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mercredi, 01 décembre 2010

Ce que la neige ramène aux hommes

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Louis Antoine BEYSSON (1856-1912)

Locomotive dans la neige

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18:14 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : peinture, neige, littérature, louis antoine beysson | | |

jeudi, 25 novembre 2010

Chronique de Zitrone et de Spinoza

 

Chronique de la colline (n° 14)

C’était hier le jour de la nèfle. Du moins, si l'on en croit le calendrier révolutionnaire du joyeux Fabre d’Eglantine, qui n'eut cours que de 1792 à 1806. Toujours selon le même calendrier, nous serions aujourd’hui exactement  le 5 de frimaire : ce qui entre en correspondance avec la vague de froid qui, comme le sussurrent en souriant les charmantes présentatrices de la météo, «s'abat,»,  «pénètre » et « s’installe » sur l’ensemble du pays depuis quelques jours. Foutre ! Selon les termes mêmes de la Convention nationale de l'époque, qui toujours se montra fort soucieuse de l'étymologie, ce mois-là tirait son nom du froid tantôt sec tantôt humide qui se fait sentir de novembre en décembre.

Wikipédia nous apprend fort doctement que, dans le Morvan, on appelle la nèfle  « cul de chien » ou encore « cul de singe », et qu’en Algérie, il n’est pas rare d’en trouver dans les faubourgs et les banlieues des grandes villes. C’est une grande chose que la vulgarisation de l'érudition qu'autorise cette précieuse encyclopédie en ligne. Grâce à elle, tout se sait, tout l’temps, même si tout aussitôt, tout s'oublie. Mon savoir sur les nèfles demeurait jusqu’à ce jour aussi nul que le score de l'Olympique Lyonnais  hier soir face à Schalke 04. Il le sera encore à nouveau demain, sans nul doute. Mais, comme aurait dit Gabin, l'acteur  au timbre inimitable, maintenant, je sais...

Entre autres anniversaires, nous fêtâmes hier la naissance de Spinoza (1632-1677) ; on raconte que pour gagner sa vie, l’auteur de l’Ethique fut contraint de tailler des lentilles optiques à l'usage des lunettes et microscopes. Cette curieuse rencontre, cette insolite réunion entre optique et éthique serait sans doute d’un grand secours aux dirigeants comme aux dirigés des temps que nous vivons, pour apprendre à reconsidérer le monde d'un oeil plus juste. Il faudrait en toucher deux mots au lyrique Premier Ministre qui, hier même, jour de la nèfle, prononça à l'Assemblée son discours de politique générale. 

En attendant, mentent les politiques de tous crins et se bercent d'illusions ceux qui les écoutent. Remarque, me disait hier mon cousin, qu'adviendrait-il si, tout à coup, les politiques se mettaient à dire la véritéTous ces débats viciés n'auraient plus lieu d'être. Le monde se dézinguerait, dans une gigantesque implosion. 

En attendant, plus que Spinoza, c’est bel et bien Michel Drucker qui engrange des succès de librairie. Michel Drucker fut durant plusieurs décennies l'infernal gendre idéal d'un peu tout le monde, lisait-on ça et là. Maintenant, même avec la chirurgie peu esthétique, comme Jeanne Moreau et Sylvie Vartan, il finit quand même par faire son âge, et c'est un bien. Gendre fané. Car pour se forger une idée de la responsabilité humaine, j’ai bien peur que le sympathique présentateur de Vivement dimanche demeure quelque peu insuffisant. Lui, et sa sympathique horde de suceurs et suceuses de micros. 

A Drucker et à ses minauderies sucrées-salées, il faut préférer la brusquerie franche de Léon Zitrone, qui eut l’étrange heur de naître et de mourir le même jour, un 25 novembre (1914-1995). Je conçois que ce brutal passage de Spinoza à Zitrone puisse à certains paraître rude. Comme je conçois que les plus jeunes de nos lecteurs puissent ignorer Zitrone, tout autant que Spinoza. Au nom de l’indéniable vocation pédagogique de ce blog, qu’ils sachent cependant que Spinoza fut à la philosophie ce que Zitrone  fut à la télévision avec ses commentaires capables d’accompagner tout autant l’enterrement d’un grand de ce monde, un concours de vachettes ou une course hippique dominicale une espèce de refondation, en plein âge d'or. Le classicisme absolu.

Un jour de mai 1959, le dix-neuf, je crois, Alexandre Vialatte - car c'est à la table de l'illustre chroniqueur des Trente Glorieuses qu'on finira toujours par se retrouver - écrivit pour son irremplaçable journal La Montagne « la chronique de la vache étonnée ». Passant du coq à l’âne (en l’occurrence du papillon à la vache) il reconduisait vers Jean Dubuffet, « poète, peintre et fakir tout à la fois » notre esprit, tel l'attention des cancres, toujours trop volage. Jean Dubuffet, qui fut un amant incarné de la vache, au point d'en dessiner des séries. Qui peut en dire autant ?

Du haut de ma modeste colline, par le carreau de ma fenêtre embuée, je la distingue, cette belle et brumeuse chaîne des Alpes, par l'évocation de laquelle s’achevait cette grandiose chronique du maître auvergnat.  Prenons de la hauteur avant de conclure : « L’auto nous montre la terre vide. Sauf d’autos. Et avec l’avion, il n’y a plus ni vaches ni papillons ; ni d’autos : il n’y a plus que les Alpes et des masses vertes. La terre est minéralogique. Dubuffet en ne la voyant que telle, la voit exactement comme elle est. » L’homme, achevait Vialatte, existe à peine. Il n’y a pas de quoi étonner la vache.

Voilà une pensée pénétrante, sur quoi méditer durant le jour. Une pensée pas pour des nèfles, en somme. A glisser dans son agenda, entre Zitrone et Spinoza.

Et c’est ainsi qu’Alexandre est grand.

 

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Dubuffet : Vache au nez subtil

 


mardi, 23 novembre 2010

Louis Carrand

 

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Louis Carrand, Chemin du vieux Collonges

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Louis Carrand, Travaux des champs

 

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Louis Carrand, Bordure d'étang

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18:43 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : lyon, peinture, louis carrand, collonges, école lyonnaise, béraud | | |

dimanche, 21 novembre 2010

Alors, Vernay pleura

 

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Le 10 juin 1909  L'Art Libre éditait  à Lyon la plaquette d'Henry Béraud titrée François Vernay et illustrée par le peintre Jacques Martin. Elle rassemblait plusieurs articles publiés du 6 au 26 janvier de la même année dans l'Express de Lyon. En exergue, cette simple citation ô combien virulente, ô combien amère de Degas : On nous fusille mais on fouille nos poches.

La plaquette  débutait par ces lignes devenues légendaires : « Vers l'année 1897 mourut à Lyon un vieil artiste besogneux. Il se nommait François Vernay. On sait de lui qu'il vécut et travailla dans l'indifférence de ses concitoyens et qu'après une existence de misères et d'avatars, il mourut pauvre, dédaigné, ignoré, à l'hôpital. J'entreprends de raconter l'histoire de ce gueux»

C'était pour Béraud le prétexte de présenter au public de l'époque ce peintre en passe d'être reconnu, et de régler son compte à l'élite municipale composée, derrière Herriot et Bach Sisley, d'une bourgeoisie aussi bedonnante que béotienne. Il faut dire que la figure de François Miel, dit Vernay (1821- 1896), avait été pour ces notables provinciaux le vivant emblème de la bohème la plus scandaleuse qui soit : celle qui, se dégageant de ce que Baudelaire appela un jour  le bagne de la peinture pour désigner la Fabrique de soie dévoreuse de talents de dessinateurs, était partie par les chemins des lumineux paysagistes à la conquête des sentiers et des bois environnants, de Crémieu à Morestel. En préface du catalogue que le Musée des Beaux-Arts consacra à François Vernay à l'occasion du centenaire de sa tragique disparition, Jean-Jacques Lerrant rappelle quelle place ce gueux occupa entre Carrand et Ravier. 

Car il y a trois Vernay, tous trois remarquables : le peintre de natures mortes, le paysagiste, et celui des derniers dessins.

Du premier, voici ce que dit J.J.Lerrant, on ne saurait dire plus juste : « Quelle grâce majestueuse dans la plus intime de ces natures qu'on ne consent pas à dire mortes tant elles regorgent de sucs ! L'écorce, l'épiderme, la pulpe y proclament leur harmonie avec les grès, les porcelaines, le cristal, le lin, et les riches tissus de soie en rideaux de théâtre pour la mise en scène de ces festins...» 

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Dans les paysages aussi se devine la trame d'un tissu : « Inspiré par les tissus, leur ordonnance, il en arrive dans la nature morte et surtout le paysage à une composition qui participe de la mise en carte ou de la mise en règle , lesquelles déterminent un style synthétique, une manière de simplifier par masses et par taches de couleur parfois indépendantes de la forme. »

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Le troisième Vernay, le plus personnel, est celui des ultimes dessins :  « Les mines s'y écrasent quand il rehausse d'ocre, de gris, de vert, d'orangé, à coups de pastel, de taches d'encre et de gouache, les enveloppes estompées et sommaires du fusain, en a dit Marius Mermillon en juin 1946. Bien différent du premier, un autre peintre naît alors en lui, car on ose à peine nommer dessins ces images massives et complètes, prises autrefois pour des ébauches. Elles sont des tableaux faits d'ombres que modèlent, ça et là, des traits de lumière. Ainsi Vernay imagine-t-il, comme une fable, une nature qui n'appartient qu'à lui.»

 

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Quelques réflexions de Vernay, retrouvées après sa mort :

- La lettre tue et l'esprit vivifie : l'on ne connaît jamais assez la lettre. Et l'on ne possède jamais assez l'esprit.

- Sincérité et vérité. S'attacher à être le plus vrai avec soi-même

- Ne donne rien au hasard, mais laisse au sentiment

- L'art ne peut et ne doit être que création

- Nature, création de Dieu. Art, création de l'homme.

 - Avec l'amour de la vérité, élevez-vous jusqu'à l'art pour convaincre

- La nature consent à donner des leçons, les ayant méritées

- Savoir faire bon accueil aux idées qui viennent quand il leur plaît

- Le mieux est l'ennemi du bien ; surtout, pas d'efforts inutiles.

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14:20 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : henri béraud, françois vernay, lyon, peinture | | |

samedi, 23 octobre 2010

Louis Cretey au musée des Beaux-Arts de Lyon

C’est une très bonne idée que le Musée des Beaux-Arts a eue de rendre justice à Louis Cretey, peintre méconnu. C’est le blog Des(illusions) qui avait attiré mon attention sur l’exposition. Et puis je me suis rappelé que j’avais reçu une invitation et je m’y suis donc rendu hier soir. Si depuis une vingtaine d’années, l’œuvre est lentement exhumée, on ne sait pas grand-chose de l'existence de son créateur, sinon qu’il est né entre 1630 et 1635, dans la paroisse de Saint-Pierre le Vieux à Lyon. C’est d’ailleurs par cette information que l’exposition du Palais Saint-Pierre accueille le visiteur, avant de lui  proposer la découverte progressive d’une soixantaine de tableaux rassemblés pour l’occasion. Il pénètre alors dans un univers oscillant entre la convention et le merveilleux, la scène de genre et l'invention, l'édification et le dépaysement.

La vie mondaine de Cretey s’est partagée entre des séjours à Lyon et des séjours à Rome où il serait mort après 1702. L’exposition réussit dans sa présentation à rendre compte de l’évolution du style du peintre, des très grandes toiles exposées dans les églises comme le Christ et les pèlerins d’Emmaüs ou la vision de Saint-Jérôme, à des tableaux aux dimensions plus raisonnables, conçus à l’attention des collectionneurs, comme ceux-ci ronds (Saint-Antoine ermite, Saint-Julien dans un paysage) ou octogonal (La Transfiguration).

J’ai quitté l’exposition en emportant avec moi cet effroi questionneur lu dans l’œil de ces personnages devant ce Dieu évidemment toujours hors-champ, toujours absent de la nature dans lequel ils naissent, vivent et meurent, et vers lequel toute leur chair est tournée.  Tableaux édifiants, certes, mais tableaux cependant troublants par leur façon de ne jamais montrer ce que désignent leurs mouvements et leurs lignes. Me demeure à l’esprit également ce traitement particulier que ce peintre eut de la couleur et des contrastes qu’il aménage, entre classicisme et naïveté (comment dire cela ?). Et je me souviens particulièrement des drapés miroitants des robes (bleue du Christ, rouge de Saint-Jérôme, blanche de Saint-Bruno).  Comment aussi ne pas s’étonner du traitement accordé à ces visages, visages déformés et qu’on dirait masqués, masques aux traits figés entre animalité et humanité et qui se bornent à n’être que des regards. Seul bémol : j'ai rencontré chez ce peintre un souci obsessionnel de la diagonale. Souci parfois lassant pour l’œil, mais qu’équilibre la présence dans de nombreux arrière-plans d’une nature foisonnante et ténébreuse, forêts aux troncs épais,  aux frondaisons sinueuses, ciels ardemment nuageux, et qu’on dirait presque déjà romantiques. Ces décors m’ont parfois entrainé dans des souvenirs de lecture hofmanniens, comme si ces personnages de Cretey qui peuplent ses scènes mythologiques ou religieuses,  saints, soldats, dieux ou héros, étaient nés d’un coup de crayon plus fantastique que classique : je pense à ces trois moines blancs comme des pierrots lunaires, à ces nombreux saints en arrêt devant la vision d’un sacré juste aussi mirobolant qu’effroyable.  Au centre de l’exposition, cette question digne de Magritte et ingénument  posée au visiteur : que représente ce tableau ? On y voit le corps dénudé d’une femme, donnant le sein à un corps monstrueux, tandis qu’au fond, quelque scène en effet énigmatique de sorcellerie se déroule. Le tableau eut de multiples titres et les organisateurs de l’exposition ont laissé un cahier auprès de cette Bacchante énigmatique pour recueillir vos suggestions :

 

Cretey-Scene-de-magie-noire.jpg

 

Louis Cretey n’est pas, certes, un peintre majeur.  En 1757, l’abbé Pernetti qui le trouvait « admirable dans le clair obscur et la composition », le disait par ailleurs «mauvais dans la justesse des formes et maniéré ». Cet entorse au classicisme aujourd’hui n’arrête plus l’esprit et j’ai trouvé dans son œuvre vite entrevue ce soir une unité, un cachet, un parfum.  Et puisque le musée des Beaux-Arts offre la possibilité de le connaître, on aurait tort de s’en priver. L’exposition reste en place jusqu’au 24 janvier 2011.

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 Louis Cretey, Saint-Jérôme

 

 

vendredi, 22 octobre 2010

Lugdun'hommes

Cette page s'enrichissant de mois en mois, elle est régulièrement reactualisée. 

 

Ecrivains, Poètes

·         Maurice Scève

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·         François Rabelais

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·         Pierre Dupont

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·         Clair Tisseur (Nizier du Puitspelu)

http://solko.hautetfort.com/archive/2007/06/15/clair-tiss...

·         Léon Boitel

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·         Auguste Bleton

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·         Paul Lintier

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·         Gabriel Chevallier

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/07/29/chemins-de...

·         Louis Calaferte

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/07/14/louis-cala...

·         Petrus Sambardier

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/07/22/petrus-sam...

·         Ecrivains de la fabrique

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/06/01/ecrivains-...

·         Baron Raverat

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/06/24/le-baron-r...

·    Roger Kowalski

http://solko.hautetfort.com/archive/2010/09/06/roger-kowa...


 

 

 Peintres, photographes

·         Auguste Ravier

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/05/02/francois-a...

·         Jean-Jacques de Boissieu

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/09/05/jean-jacqu...

·         François Miel dit Vernay

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/02/18/souvenirs-...

·         Pierre Combet-Descombes

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/09/27/l-usine-la...

·         Jules Sylvestre

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/06/04/jules-sylv...

·         Blanc & Demilly

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/07/28/blanc-demi...

·     Louis Cretey

http://solko.hautetfort.com/archive/2010/10/22/louis-cret...

 

 

Libraires, imprimeurs   

      ·  Jean Honoré 

       http://solko.hautetfort.com/archive/2010/08/31/fin-de-par...


 

Saltimbanques

·         Le Père Thomas

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/01/11/le-pere-th...

·         Le Père Coquillat

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/04/21/le-pere-co...

 

 

 

 

 

 

15:33 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lyon, littérature, peinture, société, culture | | |

lundi, 18 octobre 2010

Jacques Stella, Marie Madeleine et l'Hôtel-Dieu

6000 euros : La mise à prix initiale demeure encore modeste (de 3000 euros inférieure à l’estimation moyenne de ce tableau de petit format - 25,8 x 37,1cm). C’est, lit-on dans le catalogue, un marbre noir collé sur carton et monté sur châssis. Devant l'auditoire assis, on expose l’œuvre vieille de presque quatre siècles. L'écran plat de plusieurs  téléviseurs portent jusqu’au fond  ça et là son reflet.

Installé définitivement à Rome depuis 1623, le Lyonnais Jacques Stella avait d’abord séjourné à Florence quelques années.  Le temps d'y acquérir cette technique de peinture sur cuivre ou sur pierre, particulièrement sur marbre ou lapis. Depuis 1530, le peintre Sebastiano del Piombo en avait porté jusqu’à lui le secret : en déposant l’huile à même le marbre, une manière d’émerveiller le peuple qui rendait la peinture presque éternelle, tout comme la sculpture, les couleurs à peine séchées apparaissant de façon presque pétrifiée.

Dès son arrivée à Florence, Jacques Stella avait occupé une fonction vite d'importance auprès  du Grand Duc Come II, dont la cour faisait office de haut lieu de création de cette technique de peinture sur pierre. Une fois le peintre installé à Rome, sa production devint originale et variée. Les divers parents du pape Urbain VIII, ces Barberini mondains et tout-puissants qui protégeaient également Poussin, appréciaient tout particulièrement ces scènes vives et colorées où le maniérisme et le religieux faisaient cause commune. Jacques Stella peignit.

 

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La conversion de Marie Madeleine, donc. Marthe, déjà convertie et voilée, demeure laiteuse et pensive. Les deux coudes posés sur les  Ecritures, elle vient d'exhorter sa sœur Marie d’abandonner sa vie de débauche et de la suivre afin d’écouter la prédication du Christ. Assise sur un siège luxueux, la jeune convertie laisse un angelot qui ressemble à un amour la dévêtir de ses habits rouges de pécheresse. Sa chevelure blonde et bouclée court encore pour quelques temps sur ses épaules encore dénudées. Entre les deux femmes, les séductions désormais se refusent : telles des vanités, un peigne, un coffre à bijoux, une carafe, un verre de vin…

Les enchères galopent vite, d’autant que les téléphones tout soudain s’en mêlent. Du dix-septième à peine esquissé, nous revoici plongé à nouveau dans la frénésie marchande du vingt-et-unième siècle. Au-delà, déjà, de l’estimation maximale de 12 000 euros. Ce petit tableau était présent en 2007 à l’exposition du musée Saint-Pierre organisée pour les 350 ans de son créateur. Cela fait-il grimper la côte ? Hormis son nom (qui ne fut longtemps pour moi que celui d’un pauvre bar à la devanture en formica jaune), je me demande quel souvenir la rue Stella, qui n’est pas très loin du lieu de la vente, garda  pour le commun des mortels de ce peintre au visage émacié qui fut ami de Poussin. Quelle mémoire. Au fur et à mesure que grimpe la somme, dans un jeu de syllabes et de voltige qui étourdit l’assemblée assoupie, l’argent paraît devenir une instance agréablement désincarné, et ne posséder plus que l’importance des degrés qu’il faut enfiler quatre à quatre pour parvenir à la cime. Une formalité bien quelconque. Finalement, les voilà à 18 000… 19 000 … Le marteau tombera à 20 000. Il faudra y rajouter les 20% TTC.  Bel achat : la conversion aura finalement trouvé son juste prix. Ici et maintenant, par ici comme par là, tout se monnaye.

Je quitte l’hôtel des ventes, le cœur un peu pincé. Mes yeux se portent – comment pourrait-il en être autrement ? - sur le perron pierreux et sombre du vieil hôtel-Dieu, vidé de ses soignants, de ses malades, de ses lits, ses religieuses d'antan, dans l’attente d’un repreneur, pauvre, lui-aussi. Sa silhouette, seule dans la nuit, qui l’eût prédit ? Telle une âme sculptée dont la mémoire aura plus que jamais, au milieu du bazar, des soldes et des charognards de tous crins ,besoin de multiples et ardents veilleurs.

De cette conversion de Marie-Madeleine, si vite entrevue, si vite entraperçue sur la banquette en bois d’une salle des ventes, je me réconforte en me disant que nous sommes cependant quelques uns à avoir, pour rien, pour pas un sou, recueilli le meilleur. Un vent plus frais commence à se saisir de nous, siècle stupide qui ne méritons que l’hiver qui s'approche, et surprend la chair des quelques passants traînant encore en cette fin de dimanche entre les façades de la rue Marcel Rivière. Je songe soudain à quelque extrême proximité, inattendue et superbe comme si me frôlait un doux spectre, que les pierres de l'hôpital me confirment aussitôt dans leur radieuse et grise immobilité :  Cette rue, Jacques Stella en l'hiver de son temps aussi l'a empruntée, et dans ses pas pour regagner mon logis, je dépose les miens.

mardi, 05 octobre 2010

Démultiplicateur de progrès

On sait que la couleur n’est qu’une illusion d’optique. Que chaque couleur n’est qu’un amalgame d’intensités et de fréquences lumineuses captées par la fovéa et recomposées par le cerveau. On a beau se dire que la plupart des surfaces absorbent certaines longueurs d’ondes et ne réfléchissent que les autres, l’impression spontanée de couleurs posées vraiment là, sur chaque forme, cependant, demeure. Et cela, tout particulièrement l’automne. Car les couleurs, l’automne plus que toute autre, est leur saison.
Cela fait des années, pareillement, que je vois (contre ce que je sais) le soleil se lever, parvenir au zénith à midi « dans son char de feu » (de plus en plus pollué), puis le soir se glisser sous l’édredon tel un roi dans son Versailles vaporeux. A midi, il n’y a pas de réveil à cela, puisque mes yeux l’ont vu tourner. Mais revenons aux couleurs.

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Cette impression, donc, que la couleur est sur les objets comme une couche indélébile, impression confortée par des siècles d’illusion figurative, les impressionnistes l’ont, à leur façon, fait voler en éclat, le temps d’une création. Je regarde ainsi ce paysage automnal d’Auguste Ravier, une huile sur panneau, coucher de soleil sur l'étang, une œuvre modeste, comme on dit, et je songe qu’elle est néanmoins plus juste que ce que vit –ou crut voir – le peintre, qu’elle est certes comme un balbutiement de la rétine jetée sur le carton par un pinceau qui, du monde, ne sut guère plus que je n’en saurai jamais, mais que pourtant, de cet homme mort à moi qui le serai bientôt, elle transmet quelque chose de ce que nous étions, sommes, serons  : et si modeste soit-elle, elle multiplie à l’infini sa valeur.

Il est donc très clair que le peintre, comme le poète, s'il est démultiplicateur de progrès, ne l'est pour lui-même et quelques-uns, et par instants fugaces, par fragments, et jamais de manière acquise. Révélateur d'illusions, faudrait-il dire, et à ce titre seulement, démultiplicateur de progrès.

Progrès : terme que j'abhorre de plus en plus.

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mardi, 28 septembre 2010

Lazare, par Le Caravage

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Quel ordre !  Quel désordre, aussi. Quelle diagonale, que celle formée dans les ténèbres par le corps lumineux de Lazare. Entre la mort et la vie, telle l'expérience de chaque jour, notre lot. Lazare de Béthanie : Ce bras du Christ, rouge et tendu, cette injonction faite, vivre encore,  faite, et cette main qui paraît dire attends, attends encore, et puis ce flanc décharné, - mais attends quoi ? ces visages... : la toile, où l'orangé est fébrile et le noir intense, flambe . Marthe de Béthanie, séparée des hommes par le corps de son frère, si proche qu'on dirait de sa joue qu'elle s'apprête à le ranimer. Observez les deux soeurs, Marthe et Marie, la seconde au chef dénudé, occupant dans le tableau, cette même part, qu'en face le Christ...

00:05 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lazare, le caravage, peinture, culture, religion | | |