditions Permezel. « Journal, dit le sous-titre, d'une adolescente de novembre 1939 à septembre 1944 ».  Avec beaucoup de justesse, de tact, elle raconte quel fut le choix qui s'imposa à sa génération, alors qu'elle-même venait de passe son bachot. A propos de son engagement progressif dans la Résistance, voilà ce qu'elle dit :

« J'ai cherché loyalement de quel côté était le salut de la France; j'ai essayé de me dégager de toute sentimentalité, de tout préjugé. J'ai vraiment cherché loyalement. Et depuis que j'ai trouvé, je crois avoir trouvé le seul chemin sur lequel la France puisse s'engager sans faillir à sa dignité, sans trahir sa mission, c'est-à-dire avec l'espoir du salut au bout du dur chemin. J'essaye de faire comprendre aux autres, avec prudence, bien sûr, leur devoir. C'est difficile, dangereux surtout. Papa me l'a bien fait remarquer, mais je suis persuadée que nous n'obtiendrons pas le salut de la France sans mettre en péril notre tranquillité, et il le sait bien. »

Le billet est imprimé en quatre couleurs, sur papier de ramie. Le dernier alphabet imprimé de cette coupure date du 8 juin 1944.

 

21:13 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : billets français, domenach-lallich, sébastien laurent | | |

Commentaires

Je suis émue de voir ce billet que je n'avais jamais vu, et qui fut celui de ces années-là.. Je ne connaissais pas Denise Domenach-Lallich. Merci de me la faire connaître ainsi. Elle a cinq ans de plus que ma mère qui fut terrassée par la déportation de son père en 1943. Longtemps et injustement, cruellement,j'aurais voulu que mes parents ou ma famille soient entrés dans la Résistance au lieu d'avoir été emportés dans un wagon blindé...

Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 10 octobre 2008

@ sophie : Tous, toutes, nous avons été injustes avec nos parents, nos grand-parents, parce que nous ne comprenions pas l'Histoire qui les emportait, le Siècle dont il n'étaient qu'une parcelle. Nous les voulions immenses, très grands, héroïques. Et puis nous avons grandi. C'était peut-être injuste de notre part, mais pas cruel, non. Car eux savaient ce que nous ignorions alors, et que nous avons découvert depuis. Qu'un individu est grand tout autant par ce qu'il souffre de l'Histoire que par ce qu'il peut parvenir à maîtriser d'elle.
La Bdf a tiré de nombreux billets au vingtième siècle, sur les vignettes desquels on la voit défiler, l'Histoire. J'en ai déjà commenté un certain nombre, il en reste encore bien d'autres, notamment ceux des deux guerres, qui restent particulièrement émouvants.

Écrit par : Solko | vendredi, 10 octobre 2008

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