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mardi, 02 juin 2009

Ecrivains de la fabrique

J’ai découvert un peu par hasard, il y a une vingtaine d’années de cela qu’il avait existé à Lyon un ensemble de romans structurés autour de la fabrique de la soie, des années 1870 à 1930. Quand je dis par hasard, c’est en réalité en fouinant chez des bouquinistes. Et petit à petit, les écrivains lyonnais ont trouvé place en mes rayons. La plupart ne sont que pittoresques. Certains sont vraiment attachants. Quelques-uns furent des maîtres dans leur domaine. Je songe à Henri Béraud, bien sûr, mais aussi à Gabriel Chevallier, à Nizier du Puitpelu.

 Bernard Poche, qui avait déjà publié Lyon tel qu’il s’écrit (Presses universitaires de Lyon – 1990) propose chez Permezel (un éditeur courageux que je salue au passage) un « Dictionnaire bio-bibliographique des écrivains lyonnais – 1880-1940) : l’universitaire y a recensé plus de trois cents noms d’écrivains ayant, de 1880 à 1940 entretenus avec Lyon « un rapport significatif ». Parmi eux, ceux que j’appelle les écrivains de la fabrique, qui composèrent un jour un roman de mœurs, de sentiments  ou de caractère ayant pour siège une maison de soierie, et participèrent ainsi à un témoignage entre réalisme littéraire et journalisme sociologique sur le Lyon de la Belle Epoque. Poche a retrouvé aussi la trace de nombreux poètes ou nouvellistes, conteurs et chroniqueurs. L’ouvrage a le mérite de rappeler la ferme volonté de décentralisation intellectuelle qui, jusqu’à 1940, a présidé dans l’esprit de plusieurs générations d’écrivains lyonnais. Le seul reproche qu’on lui pourrait faire, c’est que la recherche bibliographique a souvent pris le pas sur celle, biographique : sans doute parce que la première est plus simple à réaliser que la seconde, le monde et son labyrinthe étant plus vaste et hasardeux qu’une bibliothèque et ses rayons. Et que nombreux sont, parmi ces auteurs, ceux qui disparurent ou sombrèrent dans l’anonymat.

Je recopie une notice qui a tout particulièrement attiré mon attention, parce qu’elle est particulièrement emblématique, peut-être, et que j’ignorais tout de cet écrivain  :

« BARDOT Henri (Lyon  …- ….)

La totale ignorance dans laquelle on est de la vie d’Henri Bardot est d’autant plus surprenante que L’Autre Rive publié en 1917 mais qui reflète une certaine ambiance du Lyon des dernières années de l’avant-guerre, est peut-être l’expression la plus achevée du roman lyonnais de cette période et figure très honorablement à côté des œuvres antérieures d’Esquirol, d’Hennezel et de Rogniat. Les quelques échos que l’on recueille à son sujet laissent entendre qu’après la guerre il avait sombré dans la bohême et l’alcoolisme : l’amère misogynie de l’essai qu’il publie en 1920 se rattache aisément au pessimisme de son roman. Ses projets ultérieurs ( "pour paraître prochainement ») n’ont évidemment pas abouti. Aucune trace ne semble, apparemment, demeurer de ce naufrage. 

L’Autre rive, P.Jouve, 1917 ; L’art de mal vivre et de bien mourir, ou maximes sans prétention suivies de quelques histoires également profitables, par Henri BARDOT, lyonnais, ill. Combet-Descombes, Ed de la Revue Fédéraliste, Trévoux, imp. Jeannin, 1920 »

 

Et je cite quelques patronymes (ou pseudonymes) de ces illustres oubliés, outre les maîtres que furent Clair Tisseur, Vingtrinier, Béraud ou Chevallier :

Alexandre Arnoux, Louis Aurenche, Emile Baumann (admirateur et ami de Léon Bloy, auteur de très beaux Mémoires), André Billy, Auguste Bleton (pour plaire à Marcel Rivière), Magali Cabanes (auteure d'un joli Masque de Lyon), Georges Champeaux (dont j'ai déjà beaucoup parlé pour le roman d'un vieux groléen), David Cigalier, Henry Clos-Jouve, Max André Dazergues (un pur Delly de Lyon !!!) , Jean Dufourt ( et son Calixte), Charles Fenestrier (co-singataire, avec Béraud, des Marrons de Lyon), Albert Giuliani, Marcel Grancher (qui mit en selle Frédéric Dard et son San Antonio et écrivit avec La Soierie se meurt un bouleversant témoignage de la faillite de Lyon en 1930), Henri d’Hennezel, Charles Joannin (pour Périssoud, militant lyonnais), Joseph Jolinon (voir mes billets sur trois de ses romans dans la rubrique : la bibliothèque est en feu), monseigneur Lavarenne (spécaliste de Guignol), Claude Le Marguet (pour Myrelingues la Brumeuse), Edmond Locard, Amédée Matagrin,  Louis Pize (poète injustement oublié), Xavier Privas (prince des chansonniers), Léon Riotor (Léon de Lyon),  Pierre Scize, Louisa Sieffert (une poétesse elle aussi injustement oubliée), Joséphin Soulary, Tancrède de Visan (Sous le signe du Lion) … 

 

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Illustration de couverture :
salle de lecture du lycée Ampère à Lyon

20:42 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : bernard poche, permezel, littérature, romans, lyon, écrivains lyonnais | | |

Commentaires

Magnifique ribambelle des "illustres oubliés", on a ainsi envie de tous les lire, merci Solko. Je commencerais bien par "Masque de Lyon"...

Écrit par : Sophie L.L | mardi, 02 juin 2009

Vous tombez à pic, avec Xavier Privas ! Et je vous remercie pour cette belle allusion à monsieur Josse.
Jusqu'au revoir !

Écrit par : Marcel Riviere | mardi, 02 juin 2009

@ Sophie : Le Masque de Lyon (Mag Cabanes), petit livre publié "Au Pigeonnier" à Saint-Félicien-en Vivarais (Sophie, vous avez du goût !) en 1933. Ecrit en décembre 1926. 183 pages. XX chapitres très exactement. Elle commence par dénoncer Stendhal qui a créé la légende de Lyon, ville où l'on s'ennuie, ville aux brouillards épais, ville laide et morte, pour inviter un promeneur parisien à se promener dans les quartiers de l'époque. Beyle, dit-elle,, n'a rien vu, rien compris, rien senti, aveuglé par sa vanité au charme rêveur de cette ville... Ce qui est drôle, c'est que cette femme n'est pas lyonnaise du tout. Pas lyonnaise, mais niçoise. On ne sait pourquoi, dit Bernard Poche, elle est venue de la côte jusqu'à Lyon. Gabriel Chevallier (l'auteur de "Clochemerle", vous connaissez, n'est-ce pas ?) lui consacre un éloge dythyrambique en la comparant à Louise Labé, rien de moins. Magali Cabanes est morte à Paris en 1963. Voilà.

Écrit par : solko | mardi, 02 juin 2009

@ Marcel Riviere : Monsieur Josse finira bien par tous nous enterrer, vous le savez bien. Nous sommes de petits arpenteurs de rues, de quais et de ponts, aux côtés de cet infatigable promeneur, joailler autant que marcheur devant l'Eternel ... Nous ne faisons que poser de pauvres pieds dans ses traces endiamantées, vous comme moi, grâce soit rendue à Auguste Bleton !
Jusqu'au revoir également !

Écrit par : solko | mardi, 02 juin 2009

Marcel Grancher a publié une quantité invraisemblable de romans bon marché, toute la série des "Charcutiers", notamment, qu'il y avait chez mes parents. J'en ai lu quelques-uns adolescente, mais sortis de leur contexte, je les ai rapidement trouvés monotones. Tout ceci est intéressant, mais très vieux. Max André Dazergues, aussi, cela me dit quelque chose...

Écrit par : S Jobert | mardi, 02 juin 2009

Des illustrations de Combet-Descombes, cela doit être joli, n'est-ce pas ?

Écrit par : Nénette | mardi, 02 juin 2009

@ Nenette :
Enfin quelqu'un qui me parle de Henri Bardot ! Le problème, c'est que je n'ai pas ce livre : je n'ai fait que recopier la notice de Bernard Poche.
Mais je suppose en effet que si les illustrations sont de Combet Descombes, le Combet Descombes de 1917, celui qui peignait la façade de Saint-Jean, ça ne doit pas être laid en effet.
Merci de votre commentaire de connaisseuse.

Écrit par : solko | mardi, 02 juin 2009

@ S.Jobert :
Les Charcutiers.... Je n'en ai pas lu un seul. Je ne connais de cet auteur que les écrits autobiographiques, pâles imitations de Béraud, sans réel intérêt, franchement. Mais je conseille à tout le monde, si vous le rencontrez sur les quais, "La soierie meurt", une enquête superbe publiée en 1933, dans lequel il interroge toutes sortes de gens, rue Royale, place Tolozan, dans les bistrots et les ateliers qui ferment, alors, un à un. Très peu de gens aujourd'hui savent que Lyon a connu une faillite, à cause de la fin de la soie, dans le même genre que la fermeture des corons dans le Nord en 1980-1990, tout simplement parce qu'en 1930, elle ne fut pas médiatisée. Le couloir de la pétrochimie fait à la va-vite, ça vient de là...
Merci à vous

Écrit par : solko | mardi, 02 juin 2009

Trouvé sur les quais, de Grancher, un livre de souvenir bizarrement imprimé sur du papier de mauvaises qualité (sans doute à cause de la guerre) qui se nomme "reflets sur le rhône". Bradé 5 euros. J'ai acheté. Cela n'a pas l'air terrible, mais ce papier de plusieurs couleurs est très étonnant !

Écrit par : s.Jobert | vendredi, 31 juillet 2009

@ S Jobert : Je crois voir à quel type de papier vous faites allusion. C'est de la récup, oui. Même problème avec le papier-monnaie, d'ailleurs, et un billet de 1942, qui n'est pas resté fort longtemps en circulation.
"Reflets sur le Rhône" est en effet un livre de souvenirs où sont repris des anecdotes de "Lyon de mon cœur". Je n'ai lu (il y a longtemps) que ces deux-là. A mon sens, ça ne dépasse pas le gratouillis sur la page du journaliste pressé... Mais en temps que document, ça peut avoir un intérêt.

Écrit par : solko | vendredi, 31 juillet 2009

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