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samedi, 20 avril 2013

Saint-Sébastien pleuré par Irène

La scène s’articule autour d’une diagonale qui aurait pu être déterminée par le tir de la flèche, fichée au sommet de l’abdomen de Sébastien.

Au sommet à droite, l’œil s’attarde sur ces trois figures de la pitié qui surplombent la scène, pareillement inclinées. Toutes trois portent coiffes. Une servante en pleurs, les yeux enfouis dans un linge, qu’elle maintient pressé contre ses paupières. Une orante au voile hiératique et bleu, mains jointes. Une troisième femme au voile rose et aux bras ouverts, les yeux noirs et luisants. Elle seule conserve le visage découvert et sur sa peau court la même teinte que sur le corps nu de Sébastien.

Ocre, bleu, rose : Pleurer, prier, plaindre. Occupant désormais le lieu d’où aurait pu surgir la flèche, trois sources de consolation, de réconfort, de compassion, prêtes à fondre avec grâce sur le corps du supplicié.

Entre ce groupe et le martyr, le corps incliné d’Irène.

Elle semble une bonne Loraine de Lunéville, avec son étroit corsage et ses manches luxueusement galonnées. Tout laisse à penser que c’est la fille du peintre. Un document des archives de Lunéville atteste que la toile, offerte à La Ferté, gouverneur de Loraine, en 1649, a été réglée 700 francs, et que six francs furent donnés « à la fille dudit sieur de La Tour pour reconnaissance à elle promise au sujet dudit tableau ».

De sa main gauche, Irène semble prendre le pouls vacillant de Sébastien. Un geste médical, presque moderne. Au contraire de la servante au voile rose, ses paupières sont closes. Elle cherche à ne rien perdre dans la nuit des derniers murmures de vie de ce corps blessé, qui ne doit pas encore mourir afin que Dioclétien parachève son martyre. Ce faisant, elle forme un couple avec lui, face au trio des pleureuses.

Il semble même que la torche qu’elle brandit -et qui illumine son front, ses manches, et le rebord d’un casque luisant, tout en bas de la ligne de lumière – ne soit là que pour éclairer de pudeur le sillon de larmes, brillant sous sa paupière gauche. Plutôt que de percer complètement les ténèbres, la lueur de cette torche à trois mèches fait très justement écho, dans le tableau, aux différents plissés des voiles, des robes et des galons de soie.

Tout au bas du tableau, gît le corps de Sébastien, évanoui. Sa position évoque une parfaite imitation du Christ, manière de rappeler la signification du martyre. Son visage est déjà absent, enténébré. Mais malgré cette pénombre prête à l’enserrer tout entier, sa nudité offerte à la vue des femmes ne se dérobe pas, non plus, à l’œil du spectateur. De sa blessure ne perle qu’une seule goutte de sang, dont la larme d’Irène est l’écho lumineux.

img222.jpg

La Tour, Saint-Sébastien pleuré par Irène, Louvre

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15:19 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : la tour, saint-sébastien, sainte-irène, peinture, christianisme | | |

Commentaires

La Tour, génie inégalé du clair-obscur... J'aime particulièrement son "Saint-Joseph charpentier".

Écrit par : Sarah. S. | samedi, 20 avril 2013

Une femme toute d'intensité, de dépouillement et d'immobilité, sonde à la lueur d'une torche les gouffres de la nuit, ténèbres mouvantes et stupéfiantes de la mort qui frappe, brise et abolit...

« A qui est-il encore permis d’appuyer
son front à l’espace nocturne comme à sa propre
fenêtre ? »
Rilke, Poèmes à la nuit

Écrit par : Michèle | samedi, 20 avril 2013

La Tour, sans doute un des plus grands peintres qui ait jamais existé, en tout cas un de ceux qui me touchent le plus. Je suis allée exprès à Rennes pour aller voir un tableau de lui, une nativité, une jeune femme en robe orange qui tient un nouveau-né tout enveloppé de langes blanc et qu'éclaire une femme tenant une bougie dont elle cache la flamme de sa main, pour ne pas éblouir l'enfant.

La beauté des tableaux de La Tour est toute de simplicité, de pureté, il n'y a rien de trop, tout est dit, les lignes sont nettes, les visages inspirés.

Écrit par : Julie des Hauts | samedi, 20 avril 2013

Dans ce tableau , tout est épuré, des corps abstraction est faite. J'ai plus l'impression d'admirer un retable en bois que d'être confronté à une peinture. Les lignes de fuite des pleureuses et d'Irène, celle du dernier soupir qui s'exhale de la bouche du martyr, celle de la flèche qui vient contre-champ contrecarrer la voie de vie, le polissage du corps à terre, l'ordonnancement vestimentaire créent une impression de sacrifice assumé, de détachement de la vie terrestre.Tout se joue au delà de la vie charnelle, rien ne saurait dérangé cette ordre, cette foi.

Écrit par : patrick verroust | samedi, 20 avril 2013

tableau préféré de Louis Xiii ("composé pour lui en une nuit", d'après J.C. Petitfils) qui avait fait dépendre tous les autres de sa chambre pour ne laisser que celui-là
merci pour l'analyse de cette toile

Écrit par : pascalg | jeudi, 25 juillet 2013

Les commentaires sont fermés.