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mardi, 01 mars 2016

Un contemporain

Je viens de croiser sur une place de Lyon un homme d’une soixantaine d’années, les mains dans les poches, bien mis de sa personne – je veux dire qu’il ne ressemblait ni à une épave, qu’on appellerait par périphrase « un naufragé de la vie », ni à un cas psychiatrique dont on se méfierait.  Sa coupe de cheveux était nickel, sa gabardine marron tombait droit, ses mocassins étaient cirés, bref. Rien d’alarmant dans la tenue extérieure de ce spécimen d'homo sapiens post moderne.

Sauf que, de loin, je remarquai qu’il parlait seul. Tout seul !  Sans doute téléphonait-il, me dis-je, blasé depuis longtemps quant aux mœurs énigmatiques de mes contemporains. Quelque chose, pourtant, ne collait pas. Il parlait fort, c’est vrai. Et surtout, il ne se taisait jamais, comme s’il n’avait pas eu d’interlocuteur réel à l'autre bout du vide. Curieux.  Nous avancions l’un vers l’autre, encore quelques instants et nous nous croiserions. Je commençai à saisir quelques bribes de son soliloque.

J’entendis d’abord le nom d’Eddy Merckx, qu’il répétait d’un ton exalté. Il parlait de col de montagne, d’efforts, de poursuivants. Il avait l’air calme, heureux, de ne remarquer personne, et malgré son enthousiasme un peu vif dans la léthargie de la place, somme toute  normal. Dégagé de l'anxiété qui semble agiter tous les citadins à n'importe quelle heure de la journée. Son discours seul tranchait. Il parvenait à mon niveau. «  Et Poulidor remonte dans la roue du belge !», s'enchantait-il tout seul, comme s’il commentait le Tour de France. Discrètement, alors que nous nous croisions, j’essayai de voir s’il avait une oreillette. Mais non, décidément, non. Il parlait vraiment tout seul. Il commentait tout seul, plutôt. Le tour 1974. En 2016 !

C’est drôle, il ne me vint même pas à l’idée que ce bonhomme pût être fou. Ou anormal. Au contraire ! Je le suivis du regard jusqu'à ce qu’il disparût au coin de la rue piétonne, heureux et totalement déconnecté du temps présent.

Son originalité me parut formidablement contemporaine.

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18:41 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eddy merckx, poulidor, tour de france, soliloque | | |

jeudi, 17 juillet 2014

Les coureurs dans les vignes

Il y a bien, dans le Tour de France, le meilleur comme le pire.

Le pire, tout d’abord : cette caravane interminable qui balance sur les routes de France des tonnes de saloperies ; non, pas des fruits secs ou des biscuits bio, mais des chips emplies de sel et de gras et des haribos sucrés, par grappes sur les familles amassées le long des talus. Le Tour de France, comme la Coupe du Monde ou une campagne électorale, c’est avant tout une gigantesque opération de communication

Qui en contient d’autres, selon le principe des poupées gigognes. Celles des sponsors, des partenaires, des équipes, de la gendarmerie nationale, des médias, des coureurs eux-mêmes, bref … Chacun y communique qui pour sa chapelle, qui pour son maillot.L'objet publicitaire traîne partout, comme la carte de visite au salon du livre. 

Le côté spectaculaire de l’affaire, aussi, bigarré, festif et coloré. Certains diraient peut-être franchouillard ou beauf, je n’en sais rien. Dimension indéniable, le peuple  que les medias ont façonné au sortir des Trente Glorieuses, dans toute sa splendeur. Derrière tout cela, il y a les belles choses.

Quand la caravane est passée et qu’on attend les coureurs, cette route soudainement vide, telle un tapis sinueux parmi les vignes. Comme elle brille, silencieuse. On s’y balade à pieds ou en vélo, on y musarde en paix, on y goûte le silence et la sûreté comme au temps de l’avant Denis Papin. La route est libre, le moment est irréel, le silence reprend ses droits, plus une bagnole, c’est la fête aux lézards et aux lapins.

Les coureurs sont loin encore. Suivre le Tour, cela n’a de signification réelle que symbolique, car il faut avoir en tête que le cycliste est autant un individu affranchi que le membre assujetti d’une équipe. Et le peloton se vit comme une petite cité, une corporation, avec sa hiérarchisation presque féodale. On sent bien que tout exploit individuel ne peut survenir que de très loin, et que nul ne gagne contre cette étrange municipalité roulante.

Hier, il y avait pour finir la campagne beaujolaise.  Le Beaujolais, c’est le pays des vignes et des pierres dorées. C’est un beau coin de France, d’Odenas à Oingt, de Saint-Laurent à Chatillon, sinueux au vertical, par des chemins qui ne savent pas ce qu’est le plat, autant qu’à l’horizontal, à travers les coteaux où le raisin mûrit. Il faisait 35°, sur le pays. « Ça cogne aujourd’hui », disait jadis ma grand-mère, en plantant sur ses cheveux blancs un chapeau de paille, d’été en été plus esquinté. Puis nous allions cheminer par ces coteaux brûlants, jusque la rivière. Mais eux ne musardent pas. Ils ont une victoire d’étape, une place au classement, un rang à tenir, une prime et une augmentation en tête.

Le Tour est joli parce que la France est jolie : j’entends, cette France des paysages, cette France déconnectée des métropoles, du commerce, de la politique et des écrans. Cette France de la transmission. J’ai entendu une mère crier à son petit qui courait devant :  «Ça cogne, mets ton bob ! ». Et lui plongeait malicieusement sa main dans un sachet de haribos, pour en enfourner deux ou trois dans sa bouche.

Aujourd’hui encore, il y a eu des chutes, des abandons. Le Tour n’a de sens et de beauté que s’il est compris comme métaphore de la vie. J’ai appris aujourd’hui le décès d’un de mes anciens élèves. Il avait l’âge de ces coureurs, il s’est tué en vélo, paraît-il.  

Et puis la course se prolonge, se poursuit. Elle va se poursuivre au-delà de cette étape, au-delà de ce Tour 2014, avec son lot de consolations impossibles, de dépassement de soi, de renoncements  et de victoires. Au-delà de ces coureurs et de ces spectateurs. Un long fil ... Chanceux sont ces coureurs de le disputer,certes, ces spectateurs d’y participer à leur façon.  C’est ainsi que j’ai fini par lire le Tour, malgré sa caravane publicitaire, le grand show du village départ, les clips culturels de France-Télévision et la pauvreté des éléments de langage des commentateurs, de « satisfaire un besoin naturel » à « avoir des sensations dans les jambes»…A l'instant, les coureurs étaient dans les vignes.  Ils seront bientôt  dans les alpages. Un jour, ils ne seront plus. Nous non plus. Nous n'avons qu'un dossard. Comme le chantait Barbara, accrochée à son piano comme ceux-ci à leurs vélos, artiste jusqu'au bout des doigts comme eux, à leur façon, jusqu'au bout des pieds, l'important, c'est de bien faire son numéro.

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22:00 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : beaujolais, tour de france, cyclisme, littérature, barbara | | |

mercredi, 09 juillet 2014

Une aventure de Limousin

Le Limousin a donc changé de mains. C’est les députés qui en ont décidé ainsi, en votant hier en commission une nouvelle carte des régions.  Celle de l’idiot de l’Elysée qui, avec ses nouvelles lunettes, tente de ressembler à un idiot qui l’a précédé dans ce même palais (je vous laisse deviner lequel) avait été retoquée par le Sénat.  Ce qu’il y a d’absolu dans ce genre de décisions semble ne choquer aucun de nos braves républicains tout prêts à vouer l’absolutisme louis-quatorzien aux gémonies. Pauvre France.

A l’origine, l’initiative d’un baron rhônalpin au patronyme intestinal, qui souhaita annexer le vieux duché d’Auvergne (alors même que le nouvel hôtel du conseil régional – 85 millions d’euros – venait tout juste d’être livré – comme on dit avec si peu d’élégance dans le novlangue contemporain – à Clermont) On découpa donc pour le satisfaire le massif central en deux  de façon arbitraire. Mais que faire, dès lors, de ce malheureux Limousin ? Le relier au Centre ou à l’Aquitaine ? On retint donc la seconde solution au nom « d’un tropisme naturel vers l’Atlantique », ce qui nous ramène au XIe siècle et à l’empire des Plantagenets.

Pendant que les coureurs du tour de France vont traverser les régions, tous ces parlementaires vont donc poursuivre leurs blablas pour les redécouper au gré de leurs intérêts financiers, partisans ou politiciens. Rien d’absolu, me dira-t-on, que du très représentatif, n’est-ce pas ? Personnellement, si j’en avais encore les cuisses, je préférerais être un vaillant coureur du Tour qu’un de ces navrants députés. Les coureurs du Tour transportent avec leurs bécanes un peu de la magie de cette France éternelle, dont les députés se gargarisent en l’anesthésiant et la démembrant un peu plus chaque jour, de loi en loi, de décret en décret. Longeant fleuves et canaux, traversant bourgs et capitales, roulant sur des avenues ou des chemins de traverses, bien plus même que les footballeurs sur leurs artificielles pelouses [ de plus en plus déclassés malgré ce qu’on raconte dans la presse], ils donnent à vivre au territoire, et demeurent en ce sens héritiers d’une histoire. Ce que ne sont plus les politiques enlisés dans leurs éléments de langage foireux et leurs vues de l’esprit toujours en retard d’une locomotive.

Revenons aux régions.  Des sondages venus d’on ne sait d’où nous font croire que cette réforme serait une demande prioritaire des Français.  Ils auraient élu Moi Président pour cela. Résultat : C’est évidemment une aberration de séparer la Loire Atlantique de la Bretagne, comme de séparer l’Auvergne du Limousin.  Il semble que ni l’Histoire ni la géographie n’aient plus de sens face au diktat européen qui veut de grandes régions, organisées par des énarques zélés autant que bésiclés autour de grandes métropoles  économiques, comme on jette des bouses sur une carte. On vous découpe ça comme il n’y a pas si longtemps, on créa dans la brousse et la savane des états africains. Tant qu’on y est, pourquoi ne pas marier ce Limousin qui reste en rade avec la Corse et l’Alsace, puisque  les  électeurs s’y sont prononcés contre tout rattachement de leur région il y a tout juste un an  [référendum sur lequel, au passage, le très démocratique pingouin qui nous gouverne a posé son gros cul] ? Cela ferait un bel ensemble à colorier.

Tout ceci n’impressionne guère, certes, ni la Loire qui continue son cours, ni les Pyrénées qui dominent, ni la Beauce qui s’étend, ni les volcans d’Auvergne qui continuent, tels des dieux morts, de dormir. On comprend que l’homme de la rue, au fond de lui-même, s’en foute bien. Ces hommes désincarnés ne peuvent accoucher que d’un pays désincarné qui ne sera jamais le sien. Mais il risque d’être celui -et c’est toujours sur cela que comptent les imposteurs-, de ses enfants. C'est cela qu'on appelle réformer en novlangue, hélas...

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armoiries du Limousin - pub du café Sanka

 

lundi, 08 juillet 2013

Le coureur perdu

 A la lucidité de Thibaut Pinot

Le podium n’était pas son rêve. Le podium n’en était qu’un des éléments les plus tangibles. Et pas davantage les micros tendus des journalistes. Ni les files de spectateurs braillant le long des routes. Tout cela ne tenait que de l’apparent. Sur le Tour comme ailleurs, on passe son temps à chercher de quelle sienne réalité l’apparent s’est fait la brume.

On lui avait parlé très tôt du mythe : Le podium devenu triomphe. Les micros devenus gloire. Les longues échappées de solitaire, chevalier devenu son propre cheval. Le pays tout entier au bout des pédales, et les plaines, les forêts, les pavés, les cols, les églises. Quelque chose du Graal encore vivant dans ce cycle de fer. Rouler dans une histoire.

Il y avait aussi les grands devanciers, les pionniers. Pas de légendes sans quelques noms propres, grappillés au Parnasse des Grimpeurs. Des noms et des surnoms : l’indomptable. Le cannibale. Le pirate. Tout ça justifia ses premiers efforts, dans – c’est ainsi qu’on le répète niaisement devant la caméra – son « rêve de môme ». Vivre le plus longtemps possible dans ses tout premiers albums de bandes dessinées, quand la ligne est bien claire et la route droite, chacun à sa place,  le monde et le peloton enchantés.

Mais alors, quel était son rêve ?

Satisfaire quelqu’un qui vous sourit, comme quand on est petit et qu’on court vers lui. Gagner sa reconnaissance. Conquérir son amour. Mais ce quelqu’un, qu’il est difficile à rencontrer à présent dans la foule des passants qui, déjà, arpente son existence ! A moins que ce ne soit soi-même, à bâtir ? Ne pas trop se poser de questions sur la selle. Pas le lieu ni l’heure. Les questions sont des portes ouvertes sur le rêve. Et dans le rêve, on a beau être invincible, on ne gagne jamais. C’est dans le Réel qu’il faut placer ses efforts. Là qu’il faut pédaler. Discours d’entraîneur. Sensations physiques.

Surtout, il y a la France. Nul n’est prophète en son pays, songes-y. A l’heure de la mondialisation frénétique et du règne de l’Autre marchand, il est plus facile de gagner le Tour quand on vient d’ailleurs, et que le lieu n’est qu’un stade comme un autre, qu’on ne s’embarrasse pas de lui ni de soi en lui.

Il les a donc accomplis, ses efforts.  On ne pourra, ça au moins, jamais le lui retirer. Il a même joui de les faire. Il est passé si souvent par lui-même qu’il s’est dépassé. Et dans la rage, il s’est arraché. C’est même devenu un plaisir, une raison, un but, un moteur. Un métier ? Des mois, des ans que ça l’agrippe. Gagner.

La compétition entre en soi, peu à peu. Se forge. Il faut avoir aimé la victoire de quelqu’un et subi en vaincu humilié sa propre défaite, ou celle de ceux qu’on aime. Après, ça pousse tel un sortilège. C’est banal et douloureux, un sortilège. Tu t’alignes au clan, tu t’intègres, tu te fonds, jusqu’à tous les surpasser. Ils ont gagné, tu as les ailes qu’ils ont voulues. Mais tu les as vaincus, tu voles au-dessus d’eux.

Par bonheur, il y a l’équipe, qui laisse à penser que la loi de la compétition n’est pas non plus souveraine. Le cyclisme est un sport collectif, te l’a-t-on assez rabâché ! Pourtant tu te sens tout seul sur la ligne. Si seul ! Quand tu grimpes et qu’il faut redescendre.

La compétition, finalement, oui, pourquoi pas. Même si tu n’aimes pas les compétiteurs, tu accepteras d’en devenir un. Tu trouveras bien le moyen de faire comme si c’était une solution, et pas une fin en soi. Tu tenteras d’obéir à sa règle, veillant à ne pas te briser. Tu réaliseras ton rêve sans le fracasser, comme un moteur ardent. Il va falloir t’aimer dans cette nouvelle peau. Tu essayes. Eux, ils disent que tu grandis. Tu progresses. Graine de champion. Un espoir, qu’ils t’appellent. Tu te méfies de leurs mots. Des clichés, leurs mots. Des clichés qu’ils se repassent. Le monde des people t’effraie et te fascine. Ecraser les autres, après tout, ce n’est qu’un jeu. Demain c’est toi qu’ils écraseront. Leur loi. C’est toi ou eux, n’est-ce pas ? Mais quand enfin tu auras gagné, tes ailes intérieures auront fondu. Eux, ils auront vaincu.

Dans la chaleur qui fige tout, la nervosité qui t’ébranle, leur monde t’apparaît : ton rêve ? Leur rêve… Tout reste encore à surpasser. Les vrais cols sont à l’intérieur, il faudrait pédaler les yeux fermés, oui, ne plus voir. Ne plus les voir.

Car derrière ces meutes massées sur la route, il y a la bêtise humaine. Le grand show qui avala des millions de figurants et même les plus Grands. Même les plus grands s’y sont brûlés. Ils ne furent jamais des dieux, on t’a menti, petit. Que des gladiateurs. Des imbéciles.

Derrière ces micros tendus, il y  a le vide. C’est bouleversant, ce vide, bien plus que celui des falaises. Tu voudrais le remplir de tes mots, mais le vertige te gagne devant ces journalistes qui ne font que leur boulot en tendant leurs micros. Ils suent. Eux-aussi, des crédits par-dessus la tête. Leur ligne, c’est le scoop. Eux, tu ne les as jamais cherchés. Ils sont là, pourtant. Des falsificateurs. Des imbéciles.

Il y a ce président de la République à lunettes venu parader, gras, infatué de lui-même, comme les autres refait du cheveu et des dents, faux de la tête aux pieds. Il parle de Tour propre, ah ! ah ! Son sourire, une grimace. Vanité, ses paroles. Un politique qui veut baiser l’Histoire. L’Histoire le baisera comme les autres. C'est le plaisir des peuples de les regarder tomber, un à un. Un imposteur. Un imbécile.

Et puis l’argent, surtout. Celui que tu fais gagner à ceux qui te mentent, Ils parlent de te faire gagner des étapes, il ne s’agit que de leur faire gagner des millions. Des millions, en veux-tu ?

L’argent, bien sûr. Les sponsors sont les pires. Eux, les puissants. C’est ton sang qu’ils doperont. Ton propre sang vaut-il ce jeu ? La question que tu n’oses poser à personne. Surtout pas à toi-même. Loyauté en allée. Tu es minuscule dans leur jeu.

Ah, s’ils pouvaient voir, ton mépris, dans ta tête !

Mais voilà que ton mépris te casse. Et toi, qui es-tu ?

Tu perds à présent quelques secondes. Décroché, comme ils disent. Et si tu décrochais, pour de bon ? Pour voir ? Tu as encore tant de choses à comprendre. Les jambes sont encore là, certes. Mais la tête, diras-tu, n’y était plus. Tes coéquipiers ont passé le col sans t’attendre. La voiture de ton entraîneur aussi. Ce qui devait te sourire ne te sourit plus. Le doute te brûle : ce qu’il faudrait, c’est gagner dans le monde dont ils t’ont fait rêver, pas dans celui-ci, qui pue.

Oui, mais…

C’est bien là tout le sens de l’épreuve. Tu t’éprouves. Tu penses alors qu’il ne faudrait pas penser. Tu dévales à plus de 80 kms heures les pentes du col. Mais les trajectoires fusent, les réelles et les irréelles. Quand tu franchis la ligne, il est trop tard. Tu diras que ta déception est immense. Tu aimerais avoir le temps de comprendre toute la force, la vivacité, la nature de ce que tu as entrevu : comme si l’apparent n’était fait que d’illusoire. Il en faut peu pour devenir un coureur perdu. 

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Daussy - Le Tour de France, 1945

mardi, 02 juillet 2013

La beauté des paysages

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De mauvais esprits diront que le Tour de France commence aujourd’hui. Jusqu’ici, il n’a fait que barouder trois jours en Corse, pour quitter l’île de Beauté avec un maillot jaune aussi belge qu’inattendu, Jan Bakelants, dont c’est la première participation à la Grande Boucle. Derrière lui, 71 coureurs classés en embuscade à 1 seconde. Quand le profane voit ça, il se demande à quoi servent tous ces coups de pédales enchaînés les uns aux autres durant tant d’heures : la vie de cycliste est ingrate, croyez moi.

Celle de commentateur aussi. Cette année, pour cause de rétro-dopage, le service public a perdu Jalabert qui racontait parfois ses souvenirs ou donnait tel argument d’autorité sur tel ou tel point technique. En Corse, ses collègues n’ont fait qu’insister sur la beauté des paysages, l’Empereur et Tino Rossi, tandis que le peloton, après avoir laissé filer durant des heures une échappée, la rattrapait sans grande surprise au final. Avant et après l’étape, Gérard Holtz pose des questions toujours aussi stupides aux différents coureurs, genre : « Vous êtes heureux d’avoir gagné le maillot vert ? » ou « C’est pas trop dur d’avoir perdu l’étape ? », en donnant du Alberto, du Peter ou du Sylvain, comme un instituteur dans sa classe distribue parole, bons et mauvais points à la remise des copies.

Je ne sais pas pourquoi je trouve Pierre Rolland si niais lorsqu’il répond. Peut-être parce que ses propos n’ont vraiment aucun intérêt. Je ne vois que Ribéry pour faire pire, quand il vous explique que le foot, c’est que du bonheur. Tout à l’heure, Pierre Rolland disait qu’il était content d’avoir le maillot à poix sur les épaules. Dieu le garde ! Lui, il est toujours content de sa course et finit toujours par conclure qu’il fera encore mieux la prochaine fois. On a dû le briefer comme ça chez Europcar. D'un ton paternel, Gérard Holtz l'assure immanquablement qu’il est très heureux pour lui, avant de sauter sur Christopher ou Andy, qui passent à portée de micro. Quand Holtz commence à interviewer en anglais, c’est un grand moment de téléfranchouillarde. On sentirait presque que Danièle Gilbert n'est pas loin. Surtout quand celui qu’il interviewe est, par exemple, allemand ou italien. Il y a du Babel dans cet aimable baragouinage. C’est une des choses qui, dit-on, fait son charme.

Mais le Tour de France, on le disait au début, débute aujourd’hui. Dans l’étape de contre la montre par équipes, les Sky devraient « faire la différence », comme on dit, et Christopher prendre la tête du général. Oui, moi aussi, je fais mon Gérard. Non pas que je sois un fan des Britanniques, qui roulent comme des bulldozers, à la Lance (voyez ce que je veux dire. Le d…., c’est comme la corde au théâtre, paraît qu’il ne faut pas prononcer le mot.) Mais bon. On a beau leur préférer la Française des jeux par chauvinisme, à en croire les spécialistes, la messe est déjà dite.

En parlant de spécialiste, question Tour de France et petite reine, si vous voulez du sérieux, c’est par ICI 

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Groenheyde Albert, Cycle race

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dimanche, 15 juillet 2012

Rien de neuf sous un ciel hollandais

Rien de très mirobolant dans la vie politique, que du très ordinaire : remarquez, qu’attendre d’autre sous la griffe d’un «président » qui fit de la « normalité » son cheval de bataille ? Me demande comment la postérité jugera cette « séquence » de la vie politique française, durant laquelle la minorité votante qui fabrique, sous la coupe des medias, les gouvernants du pays, n’aspirait qu’à la normalité. C’est vrai que l’image de Hollande serrant la main de la reine d’Angleterre comme s’il était un vieux pote à elle était d’un tragiquement normal…

« Les Français sont, j’allais dire, comme moi.. », a susurré Hollande durant son allocution. Il se prend pour qui ce mec ? Etre normal, tout comme être élu, ce n’est pas se croire le centre de gravité du pays: Me sens Français, moi aussi, par exemple, et pas du tout comme lui…

Dans le même ordre d’idée, il va falloir que ce gouvernement fasse avaler aux quelques-uns qui gardent encore la tête sur les épaules que la normalité, ce n’est pas non plus le vote des immigrés, le mariage gay, et autre journaliste de Paris Match bombardée par le bon vouloir d’une seule alcôve première dame de France. Encore, s’il n’y avait que cela…

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Il va falloir faire comprendre aux 18 millions d’électeurs dits « de gauche », et qui firent le « sacre » de Monsieur Pommade que le socialisme, c’est aussi la complicité avec les patrons qui licencient, l’habile et sournois impôt pour financer les dettes souveraines, la médiocrité culturelle partout régnante, le règne de la marchandise, la langue de bois sur les valeurs et les discours les plus flous et les voeux pieux sur le reste... Ce soir, le président visite une galerie d'art en Avignon avant d'aller voir (se montrer)  Six personnages en quête d'auteur de Pirandello. Cherche-t-il à faire son Aubry ? Il parait qu'après l'armée, il souhaite en ce mois de juillet se préoccuper de la culture. Quand un socialiste (surtout normal) veut s'occuper de la culture, moi, franchement, je crains le pire. Bref, la vie mondaine et culturelle de François II est passionnante. Rien de neuf sous un ciel de Hollande.

Heureusement, remarquez que le changement n’est pas tout à fait maintenant : pour ce jour, reste le Tour de France et les Pyrénées, quatorzième étape, Limoux-Foix…

samedi, 30 juin 2012

Un temps où la race sonnait à travers un petit nombre de phonèmes exemplaires

 C’est bien que la France ait été éliminée de l’Euro. Comme ça, les Français vontroland barthes,tour de france,pierre giffard,littérature pouvoir se concentrer un peu sur leur véritable sport national, même s’ils n’ont pas pour l’instant un champion qui y excelle. Pierre Giffard (1853-1922), rédacteur en chef du tout premier magazine sportif, Le Vélo et inventeur de l’expression « la petite reine »  en fut le lointain inspirateur. Comme Maurice Garin, le premier gagnant du tour dont il est aussi question ICI, il portait de fort belles bacchantes.

Fut un temps (les coureurs qui s’engageront sur les route aujourd’hui n’étaient pas nés) la signification régnait partout, et Barthes déchiffrait le Tour comme une épopée. Barthes a écrit pas mal de conneries, exemple celle-ci : « Les noms des coureurs semblent pour la plupart venir d’un age ethnique très ancien, d’un temps où la race sonnait à travers un petit nombre de phonèmes exemplaires ». (1) C’est l’époque où Barthes lisait mal et trop Proust, et s’écoutait beaucoup réfléchir : « C’est dans la mesure où le Nom de coureur est à la fois nourriture  et ellipse qu’il forme la figure principale d’un véritable langage poétique » (1) Appréciez aussi : « Le coureur trouve dans la Nature un milieu animé avec lequel il entretient des échanges de nutrition et de sujétion ». (1) En fait, les véritables poètes du tour en ce temps là en étaient plutôt les chroniqueurs. Et si le Tour ne fut jamais une épopée, du moins fut-il l’un des premiers événements sportifs à intégrer le calendrier sportif qui structure désormais les sociétés comme jadis le calendrier religieux.

Ainsi, au temps des transistors Philips, plages, bords de lacs, de rivières et d’étangs de juillet résonnaient de leurs envolées plus ou moins vibrillonnantes selon le coup de pédale du coureur échappé. Ensuite, c’est la télé qui a pris le relai et nous eûmes droit aux prises de vue d'hélicoptères accompagnées de commentaires culturels sur le château de Madame de X que le peloton enrobe gracilement d’un oblique lacet ou le petit pâté aux grives qu’on déguste dans le restaurant devant lequel il se relance. Depuis, les grassouillets du bide peuvent -luxe suprême et pervers – s’échiner sur leur vélo d’appartement devant leur écran en suivant les leçons des successeurs de Robert Chapatte qui lisent leurs fiches. Le tour de France dans son salon. Encore une supériorité du vélo : essayez donc de vivre ça devant une finale de foot ou une descente de ski.  Finalement,  la petite reine porte bien son nom.

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Le Vélo, premier magazine de la presse sportive nationale

1 et 1 et 1 : Barthes, Mythologies, 1955, "le tour de France comme une épopée"

 

15:01 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : roland barthes, tour de france, pierre giffard, littérature | | |

samedi, 03 juillet 2010

Détail de juin

Encore un mois de passé en bonne compagnie. La publication des statistiques avait suscité le mois dernier un micro-débat. Publier ou ne pas publier ? La question ne me semble pas d'un intérêt majeur. Et si la publication des stats relevait d'une flemme insidieuse ? Je veux dire par là que ça fait toujours un billet par mois pas trop coûteux, ni en beau style, ni en originalité, ni en travail. Un couper/coller, et hop !

Pour couper court aux polémiques, la maison vous propose un compromis : des stats à moitié publiées, en quelque sorte. Puisque pour les lire, il faut taper sur "lire la suite". Sinon, s'abstenir.

On espère tous être encore là le mois prochain, cela dit. Ni grillés par la canicule, ni découragés par la crise, ni accablés par la paresse, ni complètement abrutis par la succession de nouvelles originales qui nous attend chaque jour : après une succession de matchs, une succession d'étapes, vous voyez ce que je veux dire.

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Une mauvaise nouvelle aujourd'hui, pour le monde du théâtre, j'ai envie de dire pour le vrai monde du vrai théâtre, c'est la mort de Laurent Terzieff. Il y avait chez ce comédien à la longue silhouette maigre quelque chose de déjà suranné quand il était jeune, et c'est cela qui fit toujours à mes yeux la rudesse de son charme et la qualité de son talent. Son articulation, impeccable également. A présent, les "comédiens", tout comme les gens de la rue, articulent de moins en moins. On m'a même dit, il y a peu, qu'il y avait quelque chose de factice dans l'articulation, qui contrariait le naturel du jeu. Le naturel du jeu... Enfin, bref.
 

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13:44 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : solko, laurent terzieff, tour de france, actualité, sports, stats | | |