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vendredi, 21 novembre 2008

Buonaparte, Général de la Quatrième République

C’est l’un des billets auquel la Banque de France accorda le soin le plus méticuleux. Le peintre David avait peint Napoléon, si j’ose dire, à tous les âges et dans tous ses états. Parmi tous les portraits ornant la fresque napoléonienne du maître, Clément Serveau, le créateur du billet, a choisi une simple esquisse.

Le visage seul du jeune général y est achevé. On le découvre tête nue, cheveux mi-longs, plats. Quelles retrouvailles avec sa propre jeunesse, la République, quatrième du nom, espère-t-elle alors retrouver ? A quelle souffle, quelle grandeur, quel vent historique le vieux pays plongé dans les affres du parlementarisme le plus corrompu tente-t-il de ranimer sa vacillante légende ?  Ou bien la Banque de France n'a-t-elle d'autre souci que de rendre hommage à son fondateur, puisque c'est le Premier Consul qui l'avait créée, en 1800 ?

 

 

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Le 30 novembre 1840, une frégate du nom charmant de Belle Poule avait appareillé dans le port de Cherbourg. En provenance de Longwood (Sainte Hélène), elle rapatriait les restes de Napoléon 1er, empereur des Français, mort dix-neuf années auparavant à 52 ans sur son rocher du bout du monde. Il faudra une quinzaine de jours pour que les cendres de l'Empereur, en un char que tirent seize chevaux, entrent dans Paris : C'est l'une des Choses vues que raconte Victor Hugo dans son recueil du même nom : 

"Derrière le corbillard viennent, en costumes civils, tous les survivants parmi les anciens serviteurs de l'empereur, puis tous les survivants parmi les soldats de la garde, vêtus de leurs glorieux uniformes, déjà étranges pour nous."  

Tandis qu'une bonne partie de la bourgeoisie refuse de se découvrir au passage du char funéraire, le peuple, note avec une certaine jubilation Hugo, crie encore Vive l'Empereur... 

C'est le commencement d'un mythe post-mortem qui ne cessera de croître avec le siècle. Le premier à en faire les frais sera évidemment le citoyen Louis-Philippe, roi bourgeois au charisme quelque peu fade comparé à celui du Petit Caporal qui fit trembler toute l’Europe et dont la littérature romantique portait désormais la légende à bout de bras. Avant de devoir présider solennellement le rapatriement des cendres, Louis-Philippe avait dû également, ironie aimable de l’Histoire, inaugurer quatre ans plus tôt l'Arc de Triomphe que Napoléon avait commandé en honneur de la Grande Armée, le 26 février 1806.

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Avec son encadrement ornementé dans un style Directoire, le billet est particulièrement difficile à reproduire. A l'identique, l'effigie de Napoléon devant l'Arc de Triomphe, puis au verso devant le dôme des Invalides. En 1953, le général Blanc, alors gouverneur des Invalides, choisit lui-même les étendards disposés en faisceaux, dans le but toujours de compliquer la tache des faux-monnayeurs :

 

-          drapeau de la 74ème demi brigade de l'armée d'Egypte,

-          étendard du Général en Chef de l'armée d'Italie,

-          étendard du Général en Chef de l'armée d'Egypte,

-          étendard de cavalerie de l’armée d’Italie

-          drapeau de la 39ème demi-brigade de l’armée d’Italie

 

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Le billet eut l'heur de ne pas déplaire à un autre général, Charles De Gaulle, qui le reconduisit lors du passage au nouveau franc en 1960. C’est pourquoi on en trouve aujourd'hui trois valeurs faciales : Celle de 10.000 "anciens francs" (1955), la même surchargée 100 NF (1958), et celle de 100 NF (1959).

Malgré tous les efforts de la Banque de France, il ne déplut pas non plus aux faussaires : L'un d'entre eux, le célèbre Bojarski, (2) fit des imitations de ce billet le chef d'œuvre et le point d'orgue de sa romanesque carrière de copiste (7047 faux Bonaparte de cent NF répertoriés, entre novembre 1962 et mars 1975). En 1964, Napoléon abandonna à Corneille le soin de figurer sur cette valeur faciale de cent francs, devenue entre temps la plus symbolique de toutes.

 

1.    Cahier du 15 décembre 1840

2. Lire en suivant ce lien  la chronique consacré au faussaire Ceslaw Bojarski

A lire également, les chroniques consacrées aux Coupures de la même série, qui connurent trois versions (anciens francs, anciens francs surchargés, nouveaux francs :

- Le Victor Hugo : suivre ce lien. Le Richelieu : suivre ce lien.

L'Henri IV  & Le Molière

 

 

20:35 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : napoléon bonaparte, billets français, victor hugo, clément serveau | | |

Commentaires

Quand j'étais petite, mon père nous a souvent raconté (à ses filles) le retour des cendres en citant toujours les mêmes mots de Victor Hugo: 1°) "ciel glacé! soleil pur!"- en précisant à chaque fois qu'il faisait très froid, quec'était le 15 décembre et 2°) inséparable de "ciel glacé!, soleil pur!" :" C'était le mesquin, c'était le grandiose". Frissons garantis pour des petites filles!

Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 21 novembre 2008

Et des grandes filles aussi

Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 21 novembre 2008

@ Sophie : Votre père vous racontait le retour des cendres ? Plus d'un siècle après ! C'est extraordinaire , ça. Vous êtes la première personne à me raconter une chose pareille !

Écrit par : solko | vendredi, 21 novembre 2008

Solko vous me taquinez?!? Bon! Sinon, oui et je suis sûre que c'est banal- j'aurais parié d'ailleurs que vous le diriez ! - mon père fait partie de ces gens imprégnés de Victor Hugo jusqu'à la moëlle, de ces gens qui en truffent leur conversation, ça en est presque une ponctuation. Bon, je sens que vous vous moquez de moi! mais c'est pas grave!

Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 21 novembre 2008

@ Sophie : Du tout !! vous êtes vraiment la première personne à me dire que son père lui racontait le retour des cendres de l'Empereur. Je trouve ça très beau, d'ailleurs. C'est loin d'être banal, d'être imprégné de Victor Hugo, savez-vous ? Et d'en truffer ses conversations encore plus. Je vous assure que je ne me moque pas du tout.

Écrit par : solko | vendredi, 21 novembre 2008

Ah! moi aussi je trouve ça très beau ! Un autre truc de Victor Hugo qu'il dit tout le temps, enfin souvent, et je ne sais pas dans quoi il a trouvé ça ou peut-être est-ce célèbre?- c'est "Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin, il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge" par exemple en ayant fini de ranger quelque chose ou en s'acquittant de quelque chose. Mais le retour des cendres c'est aussi à cause de napoléon. Et puis des morceaux entiers des contemplations, quelque chose qui commence par "Création! figure en deuil!Isis austère/Peut-être l'homme est-il son trouble et son mystère?" etc.... dont je ne me souviens pas du tout, mais cette Isis austère revenait quand il s'agissait de nous demander de faire nos devoirs. Car c'est aussi un homme très fantaisiste (mon père; Hugo aussi!) Bon, bonne soirée à vous Solko, merci pour ce billet. Oui, n'en jetez plus. je n'en jette plus mais bonne soirée quand même!

Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 21 novembre 2008

Beaucoup de souvenirs qui reviennent en mémoire : pas le retour des cendres, mais cette effigie de Napoleon que je voyais lorsque j'étais petite poindre parfois du porte-feuille des grands, comme on disait alors. Ce billet représentait une grosse somme alors, et les enfants n'y avaient pas accès.

Écrit par : Patrax | samedi, 22 novembre 2008

@ Patrax : Merci d'apprécier ces billets (dans tous les sens du terme). Et bienvenue sur ce blogue.

Écrit par : solko | samedi, 22 novembre 2008

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