Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 02 décembre 2008

Les Illuminations (2)

 

Reprise  des évocations de cette fête des Illuminations, qui tient sa place dans l'image que la ville s'est donnée d'elle-même à travers sa littérature. Charles JOANNIN fait partie de ces auteurs lyonnais à présent parfaitement oubliés, parfaitement démonétisés, dont je me suis plu, il y a quelques années, à  collectionner les titres. Dans son roman PERISSOUD militant lyonnais  (paru au Mercure universel en 1932) il livre ce témoignage sur le climat politique qui entoure la fête du 8 décembre en 1903, à la veille de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Marcel Grancher, dans le témoignage précédent, évoquait déjà ces tensions :

 

Le mardi 8 décembre 1903 marquera peut-être une date dans l'histoire de l'affranchissement des esprits. Le Nouvelliste, paru le matin, invite les catholiques à illuminer avec plus d'enthousiasme que de coutume et à traduire cet enthousiasme par un nombre de lampions plus important que jamais pour protester contre l'arrêté du Maire.  Les libres penseurs se préparent à venger leur honneur. Une réunion anticléricale  est annoncée pour le soir dans la salle des Folies Bergères. Une célébrité locale, le militant Francis de Pressensé, doit faire une conférence et il est fort probable qu'un cortège s'organisera dès la sortie pour manifester en ville.

L'importance du service d'ordre donne peut-être à réfléchir car, au dernier moment, on apprend que la conférence et la réunion sont renvoyées à une date ultérieure. Les décisions sont vite prises. Un mot d'ordre porté de bouche en bouche assigne alors un rendez-vous à tous les militants pour 8h30 du soir, autour du monument Carnot  (...)

Pour tromper l'attente, on entama l'Internationale, hymne vengeur aimé de  la classe ouvrière; et il faut entendre clamer ce début de couplet :

« Il n'est pas de sauveur suprême / Ni Dieu ni César ni tribun… »  pour sentir passer dans l'air un peu de cette haine accumulée dans les coeurs populaires à l'égard de tout ce qui est synonyme d'oppression aux regards simplistes de braves gens. Et la finale du refrain exprime l'immense espoir de libération : « Groupons-nous et demain : L'Internationale sera le genre humain... »

Le chant terminé, l'impatience n'est pas sans créer des mouvements d'indiscipline. Cela ne satisfait guère Périssoud qui voudrait voir ses compagnons manifester leur force dans une attitude digne, imposante, jusqu'au moment où l'on devra passer à l'action directe. Il prêche l'exemple, harangue, exhorte, sans grands résultats. Enfin neuf heures sonnent dans le voisinage. Un mouvement se dessine. Les manifestants se dirigent en masse vers la Rue de la République pour arriver vers la place de la Comédie. Ils avancent entre deux rangées de badauds, alternant L'Internationale et la Carmagnole avec de vigoureux « Conspuez la calotte... »

L'inquiétude s'empare des commerçants qui baissent en toute hâte les rideaux de fer, développent les volets, ferment les devantures, après avoir rentré précipitamment les étalages extérieurs. Quel dommage ! Ils avaient pris tant de soin pour allécher la clientèle, mis tant d'art dans la présentation de leurs produits ! Que peut compter devant cela l'emportement de la passion ?...  Le défilé poursuit sa route, il gagne la rue de l'Hôtel-de-Ville et, arrivé rue Grenette, il s'y engage, tourne à droite, se dirige vers le quai pour remonter vers le pont du Change où l'on a négligé de disposer des forces de police. Deux cortèges se forment alors, enveloppant le Palais de Justice, l'un gagnant la rue Saint-Jean directement, l'autre suivant le quai : la jonction s'opérera place Sant-Jean. Le quartier est désert car les habitants se sont rendus dans la presqu'île pour mieux jouir du spectacle des illuminations et des étalages : de Bellecour, de Perrache, on voit mieux l'ensemble du panorama offert par la Colline et la Basilique embrasées. Aussi, l'ardeur des manifestants peut-elle s'exercer impunément à l'encontre des lampions de verre, des lanternes, des vitres mêmes ; les choses sont presque toujours les victimes de la haine et de la colère des humains.  (A suivre)

 

06:21 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : charles joannin, littérature, fête des lumières, lyon, 8décembre | | |

Commentaires

Sous-titre de ce petit roman aussi oublié que fascinant : "le peuple se cabre" !

Écrit par : M.Rivière | mardi, 02 décembre 2008

En ces temps là, le peuple s'exprimait facilement, pas forcément pour des droits, et rapidement sans téléphone et sans voiture. La marche leur faisait pas peur ni l'étalage de leur opinion.

Écrit par : La Zélie | mardi, 02 décembre 2008

Merci Solko

à bientôt pour la suite...

oui "en ce temps là" la mobilisation et l'indignation était plus vive!

Écrit par : noelle | mardi, 02 décembre 2008

En ce temps-là... Quand il y avait vraiment des villes ?

Écrit par : Pascal Adam | mardi, 02 décembre 2008

En ce temps-là... Quand il y avait vraiment des villes ?

Écrit par : Pascal Adam | mardi, 02 décembre 2008

"En ces temps là", les deux clans (catholiques et laïcards) s'affrontent, à la veille de 1905 et de la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat. Les deux clans sont très puissants à Lyon, ce qui explique les événements de 1903 et le fait que les deux romans (Grancher après Joannin) s'emparent du sujet. D'autres témoignages suivront.

Écrit par : solko | mardi, 02 décembre 2008

Ravie de poursuivre cette découverte de manière aussi vivante les affrontements entre les laïcards et les bondieusards.
Cela me rappelle une visite que j'ai faite à Fourvière, basilique qui est à l'origine de la fête du 8 décembre.
C'était la visite insolite, celle qu'on fait sur les toits. On nous avait expliqué que les cariatides qui ornent la façade principale défendaient la Foi par rapport aux attaques de l'époque.
J'ai mis vos billets en lien.

Écrit par : Rosa | mardi, 02 décembre 2008

Bonjour Solko. Est-ce que c'est bête: j'ai un vague espoir de billet de votre part demain, à propos des élections prudhommales...les sortes de tribunaux canuts-patrons étaient les ancêtres des prud'hommes, non? enfin j'exagère un peu car il n'y a qu'à relire votre beau billet du 27 novembre 2007 où vous parliez déjà de common decency; moi dans mon tout petit coin je tiens beaucoup aux prud'hommes, c'est une particularité très importante.

Écrit par : Sophie L.L | mercredi, 03 décembre 2008

précision à propos des cariatides : ce sont des anges armés d'un glaive, en lisant ce billet, ainsi que le 3, on comprend pourquoi.

Ayant actuellement des problèmes qui m'empêchent de trop rester devant l'ordinateur, je publie le lien de votre blogue.

Écrit par : Rosa | mercredi, 03 décembre 2008

@ Rosa : Merci pour votre lien.

Écrit par : solko | mercredi, 03 décembre 2008

Bonjour
je possède un livre de Charles Joannin, un envoi signé à Emile Tissier - son livre "au service du public durant quarante ans 1887 - 1926" est écrit sous le pseudonyme madame S. de Lange. imprimé à Lyon,

contactez moi si il vous intéresse.

d.

Écrit par : boudet | lundi, 28 juillet 2014

Les commentaires sont fermés.