lundi, 02 juin 2008
Jules Sylvestre
La bibliothèque municipale de la Part Dieu a mis en ligne quelques-unes de ses collections patrimoniales et régionales : soit 30 000 images « prêtes à voir », issues de plusieurs fonds anciens et régionaux d'estampes, d'affiches, de photographies, ou d'enluminures de toutes sortes...). Parmi elles se trouve le fond Jules Sylvestre, qui se compose d’environ 4500 vues concernant Lyon et Villeurbanne, durant une période qui s'étend de 1850 à 1950.
Photographe lyonnais né en octobre 1859, Jules Sylvestre avait ouvert en 1892 un atelier photographique au 23 cours de la Liberté, qui émigra six ans plus tard non loin de là, au 2 rue de Bonnel.
Dès le tournant du siècle, il fut, contacté par la Commission municipale du Vieux-Lyon, composée d'une vingtaine de bibliophiles et d’érudits lyonnais, afin de les aider à conserver « par l’image et la description » le souvenir des maisons, monuments et quartiers artistiques appelés à disparaître en raison du remaniement industriel subi par la cité. En parcourant du regard les vues ainsi mises en ligne, on peut ainsi aisément se rendre compte du bouleversement considérable que représentèrent les grands travaux d’urbanisme effectués à partir du Second Empire et réalisés à la mode hoffmannienne, sous l’impulsion du tout-puissant et impérial préfet d'alors, Claude Marius Vaïsse : d'un côté surgissent à nouveau les anciens édifices promis à la démolition, d'un autre on voit s’élever les nouveaux, en construction.
Et d’un siècle à l’autre, Lyon tourne ses pages.
Au risque de rompre avec ses traditions, la bonne société de l'époque accepta ce remodelage du paysage au nom de la Sainte Trinité de l'Ordre bourgeois devenu républicain : Hygiénisme, modernisme, sécurité. Comme ses grands frères parisiens, les grands travaux lyonnais furent pour elle une source inespérée de spéculation, d'autant plus inespérée qu'ils n'étaient alors pas légions, ceux qui pouvaient grâce à eux prétendre s'enrichir et fonder dynastie.
A la cité, les grands travaux que Jules Sylvestre fige obstinément dans le spectre d'un vaporeux noir et blanc conférèrent donc le visage que l'élite financière et politique de la ville, en parfait accord avec l'Etat central, lui avait rapidement profilé ; dès lors le vieux quartier Grolée (Cordeliers), entièrement retapé, offrit peu à peu l'immense avantage de concentrer tout ce que l'Empire puis la République avaient produit de plus clinquant : côte à côte, les cousins provinciaux d'un Madame et Monsieur Zola en promenade dominicale purent en effet y rencontrer Le Bonheur des Dames (Galeries Lafayette, Grand Bazar), L'Argent (Le Palais du Commerce), Le Ventre de Paris (Les Halles). Les immeubles de la Rue de la Ré', dont la construction fut un bel exemple de Curée, concentraient en leurs étages tout ce que Pot-Bouille a de plus pervers et de plus raffiné, tandis qu'entre deux magasins et face à une bourse dejà bling-bling, la vieille église Saint-Bonaventure, en son enclos obscur, recevait les dernières vapeurs phtisiques du Rêve. Drôle d'époque !
« La ville, écrit Joseph Bard, un chroniqueur de la Revue du Lyonnais, est comme un jeune homme qui aborde un ordre d'idées avec d'autant plus d'impétuosité qu'il n'y était pas préparé et, du jour de son émancipation, ne connait plus de limites : Et on appelle tout ce tumulte d’alignements inconnus, tous ces changements de décoration à vue, embellissement, assainissement, magnificence. Oui, l’air et la lumière inonderont la rue Centrale ; mais, dans nos villes méridionales, les rues larges offrent l’inconvénient d’être exposées sans défense aux bourrasques de l’arrière-saison et aux ardents soleils du soleil d’été. Ces grandes voies droites sont commodes, belles même, mais monotones et froides. Et à quel prix les obtenons-nous, au prix du caractère historique de la cité, de ses mœurs conservées, de son type, de son esprit public, de sa nationalité. Oui, encore un coup, la civilisation croulera à pleins bords dans cette rue ; mais je crains bien, moi, que la barbarie ne trouve, pour envahir la métropole lyonnaise, les mêmes facilités que la civilisation ; je crains bien que le charlatanisme, la rouerie, l’égoïsme de Paris ne fassent plus vite irruption, et n’achèvent de ruiner la physionomie locale »
Le photographe demeure aux aguets devant les moindres détails architecturaux, tels que niches, portes, escaliers, ferronneries, impostes, vieilles enseignes ou éléments de sculptures des vieux quartiers exposés aux dangers de la mutilation. En marge des monuments, comme toujours, il y a les événements : Sylvestre gagna la notoriété en immortalisant les différents palais et stands installés dans l'enceinte du parc de la Tête-d'Or lors de l'Exposition Universelle de 1894, et fut à même de saisir les tout derniers instants du Sarkozy de l'époque, Sadi Carnot, poignardé non loin du Palais du Commerce, alors qu'il se rendait à l'Opéra par l'anarchiste Santo Caserio, le 25 juin.
La bibliothèque municipale de la Part Dieu a mis en ligne quelques-unes de ses collections patrimoniales et régionales : soit 30 000 images « prêtes à voir », issues de plusieurs fonds anciens et régionaux d'estampes, d'affiches, de photographies, ou d'enluminures de toutes sortes...). Parmi elles se trouve le fonds Jules Sylvestre, qui se compose d’environ 4500 vues concernant Lyon et Villeurbanne, durant une période qui s'étend de 1850 à 1950.
Photographe lyonnais né en octobre 1859, Jules Sylvestre avait ouvert en 1892 un atelier photographique au 23 cours de la Liberté, qui émigra six ans plus tard non loin de là, au 2 rue de Bonnel. Dès le tournant du siècle, il fut, contacté par la Commission municipale du Vieux-Lyon, composée d'une vingtaine de bibliophiles et d’érudits lyonnais, afin de les aider à conserver « par l’image et la description » le souvenir des maisons, monuments et quartiers artistiques appelés à disparaître en raison du remaniement industriel subi par la cité. En parcourant du regard les vues ainsi mises en ligne, on peut ainsi aisément se rendre compte du bouleversement considérable que représentèrent les grands travaux d’urbanisme effectués à partir du Second Empire et réalisés à la mode hoffmannienne, sous l’impulsion du tout-puissant et impérial préfet d'alors, Claude Marius Vaïsse : d'un côté surgissent à nouveau les anciens édifices promis à la démolition, d'un autre on voit s’élèver les nouveaux, en construction. Et d’un siècle à l’autre, Lyon tourne ses pages. Au risque de rompre avec ses traditions, la bonne société de l'époque accepta ce remodelage du paysage au nom de la Sainte Trinité de l'Ordre bourgeois devenu républicain : Hygiénisme, modernisme, sécurité. Comme ses grands frères parisiens, les grands travaux lyonnais furent pour elle une source inespérée de spéculation, d'autant plus inespérée qu'ils n'étaient alors pas légions, ceux qui pouvaient grâce à eux prétendre s'enrichir et fonder dynastie. A la cité, les grands travaux que Jules Sylvestre fige obstinément dans le spectre d'un vaporeux noir et blanc conférèrent donc le visage que l'élite financière et politique de la ville, en parfait accord avec l'Etat central, lui avait rapidement profilé ; dès lors le vieux quartier Grolée (Cordeliers), entièrement retapé, offrit peu à peu l'immense avantage de concentrer tout ce que l'Empire puis la République avaient produit de plus clinquant : côte à côte, les cousins provinciaux d'un Madame et Monsieur Zola en promenade dominicale purent en effet y rencontrer Le Bonheur des Dames (Galeries Lafayette, Grand Bazar), L'Argent (Le Palais du Commerce), Le Ventre de Paris (Les Halles). Les immeubles de la Rue de la Ré', dont la construction fut un bel exemple de Curée, concentraient en leurs étages tout ce que Pot-Bouille a de plus pervers et de plus raffiné, tandis qu'entre deux magasins et face à une bourse dejà bling-bling, la vieille église Saint-Bonaventure, en son enclos obscur, recevait les dernières vapeurs phtisiques du Rêve. Drôle d'époque ! "La ville, écrit Joseph Bard, un chroniqueur de la Revue du Lyonnais, est comme un jeune homme qui aborde un ordre d'idées avec d'autant plus d'impétuosité qu'il n'y était pas préparé et, du jour de son émancipation, ne connait plus de limites : « Et on appelle tout ce tumulte d’alignements inconnus, tous ces changements de décoration à vue, embellissement, assainissement, magnificence. Oui, l’air et la lumière inonderont la rue Centrale ; mais, dans nos villes méridionales, les rues larges offrent l’inconvénient d’être exposées sans défense aux bourrasques de l’arrière-saison et aux ardents soleils du soleil d’été. Ces grandes voies droites sont commodes, belles même, mais monotones et froides. Et à quel prix les obtenons-nous, au prix du caractère historique de la cité, de ses mœurs conservées, de son type, de son esprit public, de sa nationalité. Oui, encore un coup, la civilisation croulera à pleins bords dans cette rue ; mais je crains bien, moi, que la barbarie ne trouve, pour envahir la métropole lyonnaise, les mêmes facilités que la civilisation ; je crains bien que le charlatanisme, la rouerie, l’égoïsme de Paris ne fassent plus vite irruption, et n’achèvent de ruiner la physionomie locale » Le photographe demeure aux aguets devant les moindres détails architecturaux, tels que niches, portes, escaliers, ferronneries, impostes, vieilles enseignes ou éléments de sculptures des vieux quartiers exposés aux dangers de la mutilation. En marge des monuments, comme toujours, il y a les événements : Sylvestre gagna la notoriété en immortalisant les différents palais et stands installés dans l'enceinte du parc de la Tête-d'Or lors de l'Exposition Universelle de 1894, et fut à même de saisir les tout derniers instants du Sarkozy de l'époque, Sadi Carnot, poignardé ( signe de la Providence ?) non loin du Palais du Commerce, alors qu'il se rendait à l'Opéra par l'anarchiste Santo Caserio, le 25 juin.
08:52 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, culture, lyon, jules sylvestre, vieux lyon |
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