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dimanche, 25 janvier 2015

La Queue

 

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Je ne sais trop en quelles contrées je me réfugiais quand j'ai écrit ce roman... ni comment j'en revenais. Mon chat dormait le plus souvent juste à mes côtés. Toutes tentures tirées, l'appartement demeurait lourdement calme. Parfois, j'errais par les trottoirs de cet Athènes tumultueux aux murs barbouillés de tags, celui-là même qui a voté aujourd'hui ; parfois je longeais les rues tranquilles du vieux Bruxelles ou les boulevards ensommeillés du pauvre Paris... Ou bien encore les vastes avenues du Manhattan des années cinquante, en compagnie de ce bon Kerouac dont j'aurai lu pour l'occasion (presque) toute l'œuvre [et découvert le splendide Visions de Gérard ]...  Non, je ne saurai dire moi-même, au fil de cette écriture fondue au quotidien, quels sentiers perdus de mon adolescence fugueuse j'empruntai à rebours jusqu'à Decize, ni non plus en quels fossés de cet aujourd'hui absurde et déréglé dont - tout en l'aimant malgré tout -  je dressais la satire, je m'embourbais, furieux tel un un fauve trompé, trahi. Au pays des anciens Francs, je fis de Pierre Lazareff et de Madame Rachou de véritables soldats lumineux, et de la catastrophe du Mans en juin 1955 une sorte de Guerre de Troie de nos ridicules temps modernes délités en zone euro. Mais j'aurais tort de les maudire encore et encore, ces mauvais temps-là, je m'y suis bien amusé à porter leur queue, comme mon héros avait appris à le faire lors de son joyeux dépucelage non loin du petit personnage de Capiello...

 

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 Je me souviens, bien sûr, de cette visite  au Louvre d'avril 2013 (déjà ? L'écriture tient le temps, empêche qu'il ne s'éparpille trop de travers, c'est par là qu'elle demeure malgré tout salutaire...) Je désirais que ce roman sortît d'une toile de La Tour, parce que depuis toujours ce maître lorrain sur lequel tout a déjà été dit m'accompagne et m'enrobe de ses toiles à chaque moment cuisant. La Tour, c'est un monde qui ne sera plus. Au sein du pavillon Denon, la salle qui lui est dévolue resta déserte, d'ailleurs, vide ce matin-là telle la coquille d'une noix dévorée - tous les queutards en pantacourts s'étant entassés devant la Joconde pour y faire des selfies - et j'hésitai longtemps d'un tableau à l'autre avant de jeter mon dévolu sur le Saint Sébastien pleuré par Irène. J'hésitai longtemps, comme guidé par les vœux intérieures de ce roman désireux de croître, alors encore à pousser. Mais à quoi bon en rajouter davantage? Ce serait risquer l'extravagance de la posture.

 

mercredi, 21 janvier 2015

Si par malheur, mon fils...

Paraît que la mairesse de Paris veut créer une carte du citoyen de Paris, à l’image de celle initiée à New York par son maire, de passage par le local de Charlie Hebdo et l’hyper kacher. Morale, laïcité, vivre ensemble, n’ont plus que ces mots à la bouche, les politiques qui gèrent la crise. Vous mettront bientôt des tampons, verrez ça. Estampillé bon membre du troupeau, au creux de l’oreille ou de la narine. Comme si le problème était purement administratif…  Façon de voir le monde, leur façon. Sinistres, les élus.

J’ai toujours pensé que Hollande aurait fait un très bon principal de collège. A l’entendre parler une fois de plus de règles et de punition,  je me suis senti confirmé dans mon jugement. Ça fait marrer de l’entendre évoquer l’école comme un sanctuaire. Impression que ces jobards peuvent dire tout et  n’importe quoi, au gré des événements, des retournements de situations.  Cette gauche qui s’accroche au pouvoir par le sécuritaire sur lequel elle n’a cessé de cracher, par le tout sécuritaire aussi incantatoire que nauséeux, c’est pathétique. Ma foi, si ça plait aux gens. Plus envie de me mêler de ce marché des contrefaçons.

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« Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir Roi… », écrivit Louis XVI dans son testament, peu avant son exécution. Le fils en question n’eut pas ce malheur, mais d’autres, et puis « Je laisse mon âme à Dieu, mon créateur, je le prie de la recevoir dans sa miséricorde…», nulle fanfaronnade, à quoi bon ? Ce simple aveu, inaudible plus encore aujourd’hui qu’il ne le fut alors au milieu des piques brandies, dernières lignes d’un roi de France. Serait-il si insensé, si scandaleux, si absurde que le testament de Louis soit lu chaque 21 janvier dans toutes les écoles républicaines de France ?  Alors que la République s'égare dans une sorte d'amnésie nationale en guise d'histoire et un bricolage de vœux pieux en guise de religion laïque, ce serait une belle façon de se réconcilier avec elle-même que de reconnaître l'autorité des siècles qui l'ont précédée et la relativité des solutions qu'elle propose. Que de s'avouer que le problème au fond, ce n'était pas le seul roi, mais plus sérieusement, chaque citoyen...

22:09 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : louisxvi, révolution, testament, charlie, france | | |

samedi, 26 juillet 2014

Voyager (2)

Un jour, j’ai fini par détester l’avion. Ou plutôt, pour être très précis, les aéroports. Pendant une bonne décennie, j’ai fréquenté ces lieux plus que de coutume, assurément. Une certaine fascination - en grande partie fabriquée - à l'esprit. J’ai conservé pieusement de vieux passeports, sur lesquels trônent encore, comme des enluminures d’un autre siècle, d’anciens visas. Ma première prise de guerre date ! C’est un tampon négligé, vite fait, au terme d'une longue file d'attente  avec la feuille d’érable de l’immigration Canada. Puis, à la page suivante, une autre rectangle massif, portant la signature de Donald E Wells, - et me revient cette ballade jusqu’à l’ambassade américaine de Lyon pour obtenir le sésame, et tout ce qui me trottait alors à la tête... Je retrouve avec émoi les tampons d’embarquement à Douvre, ce vieux ferry balourd aux odeurs de peinture et de pétrole, et les mouettes qui jappent par dessus le pont, et les douaniers Welcome, et le stop sur l’autre bord de la route, jusqu’à Edimbourg. L'année suivante, le nom d’un autre consul amerloque : les pays de la Liberté est le pays des larges signatures. Ils ne doivent plus ni l’un ni l’autre être de ce monde, ou bien vieillards grabataires et gâteux, la destination commune atteinte, ces dignitaires... Adieu Floride, adieu Californie, adieu Denver et Kansas City.

Un matin, nos passeports cessèrent d’être bleus. Sans jeu de mots, je continue à penser que nous avons perdu beaucoup au change dans l'entourloupe. République française, une ligne au-dessous de  Communauté européenne… Le début des visas, non plus tamponnés, mais collés. De quelconques vignettes en gage d'une espèce de modernité démocratique, de conformité administrative. Et le visa perdit de son romantisme. Sauf en Inde, où se conservent toujours plus longtemps les bonnes manières. La protection des vaches sacrées, indolentes aux carrefours, sans doute. Allez savoir pourquoi la Cote d’Ivoire et ses vieux bus de la RATP chercha bien tôt à se donner un genre que le Bénin, avec ses chantiers soviétiques en jachères, ignora un  plus long moment ? Vint la généralisation des miles à toutes les compagnies : la prime au plus fidèle. La resquille en troupeaux d'abonnés. La guerre des prix entre Air France et United Airlines. La capitalisation des miles ouvrit la porte à la capitalisation des voyages. Déjà du temps du hitchhicker, on était loin de Gérard, mais  là… 

J’ai fait de belles rencontres dans les avions...

Je me souviens des longs courriers, aux films d’action pour tenir en éveil chacun chacune. Et – lorsque le ministre Evin, pour entrer dans la grande histoire de la culture de masses, partit à la chasse aux cigarettes, je me souviens des grappes de fumeurs amassés au fond du cockpit, parlotant devant les chiottes... Et puis plus de fumeurs du tout...  Le moment des escales, parfois cinq ou six heures, à moitié éveillé sur un siège inconfortable. Des lumières d'avions naviguant interminablement sur des pistes, tout ce que j’ai connu de la Roumanie de Ceauscescu…

 

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Ce ne sont pas les avions, non, mais bel et bien les aéroports qui me sont devenus odieux.  Déjà bien avant le 11 septembre, mais alors depuis… Quelque chose entre le poste de police, l’arrêt de bus, le supermarché et la plage bondée, bref… Tu seras bientôt numérisé, mon frère, digitalisé de la tête aux pieds... Ils étaient loin, les Dimanche à Orly, que chanta un jour avec talent Bécaud. L'avion était devenu comme l’ascenseur ou la salle de bains qu'évoque Bécaud. Alors, un peu comme j’ai cessé d’aller au cinéma, j’ai cessé de prendre l’avion, qui n'avait plus rien de l'oiseau de nuit... La cigale s’est embourgeoisée. Sédentarisée. Posée et reposée, en des latitudes plus intérieures : d’autres voyages, sans agents de sécurité ni systèmes de surveillances. 


06:32 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : bécaud, aéroports, donald e wells, passeports bleus, voyages | | |

samedi, 12 juillet 2014

C'était là

Le Quatorze Juillet approche. Cette année encore, se déroulera la grande parade du pingouin à lunettes sur les Champs. Sûr que les commentateurs gloseront sur le changement de monture du spécimen actuel, qui sera exposé dans sa voiture officielle d’apparat. Ils n’auront sans doute pas grand-chose à dire de plus de lui, tant la dégénérescence de l’espèce présidentielle s’accélère hélas, de mandat en mandat, au fur et à mesure que fond la banquise. Y-a-t-il un lien avec l’organisation moléculaire de leurs neurones ? On ne sait. On espère qu’il y aura dans la foule des spectateurs-électeurs quelques véhéments quolibets. Pas certain non plus, tant le panache de l’esprit fondeur se raréfie dans ces troupeaux là, aussi. En cette année 2014, la mode est plutôt au selfie, instantané aussi peu glorieux qu'illusoire, et le goût pour la critique s’est métamorphosé en émoi narcissique, la libre parole en citoyenneté de masse, sous l’effet conjugué d’une police de la pensée bien orchestrée par les medias, d’une certaine fatuité collective, et peut-être aussi d’une véritable lassitude. Le pays vieillit, au point d’oublier ce qu’il célèbre ce jour-là, à l’occasion d’un jour férié qui s’alanguit aussi mollement qu’une simple journée de RTT.

Nos rites républicains sont délavées comme une chemise trop souvent passée par la lessiveuse de la langue de bois et du révisionnisme de la propagande, voilà pourquoi ceux qui cherchent à les sacraliser ont l’air si ridicules, si insincères, si vains, si distordus et si faux. Plus rien ne les relie authentiquement à l’événement qu’ils prétendent célébrer, que du virtuel et de la rhétorique. Et c’est d’autant plus frappant dans le testicule gauche du mensonge républicain, qui pendouille lamentablement au pouvoir tout en prétendant l’incarner : La gauche, enterrée depuis longtemps sur le mode du grotesque par un tonton flingueur au romantisme pervers, n’a plus à offrir que sa caricature spectrale au public gavé de slogans de ses électeurs, aussi sale à regarder qu’une vieille prostituée qui aurait trop longtemps collaboré à de basses manœuvres.

Dans l’épilogue de son Quatorze Juillet, Henri Béraud se gaussait de « ceux qui vont attendre l’autobus en lisant leur journal au lieu du refuge où se trouvait le pont-levis de l’Avancée, abattu à coup de haches par le charron Louis Tournay sous les balles des Suisses », de « ceux qui boivent leur apéritif à la terrasse du café Henri IV sur un fossé à cet endroit où le billet de capitulation fut pris dans le vide d’un sabre par Maillard fils, clerc de la Bastille… » Et l'écrivain concluait, sur le ton narquois du poilu qui raille l’Arrière : « Parisien rieur, avocat, marchand, scribe, commis, rentier, ouvrier, si seulement tu te rappelles les images de ta petite Histoire de France cartonnée, et si ce soir tu lèves les yeux vers les ombres mouvantes et enflammées du ciel, tu pourras entrevoir de hauts murs, de noirs créneaux. C’était là »

Dépossédé de son Histoire, soumis aux aléas la zone et aux diktats fluctuants des marchands, oublieux de sa religion, de sa langue, de son territoire et de sa monnaie, le pays tangue comme un navire à la dérive. Et l'on se demande : Comment son prétendu capitaine, assisté de son escouade d'ambitieux moussaillons, qui n'a d'autre tactique que celle du compromis et d'autre culture que celle de l'ENA, trouverait-il encore sous ses étroites épaules le souffle pour le dire, ce C'était là

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Lallemand, Bastille (détail)

mercredi, 09 juillet 2014

Une aventure de Limousin

Le Limousin a donc changé de mains. C’est les députés qui en ont décidé ainsi, en votant hier en commission une nouvelle carte des régions.  Celle de l’idiot de l’Elysée qui, avec ses nouvelles lunettes, tente de ressembler à un idiot qui l’a précédé dans ce même palais (je vous laisse deviner lequel) avait été retoquée par le Sénat.  Ce qu’il y a d’absolu dans ce genre de décisions semble ne choquer aucun de nos braves républicains tout prêts à vouer l’absolutisme louis-quatorzien aux gémonies. Pauvre France.

A l’origine, l’initiative d’un baron rhônalpin au patronyme intestinal, qui souhaita annexer le vieux duché d’Auvergne (alors même que le nouvel hôtel du conseil régional – 85 millions d’euros – venait tout juste d’être livré – comme on dit avec si peu d’élégance dans le novlangue contemporain – à Clermont) On découpa donc pour le satisfaire le massif central en deux  de façon arbitraire. Mais que faire, dès lors, de ce malheureux Limousin ? Le relier au Centre ou à l’Aquitaine ? On retint donc la seconde solution au nom « d’un tropisme naturel vers l’Atlantique », ce qui nous ramène au XIe siècle et à l’empire des Plantagenets.

Pendant que les coureurs du tour de France vont traverser les régions, tous ces parlementaires vont donc poursuivre leurs blablas pour les redécouper au gré de leurs intérêts financiers, partisans ou politiciens. Rien d’absolu, me dira-t-on, que du très représentatif, n’est-ce pas ? Personnellement, si j’en avais encore les cuisses, je préférerais être un vaillant coureur du Tour qu’un de ces navrants députés. Les coureurs du Tour transportent avec leurs bécanes un peu de la magie de cette France éternelle, dont les députés se gargarisent en l’anesthésiant et la démembrant un peu plus chaque jour, de loi en loi, de décret en décret. Longeant fleuves et canaux, traversant bourgs et capitales, roulant sur des avenues ou des chemins de traverses, bien plus même que les footballeurs sur leurs artificielles pelouses [ de plus en plus déclassés malgré ce qu’on raconte dans la presse], ils donnent à vivre au territoire, et demeurent en ce sens héritiers d’une histoire. Ce que ne sont plus les politiques enlisés dans leurs éléments de langage foireux et leurs vues de l’esprit toujours en retard d’une locomotive.

Revenons aux régions.  Des sondages venus d’on ne sait d’où nous font croire que cette réforme serait une demande prioritaire des Français.  Ils auraient élu Moi Président pour cela. Résultat : C’est évidemment une aberration de séparer la Loire Atlantique de la Bretagne, comme de séparer l’Auvergne du Limousin.  Il semble que ni l’Histoire ni la géographie n’aient plus de sens face au diktat européen qui veut de grandes régions, organisées par des énarques zélés autant que bésiclés autour de grandes métropoles  économiques, comme on jette des bouses sur une carte. On vous découpe ça comme il n’y a pas si longtemps, on créa dans la brousse et la savane des états africains. Tant qu’on y est, pourquoi ne pas marier ce Limousin qui reste en rade avec la Corse et l’Alsace, puisque  les  électeurs s’y sont prononcés contre tout rattachement de leur région il y a tout juste un an  [référendum sur lequel, au passage, le très démocratique pingouin qui nous gouverne a posé son gros cul] ? Cela ferait un bel ensemble à colorier.

Tout ceci n’impressionne guère, certes, ni la Loire qui continue son cours, ni les Pyrénées qui dominent, ni la Beauce qui s’étend, ni les volcans d’Auvergne qui continuent, tels des dieux morts, de dormir. On comprend que l’homme de la rue, au fond de lui-même, s’en foute bien. Ces hommes désincarnés ne peuvent accoucher que d’un pays désincarné qui ne sera jamais le sien. Mais il risque d’être celui -et c’est toujours sur cela que comptent les imposteurs-, de ses enfants. C'est cela qu'on appelle réformer en novlangue, hélas...

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armoiries du Limousin - pub du café Sanka

 

samedi, 24 mai 2014

Le dernier mensonge d'un trop long règne

« La démocratie est inséparable de la souveraineté nationale»,  disait De Gaulle. Sur cet extrait du débat entre Philippe Séguin et François Mitterrand de 1992, on voit le premier expliquer au second, en charge pour quelques longs mois encore de la dissolution du pays dans une construction fédérale aujourd’hui bien en cours, pourquoi ces deux notions vont inévitablement de pair. Et c’est édifiant, à la veille d’un vote européen, de réécouter Seguin en train de prévoir l’impuissance des successeurs de ce rusé et matois vieillard (impuissance dont l’actuel locataire de l’Elysée est l’héritier caricatural, à la fois effrayant et ridicule). Lorsque, à la toute fin de l’extrait, Seguin interpelle Mitterrand en mettant en doute la possibilité qu’auront ces successeurs là de mener une politique nationale libre et souveraine, l’assurance avec laquelle Mitterrand affirme : « le traité de Maastricht le permettra» en dit long sur la duplicité de son long règne. Et de fait,  il aura fallu le mensonge et l’autorité de ce rusé et matois vieillard pour faire basculer le vote de Maastricht du sinistre côté.  


Sur son blog Off-shore Philippe Nauher nous propose de réécouter Philippe Seguin, « dernier homme politique français », lors de son discours contre le traité de Maastricht à l’Assemblée Nationale, cette même année 1992. Ce qui a été fait, disent tous les progressistes, peut être défait. Dont acte. 

mardi, 25 mars 2014

La campagne pour les Européennes vient de commencer

Tout ce boucan émanant de la sphère politique autour du festival d’Avignon et de son éventuelle annulation, tous les cris d’orfraie à propos de la mairie d’Henin Beaumont masquent des réalités dont plus personne n’est dupe :

Une réalité politique : François Hollande et son gouvernement n’est plus soutenu que par à peine 2 français sur 10, si l’on tient compte des votes qui lui sont hostiles et de l’abstention massive. Un homme comme Charles de Gaulle aurait depuis longtemps remis sa démission devant un tel désaveu. Mais l’actuel président suit ses deux maîtres, Mitterrand et Chirac, carriéristes et manœuvriers sans états d’âme, qui se sont accrochés au pouvoir au prix de toutes les compromissions, et sont à l’origine des deux partis qui volent en éclat, sous nos yeux, le PS pour l’un, l’UMP, remixe du RPR pour l’autre.

Une réalité culturelle : la gauche n’a plus le monopole de la culture depuis longtemps, et heureusement. Aussi, le psychodrame que Mr Py tente de lancer à Avignon fait hausser les épaules. Il y a longtemps que le in d’Avignon n’a plus rien de populaire et que cette enclave de boboïsme parisien à l’intérieur d’Avignon n’est fréquentée que par les mêmes courtisans du pouvoir en place. Faire croire que la Culture avec un grand Cul est menacée par le FN est une rigolade : on sait qui a fait régner la terreur dans le monde des lettres et de l’édition, qui a privatisé le service public télévisuel, qui a écarté des programmes scolaires et universitaires certains auteurs pour en institutionnaliser d’autres, etc, etc…

C’est tout ce petit monde vieillissant qui est à présent en émoi dans une société en crise, devant une jeunesse appauvrie et désabusée, au sein d’une zone dont le mode de gouvernance s’enseigne à l’Ena, qui méprise les pauvres en Grèce et soutient un parti fasciste en Ukraine, et qui s’apprête à signer avec Obama un traité transatlantique visant à transformer les nations européennes en sous-préfectures impuissantes devant les multinationales. Hollande, le président rastaquouère, aura à répondre un jour de tout cela. En attendant, un sentiment de dissidence d’avec cette caste régnante, méprisante et vide, s’est installé dans le pays, pour sauver ce qui reste de souveraineté à la nation, tant sur le plan politique, économique que financier.. Ce qui est attristant, ce n’est pas que les gens votent FN, c’est que seuls Marine Le Pen et ses affidés répondent à cette anxiété légitime d’un peuple que ses élites ont trahi.

 

La campagne pour les européennes vient de commencer. 

12:35 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, europe, municipales, le pen, avignon, fn, py, élections | | |

dimanche, 26 janvier 2014

L'illusion républicaine

Je vois, j’entends autour de moi des gens qui regrettent qu’on ne s’occupe plus des grands débats, des grandes idéologies politiques, pour ne s’intéresser qu’à des futilités, Dieudonné, Trierweiler et demain quoi d’autre ? Mais hormis à de rares occasions, ce monde où le politique avait un tel statut dans l'opinion a-t-il franchement existé ? La dernière fois que j’ai senti les Français saisis d’un débat d’importance, c’est lors du référendum sur la Constitution.. Cela a duré quelques semaines, et on sait comment les partis dominants et leurs représentants ont traité ce vote ; il ne faut donc pas que ces gredins s’étonnent d’être traités désormais pour ce qu’ils sont par l'opinion : de simples pantins interchangeables et sans épaisseur, au service de leurs seuls intérêts, et donc en rien représentatifs.

Nous sommes entrés dans ce monde américain, celui dans lequel chaque président se doit donc d’occuper le terrain avec sa propre histoire et de masquer ou de tenir dans l’ombre ainsi les grands problèmes. Ce n’est plus le monde spectaculaire à l’ancienne, où le protocole définissait les emplois, et qui convenait si bien aux anciennes monarchies : spectacle immuable, réglé comme du papier à musique. C’est le monde du self-spectaculaire mis en scène par de plus ou moins bons communicants. Bien entendu il faut que le figurant de passage soit à la hauteur, ce qui n'est hélas pas toujours le cas.

Aux Usa, on a toujours aimé cette histoire : un petit gars débarqué  de rien et bombardé soudain l’homme le plus puissant du monde, qui fait son show sur la scène médiatique. A lui, l’espace de quelques années, le spectacle et le plaisir d’incarner the Big Dream. A lui, mais il faut qu’au fond des chaumières, chacun puisse se dire qu’aussi bien, ce gars pourrait être soi. C'est ça la clé du rapport démocratique de l'électeur à son élu.

« L’Amérique avait perdu un grand chef, et je me trouvais chargé d’une responsabilité terrible », écrit Harry Truman dans le premier chapitre de ses Mémoires, quand il comprend qu’il va devoir quitter le confortable poste de vice-président pour monter à son tour sur la scène, parce que Roosevelt vient de rendre « son âme éternelle ». 

« - Harry, me souffle Mrs Roosevelt au téléphone, le Président est mort !

Les dernières nouvelles reçues de Warm Springs indiquaient que Mr Roosevelt se remettait de façon satisfaisante ; il paraissait même en si bon état qu’aucun membre de sa famille proche, pas même son médecin personnel, n’était auprès de lui. Toutes ces pensées me traversèrent l’esprit en un éclair avant que j’eusse retrouvé la voix.

  - Y’a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ?», demandai-je enfin 

Je n’oublierai jamais sa réponse, empreinte d’une si parfaite compréhension

« Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour vous ? C’est vous qui êtes en peine, à présent »

Et c’est alors que cet ancien agent d’assurance découvre, alors qu’en tant que vice président il n’en était pas même informé, le programme nucléaire qui allait déboucher sur Hiroshima.

 

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Harry Truman

 

Depuis Giscard, la France s'est ainsi peu à peu américanisée jusqu'à la rocambolesque affaire de cette malheureuse première dame envoyée se refaire une santé médiatique au pays des éléphants non socialistes. Dire à quel point la pièce vire au vinaigre ! Mais le citoyen est en droit de se poser des questions sur la dimension symbolique perdue en route. Car nous voici plus très loin de Bill et Monica. Et, puisque on cache aux citoyens les grands dossiers d’Etat, puisque on les écarte des décisions qui compteront sur leur vie, puisqu'on obéit à une logique d'Empire, ils sont en droit d'exiger qu’au moins le spectacle soit à la hauteur de l’autorité du pays ! Et s'il ne l’est pas, que le mauvais acteur quitte la scène, puisque il est indigne du spectacle qu’il joue et puisque le pays divorce d’avec lui,,comme le montrent les instituts de sondage. On nous parle dès lors (tous les ministres qui jouent leur carrières) de respect à porter à la République; Qu'en est-il de ces sornettes ?

J’étais mardi soir dans l’église de mon quartier. Vers dix-neuf heures, le grand orgue retentit, et la porte s’entrouvrit. Accueilli par le curé de la paroisse, un homme seul traversa l’allée centrale d’un pas ferme, s’inclina devant l’autel et s’installa au premier rang ; juste avant la messe, le curé se tourna vers lui et dit : «Vous êtes ici, Monseigneur, dans un quartier populaire ». Et pour cause ! La Croix-Rousse, fief des canuts ! C’était l’office du 21 janvier, à la mémoire de Louis XVI, et cet homme était le duc de Vendôme, Jean d’Orléans, héritier (à moitié) légitime du trône de France par Louis-Philippe.

A un moment, le prêtre invita l’assistance à prier pour Marie-Antoinette, son fils et toute la famille royale. Je pensais à mes anciens morts à moi, charpentier à Miribel, boulanger à Bessenay, cultivateur à Thil ou cloutier à Larajasse, tous républicains sans aucun doute. Je pensais également à ce fil tenu qui durant les siècles précédents a uni les Français à leur roi, et qui leur est incompréhensible aujourd'hui, sinon à travers les châteaux qu'ils conservent et visitent dans une religiosité patrimoniale suspecte. Je réprimais un sourire à la pensée de tous ces discours médiatiques et ridicules sur « les deux corps du président » (Pauvre Hollande !) ou ceux sur le monarque républicain. Je regardais le duc de Vendôme, tantôt debout, tantôt agenouillé. Et j’avoue que je me suis demandé si cet homme ne vaudrait pas mieux, au point de vulgarité où les deux derniers présidents ont précipité le pays,  si cet homme capable non pas de faire le job, mais de tenir son rang, ne vaudrait pas mieux que ces politiciens formés à s'entre-tuer et incapables de représenter quoi que ce soit de l'autorité de ce pays dont ils vont parfois jusqu'à contester l'histoire. Si la France, comme l’Angleterre ou les Pays Bas, était une monarchie constitutionnelle, cela changerait quoi ? Le pouvoir serait pareillement à Bruxelles, au FMI, à l’OCDE et accessoirement à Paris ; une sorte de Ayrault terne réglerait les questions d’intendance. Les combats politiques se régleraient pareillement au Parlement, dans les loges, dans la presse et dans la Rue. Mais la mémoire symbolique du pays, c'est à dire son autorité, serait incarnée par quelqu’un formé pour, quelqu'un de cultivé et  d'instruit (au sens propre) plutôt que par des imbéciles ou des goujats. Vous me direz que la République ne serait plus, certes. Mais la démocratie s'en porterait peut-être mieux, voyez l'Angleterre : une franche distinction entre le pouvoir et l'autorité fait que le symbolique, au moins, s'y retrouve.

Quand la République et ses ors ne sont plus, comme c’est le cas aujourd’hui, qu’une vaine illusion agitée comme un chiffon par des imposteurs dans le grand cirque de la mondialisation pour mener la politique qu'ils ont choisi sans les peuples, y-a-t-il tant que ça à perdre en contestant son existence ? Pour ma part, depuis le début du sketch du pingouin en cours, je me sens davantage français que républicain, et plus vraiment en phase avec la légitimité électorale de présidents acquise au prix d'une constante propagande, qui me donne plus envie de leur adresser des bras d'honneur et de m'asseoir dessus qu'autre chose. Alors, l'illusion monarchique, cet autre spectacle pour garantir l'équilibre d'un pays en pleine crise, pourquoi pas ?

Par la grande rue de la Croix-Rousse, je regagnais, mardi, mon domicile. Encore faudrait-il que les héritiers du trône s'accordent, Entre une branche régicide et une autre devenue étrangère, la partie n'est pas gagnée me disais-je, brumeux, flottant, entre le rêve romantique de Chateaubriand et le rire caustique d'un spectateur blasé d'une mauvaise pièce de Courteline.

vendredi, 03 mai 2013

Cinq euros

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Alors que le fonctionnement délétère de la zone euro est de plus en plus apparent, la BCE édite une nouvelle série et commence par la plus petite valeur, le Cinq euros. Pas envie de m’étendre sur une analyse des signifiants du billet, qui n’a pas plus de corps et de chair que le dix euros ICI commenté, et ne mérite pas plus de littérature, avec sa couleur de fond de marécage et ses portiques ridicules. Un détail seulement, la présence dans le filigrane non pas d’un homme, mais de la déesse Athéna : on le sait, si les humains ne figurent pas sur les euros, c’est parce qu’on ne veut privilégier aucune nation sur une autre. Imagine-t-on, avec une déesse (pas n’importe laquelle, celle de la démocratie, c’est risible ! ) étouffer les controverses ?  La BCE et la commission s’autoproclament démocratiques, un comble !

 

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On comprend, devant leurs œuvres,  par quel processus l’Empire romain a fabriqué ses idoles et ses dieux. Les maîtres de l'eurozone devraient malgré tout relire saint-Augustin :

« C’est à ce moment-là que, sous le coup de la grande peur, les Romains se précipitèrent sur des remèdes sans effet et qui prêtent à rire (…)  Mais de la République à l’Empire, les dieux n’ont pu empêcher une guerre civile.  (Augustin, La Cité de Dieu, livre II)